Ce 5 mai 2020, à nouveau la Cour constitutionnelle allemande est venue confirmer dans un arrêt que le rôle de l’Euro est de servir d’étrangleur des peuples et de protection du Capital. En effet, la Cour de Karlsruhe impose, au titre de la conformité avec les traités européens, que la Banque Centrale Européenne justifie de la conformité de ses rachats de dette publique. Cet arrêt intervient alors que la Banque Centrale Européenne, pour faire face à la crise financière dont l’explosion a été aggravée par la crise sanitaire, sous la pression des pays du sud de l’Union Européenne étranglés par des années d’euro austérité, envisage des formes de réassurance de leurs dettes publiques à hauteur de près de 700 milliards d’euros. Ce qui s’ajouterait aux plus de 2600 milliards d’euros d’assouplissement quantitatif condamné par le jugement allemand.
C’est un ultimatum qui est ainsi posé par Berlin : le conseil des gouverneurs de la BCE a « trois mois » pour démontrer que la BCE ne viole pas les traités européens. Chacun peut d’ailleurs constater ici, qui commande l’Union Européenne, et à quoi servent les traités…
On est très loin ici de « l’euro qui protège… » vendu jusque dans les rangs du parti de la gauche européenne, direction du PCF incluse malheureusement, PGE il est vrai généreusement subventionné pour cela par la Commission Européenne.
Il est important de le rappeler :
1°) les traités européens interdisent le financement des dettes publiques par la Banque Centrale Européenne. Celle-ci est indépendant des États, c’est-à- dire directement sous le contrôle des marchés financiers. C’est pour cela qu’a été institué l’euro !
2°) les traités ne peuvent pas être modifiés : il faudrait pour cela l’unanimité des pays membres.
Bref, la réforme de la BCE et de l’Euro en une banque sous contrôle publique et une monnaie au service des peuples est un mensonge criminel.
Pendant ce temps, toutes les capitales européennes rigolent des guignolades d’un Macron pleurnichant pour la mise en place de « coronabonds ».
Tombant les masques, cet arrêt fait également voler en éclat les opérations de propagande de la Commission européenne. Pour tenter de masquer qu’elle est dramatiquement responsable de la crise sanitaire, celle-ci lance sans honte une souscription pour financer la recherche sur un vaccin contre le covid19 après avoir étranglé les services publics de recherche qui pourraient sinon déjà être au travail.
Ce pourrait en être fini du programme d’injection massive de liquidités par la BCE. Un programme dont il est essentiel de rappeler qu’il n’est pas dirigé vers les budgets publics des États, mais vers les banques privées qui pourront ainsi démultiplier encore plus leur capacité à spéculer et s’enrichir de dizaines de milliards d’intérêts en prêtant à ces États livrés en pâture, faisant ainsi les poches des peuples.
De fait, la BCE a pris acte de cet arrêt, qui sanctionne de façon évidente que les traités européens, c’est-à-dire pour parler clair, l’Union Européenne, sont bien l’arme supranationale de domination du Capital allemand
Et de s’engager, alors que la crise économique et une récession sans précédent menacent, à faire « tout le nécessaire dans le cadre de son mandat » pour remplir sa mission, de garantir un niveau d’inflation inférieur à 2%. C’est que c’est cela la fonction de l’euro :
- interdire le financement direct de l’État par une banque nationale public, échappant ainsi potentiellement à la prédation capitaliste et mettant le peuple souverain à l’abri de ses attaques financières, pour au contraire sanctifier la dictature absolue des marchés financiers privés
- protéger le sacro-saint Capital, en assurant non seulement la libre circulation des capitaux- à l’abri de la fiscalité redistributive que les gueux pourraient imaginer mettre en place – mais également leur sécurisation contre l’inflation.
Cette décision des juges constitutionnels allemands qui, contrairement au Conseil constitutionnel français, refusent de se désaisir au profit des institutions supranationales de l’Union Européenne, démontrent s’il le fallait encore que, l’Euro pour s’en sortir, il faut en sortir. De toute urgence.
De fait, comme le rappelle la spécialiste des questions européennes, Coralie Delaume sur sa page facebook, si d’aventure la crise du covid-19 générait une trop lourde charge financière pour une Allemagne et son hinterland, ce pourrait être le Capital allemand lui-même qui mettrait fin à un euro, qui n’est que la monnaie unique de l’impérialisme allemand.
JBC pour www.initiative-communiste.fr
L’arène nue – Une page de Coralie Delaume : le commentaire publiée sur sa page facebook par Coralie Delaume
Important ! La Cour constitutionnelle allemande (ou Cour de Karlsruhe) vient de rendre un jugement qui engage l’avenir de toute la zone euro. Je vais essayer d’expliquer.
Par deux fois, des plaignants allemands (dont l’économiste Bernd Lücke, ancien fondateur du parti AfD, dont on se souvient qu’à ses débuts, il était avant tout un parti anti-euro) ont saisi leur Cour constitutionnelle pour qu’elle tranche la question de la compatibilité des pratiques de la Banque centrale européenne en matière monétaire avec le droit en vigueur. La première saisine date de 2015 et concernait le programme OMT (opérations monétaires sur titres). La seconde saisine date de 2018 et concernait le PSPP (en gros, le « quantitative easing »). Par deux fois, la Cour de Karlsruhe a renvoyé l’affaire devant la Cour de justice de l’Union. Et par deux fois, la CJUE a jugé les décisions de Mario Draghi conformes avec les traités. La seconde décision de la CJUE (celle sur le PSPP donc) date de décembre 2018. C’est de cela qu’il est question dans ce post.
Après la décision de la CJUE de décembre 2018 (qui ne pouvait qu’être favorable à la Banque centrale européenne, la CJUE n’allait pas s’amuser à risquer l’avenir de l’euro), l’affaire est revenue en Allemagne, et Karlsruhe devait se prononcer sur ce qu’avait dit la CJUE. C’est la décision du jour.
Que dit cette décision ?
1/ Elle dit que vraisemblablement, l’action de la BCE n’est pas conforme au principe de proportionnalité, selon lequel l’action de l’UE doit se limiter à ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par les traités. L’objectif fixé à la BCE par les traités est de maintenir l’inflation au dessous mais autour de 2%, pas plus. Or le « quantitative easing » a des implications économiques plus globales, qui dépassent la seule question de l’inflation. Il a notamment des implications sur la politique budgétaire de certains Etats, puisqu’il leur permet de se financer à des taux inférieurs à ceux dont ils bénéficieraient « par eux mêmes » sur les marchés.
Dans ces conditions, la Cour de Karlsruhe estime qu’elle n’est pas liée par la décision de décembre 2018 de la CJUE. Elle demande à la BCE de réexpliquer sous trois mois comment elle interprète le principe de proportionnalité et en quoi son action est proportionnée à l’objectif qu’elle poursuit. Passé ce délai, la Bundesbank pourrait ne plus participer au programme.
Ce point appelle deux remarques :
– En principe, la BCE est indépendante. Le demeure-t-elle si la Cour constitutionnelle d’un Etat membre se met à lui lancer des ultimatums ?
– Imaginons que la Bundesbank se retire. L’Allemagne n’a certes pas besoin que sa banque centrale achète ses bons de Trésors pour se financer. MAIS si le PSPP a été jugé légal par la CJUE c’est parce que les achats étaient répartis en fonction de la participation de chaque Etat au capital de la BCE. Si ce pro-rata n’est plus respecté, le programme est-il encore légal ?
2/ La Cour allemande a confirmé que le PSPP n’était pas contraire à l’article 123 du traité, article qui interdit le financement direct des Etats par la BCE, justement parce que le pro-rata par pays (le même que ci-dessus), existe.
Mais il se trouve qu’avec le COVID et ses conséquences économiques, la BCE a décidé d’un nouveau programme, le PEPP. Or pour ce programme, elle a annoncé qu’elle allait s’affranchir du pro-rata par pays. En cas d’action en justice, il y a donc toute les chances que ce PEPP soit jugé non conforme au traité.
Bref, cette décision est lourde de conséquences :
– Elle interroge l’autorité de la CJUE : une Cour nationale vient clairement de dire qu’après lui avoir demandé de trancher une question, elle reprenait finalement les rênes car le résultat ne lui convient pas,
– Elle pose la question des marges de manœuvres dont dispose la BCE pour sauver l’euro si sa survie est en jeu. Mario Draghi avait juré de faire « tout ce qui est nécessaire ». Apparemment le « tout ce qui est nécessaire » est quand même limité par la Constitution allemande.
– Elle pose la question de notre propre souveraineté : l’Allemagne fait certes primer sa loi fondamentale (en quoi elle a su demeurer un pays souverain) mais est-il bien normal que « notre » politique monétaire doive passer sous les fourches caudines du droit allemand ?
– Elle pose la question du fédéralisme de fait. Toutes les limites que pose la Cour de Karlsruhe depuis le début sont autant de limites posées à la fédéralisation effective que décide la BCE dans son coin, sans vote du Bundestag. Pourquoi l’Allemagne est-elle la seule à poser des limites ? (A poser SES limites : celles qu’elles juge bonnes pour elle)
Bref, tout ça souligne que l’UE c’est la quadrature du cercle. On ne peut pas être en même temps une organisation internationale qu respecte la souveraineté des Etats et utiliser une monnaie fédérale, gérée par une Banque centrale fédérale. Cette fois encore « ça » passera. Les juristes bidouilleront un truc pour éviter que l’euro n’éclate. Mais ça mettra l’Allemagne dans une situation inconfortable. Ceci dit, plein de pays sont déjà dans une situation inconfortable parce que la BCE n’en fait pas assez. Inconfort des uns, inconfort des autres, inconfort de tout le monde, au bout du compte.