Depuis les deux derniers mois, il est devenu coutume de voir les sempiternelles sanctions de l’UE télécommandées depuis Washington pleuvoir sur la Russie comme une tempête de missiles balistiques. Cependant il est également de notoriété que la Russie, déjà habituée au registre de la Comedia del Arte du bloc UE-OTAN s’était préparée à l’éventualité. Or depuis plus d’un mois on peut observer que le rouble s’est largement stabilisé mais qui plus est, est revenu aux niveaux de 2020 et continue de progresser face à l’Eurodollar. Mais ce n’est pas tout, Gazprom a enregistré de loin le meilleur bénéfice depuis sa création avec 21 milliards de dollars grâce à l’augmentation des prix, créé artificiellement par les sanctions euro-atlantique et les menaces de rupture de contrat et de paiement de certains pays comme la Pologne, Finlande, et même la Bulgarie qui s’est par ailleurs vite ravisée.
Le comble est atteint lorsqu’on apprend que Renault cède la majorité de ses parts en Russie pour 1 rouble « symbolique », récupérées par le constructeur LADA et l’Etat russe. Et après c’est Poutine le communiste ! Pourtant on lui fait l’économie de l’expropriation ! On imagine mal la tête que feraient les bolchéviques s’ils étaient témoins de cette auto-expropriation occidentale, qui leur avait couté si cher à arracher aux impérialismes européens en 1917-1921. Cet événement loin d’être isolé vient agrémenter la cascade de retraits d’un grand nombre d’entreprises et multinationales étasuniennes et européennes de Russie, qui conserve toutes les parts, et l’infrastructures des auto-expropriés. La Russie se voit donc contrainte de nationaliser tout se parc entrepreneurial abandonné pour le mettre à son profit au grand dam occidentaliste.
D’aucun se rappellera l’installation du premier Macdonald à Moscou en 1987 célébré comme un triomphe idéologique par l’Occident (oui vraiment !), et aussi les rachats « symboliques » de toute l’industrie soviétique et du bloc de l’Est pour une poignée de roubles par les oligarques capitalistes occidentaux à l’époque de la chute du mur. Aujourd’hui Diadia (tonton) Vania vient reprendre la main sur le clown étasunien, sauvant par la même occasion 62.000 emplois salariés menacés de licenciement du jour au lendemain.[1] Il ne reste qu’à espérer que la qualité de la restauration va s’améliorer ce qui au vu des standards de l’industrie fastfood américaine ne devrait pas être très difficile.
Demande enrégistrée pour le dépôt de la marque Diadia Vania à la Douma par le russe Pol-Logistics
Mais que ce passe-t-il donc chez l’empire euro-atlantique ?
La fin de l’UE ?
Montesquieu disait qu’il faut chercher les responsables des guerres, non pas chez ceux qui les déclarent, mais ceux qui les rendent inévitables. Et pour cause, les Etats-Unis ont depuis plusieurs années clairement revendiqué leur stratégie de division de l’Europe, l’affrontement forcé avec la Russie par le biais de l’Ukraine et la volonté de renforcer la tutelle sur l’UE et l’encerclement et puis la balkanisation de la Russie. Et par-dessus le marché (c’est le cas de la dire), l’enrichissement. Cela crève tellement les yeux que même certains médias aux ordres comme le Figaro sont forcé de l’admettre à demi-mots.[2]
La Russie, loin de s’affaiblir se renforce, économiquement mais aussi politiquement. Les sondages montrent qu’une part toujours plus majoritaire de la population soutien l’opération militaire. Sur le terrain militaire la situation est complexe mais pour le moment les russes et leurs alliés locaux l’emportent très largement. Qui plus est face à la haine russophobe et la réhabilitation et la glorification du nazisme en Ukraine et dans le reste de l’UE, qui rappelle les pires heures de l’Histoire, fleurit parmi la soldatesque russe et séparatiste ainsi que parmi la population, les représentations de la Grande Guerre Patriotique (GPP). Ici où là, sont hissés des drapeaux soviétiques et de la Victoire sur le Fascisme comme à Kherson ou à Nova Kavkovka dans le Sud de l’Ukraine. La ferveur est telle que le gouvernement russe se voit obligé de réutiliser tout le champ référentiel et le discours sur la GPP, une position dont les communistes russes qui ont fait leurs meilleurs résultats électoraux depuis des décennies malgré les fraudes, profitent pour demander à la Douma le remplacement du drapeau russe tsariste par le drapeau soviétique. D’une certaine manière il semblerait que nous assistions au début de ce qui pourrait être un anti-chute du mur de Berlin. Il ne s’agit de romantiser ces éléments ni de les surinterpréter. Mais il est clair que la Russie ne peut se défendre sans mobiliser tout l’arsenal de la culture soviétique et l’antifascisme, convertissant de fait le communisme comme l’allié objectif de cette jeune et timide bourgeoisie nationaliste russe. Reste à voir si, comme en 1917, elle se montrera incapable de mener à bien la tâche historique de la contre-offensive sans l’initiative du prolétariat russe lui-même duquel elle dépend.
Quant à l’UE et ses oligarchies capitalistes locales, elle se retrouve comme étant le véritable dindon de la farce, contrainte à faire, de mauvaise grâce, le harakiri final pour ses maîtres de Washington, alors même que la logique de l’intérêt de marché capitaliste le plus basique indique qu’il s’agit d’un suicide insensé à tout point de vue. Entre soumission servile et remontées fébriles d’un maigre instinct de survie, les oligarques européens, tel un poulet sans tête, marchent dans tous les sens. L’Allemagne, l’Italie, la Hongrie et plusieurs autres finissent par reconnaître l’évidence et freinent des deux pieds tandis que d’autres préfèrent jouer aux chiens enragés russophobes tels que la Pologne, la Roumanie ou les pays baltes, et se disent prêt au grand saut dans le vide par amour et loyauté infinie envers leur seigneur et suzerain otanien. Il est dommage et très regrettable que le résultat de la présidentielle chez nous, nous destine à être rangés dans la seconde catégorie.
Il encore trop tôt pour mesurer toutes les conséquences des bouleversements en cours, surtout sur le théâtre d’opération militaire, mais une chose est sûre, les récents évènements mettent un terme à la période d’offensive contre-révolutionnaire commencée dans les années 80 par le bloc impérialiste euro-atlantique. S’ouvre donc la voie pour une contre-offensive populaire et prolétarienne dans toute l’Europe et à l’échelle planétaire, dont les possibilités et l’intensité dépendra en grande partie de toute la mesure de la défaite du bloc euro-atlantique dans l’affrontement en cours, à moins bien sûr, que le conflit dégénère dans un hiver nucléaire qui nous détruirait tous.
BD pour www.initiative-communiste.fr
[1] Pour connaître plus de détails sur l’affaire https://www.saimondy.net/2022/03/22/russie-diadia-vania-remplace-mcdonalds-sauve-62-000-emplois/
[2] https://video.lefigaro.fr/figaro/video/comment-les-etats-unis-profitent-de-la-guerre-en-ukraine/