Michel DEBRAY est une des figures de la défense nationale, une voix écoutée : vice-amiral en deuxième section, il a occupé le commandement d’un groupe aéronavale. Il est également ancien Président de l’Institut Charles de Gaulle, aujourd’hui disparu. Co-signataire d’un appel pétition lancé il y a deux mois contre l’institution d’une armée européenne au coté de Pierre Pranchère, ancien député, résistant FTP et vice président du PRCF, il a accepté de répondre aux questions d’Initiative Communiste. Cela alors que Macron signe un scandaleux traité de collaboration avec l’Allemagne de Merkel, réduisant encore la souveraineté nationale et asservissement encore d’avantage la République à l’Union Européenne et à l’OTAN. Voici les réponses apportées par l’Amiral Debray aux questions posées par Initiative Communiste.
<< J’accuse M.Macron d’agir sciemment en vue de liquider – n’ayons pas peur des mots – la souveraineté et l’indépendance de la France >>
Vice Amiral Debray : merci de me donner l’occasion de m’exprimer sur cette affaire fondamentale. J’accuse M.Macron d’agir sciemment en vue de liquider – n’ayons pas peur des mots – la souveraineté et l’indépendance de la France.
En signant le traité de l’Elysée en janvier 63, Adenauer et de Gaulle voulaient à la fois mettre fin à un processus qui faisait de nos deux nations des « ennemis héréditaires » et établir les bases d’une situation européenne affranchie du « parrainage » pesant des Etats-unis d’Amérique. Tout le monde devrait (et pourrait ) savoir qu’en juillet 63 le Bundestag lors de la ratification de ce Traité a ajouté un préambule, rédigé en coulisse par le traître français Jean Monnet , qui introduisait sans aucune raison une référence à l’Alliance atlantique et à son organisation militaire qui demeuraient responsables de la défense des deux pays. Dès lors ce que ce Traité apportait de liberté d’action dans tous les domaines aux deux pays signataires repassait implicitement sous la dépendance des Etats-unis, dont l’OTAN n’est que le faux-nez.
Les euro-béats, de gauche, du centre et de droite qui dirigent nos partis politiques depuis soixante ans et plus ne cessent de se plier aux directives américaines, dans tous les domaines: langue anglaise omni-présente, affichage permanent du drapeau à étoiles à côté du seul emblème national qu’est notre drapeau, organisation de nos forces militaires selon les conceptions américaines, domination des lobbies américains dans les marchés d’armement mondiaux, et même réorganisation en profondeur de la structure administrative de la France (que sont ces treize « grandes régions »? d’où sortent-elles? Qui a demandé leur création? qu’est-ce que ce rattachement d’une part de la Lorraine à l’Alsace contre la volonté des habitants ?).
Aujourd’hui la situation est grave: le Président de la République, dès sa campagne électorale, a indiqué clairement qu’il voulait aller toujours plus loin dans l’inféodation de la France à l’Allemagne. Il poursuit son action dans cette direction. Il faut que cela cesse, que la France recouvre son indépendance en tous domaines, à commencer par ceux qui de tout temps et partout ont manifesté la souveraineté d’un état:
- battre monnaie
- rendre la justice
- légiférer
- décider de la guerre ou de la paix
Les questions posées par Initiative Communiste.
1) E. Macron a annoncé avec A. Merkel qu’il compte réviser le traité de l’Elysée avec la signature le 22 janvier prochain du traité d’Aix la Chapelle. Un traité, dont le texte n’a pas été rendu public, qui vise à renforcer la collaboration et « l’intégration » entre la France et l’Allemagne, avec une institution de coopération fixée au niveau décentralisé, donc court-circuitant Paris. Ce mouvement intervient peu après que le régime Macron a, contre la volonté des Alsaciens exprimée par référendum, institué une collectivité européenne d’Alsace fusionnant bas Rhin et haut Rhin. Pourtant les Alsaciens avaient refusé de valider par referendum la fusion des deux départements. N’y a-t-il pas des raisons de craindre de nouveau abandon de souveraineté nationale de la part de la France et n’y a-t-il pas selon vous un risque de balkanisation du territoire national ?
2) Dans le même temps, l’occupant de l’Elysée a annoncé vouloir mettre en place une armée européenne arrimée à l’OTAN. Sans aucun débat et sans grandes réactions de l’ « opposition ». N’est-ce pas aux Français de décider de ce que doit être leur défense nationale ?
3) Pour justifier le projet, les partisans de l’armée européenne veulent faire croire que ce serait un moyen pour l’Europe d’être indépendante des USA ? N’est-ce pas l’inverse, le moyen de mettre la principale armée de toute celle des pays européens sous le contrôle de l’Union Européenne et à travers elle des USA, tout en donnant à Berlin les clés de la force de frappe française ?
4) Les traités européens obligent à ce que la défense des pays de l’Union Européenne soit placée sous l’égide de l’OTAN. De fait le projet d’armée européenne doit-il être mis en relation avec l’exigence des USA que l’UE assume une plus grande dépense militaire, pour augmenter le niveau de confrontation avec la Russie ? N’y a-t-il pas danger pour la paix mondiale dans ces conditions ? L’armée française a pour objet de défendre le territoire national. Ne faut-il pas s’inquiéter de ce que pourraient être les missions d’une armée européenne qui pourrait servir de force de maintien de l’ordre voir d’occupation pour permettre à l’UE d’imposer par la force ses décisions à des Etats membres ou des peuples récalcitrants, ceux-ci étant par ailleurs privés de défense nationale ?
5) Durant la seconde Guerre mondiale, gaullistes et communistes sont entrés en résistance pour la libération du territoire national, pour rétablir la souveraineté du peuple, imposant notamment le programme du CNR. Un programme établissant de nombreux droits démocratiques et sociaux, avec notamment la création de la Sécurité sociale, et procédant à des nationalisations des secteurs stratégiques tout en établissant le statut général de la fonction publique pour créer les services publics. C’est cette même Résistance qui a permis à la France de disposer d’un siège de membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU au sortir de la guerre. Or les directives européennes l’une après l’autre imposent la libéralisation et la privatisation des services publics. N’y a-t-il pas parallélisme entre la casse du modèle social français et la mise à l’encan de la souveraineté nationale ?
6) De plus en plus, y compris dans l’armée intégrée à l’OTAN, l’anglais remplace la langue française. Ceux qui défendent la souveraineté de la nation ne devraient-ils pas être beaucoup plus vigilants face à la destruction de notre langue nationale, socle de la « personnalité française » selon les attendus de la Loi Toubon de 1994 ?