L’UE, championne de la cause « écologique » avec… les groupes pétroliers
« L’UE choisit comme conseiller sur l’environnement… BlackRock, investisseur dans le pétrole »[i] : en ce 13 avril 2020, Marianne annonce que le fonds d’investissement ami de Macron – dont le président de la branche française et ancien dirigeant de GDF-Suez puis d’Engie, Jean-François Cirelli, avait été élevé au rang d’officier de la légion d’honneur le 1er janvier 2020 (champagne !)[ii] – a été choisi par l’« Union européenne » (UE) comme conseiller sur… l’environnement. Rappelons au passage que Black Rock a joué un rôle majeur en faveur de la contre-réforme des retraites[iii] – pour le moment suspendue… Nouveauté ? Provocation ? Disons plutôt, la substance même de l’UE, c’est-à-dire un cartel capitaliste euro-atlantique érigé contre les conquêtes démocratiques et sociales ainsi que les « contraintes » sanitaires et environnementales… et ce depuis un bon moment.
En effet, l’UE, promotrice depuis sa création de la « totale liberté de circulation » (surtout des capitaux, des marchandises… et des capitalistes) dans une « économie de marché où la concurrence est libre et non faussée », signe aux quatre coins de la planète des « accords de libre-échange » (ALE) prévoyant, notamment dans le cas de l’« accord de libre-échange » transatlantique (TAFTA en anglais), la création de tribunaux privés saisissables par des firmes transnationales (FTN) désireuses d’en finir avec les fameuses « contraintes » législatives des États (surtout en matière de droits sociaux, de droit du travail et de protection de l’environnement)[iv]. Et en matière de politique en faveur du prétendu « développement durable » et de la « protection de l’environnement », l’UE a déjà montré ses « spécificités » : ainsi Miguel Arias Cañete, ancien ministre de l’agriculture sous le gouvernement néo-franquiste de José Maria Aznar, fut pressenti pour devenir commissaire européen en charge du climat et de l’énergie sous la Commission Juncker… après avoir fondé deux compagnies pétrolières, Petrolifera Ducar et Petrologis Canarias[v]. Décidément, entre l’UE et l’exploitation pétrolière, c’est une longue histoire d’amour, rappelant au passage que les liens entre les « démocraties libérales » et le pétrole ont toujours tourné à la connivence « pure » et simple, à commencer par les liens entretenus avec les pétromonarchies réactionnaires du Moyen-Orient[vi].
Bruxelles, capitale des lobbies adeptes d’un capitalisme « vert »
Rien de surprenant pour une UE dont la « capitale », Bruxelles, constitue la place forte des « groupes de pression » capitalistes, accaparant les postes principaux du pouvoir – et ce depuis bien longtemps – et exerçant le réel pouvoir dans les coulisses du prétendu « Parlement européen », de la Commission européenne, etc., au point que même l’européiste quotidien Le Monde admette leur puissance à la veille des élections européennes de 2014[vii] et de 2019[viii]. Des lobbies avant tout financiers et industriels réalisant la fusion institutions-monopoles privés en un mécanisme unique, à l’image de Goldman Sachs qui a imposé ses hommes à la tête de la Commission européenne (Romani Prodi, Mario Monti… avant que José Manuel Barroso rejoigne « la banque qui dirige le monde »[ix] après son départ de la Commission européenne[x]), et bien entendu à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) à la suite de la nomination de Mario Draghi, ancien de Goldman Sachs, à l’automne 2011.
Des lobbies qui s’affirment désormais en « champions du développement durable », de fait un capitalisme faussement « vert ». Car comment croire que les forces capitalistes soient un rempart contre la destruction accélérée des forêts denses d’Indonésie alors que l’UE permet à Total de poursuivre l’exploitation forcenée pour produire de l’huile de palme[xi][xi] ? Comment croire que l’UE capitaliste s’intéresse un temps soit peu à une agriculture de qualité et non polluée alors qu’elle satisfait les intérêts de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) en prolongeant de 5 ans l’utilisation du glyphosate ?[xii][xii] Mais l’UE est, tout comme le tyran Macron, adepte de cet écran de fumée prétendu « vert », se parant dans ses slogans de la couleur au nom d’un utopique « développement durable » laissant croire que la croissance capitaliste pourra protéger l’environnement et satisfaire toutes les classes sociales…
Européistes et eurobéats/eurobenêts dans le même bateau mortifère
Et puisque l’UE est un « horizon messianique devant déboucher sur l’Apothéose »[xiii] (ici, « vert » en l’occurrence), rien ne peut se faire en dehors d’elle en matière environnementale. Mieux : l’UE accomplit le rêve des tenants du « dialogue social », de la « gouvernance » et du « vivre-ensemble », faisant ainsi signer une tribune sous l’impulsion de Pascal Canfin, ancien membre d’Europe Écologie-les Verts (EELV ; notons au passage que le terme « Europe » prime…), désormais eurodéputé macroniste au sein du groupe « Renew Europe » et président de la commission Environnement du « Parlement européen ».Une tribune qui rassemble « 180 responsables politiques, dirigeants d'entreprises, think tanks et ONG appell[a]nt à une ‘‘alliance européenne pour une relance verte’’ à l'issue de la crise sanitaire et économique du Covid-19 »[xiv], parmi lesquels : 79 « eurodéputés » « Renew Europe », conservateurs, « libéraux », « socialistes » et EELV – dont Yannick Jadot, qui réalise son rêve de gouverner aussi bien avec les « socialistes » qu’avec la droite[xv] ; 37 hauts responsables d’entreprises et patrons dont Jean-Paul Agon – PDG du groupe l’Oréal – ou Tim Brett, président de l’Unité Europe de l’Ouest de Coca-Cola (à quand les bouteilles vertes ?!) ; la Confédération européenne des syndicats (CES) et le chantre du « syndicalisme d’accompagnement » Laurent Berger ; et des ministres comme Elisabeth Borne, en charge des transports et de l’environnement en France – et au cœur de conflits d’intérêts qui sont monnaie courante avec la machine européiste[xvi].
Malheureusement, tous ces imposteurs peuvent compter sur la complicité implicite, au moins les mensonges par omission des eurobéats – voire eurobenêts – de « gauche »[xvii], auteurs et signataires de la pétition « Plus jamais ça ! »[xviii] prévoyant notamment dans leur projet de « monde d’après » « de ne pas utiliser les 750 milliards d’euros de la BCE pour alimenter les marchés financiers mais uniquement pour financer les besoins sociaux et écologiques des populations ». Mais Cécile Duflot (Oxfam), Aurélie Trouvé (Attac), Philippe Martinez (qui accorde la priorité au « dialogue social »[xix]) et les autres fantaisistes de l’UNEF ou de Greenpeace sont-ils au moins au courant que :
- La BCE est juridiquement indépendante – même si, naturellement, son président (qui est à l’heure actuelle l’infâme Christine Lagarde) s’acoquine avec les européistes les plus conservateurs et néolibéraux… et certainement avec les doux rêveurs tenants de « l’Europe sociale » ou d’une « autre Europe » ;
- La raison d’être de la BCE est d’appliquer les mortifères et imbéciles « critères de Maastricht », c’est-à-dire l’euro-austérité satisfaisant les intérêts de l’oligarchie capitaliste allemande et les spéculateurs et boursicoteurs du monde entier ;
- Le changement des statuts de la BCE ne peut s’effectuer qu’avec l’accord unanime des États-membres puis des Parlements nationaux ; bon courage pour expliquer à Merkel et von der Leyen qu’il faut « réorienter l’euro », alors même que l’Allemagne a conditionné son accord à l’euro-mark à l’application de l’orthodoxie monétaire et budgétaire… et fait valider ledit traité par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe[xx][xx]. Bon courage pour faire évoluer d’un iota le traité de Maastricht !
- Et surtout, l’UE est, par définition et depuis toujours, une « construction » capitaliste qui vise à liquider les conquêtes sociales et démocratiques, les services publics (appelés « services d’intérêt général » dans le vocabulaire européiste : de quoi garantir de vastes privatisations…), mais aussi la République une et indivisible au nom du « saut fédéral européen » (dont se revendique également EELV à l’image d’Emmanuelle Cosse[xxi][xxi]).
Mais cela n’empêche pas de doux rêveurs de continuer à défendre une « autre Europe », à l’image du coprésident de la Gauche unitaire européenne (GUE) Martin Schirdewan qui, après avoir expliqué qu’« à 63 reprises entre 2011 et 2018, la Commission européenne a recommandé aux États membres de l’UE de privatiser certains pans du secteur de la santé ou de réduire les dépenses publiques en matière de santé », explique qu’« il faut une réponse européenne basée sur la solidarité »[xxii][xxii] ; ou comment capituler en rase campagne…
Pour s’en sortir, il faut en sortir : Frexit progressiste !
Car en réalité, n’en déplaise aux eurobéats de « gauche », comme l’affirmait déjà Lénine en août 1915, « les États-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires ». Et l’UE de correspondre parfaitement à ce que décrivait Karl Marx dans Le Capital : « La production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production social qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur ». Un capitalisme dont la trajectoire actuelle pourrait coûter la somme de… 600.000 milliards d’euros d’ici la fin du siècle si les (misérables) Accords de Paris de décembre 2015 ne sont pas sérieusement appliqués[xxiii][xxiii] – on peut toujours rêver de voir les forces capitalistes appliquant tout à coup les contraintes qu’elles combattent sans cesse… Voilà pourquoi plus que jamais, face à cette UE capitaliste appliquant les ordres de Bruxelles, Berlin, Francfort et Washington, la seule solution réside dans la sortie immédiate et définitive de l’euro, de l’UE, de l’OTAN, de la « mondialisation heureuse » et ses instruments de domestication (OMC, FMI, etc.) ET du capitalisme, dont l’essence exterministe se traduit chaque jour, et toujours plus, par la destruction de l’environnement, de la santé, des conquêtes sociales et démocratiques… et tout simplement de toute trace de vie sur terre.
[i] https://www.marianne.net/economie/l-ue-choisit-comme-conseiller-sur-l-environnement-blackrock-investisseur-dans-le-petrole
[ii] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/legion-d-honneur-la-distinction-accordee-au-patron-de-blackrock-france-critiquee-sur-les-reseaux-20200101
[iii] https://www.blackrock.com/corporate/literature/whitepaper/viewpoint-loi-pacte-le-bon-plan-retraite-juin-2019.pdf
[iv] Pour rappel : https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/ceta-tafta-jefta-mercosur-vietnam-singapour-le-libre-echange-essence-profonde-et-mortifere-de-lunion-europeenne/
[v] https://www.lemonde.fr/idees/article/2014/09/30/conflits-d-interet-miguel-canete-ne-doit-pas-devenir-commissaire-europeen_4496653_3232.html
[vi] Lire notamment Matthieu Auzanneau, Or noir. La grande histoire du pétrole, Paris, La Découverte, 2015, et Timothy Mitchell, Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole, Paris, La Découverte, 2017 (pour la traduction française). Voir aussi Or noir. Histoire secrète du pétrole (8 épisodes, disponibles sur YouTube).
[vii] https://www.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/05/07/bruxelles-les-lobbies-a-la-man-uvre_4412747_4350146.html
[viii] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/05/23/petit-guide-de-lobbyisme-dans-les-arenes-de-l-union-europeenne_5466056_4355770.html
[ix] https://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/05/goldman-sachs-la-banque-qui-dirige-le-monde_1753902_3246.htmlVoir le documentaire : https://www.bing.com/videos/search?q=goldman+sachs+la+banque+qui+dirige+le+monde&docid=608038201936185624&mid=564ADE3D3AD25E995752564ADE3D3AD25E995752&view=detail&FORM=VIRE
[x] https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/jose-manuel-barroso-a-goldman-sachs-un-conflit-d-interets-pour-les-parlementaires-europeens_1544097.html
[xi] https://www.liberation.fr/planete/2018/06/14/l-ue-repousse-la-sortie-de-l-huile-de-palme-a-2030_1659030
[xii] https://www.huffingtonpost.fr/2017/11/27/le-glyphosate-autorise-pour-cinq-ans-de-plus-dans-lue_a_23289106/
[xiii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/macron-philippe-le-medef-et-lue-les-illumines-capitalistes-au-pouvoir/
[xiv] https://francais.rt.com/international/74043-canfin-jadot-berger-loreal-coca-cola-tous-unis-pour-relance-verte-europeenne
[xv] https://www.marianne.net/politique/europeennes-ecologie-gauche-droite-allemande-yannick-jadot
[xvi] https://www.huffingtonpost.fr/2018/10/13/conflit-dinteret-elisabeth-borne-se-deporte-dun-premier-dossier_a_23559947/
[xvii] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/a-propos-de-la-tribune-plusjamaisca-tabou-totem-et-voeux-pieux-par-le-front-syndical-de-classe/
[xviii] https://blogs.mediapart.fr/attac-france/blog/070420/petition-plus-jamais-ca-signons-pour-le-jour-d-apres
[xix] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/les-organisations-constitutives-de-la-cgt-se-dissocient-et-condamnent-la-declaration-commune-des-confederations-syndicales-et-patronales-du-19-mars-2020/
[xx] https://www.initiative-communiste.fr/articles/luttes/les-organisations-constitutives-de-la-cgt-se-dissocient-et-condamnent-la-declaration-commune-des-confederations-syndicales-et-patronales-du-19-mars-2020/
[xxi] https://www.youtube.com/watch?v=Xat7HbItYBI
[xxii] https://www.humanite.fr/la-commission-europeenne-demande-63-fois-aux-etats-de-reduire-les-depenses-de-sante-denonce-687250
[xxiii] http://www.leparisien.fr/societe/le-non-respect-des-accords-de-paris-couterait-600-000-milliards-de-dollars-14-04-2020-8299746.php