L’EUROPE SUPRANATIONALE D’URSULA VON DER LEYEN, NOUVEAU CENTRE MONDIAL DE LA GUERRE ANTIRUSSE? – Par Georges Gastaud, responsable du Secteur Etudes et Perspectives du PRCF
Nul ne peut raisonnablement dire aujourd’hui ce que fera Trump au sujet de la guerre russo-otanienne, dite « guerre russo-ukrainienne » et le PRCF ne fait pas partie de ceux qui, prenant leurs désirs pour la réalité, célèbrent imprudemment en Trump un « isolationniste » et un « modéré » (!), voire comme un ami de la détente internationale: chacun peut pourtant constater que Trump est un soutien radical de l’expansionnisme génocidaire tous azimuts d’Israël, qu’il cultive une haine incandescente de Cuba et des pays de l’ALBA, qu’il désigne nommément la Chine et la République populaire démocratique de Corée comme « les » cibles stratégiques des USA et qu’il n’a jamais cessé de menacer l’Iran de ses foudres nucléaires : voilà l’homme que certains, pourtant, osent candidement nous présenter comme un sauveur de la paix!
Il est vrai toutefois que Trump pourrait, au moins provisoirement, négocier une accalmie russo-américaine sur le front du Donbass, voire chercher un accord de paix provisoire avec Moscou (rappelons que, pour isoler l’URSS de Brejnev, les USA de Nixon avaient promis à Mao et à Zhou Enlaï de ne reconnaître à jamais qu’ « une seule Chine »; or, d’Obama à Biden en passant par Trump I et II, ils prétendent faire de
Taiwan, cette province chinoise de toujours, un porte-avions américain ciblant Pékin… Bref, les promesses étatsuniennes n’ont jamais engagé que ceux qui y ont cru!). Le but de Trump serait alors, non pas d’interrompre ou d’adoucir la marche de l’hégémonisme US en déclin structurel vers un « conflit global de haute intensité » ciblant tous les pays, à commencer par les leaders mondiaux des « BRICS », mais bien de recentrer l’effort de guerre de l’impérialisme US et de ses vassaux sur la Chine populaire, l’ennemi commercial n°1, sans cesser pour autant de menacer la Russie par vassaux européens interposés et assumant tous les risques.
Cependant, toute accalmie est bonne à prendre, faut-il le dire, et si les USA de Trump acceptaient de reconnaître, fût-ce hypocritement et momentanément, l’évidente victoire militaire russe sur le régime pronazi de Kiev, ce serait une bonne nouvelle pour les amis de la désescalade et, tout bonnement, pour ceux du réalisme politique, lIl n’est du reste que de voir le dépit des dirigeants européens, Frau von der Leyen en tête, mais aussi de ses seconds couteaux va-t-en-guerre, les Macron, Annalena Baerbock, Starmer et Cie, à l’annonce du triomphe électoral de Trump: cocus la nuit de noces [1], ces eurocrates aussi stupides que malfaisants qui ont servilement suivi Washington dans son escalade irresponsable contre Moscou (depuis la « révolution » de l’Euro-Maidan), risquent désormais de se retrouver seuls en première ligne, quoique toujours soumis à l’OTAN, donc à Washington, pour mener leur croisade suicidaire contre la Russie. Ce n’est pas que la clique européiste condamne vraiment l’extrémisme droitier de Trump: ces vilaines personnes en ont vu bien d’autres et, comme chacun le voit, elles soutiennent déjà sans états d’âme la mussolinienne déclarée Meloni, protègent la « théocratie fasciste » de Tel-Aviv (dixit le maire de… Tel-Aviv parlant de Nétanyahou!) et viennent même de nommer « Commissaire européenne à la défense » et « Commissaire européenne aux affaires étrangères » deux exaltées baltes qui ne rêvent que de « revanche » sur la Russie. Car dans ces charmants Etats baltes « libérés » de l’URSS et où les communistes sont démocratiquement pourchassés, les (très nombreux) russophones sont traités en sous-citoyens, on y démonte les statues célébrant la victoire soviétique sur Hitler et on y exalte même les Waffen-SS baltes qui ont « héroïquement »… combattu l’Armée rouge!
Des dirigeants européens tant soit peu rationnels devraient pourtant agir en priorité pour enrayer le dévissage industriel européen consécutif aux sanctions-boomerangs que l’Occident a cru n’infliger qu’à la Russie. Des dirigeants européens soucieux du bien-être des habitants de l’UE devraient aussi cesser sur-le-champ les négociations sur le traité de libre-échange avec le MERCOSUR qui va achever de ruiner l’agriculture européenne en général, et l’agriculture paysanne française en particulier. Plus généralement, des dirigeants européens vraiment amis des habitants de l’UE
, et non pas de l’UE-OTAN impérialiste, devraient entendre l’immense ras-le-bol des couches populaires d’Europe en général, et de la France en particulier, qui en ont marre de la politique antisociale de l’UE et de son acharnement contre les salaires, les services publics, les petits entrepreneurs ruraux et urbains, les retraites et la protection sociale. Sans parler de l’entêtement fanatique de l’UE, et spécialement de Macron et de l’eurocrate patenté Barnier, ce proconsul de Bruxelles, à liquider la souveraineté des Etats-membres au nom du « saut fédéral européen » et de l’armée européenne arrimée à l’OTAN. Une armée officiellement tournée, le livre de Lecornu en fait foi, contre cette Russie qui, selon de Gaulle a pourtant bel et bien « joué le rôle principal dans notre Libération » en 1945: c’est sans doute là la version macroniste de la gratitude historique…
Il n’en sera rien et les Macron, von der Leyen et Cie se lancent déjà, comme d’habitude, dans une fuite en avant éperdue vers « plus d’Europe », « plus de russophobie », plus d’ « économie de guerre ». Tout cela fait déjà de plus en plus de l’UE la plateforme principale d’une possible guerre mondiale d’agression contre la Russie, donc aussi… la cible n°1 de représailles nucléaires russes si les Etats de l’UE, France en tête, commettent la folie d’autoriser Kiev à frapper en profondeur le territoire russe avec des missiles fournis, dirigés et lancés par les techniciens occidentaux. Il est même évident, comme le PRCF est hélas seul à le dire, que la France, précisément parce qu’elle est la seule puissance nucléaire de l’UE, deviendrait alors la cible privilégiée des missiles hypersoniques russes: bref, comme le PRCF est seul à le voir et à l’expliquer en France (et c’est très inquiétant!), le parapluie nucléaire français est en passe de se muer en paratonnerre! Le risque deviendrait d’autant plus grand que Trump aurait, ne serait-ce que semblé ou feint se désengager du théâtre européen en tendant un énorme piège aux sots dirigeants européens, histoire de détruire à la fois l’Europe et la Russie. Tout en croyant épargner le sol américain comme lors des deux premières, ou avant-dernières, guerres mondiales…
Bref, à défaut d’être des humanistes et des patriotes véritables, nos dirigeants – Macron en tête – sont systémiquement devenus incapables d’évaluer un rapport des forces, ce qui est pourtant le B.A.-BA exigible de tout responsable politique et militaire!
En août 14, le courageux Karl Liebknecht, député socialiste et futur cofondateur du PC d’Allemagne, osait déclarer à l’adresse des prolétaires allemands (mais cela valait aussi universellement): « l’ennemi principal est dans ton pays ». Peut-être nous faudrait-il expliquer désormais, à l’adresse des amis européens de la paix, de la démocratie, de la souveraineté des peuples et des acquis sociaux, que « l’ennemi principal est sur ton propre continent« .
Ce qui est sûr en tout cas, à l’heure où l’exterminisme pointe son groin barbare sous l’hégémonisme et l’impérialisme débridés qu’a démesurément enflés le démantèlement contre-révolutionnaire de l’URSS, que les ennemis principaux de la population pacifique de notre pays et du sous-continent européen siègent à l’Elysée et à Bruxelles: d’autant plus grande est donc, camarades et citoyen(ne)s, notre responsabilité civique, patriotique et pacifique collective!
Plus que jamais, camarades et amis, faisons du mot d’ordre « l’argent pour les salaires, pas pour la guerre! », un grand slogan de masse!
[1] Le ministre des Armées français s’appelle Lecornu: ça ne s’invente pas! Mais ce qui est moins drôle, c’est qu’il vient de publier un livre intitulé « Vers la guerre? », que le point d’interrogation n’est qu’une astuce rhétorique et que sur France-Inter il a mot pour mot déclaré que, avec la Russie, « nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes déjà plus en paix ». Avis aux « rassuristes » qui dorment sur leurs deux oreilles au lieu de MILITER POUR LA PAIX.. ET CONTRE L’IMPERIALISME !
Revue de Presse :
la rédaction d’IC ne partage pas les points de vu exposés par ces articles. cette revue de presse illustre le contexte de l’actualité et des opinions médiatiques
Les laquais européens en mode panique alors que Trump opte pour une détente avec la Russie
Par Finian Cunningham, le 12 novembre 2024
l est encore un peu tôt. Toutefois, certains signes indiquent que le président élu Trump pourrait s’orienter vers une détente avec la Russie au sujet de l’Ukraine.
Ce qui est bon signe, c’est que M. Trump n’invitera pas Mike Pompeo ou Nikki Haley à rejoindre son cabinet lors de son investiture en tant que 47e président des États-Unis, le 20 janvier. Ces deux personnages sont de véritables bourrins anti-Russie depuis le début de l’administration Trump. On a supposé que M. Pompeo et Mme Haley pourraient récupérer des postes de premier plan au sein de la deuxième administration Trump. Mais M. Trump a annoncé que les deux intéressés resteront sur la touche.
Autre bonne nouvelle : des proches de Donald Trump font savoir au régime de Kiev – sans ménagement – que le robinet de l’aide militaire américaine pourrait bien se fermer prochainement.
Donald Trump n’a pas encore eu d’entretien téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine, selon le Kremlin. Mais les deux dirigeants ont déjà exprimé leur volonté de négocier une résolution pacifique du conflit ukrainien.
Autre signe prometteur d’une détente potentielle entre États-Unis et Russie : la panique totale qui règne parmi les dirigeants européens. L’annonce de la victoire de Trump la semaine dernière a suscité chez la plupart des élites européennes un vent de panique, comme des enfants affolés par un “BOUH !”.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président français, Emmanuel Macron, se consolent en appelant l‘Europe à “s’unir” au lendemain de la surprenante victoire électorale de M. Trump. L’effondrement du gouvernement de coalition allemand du chancelier Olaf Scholz est l’un des premiers effets Trump.
Les dirigeants européens craignent que si Trump débranche l’aide militaire à Kiev, ils se retrouvent à payer les pots cassés pour financer la guerre par procuration contre la Russie, que l’économie européenne chancelante n’a aucune chance d’encaisser.
Ce n’est un secret pour personne que les principaux États européens ont parié sur la victoire de la candidate démocrate Kamala Harris dans la course à la Maison-Blanche. Harris aurait assuré la pérennité du soutien de l’OTAN à Kiev. Avec l’accession de Trump à la présidence, rien ne va plus.
Le coût politique sera redoutable pour les dirigeants européens qui ont investi un énorme capital politique dans la guerre pour “défendre l’Ukraine contre l’agression russe”. Trump a fait preuve de scepticisme à l’égard de ce faux récit. Il a suggéré à l’Europe à faire cavalier seul, si elle le souhaite. Et les russophobes européens savent qu’ils n’en ont pas les moyens.
Si Trump tient sa promesse électorale de négocier avec Poutine un accord pour régler la question de l’Ukraine, les Européens vont se sentir sérieusement floués.
Les Européens s’inquiètent notamment des réactions de M. Trump, qui les considère comme des profiteurs des largesses américaines. Son côté vindicatif les tracasse aussi. Trump n’est pas près d’oublier que la plupart des dirigeants européens ont souhaité qu’il perde ces élections.
Prenez le Premier ministre britannique Keir Starmer. Son parti travailliste a envoyé des représentants aux États-Unis pour encourager M. Harris à remporter l’élection. On rappelle également au ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, qu’il a récemment qualifié M. Trump de “sociopathe” raciste.
L’élection de Trump est une mauvaise nouvelle pour la Grande-Bretagne, et il ne fait aucun doute que Starmer s’attelle maintenant au rafistolage des relations post-Brexit avec l’Europe pour se prémunir du coup de froid prévisible de la part de Washington ces quatre prochaines années.
Lorsque la Grande-Bretagne est sortie de l’Union européenne après le référendum de 2016 sur le Brexit, de grands espoirs ont été placés dans la négociation d’un accord commercial privilégié avec les États-Unis. Sans succès. M. Starmer s’est donc attaché, depuis sa prise de fonction à Downing Street, à tenter de rétablir les bonnes relations avec l’UE.
Cette semaine, le dirigeant britannique a assisté à la cérémonie de l’Armistice à Paris pour commémorer la fin de la Première Guerre mondiale. La dernière fois qu’un dirigeant britannique a honoré cet événement à Paris, c’était en 1944, lorsque Winston Churchill est venu dans la capitale française après sa libération de l’occupation nazie.
M. Macon a invité M. Starmer à déposer des gerbes aux Champs-Élysées et à l’Arc de Triomphe.
Le capharnaüm théâtralisé de l’unité européenne illustre la panique qui s’empare des dirigeants européens au lendemain du retour de Trump à la Maison-Blanche.
Pour les dirigeants européens, tout est en suspens. Starmer se plie en quatre pour renouer avec l’Allemagne et tisser des liens plus harmonieux entre Londres et l’Union européenne après des années de rancœur post-Brexit.
Un accord de sécurité historique a été conclu le mois dernier entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne, qui verrait le fabricant d’armes allemand Rheinmetall ouvrir une nouvelle usine en Grande-Bretagne, et la Luftwaffe allemande faire voler des avions militaires depuis une base de la RAF en Écosse. L’accord a été présenté comme le “gage d’une stratégie européenne commune de sécurité face à la menace russe”.
Or, avec l’effondrement du gouvernement à Berlin, et de l’économie allemande face aux monstrueux coûts de la guerre en Ukraine, le traité de coopération britannique sur la sécurité risque de ne pas se concrétiser. C’est donc un grand revers pour les ambitions de réinitialisation des relations de Starmer avec l’Europe.
Le Hongrois Viktor Orban et le Slovaque Robert Fico forment la minorité des politiciens européens à avoir véritablement accueilli l’élection de Trump comme une opportunité de mettre un terme à la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine contre la Russie.
D’autre part, les va-t-en guerre de l’OTAN en Europe, à savoir la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, la Pologne et les États baltes, sont aujourd’hui confrontés à un grave problème. Avec des dirigeants de l’UE comme Mme von der Leyen et le chef néerlandais de l’OTAN Mark Rutte, ils sont tous condamnés à poursuivre la guerre inconsidérée contre la Russie.
Trump ferait preuve de bon sens en mettant fin à cette guerre, en s’ingéniant à négocier raisonnablement une détente avec la Russie. Moscou veut que ses exigences de sécurité à long terme soient respectées. Cela signifie pas d’adhésion à l’OTAN pour l’Ukraine, la fin du régime néonazi à Kiev, et la reconnaissance de ses terres historiques en Crimée et dans le Donbass.
Tout ceci est parfaitement négociable, et Trump pourrait bien être prêt à conclure un tel accord pour éviter une Troisième Guerre mondiale, conformément à ce qu’il a maintes fois déclaré. Si Trump balaie le faux récit que Biden, Harris et les Démocrates – et leurs sous-fifres européens – ont inventé pour justifier la “défense de l’Ukraine”.
Les sous-fifres européens risquent alors de se retrouver dans une posture désastreuse. Comment expliquer à leurs électeurs trois années de boucherie en Ukraine ? Comment justifier les dizaines de milliards d’euros et de livres sterling dilapidés pour promouvoir une guerre qui a non seulement détruit des centaines de milliers de vies, mais aussi leurs économies ?
Les dirigeants européens imbéciles sont en train de paniquer, et c’est une bonne chose.
La France et la Grande Bretagne font pression sur les USA pour autoriser les frappes de missiles en profodeur sur la Russie avant l’arrivée de l’administration Trump
citant des sources britanniques de The Telegraph, le média spécialisée dans les affaires militaires military watch magazine souligne que les régime Macron et Starmer tentent d’accélérer les frappes par des missiles franco britannique dans la profondeur de la Russie pour franchir une ligne rouge dans l’escalade et contraindre à la poursuite de l’escalade guerrière en Ukraine.
Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer feraient une dernière tentative pour persuader l’administration Joe Biden de fournir un feu vert pour les attaques conjointes du territoire ukrainien contre des cibles sur le territoire russe internationalement reconnu. Citant des sources au sein du gouvernement britannique, The Telegraph a été le premier à rendre compte de ces efforts en cours, déclarant que les pourparlers sur la question devaient avoir lieu à Paris. Les deux États européens ont livré des quantités importantes de missiles de croisière lancés par avion Scalp et Storm Shadow à l’Ukraine, la France étant sur le point de livrer des chasseurs Mirage 2000 au pays capables de lancer le premier des deux classes de missiles. La complexité des attaques exige une présence étendue des forces britanniques et françaises sur le terrain en Ukraine pour faciliter les attaques, tandis que les missiles dépendent fortement des satellites du bloc de l’Ouest, et en particulier du réseau GPS américain, pour obtenir des conseils en vol. Ces frappes sont donc largement considérées comme lancées conjointement par les États du bloc occidental et par l’Ukraine, et si elles s’étendaient profondément à la Russie, elles pourraient présenter un risque sérieux d’escalade. Des frappes de missiles plus profondes ont été fortement soutenues par plusieurs autres États européens, le Danemark et les Pays-Bas qui ont été les premiers à faire don de chasseurs F-16 et ont clairement indiqué qu’ils soutiendraient l’utilisation des combattants dans de telles attaques.
Le président élu Donald Trump a toujours clairement exprimé son opposition à une nouvelle escalade ou à la poursuite de la guerre en Ukraine, sa victoire électorale offrant aux États européens la recherche d’attaques à plus grande échelle contre la Russie d’une fenêtre beaucoup plus limitée pour poursuivre cette période. L’administration Joe Biden a elle-même adopté une position beaucoup plus modérée que ses alliés européens plus belliques, les États-Unis s’étant abstenus de fournir à l’Ukraine des armes pour des frappes profondes en Russie longtemps après que les États européens ont commencé à le faire. L’administration Biden a également été très hésitante à fournir à l’Ukraine des avions de chasse F-16, et n’a fourni un feu vert aux États européens que de fournir leurs plus anciens F-16 après une vaste campagne de lobbying menée par plusieurs pays européens. La fourniture de chars américains Abrams, lui aussi, n’a été cautionnée qu’à la suite de vastes campagnes de pression britanniques et européennes plus larges, le Royaume-Uni, suivi par l’Espagne, la Pologne et d’autres, ayant cherché à fournir leurs propres chars bien plus tôt que les États-Unis. Les dirigeants européens tels qu’Emmanuel Macron et Keir Starmer, qui ont longtemps été confrontés à une lutte difficile pour approfondir la guerre aux États-Unis, ne devraient faire face qu’à une plus grande résistance sous la nouvelle administration Trump.
Jusqu’où ne pas aller trop loin ? – Philippe Leymarie le monde diplomatique 19/09/24
La plupart des lignes rouges, réputées « infranchissables », qui avaient été établies à partir de mars-avril 2022, au début des livraisons de matériels, ont sauté les unes après les autres :
• la mise en ligne des chars Leopard 2 allemands, des M1 Abrams américains, des Challenger 2 britanniques, des blindés AMX-10 ou des canons Caesar français ;
• l’entrée en lice d’avions de combat MiG-29 polonais et slovaques, ou de chasseurs Su-25 nord-macédoniens ;
• l’arrivée des premiers F-16 « européens » ;
• les tirs de missiles longue portée, comme les Storm Shadow ou Scalp franco-britanniques.
En dépit des menaces proférées quotidiennement sur les médias russes, et à intervalles réguliers par le président Poutine lui-même, « il ne s’est rien passé », font valoir une partie des « experts de plateau » sur les chaînes d’information en France. Tant qu’on ne touche pas au nucléaire et qu’on reste dans le « conventionnel », il n’y aurait pas vraiment de « ligne rouge », jugent plusieurs d’entre eux. Il est vrai que les incursions terrestres ukrainiennes — limitées l’an dernier dans la région de Belgorod, mais plus massives ces mois-ci dans le secteur de Koursk — n’ont pas donné lieu à des répliques militaires importantes ou même à des menaces sortant de l’ordinaire.
Il y a peut-être, cependant, une inflexion récente, avec le souhait de plus en plus pressant de l’armée ukrainienne de s’affranchir des restrictions actuelles sur le tir de missiles « d’origine OTAN », qui seraient susceptibles d’atteindre les casernements ou centres militaires névralgiques d’où partent les attaques russes sur l’Ukraine. Les manques de munitions, d’armements et de combattants des Ukrainiens, au moment où l’hiver arrive, où l’infrastructure électrique du pays est pilonnée, où la société semble lasse et inquiète, et où les cercles dirigeants se déchirent, ont donné à ces appels à l’aide des Ukrainiens une résonance de « vie ou de mort », ces dernières semaines, même si la plupart des experts précités s’accordent pour considérer qu’un feu vert donné sur l’usage des missiles à longue portée ne modifierait pas forcément le cours de la guerre.
En Europe, l‘exécutif français se dit favorable à l’usage libre de ses missiles Scalp, du moment qu’il s’agit bien de cibles militaires. Très engagé également dans le soutien à l’Ukraine, le gouvernement néerlandais vient d’autoriser Kiev à utiliser des armes de longue portée sur le sol russe : « Le droit international n’est pas limité par la distance » et « ne s’arrête pas à 100 kilomètres de la frontière », a argumenté le ministre de la défense néerlandais Ruben Brekelmans, ajoutant que les Pays-Bas n’imposaient « aucune restriction sur la distance opérationnelle » à l’Ukraine, sauf celles que prévoit le droit international.
Le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne semblait prêt également ces dernières semaines à lever les interdits sur l’utilisation de ses missiles Storm Shadow — le nom anglais du Scalp produit par MBDA (1) — mais préfère agir en concertation étroite avec Washington. Or l’exécutif américain, qui affirme « travailler » sur la question depuis plusieurs mois, reste pour le moment sur sa position traditionnelle : n’autoriser Kiev à ne frapper que des cibles russes dans les parties occupées de l’Ukraine (dont la Crimée) et certaines cibles dans les régions frontalières de l’Ukraine, en lien direct et avec les opérations de l’armée russe.
Selon des médias britanniques, à la fin de la semaine dernière, le président Joe Biden songeait à une formule moins voyante qu’un feu vert intégral : il s’agirait d’autoriser finalement l’Ukraine à utiliser des missiles britanniques et français, bien qu’ils contiennent des composants américains, mais pas les missiles américains eux-mêmes, pour ne pas paraître engagé dans l’escalade… Il préfère mettre l’accent pour le moment sur l’aide humanitaire fournie encore récemment par Washington (2).
Le président Zelensky considère comme « légitime » de s’en prendre aux infrastructures à partir desquelles sont menées les attaques sur le territoire ukrainien : près de deux cents cinquante bases et installations militaires en Russie pourraient être atteintes par ces missiles de longue portée occidentaux, selon une carte publiée le 27 août par un centre de réflexion américain, l’Institute for the Study of War.
Le numéro un ukrainien rêve de pouvoir ainsi désorganiser la logistique russe et alléger la pression sur les fronts à l’intérieur de son territoire. Il plaide l’urgence, et souffle le chaud, accusant ses partenaires « d’avoir peur » et de pratiquer un double standard : exigeants avec la partie ukrainienne, qui a les mains liées dans le dos ; accommodants avec le partenaire israélien, qui peut résoudre à sa façon la question palestinienne sans encourir autre chose que quelques reproches verbaux (et qui en outre est protégé de l’essentiel des salves iraniennes ou libanaises par un discret bouclier aérien américano-britannique, avec participation française, qui avait fait ses preuves le 14 avril dernier).
Plus encore que les Storm Shadow ou Scalp franco-britanniques (3), l’aviation ukrainienne aimerait pouvoir utiliser librement les missiles de croisière ATACMS américains, qu’elle possède déjà, mais en version bridée : ces projectiles progressent presque à la vitesse du son, jusqu’à 250 kilomètres, et seraient plus à même de contourner les défenses russes.
La « timidité » américaine, et celle de son allié britannique inconditionnel, tiennent au fait que :
• la campagne électorale américaine se joue à un fil : le feu vert pour l’utilisation des armements américains sur le territoire russe constituerait de fait un degré dans l’escalade, et pourrait gêner la candidate démocrate, Mme Kamala Harris, face à son concurrent républicain, l’ex-président Donald Trump, qui ne croit pas à une victoire possible, ni même souhaitable de l’Ukraine ;
• l’Iran est entré dans le jeu : fournisseur à la Russie de drones Shahed (4) depuis le début de son « opération spéciale » en Ukraine, Téhéran lui aurait cédé récemment des missiles balistiques, ce qui a motivé un nouveau train de sanctions de l’Union européenne contre la compagnie Iran Air et six entreprises iraniennes impliquées dans la fabrication de drones et missiles ;
• le président Vladimir Poutine n’a pas manqué, ces derniers jours, de « recadrer » les Occidentaux : « Si cette décision est prise, cela ne signifierait rien de moins qu’une implication directe des pays de l’OTAN dans la guerre en Ukraine. Cela changerait la nature même du conflit. Cela signifierait que les pays de l’OTAN sont en guerre contre la Russie », a-t-il déclaré dans une vidéo publiée récemment sur Telegram par un journaliste du pool présidentiel russe, faisant allusion indirectement à la dimension internationale et à la configuration nucléaire que pourrait prendre le conflit.
Lors de son adresse à la nation, le 29 février 2024, Vladimir Poutine avait, une fois de plus, laissé planer « une réelle menace d’un conflit avec une utilisation d’armes nucléaires ». Le directeur de la CIA, Bill Burns, lors d’une réunion organisée par le Financial Times, le 6 septembre dernier à Londres, a commenté ces avertissements russes à répétition dans le domaine de la guerre nucléaire : « Nous ne pouvons pas nous permettre d’être intimidés par ces menaces », et s’il convient de rester conscients des risques d’escalade, il ne faut pas prendre les Russes au pied de la lettre. Au passage, le maître-espion américain ne confirme pas la livraison à la Russie de missiles balistiques iraniens, mais la qualifie par avance « d’escalade dramatique » .
L’arrivée, au sein des forces ukrainiennes, des premiers chasseurs américains F-16 prélevés sur les stocks européens est l’autre facteur d’escalade du moment. Ces appareils, promis par l’OTAN en 2023, ont commencé à être transférés en juillet dernier. Il s’agit de l’avion de chasse le plus répandu dans le monde (2 800 sont encore en service), grâce auquel l’exécutif ukrainien espère reconquérir le contrôle de son espace aérien, et soulager sa défense antiaérienne terrestre.
Pour le moment, l’aviation ukrainienne peut compter sur la livraison à terme d’un maximum de 80 à 90 de ces anciens F-16, commandés par centaines à l’époque de l’ancienne « guerre froide » par une dizaine de pays européens, mais dont la majorité ont été vendus, déclassés ou détruits. Les appareils ont été promis par les Pays-Bas (24), le Danemark (19), la Norvège (20) et la Belgique (30), mais selon un calendrier étalé sur plusieurs années, qui doit tenir compte du rythme de formation des pilotes et techniciens, du potentiel variable de ces appareils, de leur armement, des conditions mises à leur emploi, des moyens de guidage, etc.
La formation des jeunes pilotes, dans un premier temps surtout linguistique, a commencé dès l’an dernier au Royaume uni, aux États-Unis, en France. La Pologne entraîne également des pilotes ukrainiens sur F-16, après feu vert des États-Unis. La Grèce a aussi promis récemment son appui pour la formation. L’ensemble du cursus aviation, très accéléré, s’étale sur cinq à huit mois, en fonction des compétences des aspirants. Fin août, le groupe américain Lockheed-Martin a annoncé l’ouverture prochaine d’un « centre européen de formation dédié au F-16 » (European F-16 Training Center, EFTC) en Roumanie, dans le cadre d’un accord conclu par les gouvernements néerlandais et roumain.
Le gouvernement de Kiev affirme avoir besoin de 120 à 130 de ces appareils pour modifier durablement le rapport de forces dans le ciel ukrainien, alors que, selon Volodymyr Zelensky, l’aviation russe dispose d’au moins 300 chasseurs-bombardiers pour les opérations contre son pays. Mais l’effectif d’avions de combat F-16 encore opérationnels en Europe, et éventuellement disponibles pour les Ukrainiens, se limite à quelques dizaines d’unités :
• Le Royaume uni, comme la France, n’ont jamais utilisé ce modèle d’appareil (même s’ils participent à la formation des pilotes ukrainiens) ;
• comme la Belgique, le Danemark ne devrait pas mettre les siens à la retraite avant 2027, lorsque les F-35 américains commandés lui seront livrés ;
• la Grèce garde également ses appareils, actuellement en cours de remise à niveau ;
• en Norvège, remplacés par des F-35, les F-16 ont été mis à la retraite, et 32 d’entre eux ont été achetés par la Roumanie ;
• aux Pays-Bas, l’armée de l’air, qui s’équipe progressivement en chasseurs américains F-35, a cédé des F-16 au Chili (40) et à la Jordanie (21), et fournira l’Ukraine (20), outre les quelques appareils acheminés en Roumanie pour la formation des futurs pilotes ukrainiens ;
• le Portugal n’a pas de remplaçant pour ses F-16 actuels ;
• la Bulgarie, la Slovaquie, prêtes à céder leurs anciens Mig 29 d’origine soviétique, n’envisagent pas de se séparer de leurs quelques F-16 ;
• la Pologne a notamment fourni à l’armée de l’air ukrainienne des Mig 29, mais garde ses F-16 ;
• la Suède, la Lettonie, l’Estonie n’en disposent pas ;
• en Roumanie, les F-16, acquis en seconde main auprès de la Norvège, sont indispensables à la défense du pays, frontalier de l’Ukraine ;
• en Turquie, les F-16 sont l’élément-clé de la force aérienne turque, d’autant plus indispensables que l’achat de systèmes antiaériens S-400 à la Russie a entraîné l’annulation de la vente de F-35 américains à Ankara ;
• en revanche, côté américain où il resterait 900 F-16 en service, il existe des stocks significatifs : par exemple, les 200 appareils sous cocon sur la base aérienne de Davis-Monthan. Mais Washington n’a jamais envisagé d’en céder directement à l’Ukraine.
Surtout conçu à ses débuts, à la fin des années 1970, pour le combat air-air, à courte distance, cet appareil n’a cessé d’être modernisé, devenant un « multi-rôle », capable aussi de porter des coups hors de vue de l’ennemi, ou de mener des attaques au sol. Les options tactiques de ces appareils ne sont cependant pas illimitées, notamment celles des premières versions. Elles devront être soigneusement étudiées pour éviter les pertes.
Dans un pays sous le feu des bombardements tous azimuts, il faudra également veiller à la mise à l’abri de ces appareils. Déjà, en juillet dernier, alors que se réunissait un sommet de l’OTAN et que débutait le transfert à l’Ukraine des premiers chasseurs F-16, les frappes russes avaient été multipliées sur les bases aériennes ukrainiennes.
Le crash, le 26 août, d’un des six appareils actuellement en service en Ukraine, lors d’une offensive russe massive (127 missiles, 109 drones), dans des conditions qui n’ont pas été précisées, a entraîné en tout cas le remplacement du commandant en chef de la force aérienne ukrainienne, signe que la mise en œuvre de ces chasseurs est un point crucial pour l’exécutif ukrainien.