Tous les jours depuis quelques semaines on nous annonce l’ « imminente » invasion russe de l’Ukraine sur les médias mainstream, nous rappelant un peu le vieux gag des comédies où le protagoniste est dans une action qu’il ne termine jamais, comme la fameuse scène de l’assaut du Château des marais par Lancelot dans le Sacré Graal des Monty Pythons. Depuis avril 2021, le Département d’État étasunien et les médias aux ordres n’ont eu de cesse d’affabuler sur la soi-disant « invasion ».
Si elle se produisait, l’invasion russe de l’Ukraine, ou d’une partie de celle-ci, serait peut-être l’invasion la plus annoncée de l’histoire, alors qu’il est vrai que ce type d’opération est souvent préparé avec une grande discrétion et s’accompagne d’une grande dissimulation et d’une certaine distraction. L’invasion de la Crimée par la Russie, ou plutôt l’auto-invasion, parce que ce sont les habitants de la Crimée eux-mêmes qui se sont « envahis » tous seuls, constitue le paradigme parfait à cet égard : l’Occident ne savait pas ce qui se passait jusqu’à ce que cela se produise. C’est pourquoi, si l’invasion russe du Donbass, ou de l’ensemble de l’Ukraine, était confirmée, nous aurions assisté à un scénario assez inhabituel.
La véritable invasion des républiques baltes comme antécédent
Détournez un instant les yeux des mots illusoires créés par la novlangue étasunienne et concentrez votre attention sur les objectifs principaux d’une invasion d’un pays, quel qu’il soit : contrôle politique et militaire du territoire en vue d’obtenir un ou plusieurs avantages de nature différente -protection, projection, extraction, expansion…-. Examinez maintenant la situation en Lituanie, en Lettonie et en Estonie. Oui, en effet, l’Union européenne maintient le contrôle politique des républiques baltes et de l’OTAN, le contrôle militaire. Et si l’OTAN et l’UE sont des instruments des États-Unis et contrôlent le pouvoir politique et militaire des républiques baltes, qui contrôle et bénéficie d’un ou de plusieurs des avantages par la possession des trois petites républiques? La réponse permet de comprendre qui est l’envahisseur et qui est l’envahi, pensez à la cession de souveraineté politique et économique à l’Union européenne ou au déploiement de 4500 militaires de 16 pays OTAN, y compris des chars de combat et des avions de guerre.
De toute évidence, pour les médias occidentaux, la Lituanie, la Lettonie ou l’Estonie n’ont pas été envahies par les États-Unis et leurs entités instrumentales, UE/OTAN, pas plus que l’Irak ou l’Afghanistan. En fait, selon la rhétorique occidentale, les deux pays ont été mis en cause pour leur sécurité et, plus encore, pour la nôtre, vous vous souvenez ? Comme lorsque, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, les grandes puissances ne conquéraient ni ne colonisaient de pays, elles les protégeaient. Ou comme quand les Espagnols n’ont pas conquis l’Amérique, mais l’ont culturalisée, éduquée et civilisée : quelques universités en échange de tout l’or et l’argent du continent, de leurs femmes et d’imposer un système d’esclavage qui marquerait pour toujours des millions de personnes. Et ce n’était que le début.
L’Ukraine et la Biélorussie sont les objectifs suivants.
Ainsi, tout comme les républiques baltes ont été politiquement et militairement annexées par les États-Unis par l’intermédiaire de l’Union européenne et de l’OTAN à un moment où la Russie était trop faible pour s’y opposer, aux côtés de l’ancienne Europe de l’Est, l’Occident a commencé à engloutir la Biélorussie et l’Ukraine. Un plat qui aujourd’hui est amer, mais qui semblait alors le plus appétissant et le plus accessible au monde.
Parce qu’annexer politiquement et militairement toute la bande qui séparait l’Occident de la Russie, c’est-à-dire les républiques baltes, la Biélorussie et l’Ukraine, signifie : contrôler un vaste territoire de soixante millions d’habitants et tout ce que cela signifie : travail, la consommation, la richesse; couper la Russie et la mettre au pied du mur, la chassant de ses zones d’influence européennes et la forçant à devenir une puissance asiatique plutôt qu’eurasienne; et, enfin, forcer à l’avenir sa soumission à l’Union européenne et à l’OTAN, Dans les années 90, le grand rêve impérial des USA et leurs satellites était d’annexer la Russie par l’intermédiaire de l’Union européenne et de l’OTAN.
La véritable invasion de l’Ukraine
C’est pourquoi la véritable invasion de l’Ukraine est celle de l’Union européenne et de l’OTAN, il n’est en fait pas surprenant que ce soit l’OTAN qui approvisionne et prépare l’armée ukrainienne, comme par exemple les drones de la Turquie, pays de l’OTAN. Pensez à quel point l’OTAN doit avertir la Russie des conséquences d’une invasion de l’Ukraine, comme si ce pays lui appartenait, alors qu’aujourd’hui, l’Ukraine n’en fait même pas partie. Pourquoi l’Union européenne et l’OTAN agissent-elles en tant que représentants de l’Ukraine au point de parlementer en son nom, de déployer des militaires ou d’imposer des sanctions à la Russie si elle n’a pas l’intention réelle d’annexer ? Si quelqu’un a des doutes, l’altruisme en géopolitique n’existe pas, l’Afrique en est un exemple clair. Il faut dire aussi que la popularité de Zelensky est en chute libre et comme d’habitude la junte ukrainienne agite l’épouvantail russe pour entretenir l’opinion publique ukrainienne et recevoir des fonds supplémentaires de l’UE et les États-Unis pour repousser d’une année ou deux la banqueroute de l’État ukrainien.
L’exemple de l’Espagne
Pour masquer l’invasion, l’Occident prétend que ces pays ont le droit de choisir leur destin, mais la réalité est que le seul destin qu’ils ont le droit de choisir est celui que l’Occident dicte. On en trouve un exemple en Espagne, où la position opposée à l’entrée de l’OTAN d’Adolfo Suárez, président du gouvernement jusqu’en janvier 1981, a été l’une des causes de son renversement par Juan Carlos et à son tour, l’un des éléments déterminants qui a abouti au coup d’État du 23 Février.
Par la suite, Felipe González, toujours opposé à l’entrée du pays dans l’OTAN avant d’être président, changea de position lors de la tenue du référendum en 1986, menaçant même de démissionner si le référendum se montrait contraire à l’intégration dans l’OTAN. Un référendum truqué, non seulement par l’énorme pression à laquelle il a soumis le pays et par l’utilisation de tous les leviers de pouvoir pour changer la volonté des citoyens, mais aussi parce que, conscients de la position contraire du peuple espagnol à l’entrée dans l’OTAN, l’entrée de l’Espagne dans l’OTAN a été assortie de conditions qui non seulement ne sont pas remplies, mais ne l’ont jamais été.
Les faits démontrent de manière irréfutable la tromperie du peuple espagnol, puisqu’il a été affirmé lors de ce référendum que « la participation de l’Espagne à l’Alliance n’impliquerait pas son incorporation dans la structure militaire intégrée » mais le 1er janvier 1999, l’Espagne s’est intégrée dans la structure militaire de l’OTAN sans que la population soit à nouveau consultée par référendum pour connaître son opinion.
Le peuple français quant à lui n’a jamais été consulté pour la réintégration forcée dans le commandement intégré de l’OTAN par Nicolas Sarkozy durant son mandant entre 2007 et 2012.
Il est donc évident que les élites politiques et économiques occidentales n’aiment pas les démocraties, elles aiment les démocraties où l’on vote ce qu’elles veulent, sinon elles n’ont aucun problème à les renverser, à les menacer ou, comme moindre mal, truquer les élections pour obtenir les résultats qu’elles veulent. Et c’est ce qu’elles font depuis des années, tant en Ukraine qu’en Biélorussie -en fait, le soutien à l’entrée de l’OTAN en Ukraine n’atteignait pas 13% avant 2014- : faire pression, forcer, tromper, menacer… Jusqu’à ce que la Russie dise, assez !
Crimée, territoire historiquement russe
Dans le cas de la Crimée, il faut rappeler qu’elle a appartenu à la Russie depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à ce qu’elle soit cédée à l’Ukraine en 1954 dans un contexte d’union politique qui, autrement, n’aurait eu aucun sens, tant à l’époque qu’aujourd’hui, la majorité de la population est ethnique et culturellement russe, au point que le russe est la langue dominante. Une cession que la Russie ne pourrait évidemment pas maintenir dans le cas d’une Ukraine otanisée. C’est donc la raison, pour laquelle la Crimée s’est jetée dans les bras de la Russie, c’est un point clé pour le contrôle de la mer Noire.
Malgré les avertissements répétés de la Russie, l’Occident a choisi de se confronter au lieu de négocier et, à sa manière, de faire pression sur la Russie par tous les moyens à sa disposition, notamment par des sanctions économiques toujours plus sévères. Cependant, on perçoit un sentiment d’incapacité du côté occidental, les USA et consorts semblent s’étouffer, surtout en Asie face à la croissance de la Chine et en Europe face à l’irrévérence de la Russie. Les jours où l’impérialisme faisait la pluie et le beau temps dans le monde sont bel et bien terminés.
Malgré les tentatives des cartels pharmaceutiques capitalistes et de l’UE de séquestrer les brevets et les doses de vaccins, la Chine a bien pris le leadership mondial de la gestion de la pandémie du Covid en donnant plusieurs milliards de doses à tous les pays du monde, Afrique en tête, pour avancer au plus vite vers un retour à la normalité qui serait peu profitable aux capitalistes occidentaux, l’état de crise étant l’excuse rêvée pour imposer l’autoritarisme et la fascisation de nos sociétés et écraser encore plus la masse salariale, il faut bien comprendre que chaque centime de profit perdu, chaque centimètre perdu en Afrique, Moyen Orient, ou Amérique Latine par l’impérialisme sera facturé le double sur le dos du prolétariat occidental pour maintenir cette caste ultra-minoritaire de parasites sociaux au pouvoir, et ce jusqu’au collapse de nos sociétés si nécessaire, car après eux, le déluge, l’hiver nucléaire ou l’extinction, peu leur importe. Ils y sont déjà préparés à l’image de Zuckenberg avec son abri antiatomique de 500 m2 construit sur une île colonisée à Hawaï après avoir exproprié les habitants locaux, ou Musk et Bezzos qui rêvent de vivre dans leur station spatiale au- dessus du commun des mortels.
Aujourd’hui plus que jamais le choix entre Humanité et Capital, Socialisme ou barbarie, le choix de la vie ou de l’extermination, se pose pour tous.
Boris Differ, Doctorant en Histoire.