Par Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF, et la direction de la Commission International du PRCF (Pierre Pranchère, Aymeric Monville, Daniel Antonini) – le 13 décembre 2019
Les élections britanniques du 12 décembre ont donné une éclatante victoire à Boris Johnson, le conservateur « populiste » favorable au Brexit [ Lire ci après]. Le Parti travailliste fait son pire score depuis les années trente et se fait laminer dans ses bastions ouvriers de l’Angleterre septentrionale.
L’affirmation du désir de souveraineté populaire
Les raisons de ce bouleversement politique sont les suivantes :
- Déjà c’est l’Angleterre ouvrière, celle qui haïssait Thatcher, qui avait fait le succès du Brexit lors du référendum sur le maintien ou pas du Royaume-Uni dans l’UE ; et cela, principalement pour de justes raisons de classe tant les ouvriers anglais ont payé cher leur entrée dans cette prison des peuples qu’est l’UE, uniquement favorable aux financiers et autres parasites de la « City » ; en clair, la classe ouvrière à tourné le dos à Londres qui, comme le « Paris d’en haut » chez nous, s’est séparée du et des pays dont ces villes sont respectivement censées être les capitales ; que des démagogues de droite liés à Trump aient tenté de faire dévier le vote anti-UE dans un sens xénophobe, c’est évidemment inquiétant : mais la faute à qui sinon à la « gauche » bourgeoise et petite-bourgeoise qui s’est rangée derrière les « élites » en confondant l’internationalisme PROLETARIEN avec le cosmopolitisme néolibéral cher aux financiers[1] ?
- Aucun citoyen n’aime que ses élus, se rendant indignes de leur fonction, bafouent son vote et la souveraineté de son pays ; or la majorité des députés britanniques, et parmi eux nombre de travaillistes et de « libéraux-démocrates » flanqués de certains conservateurs, ont tout fait pour saboter le Brexit, humilier ses partisans, contourner le référendum à l’instar de ce qui fut fait en France par Hollande et Sarkozy quand ils ont fait passer au Parlement, avec la complicité de députés indignes (PS, UMP, UDF…), un ersatz de la Constitution européenne rejetée par le suffrage universel le 29 mai 2005. Bref le peuple anglais[2] a fait ce qu’il a pu avec les (tristes et inappropriés) moyens du bord que lui offrait ce scrutin pour affirmer son désir de souveraineté ;
- Les partis anglais se sont ainsi affrontés à front renversé, les travaillistes apparaissant comme les bons Bergers de l’UE, tandis que les conservateurs, plus menteurs que jamais, affirmaient vouloir se servir du Brexit pour mettre fin à l’austérité et pour restaurer les services publics brisés par Thatcher.
Nous ne dirons pourtant nullement que le résultat des urnes britanniques est satisfaisant : comme Orban ou Salvini, « BOJO » est un réactionnaire fieffé, un atlantiste flamboyant, un suiveur du détestable Trump, et une fois passée l’élection, il imitera sûrement Chirac qui, en mai 1995 se faisait élire sur la promesse de « réduire la fracture sociale » pour dégainer très vite… le plan Juppé en décembre de la même année. Bref, sans une large offensive de classe prolétarienne en Angleterre, il faut s’attendre à ce qu’un Brexit de droite ne donne rien de bon aux travailleurs anglais. Du moins le Premier britannique n’aura-t-il plus prochainement aucune excuse « bruxelloise » pour ne pas mettre en œuvre sa politique prétendument sociale et devra-t-il désormais s’expliquer directement avec la classe ouvrière de son pays… En outre, le coup encaissé par la dictatoriale UE est réjouissant pour tous les travailleurs d’Europe qui ne pourront que constater que si l’on sort de l’UE, il ne s’en suit ni peste, ni mildiou, ni nuées de sauterelles, ni écroulement du tunnel sous la Manche…
Bien entendu, nous souhaitons bon vent aux vrais communistes de Grande-Bretagne qui, contrairement à la direction eurocommuniste faillie de l’ancien parti britannique, ont toujours milité pour un Brexit de gauche.
Les leçons françaises du Brexit sont qu’il nous faut un Frexit progressiste articulé à la visée révolutionnaire du socialisme pour notre pays
Il y a une leçon politique majeure à tirer pour notre pays à l’encontre de tous les faux marxistes qui, sous tous les prétextes pseudo-internationalistes possibles, refusent d’associer le combat anticapitaliste à la lutte pour rétablir la souveraineté française et pour instaurer une vraie souveraineté populaire. Il est urgent de reconstruire un vrai parti communiste héritier des Thorez, Duclos et autre Croizat. C’est même vital pour associer à nouveau dans les luttes et les manifs le drapeau rouge au drapeau tricolore, l’Internationale à la Marseillaise, pour exiger un FREXIT PROGRESSISTE, sans cela, le RN achèvera de récupérer l’étendard de l’indépendance nationale et de tourner la légitime aspiration de notre peuple à disposer de lui-même vers la démocratie, la paix, le progrès social et le SOCIALISME. Urgent aussi de mener le débat démocratique le plus libre au sein des AG de luttes, car sans la perspective révolutionnaire de sortir par la gauche de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme, ce sera en 2022 le « bloc contre bloc » dévastateur de Marine Le Pen aspirant nombre de suffrages populaires contre Macron capitalisant les voix des bourgeois néo-versaillais et archi-maastrichtiens ; avec, en accompagnement rosâtre, une énième resucée de la « gauche » euro-béate, de tous ces menteurs qui promettent l’ « Europe sociale » dans le cadre de l’UE et dont la crédibilité populaire est, à juste titre, voisine de zéro.
C’est pourquoi les leçons françaises du Brexit sont qu’il nous faut un Frexit progressiste articulé à la visée révolutionnaire du socialisme pour notre pays ; pour cela, à partir des luttes, il faut reconstruire une perspective d’euro-rupture franche, un parti communiste de combat, un syndicalisme de classe affranchi de la double tutelle de la CFDT et de la C.E.S., une gauche patriotique et populaire ; et plus largement, un grand Front Antifasciste, Patriotique, Populaire et Ecologiste. Discutons-en dans les luttes, car c’est au feu du combat anticapitaliste qu’il faut reconstruire la perspective politique.
Et méditons aussi la proposition du PRCF que les vrais progressistes fêtent ensemble, le 29 mai prochain, le 15ème anniversaire du Non trahi à la constitution d’un Etat européen antisocial et de plus en plus dictatorial.
[1] Cette confusion entre internationalisme prolétarien et cosmopolitisme bobo, entre patriotisme populaire (légitime) et nationalisme impérialiste, est aussi hélas le fait d’intellectuels hautement estimables comme le trotskisant Ken Loach. En réalité le patriotisme populaire et l’internationalisme prolétarien sont des alliés naturels face à la mondialisation euro-libérale et à son double repoussant mais tactiquement indispensable, véritable « alliance de revers » du système de domination politique bourgeois, le nationalisme raciste de type Salvini, Orban et Cie.
[2] Le cas est différent en Ecosse où la question de la souveraineté populaire est biaisée par les euro-indépendantistes bourgeois – indépendantistes en paroles, euro-dépendants en fait – ; lesquels souhaitent surtout ne plus partager avec le reste du Royaume « uni » la rente pétrolière de la Mer du Nord…
Les résultats des législatives en Grande Bretagne
- Avec 47 587 254 votant, la participation a été faible, 67,30%, en baisse de 1.5 points par rapport au scrutin du 8 juin 2017
- Les conservateurs conservent le même nombre de voix (+ 15 000 électeurs)
- Les travaillistes sont sévèrement punis : -2.6 millions d’électeurs.
Parti | Nombre de députés | variation | Nombre de voix | % des exprimés | variation en point |
---|---|---|---|---|---|
Conservateurs | 365 | +48 | 13966565 | 46.6 | +1.2 |
Travaillistes | 202 | -60 | 10269076 | 32.1 | -7.9 |
Libéraux démocrates | 11 | -1 | 3696423 | 11.6 | +4.2 |
Nationalistes écossais (SNP) | 48 | +13 | 1242372 | 3.9 | +0.8 |
Verts | 1 | 0 | 835579 | 2.7 | +1.1 |
Parti du Brexit ( ex Ukip) | 0 | 0 | 642303 | 2 | +0.2 |
Unionnistes (DUP) | 8 | -2 | 244128 | 0.8 | -0.1 |
Sinn Fein | 7 | 0 | 181853 | 0.6 | -0.2 |
Plaid Cymru (nationaliste gallois et social démocrate) | 4 | 0 | 153265 | 0.5 | 0 |
Alliance (unionistes libéraux d’Irlande du nord) | 1 | +1 | 134115 | 0.4 | +0.2 |
SDLP (parti social démocrate nord irlandais) | 2 | +2 | 118737 | 0.4 | +0.1 |