A. Montebourg propose, sans sortir de l’UE, un « référendum de souveraineté » s’il accède à l’Elysée
UNE QUESTION A ARNAUD MONTEBOURG: FACE A L’U.E., AVEZ-VOUS UN COUP D’AVANCE, MONSIEUR MONTEBOURG ? – Par Georges Gastaud (PRCF)
« PRODUIRE EN FRANCE »? BIENVENUE AU CLUB M. MONTEBOURG!
Ex-pourfendeur attitré du défunt Chirac et ex-ministre remuant de Hollande, M. Arnaud Montebourg se propose, s’il est élu président (si…), de relancer le produire en France*. Nous n’avons pas besoin d’approuver cet objectif car dès la fin des années 1990, donc très en amont du ministère Montebourg des années 2012 et suivantes, le PRCF fut le premier à relancer cette bataille essentielle, jadis portée par Georges Marchais, puis reniée par le PCF euro-recyclé de Robert Hue et de ses successeurs euro-« communistes ». Nous placardâmes alors des milliers d’affiches et d’affichettes ainsi libellées: »Oui, il faut produire en France et réindustrialiser notre pays ».
Disant cela, le PRCF se situait et se situe toujours dans la droite ligne de la « bataille de la production » que mena le PCF en 1945 à l’initiative de Maurice Thorez. Il s’agissait alors de reconstruire le pays, détruit par quatre ans d’occupation et de pétainisme, et de sauver le peuple français de la dénutrition de masse qui menaçait. Dans le même temps, les ministres communistes obtenaient de haute lutte – Jacques Duclos présidant alors l’Assemblée nationale – la nationalisation de Renault, de la SNECMA (aviation), des Houillères, de l’énergie (création d’EDF-GDF), la création des statuts du mineur et du fonctionnaire, la généralisation des conventions collectives, la Sécurité sociale, les retraites par répartition, la mise en place d’un Code du travail protecteur, tandis que le grand physicien communiste Frédéric Joliot-Curie organisait le CEA, mettant en place la première pile atomique à usage civil de l’histoire…
Mais comment M. Montebourg compte-t-il s’y prendre pour parvenir à cet objectif de relance industrielle tout-à-fait vital pour la classe ouvrière de France (qu’elle soit française ou immigrée), pour les ingénieurs productifs de notre pays, pour la balance commerciale de notre pays, pour le financement de ses services publics, pour la sauvegarde de la protection sociale et pour le désendettement de l’Etat ?
« ACTE DE SUPREMATIE » CONTRE « DELITEMENT FRANCAIS »?
Il propose ce que nous appellerons, pour faire simple, un « acte de suprématie »: en clair, un référendum par lequel, en votant oui, le peuple français déclarerait haut et fort que désormais, les lois françaises l’emporteraient sur les directives européennes. On sait en effet qu’aujourd’hui, 80% de la législation produite (en apparence) par nos verbeux et passablement décoratifs députés, n’est en réalité qu’une traduction en français des « lois européennes » édictées par une Commission européenne. Une Commission plus que sensible aux coups de semonce de Berlin, aux froncements de sourcils de Washington… et à l’influençage systémique des transnationales! A l’issue de ce référendum de souveraineté, la France mettrait fin, croit peut-être sincèrement M. Montebourg, à l’arrêt proprement félon des neuf (9!) « Sages » du Conseil constitutionnel qui, dans le dos du peuple français non consulté, ont déclaré les directives européennes supérieures juridiquement à la constitution et aux lois françaises elles-mêmes, ce qui fait que ledit Conseil qui, sous la présidence de Fabius, valide sans sourciller toutes les lois antisociales pondues par les députés LR, « socialistes » ou macronistes – s’est auto-dispensé de contrôler à l’avenir la constitutionnalité des lois « françaises » (rappelons-le: 80% d’entre elles!) qui ne sont que des traductions en français des lois européennes. De la sorte, sans que personne ne s’en avise, le peuple français qui a cru voter contre la constitution européenne en 2005 (mais il a eu droit en réalité au Traité de Lisbonne qui n’en est que le résumé et qu’ont voté les parlementaires félons du PS et de la droite en 2007), n’a plus, de fait, de véritable constitution. Il est donc proprement « dé-constitué/destitué » et tend à redevenir un « agrégat de peuples inconstitués » comme il l’était avant 1789 aux dires d’un révolutionnaire français, l’abbé Grégoire: telle est la source profonde de ce sentiment, partagé désormais par 74% des Français (comme l’a récemment rappelé le politiste Jérôme Sainte-Marie, directeur de l’Institut Polling Vox), que la France « décline », voire « se délite ».
LES TRAITES EUROPEENS, DES « TRAITES INEGAUX » CARACTERISES !
Notons aussi, pour bien situer le propos de Montebourg, que, dans le même temps que « notre » Conseil constitutionnel félon, où se retrouvent, grassement rémunérés sinon impartiaux, tous les ex-présidents de la République pro-Maastricht (notamment à l’époque Valéry Giscard d’Estaing, père du Traité constitutionnel européen…) destituait d’un trait de plume le peuple français de sa souveraineté (voire de son existence, ou du moins de sa consistance juridique), le Parlement britannique s’ouvrait la possibilité du Brexit en proclamant la suprématie des lois britanniques sur les directives européennes. Quant à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, elle a fait de même en Allemagne de manière à ouvrir à l’impérialisme allemand toutes les options possibles (rester dans l’UE tant qu’elle est grossièrement favorable aux monopoles d’outre-Rhin, ainsi que le dispositif de domination monétaire calé sur le Mark et surnommé l' »euro », mais aussi pouvoir en sortir au besoin si les « lois » européennes devenaient moins favorables à la RFA: si je gagne, je gagne, si je perds, « ça ne vaut pas! »). Bref, depuis ces trois décisions concomitantes, qui démontrent à quel point l’oligarchie « française » est championne d’Europe de l’autophobie nationale de classe, les traités européens sont devenus, non seulement en fait mais en droit, ce que l’on appelait jadis des « traités inégaux » puisqu’ils n’obligent pas à égalité les parties contractantes. Nous avons analysé mille fois ailleurs pour quelles sordides raisons de classe internes et externes au pays, l’élite politico-médiatico-économique française, ce que nous nommons le « Parti Maastrichtien Unique » (ce PMU toujours perdant pour le peuple qui mêle la droite LR, les « socialistes », les euro-« écolos » à la Jadot, l’extrême droite des Le Pen, Dupont-Aignan et autre Zemmour ralliée à l’euro et à Schengen, et les flancs-gardes euro-« communistes » du PCF systématiquement alliés au PS à toutes les élections locales, départementales, régionales et législatives) et nous n’y reviendrons pas dans le cadre du présent article.
UNE STRATEGIE « A UN COUP » N’EST PAS UNE STRATEGIE !
En tout cas, nous ne pouvons que féliciter M. Montebourg pour sa brillante idée d’ « acte de suprématie ». Car il est évident que si un tel référendum avait lieu demain, les militants franchement communistes (disant cela, nous n’incluons pas Fabien Roussel qui vient encore de défendre sans conviction le mensonge social-maastrichtien de la réorientation « de l’intérieur » de l’euro et de l’UE), militeraient ardemment pour le Oui à un tel Acte de suprématie.
Seulement il y a un os. M. Montebourg n’ignore pas que, si la France adoptait une telle position, et que donc, elle n’accepte plus désormais que « à géométrie variable » les directives européennes à nouveau soumises au contrôle du Parlement français, Bruxelles – et derrière Bruxelles, Berlin, qui tient les cordons du « grand emprunt européen » mendié par Macron ! – ne resteraient pas sans réaction et prendraient des mesures de rétorsion, en particulier de très lourdes amendes. Et qu’alors, il faudrait être bien clair dans sa tête si l’on ne veut pas, comme l’a fait minablement le Grec Alexis Tsipras, militant de la prétendue « gauche radicale », caler ensuite devant les menaces de toutes sortes qui ne manqueront pas de venir de l’UE, du « grand partenaire allemand » ET SURTOUT, du Parti Maastrichtien Unique « français » désireux de sauver à tout prix l’UE à laquelle il tient mille fois plus qu’il ne tient à cette République française bornée, marquée par les stigmates indélébiles du « jacobinisme », du « laïcisme » et des conquêtes sociales léguées par les ministres communistes de 1945/47…
C’est alors qu’on verra le maçon Montebourg au pied du mur.
Soit il est prêt à QUITTER l’UE et l’euro, y compris s’il le faut (et comme nous le proposons, en claquant la porte). Ce qui implique aussi d’être prêt à quitter l’OTAN, vu que l’UE est militairement le « partenaire stratégique » officiel de l’Alliance atlantique. Et dans ce cas, il peut envisager de tenir un bras de fer qui mène inévitablement à ce que nous, PRCF, appelons le Frexit progressiste. Dans ce cas, étant donné que toute la camarilla des actionnaires du CAC-40, les vrais maîtres de la France, y compris de ses médias fanatiquement euro-atlantistes, va très certainement tout faire pour saboter cette odieuse orientation « populiste et souverainiste de gauche », il faut être prêt aussi, comme nous y appelons, à nationaliser sèchement, sans négocier pendant des mois de copieuses indemnités aux actionnaires, les secteurs-clés de notre économie, à rétablir le contrôle étatique des changes, à frapper très durement l’expatriation fiscale illégale ET « LEGALE », à rétablir une monnaie nationale, à mobiliser le peuple et la classe travailleuse, bref à affronter durement le grand capital « national » et international tout en cherchant des appuis diplomatico-commerciaux hors de l’UE (et dans ce cas, le rétablissement de bonnes relations avec la Chine et la Russie est tactiquement obligatoire: il faudra donc aussi retirer la France des processus de remilitarisation intense déjà lancés qui mènent à ce que le chef d’état-major des armées nommé par Macron, le légionnaire Thierry Burckhardt, appelle un « conflit de haute intensité » – avec la Chine et la Russie).
Soit l’on n’est pas prêt à tout cela, et, comme l’affirme Montebourg qui semble n’avoir aucune conscience des enjeux de classes d’un éventuel « Frexit », on déclare vouloir rester à tout prix dans l’UE, dans l’OTAN, dans l’euro. Et alors « l’acte de suprématie » ne sera qu’un gigantesque et ultime « flop français » qui mènera à une série de reculs ridicules et qui précipitera la débandade de notre pays pris en étau entre l’UE atlantique et la grande bourgeoisie « française » dont la « construction européenne » demeure le coeur de la stratégie antisociale et antinationale de classe.
ON NE PEUT AVANCER D’UN SEUL PAS SI L’ON N’EST PAS PRÊT A ALLER JUSQU’AU FREXIT PROGRESSISTE!
Nous attendons donc avec impatience de savoir comment M. Montebourg s’apprête à jouer « son deuxième » (et son troisième…) coup(s) quand il aura, par hypothèse, fait voter son « acte de suprématie ». Car un joueur d’échec tout faraud d’avoir pris un pion à son adversaire mais qui n’a aucune idée de la manière de menacer ensuite sérieusement son « roi » (de le faire échec et mat) dans la foulée des coups suivants, n’a, en réalité, pas de stratégie et court… à la défaite, voire au ridicule. On l’a vu lorsque Montebourg était ministre du redressement industriel et que, faute de pouvoir et de vouloir vraiment nationaliser les grosses boîtes qui flinguaient l’emploi ouvrier et quittaient la France, il ne pouvait pas procéder à ce qui a frappé Renault en 1945 et qu’on appelait alors la « nationalisation-sanction ». Mais même pour agir ainsi, il faut sortir – ou être prêt à sortir ET LE DIRE – des traités européens et de leur maudite « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » qui donne un droit de veto (les choses sont un peu plus enrobées mais c’est à cela que ça revient!) à la Commission européenne en matière de nationalisations et de planification industrielle.
UN BRAS DE FER NE SE MENE PAS A MOITIE !
Soyons justes, sur cette question, M. Montebourg semble « prendre de gauche » Jean-Luc Mélenchon que son aile droite européiste, celle des Eric Coquerelle, des Manon Aubry et autre Clémentine Autain pousse à mettre en sourdine la formule-choc de 2017 « l’UE, on la change ou on la quitte » qui posait au moins comme un « plan B » la question du Frexit progressiste. JLM aussi parlait d’ « instituer un rapport de forces » avec l’UE, mais si l’on n’est pas prêt à aller au bout dudit rapport de forces, on n’est, comme disait Mao, qu’un « tigre de papier ». Alors que l’impérialisme américain, l’impérialisme allemand, l’impérialisme français décadent qui se cherche constamment des protecteurs extérieurs, sont des tigres bien réels dotés de crocs et de griffes aiguës. Quand, dans une guerre de classes, l’un est prêt à dire « jusqu’à la victoire toujours, nous vaincrons » alors que l’autre prévient qu’il veut bien « porter un premier coup, après on verra » (comme font sans arrêt les dirigeants confédéraux des syndicats lors de leurs « journées d’action » sans lendemain), on sait d’avance qui est déterminé à vaincre et qui est déterminé… à reculer, donc à tout perdre.
HASTA EL FREXIT PROGRESSISTA SIEMPRE**!
Certes, la proposition proprement souverainiste (au moins sur la papier) de Montebourg a le mérite de remettre en débat, fût-ce très indirectement, à reculons et pour ainsi dire en tremblant, la problématique taboue mais incontournable du Frexit. Mais on ne saurait jouer avec elle. Si on veut engager et tenir un bras de fer, il faut être capable de le maintenir jusqu’au bout. Cela signifie mobiliser le peuple travailleur contre le grand capital, s’apprêter à claquer la porte, remettre d’emblée en place, en accédant au pouvoir, les moyens de la souveraineté (monétaires, militaires, diplomatiques, industriels…) sans lesquels un Tsipras français fera rire ses antagoniques européens autant qu’un braqueur de banque menaçant le caissier avec un pistolet à bouchons.
TRIPLE TÂCHE
D’où la « triple tâche » des militants franchement communistes qui veulent se battre, non pour « témoigner » ou pour préempter des « parts de marché » électoral, mais pour faire gagner le peuple: porter l’alternative rouge et tricolore du Frexit progressiste, reconstruire un parti de classe combatif que ne peuvent pas porter Mélenchon, Roussel ou Montebourg, et appeler les Gilets jaunes et les syndicalistes de classe à construire le « tous ensemble » indispensable pour mettre enfin le grand capital sur la défensive. Il n’est que temps !
par Georges Gastaud, secrétaire national adjoint du PRCF
* Montebourg dit le « made in France », mais l’idée de résister au tout-anglais envahissant n’a jamais effleuré les dirigeants et ex-dirigeants PS acquis à l’ « air du temps »… Avec les socialistes, dont Aquilino Morelle rappelle dans un livre récent, qu’ils ont « dealé » (sic) avec Thatcher et Major l’Acte unique européen – c’est-à-dire la marche à l’Europe fédérale – contre la libéralisation absolue des marchés financiers mondiaux, il faut y aller par petites touches pour reconquérir un minimum de fierté nationale républicaine… et de dignité linguistique !** Toujours jusqu’au Frexit progressiste (allusion au slogan du Che et de Fidel « Hasta la victoria siempre, venceremos! »)!