Manólis Glézos, décédé le 30 mars 2020 à Athènes à 97 ans, s’est illustré par sa participation à la Résistance du peuple grec, lui qui a, avec l’autre jeune communiste Apostolos Santas, arraché du sommet de l’Acropole le drapeau nazi qui y flottait, comme dans tout Athènes, depuis le 27 avril 1941. Résistant communiste pendant l’Occupation, arrêté, torturé et emprisonné à trois reprises par les Allemands, les Italiens et leurs collaborateurs grecs, il s’évade de prison en septembre 1944 et devient après la Libération rédacteur en chef du quotidien communiste Rizospastis. Après l’écrasement de la Résistance par les Britanniques en décembre 1944, le journal est en butte aux persécutions des milices collaboratrices mais se maintient jusqu’à son interdiction en 1947 par le régime monarcho-fasciste soutenu cette fois par les Américains. Glézos continue la lutte, est arrêté en 1948 et condamné à mort à deux reprises : peine que le tandem américano-grec ne put exécuter vu la notoriété internationale du « premier résistant d’Europe » (selon la formule de De Gaulle), et commua en « prison à vie ». Élu, toujours en prison, de la Gauche démocratique unie (EDA) en 1951, relâché en 1954, à nouveau emprisonné en décembre 1958, réélu, toujours en prison, en 1961, Glézos suscita une immense solidarité internationale, dont témoigne son prix Lénine pour la Paix (1962). Libéré en décembre 1962, il connut à nouveau les geôles grecques, dès la nuit même du coup d’État des colonels perpétré sous l’égide de Washington, le 21 avril 1967. Il ne fut libéré qu’en 1971.
« L’Enfermé » ‑ il a passé douze ans en prison, à l’ère allemande puis à l’ère américaine – se montra après 1974 plus défaillant que son glorieux prédécesseur Auguste Blanqui. Rallié à l’« eurocommunisme », rompant en 1968 avec le parti communiste qui n’y avait pas cédé, il soutint le PASOK europhile dont la politique, en alternance avec celle de la Droite, a maintenu intacte depuis lors la tutelle américaine sur la Grèce, OTAN inclus, en y ajoutant l’« européenne » à partir de 1981. L’Allemagne retrouva avec cette dernière un pouvoir de nuisance sur la Grèce qu’elle exerce depuis 2008 avec une efficacité hargneuse qui a porté atteinte aux conditions de vie du peuple grec comme jamais depuis l’Occupation : Glézos était particulièrement bien placé pour dénoncer ces exigences et l’a fait avec passion, en tant que député de Syriza au Parlement européen, rappelant sans cesse les réparations de guerre jamais honorées par l’Allemagne et affirmant : « Ce n’est pas nous, les Grecs qui devons de l’argent aux Allemands, ce sont eux qui nous en doivent ».
On sait ce qu’il est advenu des illusions créées par les promesses du Syriza de Tsipras. Glézos présenta ses excuses à ses électeurs en 2015, après que Tsipras eut ouvertement capitulé devant les injonctions de la « commission germano-européenne ».
- Joëlle Fontaine, historienne, auteure de De la résistance à la guerre civile en Grèce. 1941-1946, Paris, La Fabrique, 2012
- Annie Lacroix-Riz, historienne
- Merci à notre camarade grecque Eleni Mitsika pour sa relecture.