Un appel d’intellectuels et de syndicalistes réfractaires à l’« union sacrée » belliciste et euro-atlantiste – le 4 mars 2022
Surenchérissant sur l’audiovisuel privé piloté par les oligarques français liés au complexe militaro-industriel, les médias d’Etat portent à incandescence la tension Est-Ouest et poussent à l’interventionnisme belliciste de l’OTAN si ce n’est à l’usage de la force armée française. En réalité, depuis des mois déjà, les dirigeants politiques et militaires du monde atlantique en général et de notre pays en particulier, qui feignent aujourd’hui la « surprise », déclaraient cyniquement se préparer à un « conflit de haute intensité » avec la Fédération de Russie et/ou avec la République populaire de Chine…
Ils le font avec le renfort aveugle d’« intellectuels » irresponsables dont l’incapacité à pratiquer le doute méthodique et l’analyse distanciée des réalités géopolitiques, par ex. l’expansion continue vers l’Est de l’UE/OTAN depuis 1991, n’a d’égale que leur inconscience du danger d’anéantissement que ferait peser sur la France et sur l’Europe (laquelle s’étend de l’Atlantique à l’Oural et ne se confond pas avec une Union européenne de moins en moins discernable de l’OTAN) une guerre mondialisée opposant des puissances nucléaires sur le sol européen au seul avantage d’un Empire étatsunien tentant de conjurer son déclin historique aux dépens d’autrui.
Ils le font en exigeant toujours plus d’engagement de l’OTAN, voire de l’armée française, dont la force de dissuasion n’a pourtant pas été mise en place par le Général de Gaulle pour « couvrir » toute la surface de l’UE, de l’OTAN et au-delà, mais uniquement pour prévenir l’invasion du territoire national.
Ils le font en confondant absurdement les Brigades internationales d’Espagne, qui se battirent contre Franco, Hitler et Mussolini, avec le soutien militaire à un régime, celui de Kiev, qui exalte le collabo, antisémite et massacreur nazi Stépan Bandera. Un régime qui a interdit le Parti communiste d’Ukraine et qui fait plus que frayer avec les nazis de « Pravy Sektor », de « Svoboda » et du « Bataillon Azov ».
Ils le font en oubliant que depuis 2014, les bombardements continus du Donbass par le régime de Kiev et par les milices pronazies ont fait des milliers de morts dans la population ouvrière russophone et que ces bombardements n’ont même pas été ralentis par les Accords de Minsk théoriquement garantis par Paris et Berlin…
Ils le font en oubliant que, comme le disait le philosophe Georges Politzer, qui fut torturé et fusillé par les Allemands sous l’Occupation, « l’esprit critique, l’indépendance intellectuelle, ne consistent pas à céder à la réaction mais à ne pas lui céder ».
Ils le font en occultant le fait que les gouvernants occidentaux ne sont, pas moins que l’anticommuniste et antisoviétique assumé Vladimir Poutine, les dirigeants d’Etats capitalistes, et en oubliant que, comme l’a naguère montré Jean Jaurès, « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».
Ils le font en oubliant l’exemple des socialistes allemands Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg qui finirent par payer de leur vie, en 1919, leur refus clairvoyant d’accompagner, dès août 1914, le bellicisme de leur propre impérialisme, celui du Second Reich.
Ils le font en oubliant que le devoir des vrais serviteurs de la nation française et de la paix européenne est, courageusement, de « ne pas suivre le mensonge qui passe » (Jaurès), et de « chercher la vérité et la dire » sans gober les énormités de la propagande de guerre, de quelque côté que puissent émaner le bourrage de crâne et la guerre psychologique.
Ils le font en oubliant que l’actuelle précipitation de l’ « intégration européenne », la marche vers l’ « Etat fédéral européen », ver l’ « armée européenne » arrimée à l’OTAN, vers le renforcement de l’UE dans le cadre de l’Alliance atlantique, violent l’Etat de droit tout autant qu’ils bafouent notre Constitution, laquelle dispose que « la souveraineté réside essentiellement dans la Nation ». Mais il est vrai que les dirigeants français et européens qui ne parlent que de « valeurs démocratiques », ont piétiné le vote catégorique que le peuple français, consulté par référendum en mai 2005, a majoritairement émis contre la constitution d’un Etat européen. De même que, soit dit en passant, les citoyens soviétiques consultés par référendum, y compris une large majorité d’Ukrainiens, avaient voté à 78% en 1990 pour le maintien de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques…
Ils le font aussi en ignorant que notre pays n’a jamais été si écouté dans le monde que lorsqu’il refusait de s’aligner sur les USA, que lorsque le général de Gaulle exigeait, en 1966, le départ des troupes américaines stationnées en France, que lorsque Dominique de Villepin dénonçait l’unilatéralisme étatsunien en 2003 à la tribune de l’ONU. Ou encore lorsque de Gaulle se rendait à Moscou en 1944 pour y rappeler que « la Russie soviétique a joué le rôle principal dans notre libération », ou, que ce même président français prenait ouvertement ses distances avec l’atroce guerre du Vietnam lors de son mémorable discours de Phnom Penh.
Dans ces conditions, alors que pointe, aux cris mensongers de « Vive la démocratie ! » et de « Vivent les droits de l’homme ! » une nouvelle chasse aux sorcières continentale contre les réfractaires à la nouvelle union sacrée belliciste, nous appelons chacun à se défier des éternels faucons, ceux-là même qui, sous Sarkozy déjà, ont précipité la France dans la déstabilisation mortifère de la Libye et de toute l’Afrique sahélienne et occidentale.
Défions-nous aussi des va-t-en-guerre de la fausse gauche belliciste et atlantiste qui, tombant le masque de l’écologie, du pacifisme et de l’internationalisme véritables, n’ayant à la bouche que le prétendu « devoir d’ingérence » néocolonial et impérialiste, et n’ayant cure d’une France pacifique et indépendante, accaparent les médias et envoient allègrement de jeunes Français à la mort.
Nous mettons en garde contre un emballement médiatique, belliciste et euro-atlantiste qui peut conduire, à l’instigation de gouvernants et d’intellectuels trahissant la France des Lumières, à une guerre nucléaire mondiale qui signerait le glas de la France républicaine, des peuples d’Europe, si ce n’est de l’humanité et du vivant dans son ensemble, en rendant notre Terre à jamais invivable.
Plus que jamais, alors que s’accumulent des nuées analogues à celles qui tonnaient déjà sur l’Europe en 1914 ou en 1938, nous appelons les intellectuels épris de paix, de progrès et de démocratie en Ukraine et ailleurs, à résister à l’actuel climat de terrorisme intellectuel préparatoire à la guerre continentale, à la fascisation de la vie politique, à la fin précipitée d’une République française indépendante ainsi qu’à l’étouffement de toute parole critique et de toute recherche libre dans le champ culturel et sociohistorique.
Non, on ne défend pas les droits de l’homme, non on ne défend pas l’écologie en prenant des postures irresponsables qui peuvent mener à l’anéantissement nucléaire du genre humain ; car pour qu’il y ait des droits humains, pour qu’il y ait sauvetage organisé du climat et de la biodiversité, encore faut-il qu’existent des humains vivants, donc que soit stoppée la marche à la conflagration paneuropéenne et mondiale: dès lors, tous les efforts, toutes les paroles, notamment celles des intellectuels et des universitaires, doivent tendre à la désescalade, à la paix, aux négociations, à l’application effective par toutes les parties des accords signés, qu’il s’agisse des Accords dits « 4+2 » (pas d’extension de l’OTAN au-delà de la frontière orientale de l’Allemagne !) ou des Accords de Minsk si longtemps sabotés. Toute autre voie ne mènerait nullement à une Ukraine souveraine, pacifique et démocratique vivant en paix avec l’Est et l’Ouest, mais à la disparition de la France, si ce n’est au suicide de l’Europe et du monde.
Plus que jamais les combats pour la paix mondiale, pour l’indépendance de la France, pour la pensée libre et pour la vie, doivent converger. Que sans tarder, chacun s’engage pour leur défense !
Premiers signataires
- Georges Gastaud, philosophe et essayiste
- Annie Lacroix-Riz, historienne, professeur émérite d’histoire contemporaine (Paris VII)
- Fadi Kassem, agrégé d’histoire, diplômé de Sciences politiques
- Aymeric Monville, philosophe, éditeur
- Boris Differ, doctorant en histoire, Université de Bordeaux-Montaigne
- Jean-Pierre Page, auteur, syndicaliste
- Yannick Dutertre, ingénieur, diplômé de sciences politiques
- Jean-Luc Pujo, président des Clubs Penser la France
- Pauline Detuncq, diplômée de Sciences po et de l’EHESP, syndicaliste santé
- Thomas Ligeon, syndicaliste forestier
- Francis Combes, poète
- Maxime Vivas, écrivain, animateur radio
- Bérenger Tourné, avocat
- Rémy Herrera, économiste
- Dominique Mutel, agrégé d’anglais
- Jacques Delépine, docteur-ingénieur en sciences de la Terre, neveu de Résistants-déportés communistes
- Jean-François Dejours, professeur de philosophie, syndicaliste
- Guillaume Suing, biologiste, épistémologue, agrégé de Sciences de la Vie et de la Terre
- Hubert Cuilleron, agrégé de mathématiques
- Bruno Drweski, enseignant-chercheur, militant de l’Association Républicaine des Anciens Combattants
- Stéphane Rials, professeur émérite à l’Université Panthéon-Arras
- Patricia Latour, journaliste et autrice
- Michel Berlemont, ancien directeur culturel, chercheur en sciences humaines
- Dominique Buisset, poète
- Rachida El Fekaïr, médiathécaire
- Michel Bilis, directeur d’hôpital honoraire
- Olivier Pascault, ancien expert au Conseil économique et social, chargé d’enseignement en Droit public à l’Université Panthéon-Assas
- Nicolas Plagne, agrégé d’histoire, ancien élève de l’E.N.S., D.E.A. de philosophie et M.2 de Droit public
- René Barchi, fils de FTP-MOI, neveu de deux résistants communistes torturés et fusillés par les nazis, historien du Détachement féminin « Rodina »
- Albert Ettinger, docteur en philosophie et en lettres, auteur
- Jean-Claude Delaunay, professeur honoraire des Universités, économiste
- Arsène Schmitt, syndicaliste, président du Comité de défense des travailleurs frontaliers de la Moselle
- Jacques Delépine, docteur-ingénieur en sciences de la Terre, neveu de Résistants communistes déportés
- Jacqueline Lavy, syndicaliste (74)
- Bruno Drweski, enseignant-chercheur, militant de l’A.R.A.C.
- Olivier Rubens, essayiste, syndicaliste
- Patricia Latour, journaliste et autrice
- Jean-Pierre Réau, professeur de mathématiques
- Rachida El Fekaïr, médiathécaire
- Jean-Pierre Combe, ingénieur polytechnicien, officier de réserve du service d’état-major, essayiste
- Dominique Buisset, poète
- Jacques Kmieciak, journaliste, syndicaliste SNJ-CGT
- Gilliatt de Staërck, syndicaliste des transports
- Philippe Gendrault, psychanalyste et psychologue
- Gilles Ringenbach, docteur en sociologie
- Jean-Loup Izambert, écrivain, journaliste d’investigation indépendant
- Marie-Noëlle Rio, écrivain
- Béatrice de Romanis, musicienne
- Jean-Michel Toulouse, philosophe politique
- Maxime Chaigneau, professeur d’histoire, syndicaliste
- Loïc Pardieu, militant de la République sociale
- Gilda Guibert, agrégée d’histoire, rédactrice en chef de la revue Etincelles
- Vincent Flament, agrégé de Lettres classiques
- Bruno Guigue, ex-haut fonctionnaire, chercheur en philosophie politique
- Renaud Schira, journaliste indépendant
- Marion Gandiglio, professeur de philosophie (81)
- Joël Lasry, enseignant de musique (80)
- Christian de Montlibert, professeur émérite de sociologie, ancien directeur du Centre de Recherches en Sciences sociales de l’Université Marc Bloch de Strasbourg, docteur honoris causa de l’Université de Crète
- Gilles Questiaux, animateur du blog réveil communiste
Auxquels se joignent
- Léon Landini, ancien officier FTP-MOI, officier de la Légion d’honneur au titre de la Résistance, grand Mutilé de guerre 100% torturé par Klaus Barbie
- Pierre Pranchère, ancien maquisard FTPF, ancien député de la Nation, ancien député européen
- Jean-Pierre Hemmen, directeur de la revue Etincelles, fils de Jean Hemmen, organisateur des Brigades d’Espagne, Fusillé de la Résistance.
Ainsi que, hors de France :
- Tamara Kunanayakam, ancienne présidente du Groupe de travail intergouvernemental de l’ONU sur le Droit au développement
- Jean Van Hees, fondateur de « Dialogue des peuples » (Belgique)