Alors que la Banque Centrale Européenne n’a de cesse de saigner avec virulence les États de la zone euro, faisant appliquer avec zèle ses statuts issus des traités européens proclamant tout à la fois son indépendance des États et son interdiction de leur prêter à taux zéro, elle vient de décider d’accroître encore ses programmes d’arrosage monétaires des grandes banques et multinationales.
À son programme déjà habituel de Quantitative Easing, déversant des dizaines de milliards d’euros auprès des grandes banques privées, elle a ajouté le Pandémic Emergency Pruchase Programme : 750 milliards d’euro inscrits au bilan de la BCE, augmentés le 4 juin 2020 à 1350 milliards d’euros.
Remarquons que si cet activisme financier n’a aucun effet positif dans la défense de l’emploi ou le financement des services publics étranglés par la monnaie unique, hôpitaux publics en tête, il a en revanche des vertus miraculeuses pour les détenteurs d’actions. Après le spectaculaire crack boursier de début mars 2020 voyant le CAC40 s’effondrer de 6000 points à 3750 soit une perte de quasiment 50% de sa valeur, les rachats massifs d’actifs dopent les marchés financiers et le CAC40 a déjà regagné les 5000 points dès le 3 juin 2020. Les milliardaires peuvent se prélasser tranquilles sur leurs yachts.
Dans un communiqué d’une ingénuité confondante, l’euro-député, tête de liste de la France Insoumise, interpelle la BCE demandant à ce que la transparence soit faite sur les conflits d’intérêts des gouverneurs. En effet, des gouverneurs de la BCE pourraient directement profiter à travers notamment les actions qu’ils détiennent, de ces rachats massifs d’actifs financiers. Par exemple, au 14 juin, on savait que 27 milliards d’euros de titres ont déjà été rachetés au titre du PEPP. Mais dans le cadre du CSPP pré- existant ce sont désormais 217 milliards qui ont été directement achetés par la BCE dont des obligations d’ Airbus, Danone ou Schneider. Continuant ainsi de doper la spéculation boursière et la croissance de la bulle financière. Une manière de poser le problème par le petit bout de la lorgnette, qui sans manquer de vérité sur les intérêts personnels de ces gouverneurs appartenant au grand capital, manque en revanche de pointer la nature de classe de la BCE et de l’Euro.
En réalité, à travers sa mission inscrite dans les traités – maintenir la stabilité des prix – la BCE n’est qu’un instrument au service des intérêts de la classe capitaliste. Pourquoi donc s’étonner de ce que sa politique serve l’intérêt exclusivement des capitalistes, dont ses gouverneurs ?
Et son indépendance est toute relative : oui la BCE est indépendante des peuples, et ce afin de permettre qu’elle demeure sous la direction exclusive du Capital. Indépendance toute relative également puisque sous la contrainte de la Cour constitutionnelle allemande, la BCE vient de décider de révéler ses documents confidentiels à la Bundesbank, la banque centrale allemande. Et ce afin que l’Allemagne puisse contrôler la politique de rachat d’actifs de la BCE.
La question évidente qui vient à l’esprit lorsque l’on constate les chiffres considérables de l’accroissement du bilan de la BCE, tirés notamment par des rachats de dettes des États – expliquant d’ailleurs pourquoi la France ou l’Allemagne peuvent emprunter actuellement à taux nuls ou négatifs – est la suivante : pourquoi si la BCE achète des actifs qui sont des dettes d’États ne financerait-elle pas directement le budget des États ? Poser la question c’est y répondre
- d’abord le financement direct par la banque centrale du budget des États revient à faire sortir du marché les émissions de dettes publiques. Avec un manque à gagner considérable pour les banques privées, et ce alors que ces achats de dettes sécurisées par la BCE, leur permet en réalité de doper leurs fonds propres et leurs capacités spéculatives dans des proportions considérables. Souvenons-nous en effet, que les banques privées ont le droit à la création monétaire, selon les ratios prudentiels prenant pour base leur bilan.
- Ensuite l’enjeu est politique : en obligeant les États à passer par l’intermédiaire des marchés financiers privés pour se financer, l’euro met la politique des gouvernements sous le contrôle direct des marchés financiers. Autrement dit du Capital. Qu’une orientation politique ne plaise pas et le financement est fermé. Chacun l’aura vu avec l’exemple tragique de la Grèce. C’est bien là d’ailleurs la fonction essentielle de l’euro.
Résumons donc :
- la BCE interdit le financement direct des budgets des États de la zone euro.
- la BCE interdit le contrôle des peuples souverains sur l’outil fondamental de la politique économique, la politique monétaire.
- ce faisant, la BCE permet de verrouiller dans une austérité permanente, principale arme d’exploitation massive pour faire baisser les salaires, l’ensemble des travailleurs de la zone euro.
- la BCE interdit tout secours direct à un État – comme la Grèce ou l’Italie – dont le financement est attaqué par des spéculateurs privés.
- la BCE par une politique de taux bas et de rachat d’actifs massif auprès du privé, d’assouplissement des règles prudentielles, fait massivement tourner la planche à billets, au bénéfice exclusif des spéculateurs boursiers et des banques privées.
- la BCE est en réalité sous contrôle principal du capital allemand, dont elle sert en priorité les intérêts.
- la réforme de la BCE est impossible : pour cela il faudrait l’unanimité des 27.
La crise du covid-19 est un révélateur brutal de la situation actuelle, dénoncée de longue date par les travailleurs, et cela vaut aussi pour la Banque Centrale Européenne : l’euro est la négation de la souveraineté monétaire pour les peuples, l’euro est une arme d’exploitation massive construite par et pour les capitalistes contre les travailleurs.
La conclusion s’impose, pour s’en sortir, il faut en sortir. Dommage que Mme Aubry ait fait campagne contre la sortie de l’Euro lors des dernières élections européennes.
JBC pour www.initiative-communiste.fr