Septembre c’est la fin de la période estivale, celles des congés payés. et Georges Gastaud, directeur politique d’initiative Communiste le journal du PRCF répond aux questions de la rédaction autour des grands enjeux de la période. Un grand entretien passionnant en parties sur la problématique géopolitique, sociale et politique de la rentrée scolaire et sociale. Et rendez vous du 15 au 17 septembre avec les nombreux débats qui auront lieu sur le stand du PRCF à la fête de l’Huma, l’événement de la rentrée politique.
- partie 1 : quel avenir pour la paix mondiale alors que l’contre-offensive de l’OTAN en Ukraine escalade dans la boucherie
- partie 2 : Face à l’urgence environnementale, réagir après la récente canicule française, les méga-feux aux Canada et en Grèce, canicule record en Iran et ces séries de catastrophes naturelles
- partie 3 : Opposer à la destruction capitaliste du pays la résistance révolutionnaire du prolétariat devenant Nation
- partie 4 : Tirer les leçons politiques de la bataille des retraites, résister à la fascisation et construire l’alternative rouge et tricolore gagnante pour les travailleurs
- partie 5 : Elections européennes : agir pour le vrai enjeu, la souveraineté du peuple avec le Frexit progressiste !
Pour la première partie de l’entretien, c’est sur la très inquiétante actualité de l’escalade continue par l’OTAN de la guerre en Ukraine et le sujet grave et prioritaire de la paix mondiale que nous abordons. Rappelons qu’après des chiffres non démentis par le secrétaire générale de l’OTAN en réponse à la question de l’euro député irlandaise Dale, c’est un demi-millions de jeunes ukrainiens mobilisés en masse comme soldats pour porter les armes livrés par l’OTAN qui sont d’ores et déjà victime de la guerre.
Initiative communiste : Selon des sources convergentes, la contre-offensive ukrainienne pilotée et armée par l’OTAN constitue un échec militaire et une saignée terrifiante pour la jeunesse ukrainienne et, à un moindre niveau certes, pour les jeunes Russes. Qu’en est-il pour l’avenir de la paix mondiale ?
Georges Gastaud – Contrairement aux dirigeants de la gauche OTAN-compatible et des appareils politiques et syndicaux euro-formatés, le PRCF a souligné dès février 2022 que les instigateurs de cette guerre, véritable banc d’essai préparatoire à une possible nouvelle guerre mondiale, sont l’impérialisme étatsunien, ses paladins anglo-saxons (Australie, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande) et son second cercle germano-franco-européen. En effet, les populations d’Ukraine et, à un moindre degré, de Russie, surtout celle du Donbass ouvrier, y servent de chair à canon pour les travaux d’approche du « conflit global de haute intensité » qu’annonçaient déjà, bien avant l’intervention russe de 2022, les dirigeants de l’OTAN aussitôt relayés par Thierry Burckard, le chef d’état-major d’une Armée française totalement arrimée à l’UE atlantique. Seuls les « journaleux embarqués » des grands médias officiels (leur vraie fonction hautement politique étant de « blinder » l’union sacrée belliciste…) feignent de ne pas saisir que l’Oncle Sam cherche partout la bagarre avec l’entente eurasiatique sino-russe, et cela des marches occidentales de la Russie (Pays baltes, Biélorussie, Ukraine, voire Kosovo et Géorgie) à la Péninsule coréenne en passant par l’île chinoise de Taiwan: la raison profonde de ce charivari planétaire a peu à voir avec le prétexte ukrainien. En réalité, l’Empire euro-atlantiste veut conserver à tout prix sa suprématie économique, monétaire et financière mondiale que menace l’émergence des grands pays de l’Est et du Sud (les B.R.I.C.S. en voie d’élargissement notamment, mais pas seulement par eux…). Lesquels n’en peuvent plus de la domination militaro-financière unilatérale imposée au monde par Washington depuis la dissolution contre-révolutionnaire de l’URSS et du camp socialiste. Qu’importe à l’UE-OTAN et aux USA que le régime pronazi de Kiev pourchasse la gauche ukrainienne, communistes en tête, et tant pis si les souvenirs de la grande Guerre antihitlérienne menée en commun par les peuples soviétiques sont méthodiquement extirpés d’Ukraine par les nostalgiques de Bandera, l’un des pires fauteurs de génocide du XXème siècle… Aux yeux des « démocrates » occidentaux, Joseph Biden en tête, c’est là sans doute ce qu’un autre a jadis osé appeler, non sans faire alors scandale, un « point de détail de la Seconde Guerre mondiale« …
Dès lors, l’évolution militaire du front ukrainien et la colère croissante des mères ukrainiennes endeuillées et abandonnées par un régime ultra-corrompu ne sont pas les seules données à traiter pour qui veut mesurer l’évolution des rapports de forces géopolitiques. Outre l’évolution de la guerre économique mondiale Est-Ouest qui, elle, est déjà largement enclenchée par Washington à coups de « sanctions », il faut considérer que, d’une part, et comme l’a déjà très factuellement souligné Poutine, « la Russie ne peut perdre cette guerre » (il faisait allusion à son arsenal nucléaire et hypersonique de pointe, qui reste un dernier recours pour le Kremlin); alors que, côté occidental, la règle politico-militaire implicite est la suivante : si les Ukrainiens percent le front russe, alors il faut encore accroître l’engagement militaire massif de moins en moins indirect de l’OTAN de manière à porter l’estocade à Poutine et à renvoyer in fine la Russie à l’état néocolonial qui fut le sien à l’époque d’Eltsine; voire, si le rapport des forces le permettait au temps T, pour tenter de démembrer la Fédération russe en encourageant tous les séparatismes régionalistes (c’est ce que, à Washington, on appelle déjà, à tout hasard, « décoloniser » l’espace russe…). Si en revanche l’armée de Kiev s’écroule, ce qui est désormais très possible tant la population ukrainienne est à bout de force, alors… il faudra aussi et encore accroître l’engagement massif indirect (voire de plus en plus direct?) de l’armée nord-américaine en Europe (des centaines de milliers de GI’s vont prochainement venir faire du « tourisme kaki » de l’Estonie aux Balkans…), doper les dépenses militaires occidentales, envoyer des F. 16 à Kiev, puis pourquoi pas demain, des Mirage français, bref franchir irresponsablement l’une après l’autre toutes les « lignes rouges » fixées par Moscou. D’ores et déjà, cela signifie déjà bâtir une « armée européenne » arrimée à l’OTAN et réarmer à fond l’Allemagne et le Japon tout en sabrant le pays de Stalingrad qui, selon le Général de Gaulle, a jadis « joué le rôle principal dans notre libération« . En un mot, l’Occident ne pose aucune limite catégorique à la « montée aux extrêmes » du conflit en cours et il espère, sans doute en vain, que Moscou – et derrière lui, Pékin – craqueront les premiers. Et même s’il y avait une accalmie provisoire sur le front ukrainien au vu de l’usure rapide de l’armé ukro-atlantique, ce ne peut être qu’un « reculer pour mieux sauter » pour les faucons étatsuniens, qu’ils soient « démocrates » ou républicains ». Déjà Washington prépare fébrilement le choc géopolitique suivant à Taiwan, en Corée, dans tout l’Indopacifique sans oublier d’encourager les séparatismes réactionnaires au Tibet, à Hongkong ou au Sinkiang.
En attendant – et vu qu’il s’agit d’une guerre globale menée par le monde euro-atlantiste contre les dominés du monde entier (c’est-à-dire contre la grande majorité de l’humanité, et pour commencer, contre ces dominants du monde dominé que sont majoritairement les BRICS), il s’agit de continuer à stranguler Cuba socialiste et de laisser le fascisant Netanyahou harceler la jeunesse palestinienne, et à travers elle, l’ensemble du monde arabo-musulman. Ne parlons pas des « sanctions » et autres « lois extraterritoriales » que Washington inflige déjà à tous les Etats qui lui déplaisent (Venezuela, Iran, Nicaragua, etc.) : des sanctions qui sont autant d’actes illégaux de pré-guerre à l’encontre d’Etats censément souverains !
La conclusion est donc simple: si paradoxal que ce soit, c’est bien l’impérialisme américain et ses vassaux, parmi lesquels hélas ce président « français » qui rêve sûrement chaque nuit en globish, qui jouent avec la survie de l’humanité car si l’empoignade aujourd’hui encore partiellement indirecte entre le bloc euro-atlantiste et l’entente russo-chinoise finissait par dégénérer en conflit global direct et nécessairement nucléarisé (les frappes « tactiques » ouvrant sur les frappes « stratégiques »), l’humanité – et au premier chef, notre pays que sa subordination militaro-diplomatique de fait à l’empire euro-atlantique placeront aux « premières loges » – serait menacée d’extermination à court terme.
Du reste, cela fait quarante années que l’auteur de ces propos argumente la thèse selon laquelle le capitalisme-impérialisme moderne s’est lourdement chargé d’une dimension exterministe, ce qui veut dire que le maintien du mode de production capitaliste à l’échelle planétaire est devenu directement et globalement incompatible avec la survie de l’humanité ; pas seulement dans le domaine militaire du reste mais aussi sur le terrain environnemental, voire sur les terrains culturel et technologique où le capital travaille furieusement à traquer, expulser, minorer l’humain. Pointer la furieuse « pulsion de mort » qui travaille le capitalisme-impérialisme parvenu à sa phase agonisante n’a rien de démobilisateur en soi : c’est au contraire le déni de l’actuel danger global qui désarme les peuples et nous devons tous garder en tête l’idée que, comme l’a écrit Rosa Luxemburg, « il n’y a rien de plus révolutionnaire que de dire ce qui est« .
D’autant que le « pessimisme de l’intelligence » allant de pair pour nous, militants franchement communistes, avec l' »optimisme de la volonté! » cher à Romain Rolland, la conclusion pratique à tirer de ces analyses n’est sûrement pas de « croire » contre les faits, et parce qu’on se voudrait à tout prix « optimiste », que « les capitalistes n’iront jamais jusqu’à la guerre mondiale« , qu’ « ils sont trop rationnels pour s’autodétruire ou pour nuire à leurs profits » (deux hécatombes mondiales depuis 1914 et la crise gravissime des euromissiles de 84 prouvent au contraire l’irrationalité foncière du système, et le marxisme donne dialectiquement, au second degré en quelque sorte, les impérieuses raisons de classe… de cette irrationalité) ; la conclusion pratique à tirer du constat que, comme le disait le philosophe Yves Vargas, « quand le capitalisme est malade, il faut mourir les autres« , doit être de mobiliser et d’unir très largement les citoyens épris de vie et d’esprit critique, et, de manière centrale, le mouvement ouvrier et populaire, pour isoler (mondialement, mais aussi pays par pays) les fauteurs de méga-mort, pour réclamer ici et maintenant
- la rupture de la France avec l’UE-OTAN,
- la désescalade immédiate en Ukraine,
- la cessation des livraisons d’armes occidentales et
- l’ouverture de négociations de paix ici et maintenant, bien entendu sans jamais sacrifier les vœux clairement exprimés des populations russophones de Crimée et des ouvriers du Donbass.
Il s’agit aussi de faire lien entre nos revendications salariales et sociales (retraites, remboursements Sécu, augmentation-indexation des salaires, « produire en France », services publics, statuts, etc.)et la dénonciation des super-dépenses militaires engagées par Macron sur sommation de l’OTAN. C’est ce lien que n’a jamais fait l’Intersyndicale pilotée par Laurent Berger, le président en titre de la Confédération Européenne des Syndicats, cette docile mascotte « syndicale » de l’UE. En revanche, avec leurs moyens modestes, le PRCF et la JRCF ont fait cet été ce qu’ils devaient faire pour la paix, par ex. en manifestant à Toulouse contre le nouveau Centre de recherches spatiales de l’OTAN. Mais qu’auront tenté durant la même période, en matière de défense de la paix et alors qu’ils disposent de moyens financiers d’Etat infiniment supérieurs à ceux du PRCF, la gauche établie et les confédérations syndicales subventionnées par l’Etat et par l’UE ? La réponse est factuelle : elles n’ont strictement rien fait, quand elles n’ont pas continué à propager lâchement, en hurlant avec les loups occidentaux, l’idée sommaire d’un Poutine « ivre d’agression »[1], ce qui permet au PCF euro-rallié et à la France « insoumise » de ménager le PS atlantiste, de courtiser les bellicistes d’EELV et d’alimenter la fiction purement électoraliste de la NUPES: laquelle n’en est pas moins en passe de voler en éclats à l’approche des sacro-saintes « élections européennes » et autres juteuses « sénatoriales », chaque écurie politique n’ayant en tête que ses petits poneys alors qu’il faudrait radicalement délégitimer, par le boycott électoral, le cadre institutionnel grossièrement belliciste, antisocial et antidémocratique de l’Europe supranationale…
Il est vrai que cette trahison de la fausse gauche, et à sa suite, celle des faux communistes qui dirigent l’actuel PCF, vient de loin : déjà dans les années 1980, Enrico Berlinguer, alors chef de file du désastreux « eurocommunisme », expliquait que son parti, le PC italien en pleine dérive européiste, atlantiste, anti-léniniste et social-démocrate, serait fier et heureux de « construire le socialisme » italien à l’abri de l’OTAN, c’est-à-dire… sous la protection de l’Armada mondiale du capital ! Ah si du moins, à défaut de sortir de l’union sacrée russophobe et sinophobe, de tels « novateurs communistes » pouvaient provisoirement arrêter de nuire et de désorienter les milliers de militants honnêtes qui, hélas (en souvenir d’un passé révolu que ces faux dirigeants communistes ne cessent de dénigrer !) continuent de suivre aveuglément ces suicidaires joueurs de flûte ! Le PRCF renouvelle donc son appel aux vrais communistes, progressistes, pacifistes, patriotes et internationalistes (ces deux adjectifs ne s’opposent pas, au contraire !), ainsi qu’aux syndicalistes de classe qui ont porté les grèves reconductibles du printemps : ensemble, faisons retentir dans les luttes de l’automne le juste slogan « L’argent pour les salaires, pas pour la guerre! », ensemble dénonçons la ruineuse Loi de programmation militaire chère à Macron et aux LR, ensemble prolongeons l’action courageuse des vrais socialistes qui, en août 1914, eurent le courage de refuser l’union sacrée belliciste, qu’il s’agisse de Jaurès en France, de Lénine en Russie ou du socialiste allemand Liebknecht proclamant, au prix de sa liberté, puis de sa vie, « l’ennemi principal est dans ton propre pays« : oui il est veule de voter au Parlement les crédits de guerre français à Zelenski comme l’a hélas fait le groupe « communiste », de cibler seulement ou principalement « le camp d’en face » (les affreux Russes et la Chine « totalitaire ») et d’oublier lâchement que la tâche des vrais internationalistes (qui sont en l’occurrence aussi les vrais patriotes tant il est clair que la France serait l’un des premiers pays à être anéanti si le conflit en cours se terminait en guerre nucléaire!) est de contrer prioritairement « nos » propres impérialistes et la flopée de faux intellectuels à la Glucksmann qui poussent notre pays au suicide !
[1] Nul ne demande d’idéaliser cet anticommuniste de choc contre lequel le PRCF a toujours défendu le Parti Communiste de l’Union soviétique, lequel est toujours interdit en Russie, mais en l’occurrence « là n’est pas la question » qui est tout bonnement, de sauver l’avenir global de l’humanité…