Les militants du Parti de gauche sont à la croisée des chemins. Ils refusent – et c’est à leur honneur – de rallier les manœuvres de Pierre Laurent (PCF-PGE) et de la « gauche unitaire » (trotskystes socialo-dépendants) visant à un rapprochement avec le PS par l’entremise des prétendus « frondeurs » du PS. Cette resucée de la « gauche plurielle » ne donnerait rien d’autre en effet qu’un « Syriza » à la française, c’est-à-dire une social-démocratie de gauche incapable de rompre avec le néolibéralisme. Pour rompre avec lui – et in fine, avec le capitalisme ! – il faut en effet sortir de l’UE atlantique et de l’euro, ce que ni Laurent, ni Piquet, ni les prétendus « frondeurs », tous plus « euro-constructifs » les uns que les autres ne veulent. Or jusqu’ici, M. Mélenchon les a suivis idéologiquement en déclarant en 2012 que « l’Europe est à nous » et que « l’euro est notre monnaie » (sic). L’UE, l’OTAN, l’euro comme le Grand Marché Transatlantique sont de A à Z conçus contre les peuples !
La voie d’une alliance nationale privilégiée entre Europe-Écologie et le PG est également une impasse, sauf reniement par le PG de ses références républicaines à la nation et à la laïcité, les verts font la part belle à l’euro-fédéralisme, voire à une forme de communautarisme.
La réalité politique incontournable est donc la suivante : si le PG veut, non pas en paroles mais en fait, construire une alternative indépendante du PS maastrichtien, il ne faut pas seulement qu’il rompe avec la socialo-dépendance directe, entendons par là, l’alliance en position subordonnée avec le PS. Il faut qu’il rompe aussi et surtout avec ce dont le PS « hollandien » est le nom : l’acceptation de principe de la funeste « construction européenne » sur la base des mots d’ordre mensongers de l’ « Europe sociale » et de l’ « euro au service des peuples » et pourquoi pas, de l’OTAN au service de la paix et du GMT au service du progrès social et de la culture ?
Aux militants du PG de bien réfléchir. S’orienter vers la seconde voie, c’est-à-dire construire avec les militants franchement communistes et les vrais républicains un Front antifasciste, patriotique et républicains peut seul rouvrir la voie à une gauche de combat, de classe et de masse dans notre pays. C’est de tout cela que le PRCF propose publiquement et fraternellement au PG, ainsi qu’à toutes les forces du mouvement ouvrier, progressiste et républicain, de discuter.
Nous livrons aux visiteurs de notre site l’analyse publiée sur le site de Marianne.
Le Parti de gauche se condamne-t-il à l’isolement ?
Des « frondeurs » comparés à des « couteaux sans lame », des anciens alliés qualifiés d' »agents du PS », un supposé complot ourdi par des socialistes et des verts pour « corneriser » le PG au sein du Front de gauche… Les mots sont durs et l’atmosphère pesante, en ce moment, au sein du parti de Jean-Luc Mélenchon. Et pourtant, dans le même temps, les anti austérité de gauche commencent à dialoguer et s’organiser. Le PG cherche-t-il à ne pas se compromettre dans le piège d’une nouvelle « gauche plurielle » ou a-t-il sombré dans une paranoïa qui le pousse à s’isoler ?
Il est loin le temps où Jean-Luc Mélenchon écrivait : « Je suis le mieux placé pour rassembler la gauche ». Nous étions alors le 29 mars 2012, il répondait à une question d’un internaute sur le site du quotidien Sud Ouest. En cette fin de campagne présidentielle le leader du PG portait encore l’espoir de fédérer autour de sa candidature une large partie de la gauche. « J’ouvrirai la discussion avec tous ceux qui a gauche le veulent », poursuivait-il. Malgré une réussite indiscutable avec un score de 11 % à l’élection, ce temps-là semble bien révolu. Pour ce qui est de rassembler le plus largement en tout cas. Car la question des socialistes « frondeurs » et l’attitude à adopter vis-à-vis d’eux est un sujet du genre très clivant, en ce moment, au sein du Front de gauche.
Dans un récent billet publié sur son blog, Martine Billard, co-présidente du Parti de gauche, relativise par exemple l’opposition au gouvernement des « frondeurs » du PS et celle aussi des parlementaires EELV qu’elle juge « bien timide et surtout pas à la hauteur des enjeux ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon a la dent plus dure encore, les qualifiant — on reconnaitra son sens de la formule — de « couteaux sans lame » ! Ces sorties, de plus en plus corrosives à leur égard, n’arrivent pas par hasard. Elles traduisent des divergences stratégiques fondamentales au sein du Front de gauche.
D’un côté, les communistes emmenés par Pierre Laurent et la Gauche unitaire, la plus petite des composantes à l’origine de la création du Front de gauche, dirigée par l’ex de la LCR Christian Picquet. Ceux-là multiplient les initiatives en faveur d’un dialogue avec toutes les forces de gauche qui s’opposent à la politique du duo Hollande-Valls. De l’autre, un PG qui freine des quatre fers et prône l’autonomie sans concession vis-à-vis des socialistes, y compris les plus critiques.
L’unité est un combat !
« L’unité de la gauche est un impératif, explique Christian Picquet à Marianne, L’expertise historique démontre qu’aucune avancée sociale ou démocratique ne s’est faite sans cette unité ». Pour le conseiller régional, le rejet de la politique d’austérité qui s’exprime de plus en plus est justement un très bon terreau pour arriver à fédérer : « Avec sa politique, Hollande n’est ni majoritaire dans le pays, ni à gauche et pas même dans son propre parti. Ce que nous voyons, c’est que les écologistes sont partis du gouvernement. Des députés socialistes et radicaux en appellent à une nouvelle politique plus à gauche. Il a même perdu la caution du MRC de Jean-Pierre Chevènement et du mouvement de Robert Hue. Il y a là, les bases d’une convergence possible des forces de gauche autour d’une sorte de pacte anti-austérité. Il est envisageable de faire émerger une nouvelle majorité rose-verte-rouge ».
Même enthousiasme chez Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF qui observe « une période d’effervescence à gauche ». Pour cause, selon lui, « celles et ceux qui s’opposent à cette politique — qu’aucun gouvernement de droite n’avait osé mettre en place — sont de plus en plus nombreux ». Il souhaiterait un rapprochement du Front de gauche avec la partie d’EELV qui dénonce cette politique et les fameux « frondeurs » qui se sont élevés contre dernièrement. « C’est un fait inédit depuis le congrès d’Epinay en 1971 » note-t-il d’ailleurs avant de poursuivre : « Le problème c’est qu’il y a une kyrielle d’initiatives… Mais maintenant que l’on sait ce que l’on ne veut pas, il faut se mettre d’accord ensemble sur ce que l’on veut ».
Sauf que côté PG, ces démarches sont vues d’un très mauvais œil. « Ce n’est sûrement pas une nécessité de converger avec le PS », relève un brin amer Eric Coquerel, son secrétaire national aux Relations unitaires. « L’unité, n’est pas une notion qui suffit. Il faut quelque chose de commun, car cette unité sans bien commun, ça troublerait le regard des citoyens », se défend-t-il. Mais c’est surtout les rapprochements avec « les frondeurs » et l’aile gauche du PS qui ne passent pas. Car s’il admet qu’il regarde « avec intérêt les évolutions » de ces socialistes, il considère que leur « abstention à l’Assemblée ne suffit pas ».
C’est aussi la critique de Martine Billard, la co-présidente du PG : « Nous, nous discutons avec tous ceux qui refusent la politique du gouvernement. Mais il faut que les paroles se transforment en actes » juge-t-elle. C’est ce qui explique qu’au PG on considère comme « une erreur politique » la présence de Pierre Laurent — une première — à la prochaine université d’été du Parti socialiste, pour un débat sur le thème de… l’unité de la gauche. D’autant que David Assouline, sénateur socialiste qui organise l’événement, n’a convié aucune personnalité du PG. « A la rentrée, prévient d’ailleurs Eric Coquerel, il va falloir éclaircir cette question du fonctionnement du Front de gauche et de sa stratégie. On ne se laissera pas embarquer pour une autre année d’incertitudes… »
Un complot rose-vert contre le PG ?
Mais il existe une autre explication aux réticences du PG. La récente initiative du club Gauche avenir, animé par la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann et l’ex-ministre de François Mitterrand Paul Quilès, l’a montré. Il s’agissait d’auditionner, entre autres, le communiste Pierre Laurent et l’écologiste Emmanuelle Cosse, afin de créer une base de travail pour « une alternative à gauche ». Mais voilà ce que Jean-Luc Mélenchon écrit à ce sujet : « L’objectif est le même : briser le Front de gauche en isolant les irréductibles opposants à l’alliance avec le PS ». « Frondeurs », aile gauche du PS et écolos, tous réunis dans le même sac pour déboulonner le PG. Une théorie bien ancrée parmi le premier cercle autour de Mélenchon. « Nous ne sommes pas naïfs. Il y a une volonté au PS et à EELV de marginaliser le PG au sein du Front de gauche », explique Martine Billard. Une volonté de « cornerisation » comme nous l’indique Eric Coquerel ? Pourtant, d’après Marie-Noëlle Lienemann, le PG avait bien été invité à l’événement de Gauche avenir. Elle explique à Marianne qu’elle en aurait discuté directement avec Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci, nous dit-elle, aurait refusé de participer… sans prévenir ses camarades. Au PG, on dément toujours toute invitation…
Ce qui est sûr, c’est que le chef de file du Parti de gauche a rompu les contacts avec bon nombre d’interlocuteurs. Même ceux qui entretenaient de bonnes relations avec lui. Avec d’autres encore, c’est même un froid glacial qui se serait installé. Emporté par la colère, l’ancien candidat à la présidentielle serait allé jusqu’à qualifier Pierre Laurent et Christian Picquet « d’agents du PS » ! Ambiance.
Autre indice de cette tension, le leader du PG ne participerait plus aux réunions de comité du Front de gauche du lundi, lieu de débat des composantes de la coalition, depuis bientôt un mois et demi maintenant. Il n’aurait toujours pas digéré l’échec des européennes, dont il tient pour responsable ses camarades, lui qui avait rêvé de voir le Front de gauche devant les socialistes. « Le Front de gauche a été lancé pour fédérer les forces de gauche sur un projet alternatifs. Mais Jean-Luc Mélenchon est dans un but unique : passer devant le Parti socialiste » conclut un dirigeant du cartel. La volonté de revanche sur ses anciens camarades prendrait-elle le pas sur le reste ?
Quoi qu’il en soit, la rentrée politique sera cruciale pour l’avenir du Front de gauche et du Parti de gauche lui-même. Il faudra trancher entre les deux stratégies. Se renouveler et s’élargir sur la base du rejet des politiques d’austérité, en prenant part au dialogue qui s’installe à gauche, comme le réclame le PCF et la Gauche unitaire. Ou bien « ne pas faire de compromis pour éviter de troubler un peu plus notre image et chercher une convergence avec les acteurs syndicaux, associatifs et de la société civile », selon les mots de Martine Billard. À l’occasion de la réunion élargie qui se tiendra le 6 septembre, les couteaux cette fois-ci, ne risquent pas d’être sans lame…
Marianne.net le 17/07/2014