UNE ANALYSE PERCUTANTE DE LAURENT BRUN, secrétaire de la CGT CHEMINOTS…sur le bilan catastrophique de la politique sanitaire française et sur la nécessité « DE REMETTRE EN CAUSE TOUTE LA POLITIQUE DE LIBRE ÉCHANGE DE L’U.E. (DONC L’Union européenne ELLE-MÊME) »
Les positions se décantent dans la CGT. Alors que Martinez, tournant le dos à la belle lutte qu’il avait initialement soutenue contre la loi El Khomri, signe désormais avec le jaune Berger et les syndicats réformistes allemands des textes de soutien à la politique financière de Macron/Merkel (le soi-disant « emprunt solidaire » de l’UE sur les marchés financiers), de plus en plus de secteurs CGT mettent en cause l’UE (lire par exemple la déclaration commune sur la santé du collectif des Bouches-du-Rhône initiée par la CGT13 et auquel participe le PRCF 13) , refusent le mensonge par omission des tracts syndicaux qui ne disent mot des injonctions européennes à réduire les dépenses de santé et appellent à revenir au syndicalisme de classe. Loin des parlotes macronistes travesties en « dialogue social », alors que la contre-réforme des retraites pointe à nouveau son vilain museau, appuyons toutes ces luttes et aidons à leur convergence pour construire le « tous ensemble en même temps » contre Macron et l’euro-mondialisation virale, pour de nouveaux « jours heureux » mettant le monde du travail au centre de la vie nationale.
Georges Gastaud – 11 juillet 2020
En plein « Ségur » de la santé, grotesque mascarade de négociation à l’image de la « concertation » pendant la réforme ferroviaire ou du « grand débat » pendant le pic de mobilisation des Gilets jaunes, il est utile de prendre du recul sur notre système sanitaire. La pandémie de COVID-19 devrait nous aider à cela…
Si on cherche à mesurer sérieusement la situation, on constate tout d’abord que les médias nous parlent beaucoup des États-Unis et du Brésil mais qu’en réalité, pour l’instant, rapporté à la population, c’est dans les pays d’Europe que le virus a fait le plus de morts. (Et je ne compare même pas avec la Chine ou avec Cuba, ce serait trop humiliant pour nous). Il n’est pas interdit que les USA et le Brésil nous dépassent, tant la gestion anti scientifique de l’extrême droite est catastrophique, mais cela ne doit pas nous faire oublier la calamité de la gestion dans nos pays européens, ce que tentent manifestement de faire les médias.
Au-delà des choix immédiats des gouvernements (confiner ou pas) qui ne semblent finalement n’avoir qu’une importance relative quand on compare le taux de mortalité de la Suède avec l’Italie ou la France, ce qui frappe, c’est une corrélation plus évidente entre mortalité et faiblesse des équipements médicaux. L’Allemagne ayant l’un des plus fort taux de lits d’hôpital d’Europe a aussi le plus faible taux de mortalité, et à l’inverse, la Belgique, la Suède, le Royaume Uni, l’Espagne ayant un nombre de lits d’hôpital faible sont les plus touchés… l’Allemagne a près de 40% de capacité hospitalière de plus que la France ou la Belgique ! La capacité industrielle à produire des tests et des masques, ainsi que la décision de leur gouvernement de les utiliser, ont certainement joué aussi, mais le système de santé est le premier rempart à la mortalité.
Cela éclaire d’un jour différent la décision du Gouvernement français de poursuivre la suppression des lits et la fermeture des hôpitaux. Cela doit nous encourager également à soutenir la revendication des syndicats de la Santé qui demandent bien sûr des augmentations de salaire, mais aussi du personnel et des lits !
Il faut noter que si l’on compare le taux de lits d’hôpital 2019 avec 2014, la France a perdu 30 lits par 1000 habitants, soit 5% de sa capacité. C’est énorme, c’est fulgurant, c’est totalement irresponsable ! La Belgique en a perdu 40 soit 7%, et c’est encore pire pour le Royaume Uni (-40/15%) et la Suède (-30/14%). Je ne peux m’empêcher de relier cette situation avec la politique d’austérité budgétaire décidée par l’Union européenne, mais plus globalement c’est la gestion néolibérale du service public de la Santé, par les coûts et leur réduction, qui est en cause.
Car pour arrêter de supprimer des lits d’hôpital et même en recréer, il faut des moyens financiers. Or ces dernières années, la France et l’UE se sont lancées dans une politique de « défiscalisation » des bas salaires. Cette politique est directement liée à la mise en concurrence avec les pays à faible coût de main d’œuvre permise par les accords de libre-échange, ou encore les directives pays d’origine.
Résultat : pour un salarié gagnant le SMIC et au-delà, il n’y a presque plus aucune cotisation sociale de versées à la Sécu !
Sarkozy/Fillon avaient commencé le travail, Hollande/Valls l’ont poursuivi et Macron/Philippe l’ont achevé avec la transformation du CICE et du CITS en exonérations supplémentaires.
Au 1er janvier 2019, les cotisations d’assurance maladie pour les salariés gagnant jusqu’à 2,5 fois (!) le SMIC sont passées de 13 à 7% soit 17,1 milliards de pertes (les syndicats de soignants en revendiquent 15 pour les salaires et les lits !!!) qui sont directement allés dans les poches des actionnaires sans passer par la case investissement ou création d’emplois.
Ces exonérations touchent aussi les retraites, le chômage, la famille (5 milliards de plus).
Un récent rapport de la Cour des Comptes estime à 90 milliards les exonérations de cotisations sociales diverses !
Au passage, il faut noter que les établissements publics ne bénéficient la plupart du temps pas de ces allègements. Donc quand ils sont mis en concurrence avec des structures privées (par exemple la SNCF avec une entreprise ferroviaire privée, ou Pôle Emploi avec une entreprise d’insertion privée), ils sont structurellement défavorisés, ce qui profite à la casse du modèle public… tout est lié !
On comprend désormais pourquoi il était possible dans les années 80 d’avoir des hôpitaux de proximité, et pourquoi ça ne l’est plus aujourd’hui et qu’il faut courir de plan d’économie en plan d’économie.
Nous devrions donc avoir 3 priorités après la pandémie de COVID-19 :
1) satisfaire immédiatement les revendications des syndicats de soignants, augmenter les salaires, créer des emplois supplémentaires, réouvrir des lits, recréer des hôpitaux en proximité ;
2) remettre les comptes de la sécu à l’équilibre en supprimant autant d’exonérations que nécessaire, en priorité pour toutes les sociétés par actions (elles ont versé 200 milliards de dividendes à leurs actionnaires en 2018 donc même la perte totale des 90 milliards d’exonérations ne les feraient pas boiter !)
3) remettre en cause toute la politique de libre-échange de l’UE (donc l’UE elle même) qui conduit à une concurrence salariale dont la finalité est d’abaisser les moyens des systèmes de protection sociale des pays industrialisés et de ne pas permettre aux pays émergents de s’en créer.
Dans tous les cas TOUS EN GRÈVE ET EN MANIFESTATION LE 17 SEPTEMBRE
Laurent Brun – CGT Cheminot sur sa page Facebook
https://m.facebook.com/100050286602133/posts/151382596547960/
Bjr
je partage en grande partie cette analyse, je suis partisane de la sortie de l’UE, sans problème
Juste une petite remarque : l’Allemagne fait partie de l’UE pourtant vous écrivez :
« … l’Allemagne a près de 40% de capacité hospitalière de plus que la France ou la Belgique ! La capacité industrielle à produire des tests et des masques, ainsi que la décision de leur gouvernement de les utiliser, ont certainement joué aussi, mais le système de santé est le premier rempart à la mortalité. »
Comment l’expliquer alors que c’est avec les Pays bas ceux, les pays qui ont permis l’institution d’une sécu privé (groupe assurance) en concurrence du système mis en place avant 39/45. Ces analyses doivent être très sérieusement approfondies si nous voulons convaincre l’opinion et surtout retourner les positions de la « gauche » en France. Je ne développe pas mais cela fait des années que comme d’autres militant-e-s je travaille sur ce sujet entre autre. Merci pour vos contributions.