Initiative Communiste ici une traduction (avec l’autorisation de l’auteure) d’un article paru dans les colonnes du célèbre journal de nos camarades britanniques le Morning Star le 23 septembre 2018. Sarah Woolley – représentante du syndicat des boulangers, des travailleurs de l’alimentation et des industries connexes et active dans la défense de l’environnement – y témoigne de l’état d’esprit et de la combativité de la classe ouvrière britannique, comme de sa vigilance face aux contradictions du Parti Travailliste qui tient son congrès cette semaine à Liverpool.
J’ai hâte d’être au 29 mars 2019. C’est le jour où nous quitterons l’UE. Nous devrions alors faire la fête dans les rues.
En tant que mère d’un adolescent de 13 ans, que membre du Parti travailliste et que représentante à plein temps d’un syndicat vivant dans une zone industrielle autrefois florissante, je suis vraiment fière que ma communauté ait voté en faveur du Brexit, comme la plupart des communautés ouvrières du pays et la plupart des membres de mon syndicat, comme, en fait, des membres de tous les syndicats.
Ce vote a été positif et a secoué l’ordre établi et tous ceux qui ne sont pas du côté des travailleurs et de leurs familles. Je pense que c’est la plus grande chance que nous ayons d’exprimer notre opinion depuis que le vote à 18 ans a été finalement obtenu en 1969.
Toutes les grandes luttes syndicales depuis notre adhésion à l’UE se sont terminées par des défaites. Lors du référendum, nous nous sommes exprimés et nous avons gagné ce qui explique pourquoi ils essaient de faire taire notre voix depuis.
Nous avons voté pour la possibilité de reconstruire notre économie, notre industrie et nos services publics dévastés.
Ma génération et celles à venir veulent élire des politiciens qui feront pencher la balance des droits et des lois en faveur des travailleurs, des syndicats, de la production réelle et de la création de richesses. Les commissaires européens non élus, les lois et directives de l’UE, axés uniquement sur les intérêts des grandes entreprises, ne peuvent et n’ont jamais fait cela.
Dire que l’UE est la pierre angulaire de tous les droits des travailleurs est la plus grande injure que j’ai entendue dans ma vie.
L’adhésion à l’UE et les années de politiques conservatrices et néo-travaillistes ont délibérément apportées la régression partout en Grande-Bretagne. Nous avons sacrifié deux générations à un ordre du jour fixé par les banques. Et n’oubliez pas que les politiques régionales de l’UE ont donné à l’Allemagne le secteur industriel et à la Grande-Bretagne le secteur financier. Quelle affaire !
Le résultat ? Une industrie britannique, des services publics et des compétences qui disparaissent à une échelle jamais vue auparavant dans le monde.
Les gens disent que les faits ont changé, que nous devrions avoir un autre référendum. Oui, les faits ont changé.
L’Union européenne se droitise dans son Parlement fantoche, elle est en train de mettre en place son armée européenne et une stratégie militaire dangereuse. Des pays comme la Grèce ont été dépecés par l’UE à un degré jamais vu en temps de paix, l’euroscepticisme a éclaté sur tout le continent et l’Allemagne est clairement en pleine tourmente.
En tant que négociateur pour mon syndicat, je connais les tactiques de l’UE. Lorsqu’un pays est en position de faiblesse elle menace et intimide, mais l’UE est en position de faiblesse depuis le premier jour, le 23 juin 2016 [jour du vote en faveur du Brexit].
La Grande-Bretagne est un importateur net de l’UE. L’UE a besoin de nos marchés plus que nous n’avons besoin des siens. Nous avons plus de liens commerciaux à travers le monde et ces deux facteurs inquiètent sérieusement l’UE.
Elle a aussi désespérément besoin des 39 milliards de livres qui lui ont été promis pour soutenir ses dépenses excessives alors que ses comptes n’ont pas été audités depuis une vingtaine d’années ; ses institutions corrompues génèrent un tel gaspillage !
Le Parti travailliste doit aussi grandir. Voter automatiquement contre tout compromis au Parlement dans l’espoir que cela mènera à des élections générales, laissera, en l’absence d’un véritable plan de négociation alternatif, les conservateurs au pouvoir et lui aliénera la confiance des communautés comme la mienne. Appeler à un référendum sur l’accord ou l’adhésion à l’UE ramène tout le monde à la position stupide de Vince Cable [le chef des Libéraux-démocrates, LibDems].
Les seuls problèmes avec les propos durs de Theresa May la semaine dernière, après que l’UE eut tout rejeté en bloc, étaient qu’ils arrivaient deux ans trop tard et qu’elle avait été justement « récompensée » pour être venue avec des propositions stupides à la table de négociation.
Et soyons honnêtes. Les tests de Keir Starmer [pour accepter un accord de Brexit, voir ci-dessous ; Keir Starmer est secrétaire d’État chargé du Brexit au sein du cabinet fantôme travailliste] ne sont pas vraiment des tests pour le Brexit, ce sont des tentatives pour perturber l’ensemble du processus. Si nous appliquions ses tests à l’adhésion à l’UE elle-même, nous partirions immédiatement.
Il faut parler davantage des personnes et de leurs besoins que du commerce. Vous ne pouvez faire du commerce que si vous produisez des choses que les gens veulent acheter.
C’est pourquoi le slogan du Parti travailliste « Fabriquons en Grande-Bretagne » (Build It In Britain) est si important. Nous avons besoin d’une nouvelle éducation nationale pour former une nouvelle main d’œuvre pour des emplois hautement qualifiés, stables et productifs.
Nous devons fabriquer autant que possible en Grande-Bretagne et cultiver autant que possible notre propre nourriture. Nous avons besoin de conventions collectives, de droits universels dès le premier jour [de contrat] et de la fin des contrats à zéro heure pour créer la main d’œuvre capable de porter une nouvelle économie.
C’est du nouveau compromis et de la nouvelle liberté réelle dont nous devrions parler. Le brouhaha sur le Brexit va et vient. Nous pourrons relever la tête à la fin du mois de mars et attaquer le vrai travail d’une façon nouvelle.
Notes Les six tests de Keir Starmer pour un accord de Brexit sont les suivants :
- Assure-t-il une relation future forte avec l’UE ?
- Assure-t-il les mêmes avantages que ceux que nous avons actuellement en tant que membres du marché unique et de l’union douanière ?
- Assure-t-il une gestion équitable des migrations dans l’intérêt de l’économie et des communautés ?
- Défend-il les droits et les protections et empêche-t-il une course vers le bas ?
- Protège-t-il la sécurité nationale et notre capacité à lutter contre la criminalité trans-frontalière ?
- Offre-t-il des avantages pour toutes les régions et tous les pays du Royaume-Uni ?
Traduction CP (commission internationale du PRCF) pour www.initiative-communiste.fr avec l’aimable autorisation de l’auteure
The EU – we’re out in March, stop messing about
SARAH WOOLLEY says the opportunities for the working-class outside the EU are something to celebrate
am looking forward to March 29 2019. That’s the day we will leave the EU. We should be having street parties.
As a mum of a 13-year-old, a Labour Party member and full-time trade union official living in a once busy industrial area, I am really proud that my community, like most working-class communities in the country, and most of the members of my union, like in fact union members across the board, voted to leave.
This was a positive vote and has rocked the Establishment and everyone not on the side of workers and their families. I reckon it’s the biggest chance we’ve had to express our views since the vote at 18 was finally achieved in 1969.
All the big trade union struggles since joining the EU have been defeated. In the referendum we spoke out and won which is why they have been trying to silence our voice ever since.
We voted to create a fighting chance to rebuild our devastated economy, our industry and public services.
My generation and the ones to come want to elect politicians who will tip the balance of rights and laws back in favour of workers and trade unions and real production and wealth creation. Unelected EU commissioners and EU laws and directives, geared only to the interests of big business, cannot and never have done this.
To say that the EU is the rock on which all our workers’ rights are built is the biggest insult I have heard in my life.
EU membership and years of the Tory and New Labour politicians deliberately turned every clock in Britain back. We’ve lost two generations to the negative agenda with the banks in charge. And remember, the EU regional policies gave Germany manufacturing and Britain the finance sector. Some deal!
The result? A run-down of British industry, public services and skills on a scale never seen in the world before.
People say that facts have changed, we should have another referendum. Yes, facts have changed.
The EU has lurched to the right in its phony Parliament, it is establishing its EU army and putting together a dangerous military strategy, the euro currency is in real trouble; countries like Greece have been asset-stripped by the EU to a degree unknown in peace time, Euroscepticism has broken out all over the continent and Germany is obviously in turmoil.
As a negotiator for my union I recognise the EU’s tactics. When an employer is in a weak position they bluster and bully. And the EU has been in a weak position from day one, June 23 2016.
Britain is a net importer from the EU. They need our markets more than we need theirs. We have more trading links throughout the world and these two things worry the EU big style.
They also desperately need the ridiculous £39 billion they have been promised to shore up their overspending and their accounts which have not been audited for around 20 years, so wasteful and corrupt are the EU institutions.
Labour needs to grow up too. Voting against any deal that comes back to Parliament automatically in the hope it will lead to a general election, and in the absence of a real alternative negotiating plan, will leave the Tories in power and lose Labour the trust and confidence of communities like mine. Calling for a referendum on the deal or EU membership will reduce everyone to the daft position of Vince Cable.
The only things wrong with the British Prime Minister’s tough talk last week after the EU rejected everything out of hand, was that it was two years too late and served her right for putting silly stuff on the table.
And let’s be honest. Keir Starmer’s tests aren’t really tests for Brexit, they are attempted trip wires to upset the whole process. If you applied his tests to EU membership itself, we’d leave immediately.
There needs to be more talk of people and their needs than of trade. You can only trade if you can produce things people want to buy.
That’s why Labour’s slogan Build It In Britain is so important. We need a new education service to create the skills of a new workforce in high skilled, stable, productive jobs.
We need to make as much as possible in Britain and grow as much of our own food as possible. We need universal collective bargaining and rights at day one and an end to zero hours contracts to create the workforce capable of powering a new economy.
That’s the deal and the new real freedom we should be talking about. The hullabaloo about Brexit will come and go. We’ll be able to lift our heads again at the end of March and get on with the real work in a new way.
Sarah Woolley is a full-time official for the Bakers, Food and Allied Workers’ Union and environmental campaigner.