Alors que le principal syndicats des enseignants du second degré prépare son congrès en tenant ses congrès académiques, et alors qu’une colère historiques saisie les professeurs qui ont vu leurs salaires, leurs conditions de travail et leur service public de l’Education Nationale détruits par trente années d’euro austérité, l’attention de la rédaction d’IC a été attirée par le dernier dossier spécial formulée par la revue du syndicat. Ce dernier concerne, en guise de prise de position politique s’impliquant dans la campagne des élections européenne, en un plaidoyer en faveur de l’Union Européenne. Alors même que l’ensemble des élements du dossiers démontrent factuellement par A + B, un fait après l’autre que l’Union Européenne et l’€uro sont la cause première des maux des services publics et l’origine de la baisse des salaires des professeurs. La commission Education du PRCF, revient donc en détail sur ce dossier, puisqu’il a été adressé à des dizaines de milliers d’enseignants..
Réponse au dossier sur l’Europe du SNES-FSU (US MAG n° 841 du 20/01/2024)
Un dossier à charge contre l’UE :
En 6 pages, le diagnostic est lucide, actant le grand retour au 1er janvier 2024 de l’austérité, dictée après les années covid, par l’application stricte du Pacte de stabilité (qui au nom de la monnaie unique, impose de réduire respectivement à 3 et à 60 % du PIB, le déficit et la dette publics). Dans ce contexte structurellement hostile – où « les discours sur l’Europe sociale sonnent creux » à cause de « l’omnipotente BCE » (p. 15) et où les « droits sociaux » du « socle européen » ne sont pas « contraignants » (p.17) – règne le « dumping social » et la menace constante d’une privatisation au moins partielle, des « services publics » (santé, éducation…) et des prestations sociales (retraites… p. 16-17).
Modéré par le souci de ne pas se fâcher avec la convoitée CES (Confédération européenne des syndicats) :
La CES vient de fêter ses 50 ans à Berlin, à l’occasion de son 15e congrès (mai 2023). Elle trouve ses origines dans un syndicalisme international chrétien et « libre », en réaction à la FSM (Fédération Syndicale Mondiale fondée en 1945 et réunissant des syndicats de lutte des classes d’obédience marxiste). La CES adhère donc naturellement à la CSI (Confédération Syndicale Internationale, fondée en 2006, en concurrence directe avec la FSM) et fait du « dialogue social » dans une « économie sociale de marché », sa pierre angulaire. Sa proximité des origines avec Jacques Delors (dès le tournant de la rigueur des années 80) et ses accointances avec la CFDT (Laurent Berger en était encore le président en 2023), sème un doute raisonnable sur ses ambitions sociales. Ses objectifs en matière de droits sociaux ont été recadrés par Ursula Von der Leyen le 4 mars 2021 dans son plan d’action en faveur du socle européen des droits sociaux (SEDS de 2017) : atteindre 78 % d’emploi d’ici 2030 pour la classe d’âge des 20 – 64 ans ( https://op.europa.eu/webpub/empl/european-pillar-of-social-rights/fr/index.html ). Présente à l’ouverture du congrès de Berlin en mai dernier – bien qu’en pleine mobilisation française contre la réforme des retraites -, Von der Leyen sera applaudie par les congressistes de la CES, soucieux de fixer la retraite à un « âge juste » (Cf. Programme d’action de la CES, point 3.5.11 https://www.etuc.org/fr/document/programme-daction-de-la-ces-2023-2027 )…
« A l’heure des choix » en Europe, quid du saut fédéral à venir ?
Même si l’AFP par exemple, tente de déminer le dossier (cf. son site https://factuel.afp.com ), la résolution du parlement européen du 22 novembre 2023 – soutenue par Macron, Olaf Scholz et consorts – annonce bien un saut fédéral, réclamé désormais à chaque journée de l’Europe les 9 mai. Certes, une résolution n’est pas juridiquement contraignante et le processus de révision des traités est encadré par… les traités (les TUE et TFUE – respectivement le Traité de l’UE et le Traité sur le Fonctionnement de l’UE – issus du traité de Lisbonne en 2007-2009). Le conseil européen (des chefs d’Etats) ne va donc pas convoquer dès demain une « convention » chargée de cette révision… Mais le calendrier électoral 2024 risque de donner des ailes à nos fédéralistes et la résolution du parlement est des plus précises, avec ses 245 amendements portant sur le TUE (dont l’article 48 sur les futures révisions…) et le TFUE, visant au fil des pages à supprimer le droit de veto des Etats, en universalisant le vote à la majorité qualifiée ( https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0427_FR.html ). Ces amendements organisent un Etat fédéral avec son Président (issu du conseil européen), son « gouvernement » à 15 (nouvelle appellation de la commission) et son parlement renforcé, impatient de s’élargir (point D) à l’Ukraine et à la Moldavie (point E2). L’urgence fédérale porte sur la question ultra-sensible de la défense (amendements 51 et suivants), à l’aune de la guerre en Ukraine (point A) et en cohérence, pour ne pas dire plus… avec l’OTAN (point 22). L’éducation est censée harmoniser ses systèmes nationaux (point 27) et favoriser la mobilité des travailleurs (point 28). Quant aux droits sociaux, ils seraient encore une fois suspendus à un « protocole » additionnel (point 26), dont on devine à l’avance le pouvoir coercitif ! A ce compte, la prochaine réforme portant l’âge de la retraite à 67 ans, se jouera… directement à Bruxelles. Quand un parlement gagné au fédéralisme, nous appelle aux urnes avec un tel programme, il est urgent d’y réfléchir à 2 fois.
Lutter efficacement contre la montée de l’extrême droite ?
Le syndicalisme de « transformation sociale » – dont se réclame le SNES congrès après congrès (le prochain aura lieu en mars 2024 à La Rochelle) – a de plus en plus de mal à nous convaincre que cette transformation passera demain par l’UE. La mise en concurrence des travailleurs au sein de l’UE, la perte de souveraineté à l’échelon national, le discours des élites expliquant qu’il nous faut toujours plus d’Europe, le procès en sorcellerie interminable du communisme… sont autant d’éléments structurants qui nourrissent un ressentiment légitime, instrumentalisé jusqu’à la nausée par les droites. Pire, notre illusion sur l’UE, détourne la colère sociale de sa cible et désamorce son potentiel de transformation politique (révolutionnaire). Bref, l’argument selon lequel il faudrait plonger dans ce « grand bain néolibéral » d’eau glacée, avec l’espoir de le réchauffer alors qu’on y ajoute sans cesse de l’eau froide, ne convainc pas. Quant à l’argument selon lequel il ne faudrait pas désespérer les militants en fermant la perspectives qu’une Autre Europe (sociale) est (encore) possible, il trouve ici ses limites. N’est-ce pas au contraire le meilleur moyen d’ouvrir à l’extrême droite un boulevard, en laissant le champ libre à sa très hypocrite opposition à l’UE et à son haineux pseudo-patriotisme, alors qu’elle voit ses rangs s’étoffer, notamment à l’est et au sud, à travers la nostalgie réactionnaire d’un Bandera en Ukraine ou d’un Mussolini en Italie ?
En appeler « au rapport de force » ? Oui. Mais où porter l’effort ?
La conclusion du dossier de l’US MAG est assez paradoxale. « L’Europe sera ce qu’on en fera » (à condition de bien voter le 9 juin 2024…) déclare en substance l’interviewé Moreno Diaz, spécialiste des questions migratoires et membre du Comité Economique et Social Européen (CESE). Certes, son engagement d’homme de gauche, l’amène à une analyse très critique à l’égard des politiques migratoires de l’UE et de la France en particulier, en pleine dérive sécuritaire conduite par les droites, rivalisant entre elles de radicalité. Mais en votant, on accepte de faire porter « le rapport de force » à l’intérieur d’un dispositif institutionnel qui : au mieux, nous condamne à un « dialogue social » impuissant, car noyé dans une « économie de marché » ; au pire, accélère l’avènement des droites les plus réactionnaires – favorables à un libéralisme autoritaire, voire fasciste – qui nous écrasera. C’est cette ruse de la bourgeoisie, qu’il s’agit de déjouer en brisant par l’abstention, notre adhésion au contrat (anti)social européen, puis – si le rapport de force est au bon endroit… – en exigeant sa révocation par un référendum. Sauf à croire en la mystification de la CES/CFDT, il n’y aura pas d’Europe sociale DANS l’Europe du capital ! Au fond, le dossier du SNES – hormis son étonnante conclusion – ne dit rien d’autre. Quant au saut fédéral espéré par la CES, il fera de nous des va-t-en-guerres, au nom de la paix et des atlantistes, au nom de la lutte contre l’impérialisme… ce qui n’est pas tout à fait la « transformation sociale » à laquelle nous aspirons !