La grève générale lancée pour obtenir le retrait de la réforme des retraites active une nécessaire convergence des luttes, notamment pour défendre les services publics en passe d’être tous privatisés, résultat des directives européennes. Avec la campagne pour le référendum d’initiative partagée en cours, on a beaucoup entendu parler de la privatisation d’Aéroport de Paris (cliquez ici pour signer pour le referendum). Mais ce début d’année 2020 marque le début d’une accélération de la privatisation de deux des services publics emblématiques de la Nation, la Poste et la SNCF.
En effet, le 1er janvier, la SNCF a perdu son statut d’établissement public industriel et commercial pour être transformée en une entreprise privée, un société anonyme dont le régime Macron active désormais le bradage.
Pour La Poste, transformée en société anonyme en mars 2010, la privatisation est encore plus avancée. Et elle s’est nettement accélérée avec le transfert des deux tiers du capital de l’État vers la Caisse des Dépôts qui a désormais l’entier contrôle sur la Poste et son capital. Le résultat de cette privatisation est bien connu:
- augmentation exponentiel des prix des timbres
- fermetures des bureaux de postes dans les campagnes, restriction des horaires d’ouverture dans les grandes villes
- suppressions de milliers et milliers d’emplois
- réorganisations permanentes et violentes attaquant les postiers, les précarisant et les exploitant toujours plus avec des conséquences dramatiques à l’image de ce qui s’est passé à France Telecom / Orange
Casse des retraites et de l’assurance chômage, privatisations de la SNCF, de La Poste, d’Aéroport de Paris, étranglement des services publics (éducation nationale, santé, environnement, équipement, justice….) pour cause d’euro austérité, chômage de masse et baisse des salaires en raison de l’euro dumping social…. un même point commun à toutes les colères et toutes les luttes, l’Union Européenne organise et active la destruction des conquêtes sociales et démocratiques. Pire elle verrouille cette casse sociale.
C’est dans ce contexte que dans les cortèges des manifestations pour le retrait de la contre-réforme des retraites, les postiers font entendre leurs voix. Pour appeler à la défense du service public postal, à l’image de la prise de parole effectuée devant la Poste d’Auxerre le 9 janvier 2020. Avec l’aimable autorisation de la secrétaire départementale de la Poste de l’Yonne, nous reproduisons son appel.
Le projet Mandarine c’est la privatisation de la Poste, un hold up qui est une raison de plus d’être dans la rue
« Nous sommes devant LA POSTE, nous allons nous y arrêter un moment.
Depuis 30 ans, nos gouvernements successifs ont offert La Poste aux appétits voraces du capital dans le cadre d’une privatisation rampante.
Le 1° Mars 2010, La Poste a été transformée en une société anonyme à capitaux publics. À cette date, l’État est majoritaire dans le capital du groupe.
En août 2018, dans le cadre de la loi PACTE, le gouvernement annonce, sous couvert d’une voie à la création d’un grand pôle financier public au service des territoires, une opération financière de grande ampleur: c’est le projet « Mandarine ». Ce projet consiste en un mariage entre La Poste et la Caisse Nationale de Prévoyance, branche assurance. La Caisse des Dépôts et Consignations, actionnaire de La Poste depuis 2011, à hauteur de 26%, deviendrait majoritaire dans le capital du groupe. En mettant la main sur une partie des parts détenues par l’État, elle deviendrait seule maîtresse à bord.
En contrepartie La Poste toucherait 6 milliards d’euros de fonds propres.
Cette dernière entend bien privilégier les activités bancaires et assurances: comment ne pas faire le lien avec la réforme des retraites qui veut remplacer le système de répartition par un système à points et obligeant les salariés à se lancer dans une épargne pour pouvoir prétendre à une pension si tant soit peu, ils en auront les moyens…
Aujourd’hui, ce 09 Janvier 2020, le Conseil d’Administration du Groupe La Poste doit entériner le désengagement de l’État vis-à-vis de La Poste. La Caisse de Dépôts et Consignations devient l’actionnaire majoritaire pour 66% et l’État devient actionnaire minoritaire pour la première fois de son existence.
En fait, cette partie de Monopoly financier est le troisième étage de la privatisation de La Poste, après 1990, qui a abouti au démantèlement des PTT et à un groupe France-Télécom-Orange côté en bourse, et 2009 qui l’a vu devenir une Société Anonyme.
La Caisse des Dépôts et Consignations a des exigences de rentabilité et rentabilité n’a jamais fait bon ménage avec missions de service public et égalité d’accès postal pour tous.
Encore une fois, ce seront les salariés qui en feront les frais au travers des suppressions d’emplois (La Poste supprime 10 000 postes par an). Elle annonce d’ores et déjà un plan d’économies de 300 millions d’euros!
Cela se traduira par des fermetures de bureaux, des horaires d’ouverture réduits, des fermetures estivales, des suppressions de distributeurs de billets et de boîtes aux lettres jaunes…
Qu’en est-il alors de ce grand pôle financier au service des citoyens qui nous était promis en 2018?
Cet enracinement de la privatisation de La Poste ne répond en rien aux revendications des postières et des postiers en terme de salaire, d’emplois et de conditions de travail.
Il ne répond pas non plus aux besoins de la population en termes de service public postal. L’État doit rester garant d’un service public, bien commun de toutes et de tous.
Le projet « Mandarine » est une saloperie, un hold up!
Et c’est un raison supplémentaire d’être dans la rue aujourd’hui! »
Evelyne secrétaire départementale CGT 89 de La Poste
La privatisation de La Poste, résultat des directives européennes
Comme celle de la SNCF, de France-Telecom, d’EDF-GDF, des autoroutes ou de aéroports de Paris, la privatisation de La Poste est tout sauf une simple lubie du régime Macron. Bien sûr ce dernier s’active avec la hargne de l’homme de main du grand patronat et de la finance qu’il est. Mais ces privatisations sont le résultat des directives européennes : c’est un des objets de l’Union Européenne que d’obliger les peuples ayant réussi à nationaliser de larges secteurs publics que de les faire rendre gorges. Pour que le Capital puisse remettre la main sur ces entreprises et monopoles publics, l’occasion de faire de juteux profits sur le dos d’usagers devenus les vaches à lait de ces entreprises privatisées remplaçant le service public, où la logique du bénéfice à tout prix, y compris de la vie de ceux qui y travaillent, prime sur le service public à l’usager, l’aménagement du territoire.
Un historique de directives européennes permet de démontrer que la privatisation de La Poste c’est l’Union Européenne.
- 1992 – traité de Maastricht – livre vert sur le développement du marché unique des services postaux
- 1994 : le conseil européen adopte une résolution pour la « libéralisation du marché postal », les monopoles publics sont supprimés, le service public n’ayant plus la charge que d’un secteur reservé pour le « service universel ». La rédaction d’une directive européenne est lancée
- 1997 : l’Union Européenne impose par les directive 97/67/CE la libéralisation et la privatisation des services postaux
- la directive est adopté le 15 décembre 1997, validée par la gauche plurielle (dite gauche plus rien) qui tout en chantant les louanges de l’Europe sociale exécute les directives européennes antisociales.
- la directive impose l’ouverture totale à la concurrence et la libéralisation/privatisation de La Poste pour 2009
- 2002 : directive 2002/39/CE imposée le 10 juin 2002 (toujours sous l’égide de la gauche plus rien et de son « Europe sociale »
- dès le 1er janvier 2003 le secteur réservé au monopole public est limité aux lettres de moins de 100g. Ce seuil est abaissé à 50g en 2006
- la date d’ouverture totale à la concurrence est confirmée à 2009
- la directive interdit les subventions au service public
- L’article 19 de la loi du 25 juin 1999 transpose la directive de 1997 dans la loi française en modifiant le code des postes et télécommunication. Le monopole public de La Poste est supprimé.Mais la commission européenne trouve la transposition insuffisante car elle n’ouvre pas à la concurrence les lettres de moins de 350g. Qui plus est La Poste en restant sous la tutelle de l’État n’est pas soumise à un régulateur indépendant. Bref, la commission européenne exige que la France se sépare de La Poste, en clair la privatise
- La loi du 20 mai 2005 achève donc la transposition de la directive de 1997 et de celle de 2002.
- création d’un marché des activités postales
- mise en place d’un régulateur (l’ARCEP)
- séparation des activités bancaires de La Poste
- La directive européenne de février 2008 (2008/6/CE) repousse au 31 décembre 2010 l’ouverture totale à la concurrence et impose que les installations et services du service public historique soient mis à disposition de la concurrence (boites aux lettres etc…). Surtout la directive supprime le monopole réservé pour le service universel.
- la loi 20120-123 du 9 février 2010 transpose cette directive en supprimant le monopole publique sur les lettres de moins de 50 g au 1er janvier 2011. Elle supprime également les procédures d’autorisation préalable des tarifs postaux. Avec pour résultat une envolé du prix des timbres et la baisse en conséquence du courrier. La loi impulse la suppression des bureaux de postes en ne garantissant que le maintient de moins de 17 000 « points de contacts ». C’est le début d’une large vague de fermetures de bureaux de poste, remplacés par des espaces services privatisés confiés à des commerçants.
JBC pour www.initiative-communiste.fr