Il y a tout juste un mois, les tarifs réglementés de l’électricité augmentaient de 5,9%. Cette augmentation importante est la suite d’une délibération de février 2019 de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Une instance créée à la suite des directives européennes de libéralisation imposant l’ouverture à la concurrence du secteur de la production et de la distribution de l’électricité. Rappelons que jusqu’à ce que l’Union Européenne n’y mettent fin, en France, la production et la distribution d’énergie étaient assurées par un service public unique, EDF-GDF, permettant aux Français de bénéficier de l’électricité la moins chère d’Europe !
Une instance dont le rôle n’est pas de défendre l’intérêt des Français mais « de veiller à la concurrence ». Y compris en ordonnant des hausses artificielles des tarifs de l’énergie.
Retrouvez les explications détaillées du pourquoi du comment de cette hausse, imposée par l’Union Européenne du Capital, ainsi que le témoignage d’un travailleur et syndicaliste de l’énergie.
Résultat de la libéralisation imposée par l’UE, les tarifs de l’électricité augmentent de 6%
Quelle est la cause de cette augmentation importante de 6% ? L’association de consommateurs CLCV l’explique
» C’est simplement que les opérateurs alternatifs ont des problèmes d’accès au nucléaire parce qu’ils deviennent trop nombreux. Comme ils ont des problèmes d’accès au nucléaire, leurs coûts augmentent. Et comme il faut absolument faire vivre la concurrence, il faut absolument que le marché, que la concurrence survive. Alors la Commission de régulation de l’énergie décide d’augmenter le tarif réglementé d’EDF. En d’autres termes, on augmente les tarifs pour faire vivre la concurrence. C’est complètement fou. «
En application des directives européennes, les opérateurs privés de distributions de l’énergie doivent pouvoir vendre leur kwh à des prix inférieurs ou égaux aux tarifs réglementés d’EDF, l’opérateur public déjà partiellement privatisé.
C’est pourquoi, puisque les prix des opérateurs privés sont supérieurs à ceux du service public (eh oui! ce dernier n’a théoriquement pas à faire des marges importantes pour rémunérer des actionnaires ), il faut augmenter les prix du service public. C’est absurde mais c’est le capitalisme. Faire payer le peuple pour remplir les poches des milliardaires.
L’euro libéralisation de l’électricité s’est traduite en France par la loi NOME. Une loi inique qui permet aux concurrents d’EDF d’accéder à un tarif fixe et très avantageux pour eux, à travers l’Arenh, aux kwH produits par les centrales nucléaires d’EDF, payées par tous les Français. Ils ont ainsi un droit de tirage de 100 Twh par an. De quoi faire concurrence à EDF et organiser l’ouverture à la concurrence en permettant à de simples spéculateurs à faire de la marge sur le dos de l’entreprise publique EDF. Sans même s’embarrasser d’avoir ni la moindre centrale électrique, ni même la moindre ligne électrique.
Le problème c’est qu’en 2018, les opérateurs privés qui refusent d’investir dans des centrales, ont dépassé de 33% le quota de l’Arenh. Ils ont donc dû se fournir au tarif de marché. Du coup, les prix des opérateurs privés sont devenus supérieurs à ceux pratiqués par EDF. De quoi freiner sérieusement le départ des usagers du tarif réglementé d’EDF…
C’est dans tous les cas la démonstration que :
- la concurrence ne fait pas baisser les prix mais les augmente
- le privé coûte plus cher que le public
- il y a urgence à renationaliser l’ensemble du secteur de l’énergie pour rétablir le monopole public apte à produire de manière sûre et écologique, à un prix optimisé, l’électricité dont ont besoin les Français.
- il y a urgence à briser les chaînes de l’Union Européenne, qui privatisent nos services publics pour enrichir les capitalistes en faisant les poches aux travailleurs
JBC pour www.initiative-communiste.fr
Les explications d’un salarié et syndicaliste de l’énergie
Si j’ai bien tout compris, on augmente le tarif de l’électricité parce que les concurrents du fournisseur historique, EDF, se plaignent de ne pas pouvoir rivaliser avec ce dernier.
De ne pas pouvoir gagner assez de fric quoi !
Pourtant, on nous avait promis, question de mieux faire passer le bébé, que suite à la libéralisation du marché de l’électricité et l’ouverture à la concurrence, les prix allaient automatiquement baisser.
Rassurez-vous, pour ma part je n’y ai jamais cru lustucru.
Dès
le début de cette libéralisation qui date de la première directive
européenne de l’électricité, par ses actions, le personnel de
l’entreprise avait essayé d’alerter les citoyens sur les dérives qui en
découleraient forcément.
Certains agents EDF avaient bien compris,
que le but de ce chamboulement majeur était tout simplement de
transformer ce produit de première nécessité qu’est l’électricité en un
produit comme les autres, ce qui permettrait aux financiers par nature
peu philanthropes, de faire de juteux profits.
Pour rappel : Cette directive qui a été émise le 19 décembre 1996 par Bruxelles, était dite « relative aux règles communes du marché de l’électricité ».
Elle a abouti au vote d’une loi de transposition votée le 1er février 2000 à l’assemblée.
Loi dite « de modernisation et de développement du marché de l’électricité ».
Un bel euphémisme, pour une catastrophe annoncée sur le service public de l’électricité.
Modernisation,
libéralisation,
concurrence,
liberté des prix,
etc.
Toutes ces belles expressions ne veulent pas forcément dire de bonnes choses et en la matière, question liberté, elles ont surtout permis aux loups d’entrer dans la bergerie sans entraves, afin de se servir grassement.
Je dirais même mieux, depuis cette directive de 1996, tous les gouvernements successifs ont plutôt aidé les loups afin qu’ils se servent mieux, notamment en leur préparant une loi sur mesure, la fameuse loi dite de » Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité « .
La fameuse loi NOME, qui impose à EDF de rétrocéder en dessous du prix coûtant, un quart de sa production nucléaire annuelle (100 Térawattheures) .
Notez, une fois encore, l’emploi d’un euphémisme, avec le terme ‘’Nouvelle’’.
Tout nouveau tout beau ?
En l’occurrence certainement pas, j’oserais même dire que c’est l’inverse.
Pour ce qui est des producteurs concurrents, part belle leur a été faite.
Ceci notamment, grâce à l’obligation d’achat concrétisée par des contrats sur 20 ans, qui imposent à EDF de leur acheter l’énergie qu’ils produisent, a un prix plus élevé que celui de sa propre production et ce, même si EDF n’en a pas besoin.
Enfin, comme la libéralisation du marché, la loi NOME, les obligations d’achats et autres, ne suffisent pas aux appétits insatiables des financiers libéraux, ils demandent aujourd’hui à l’État d’arbitrer en leur faveur, en augmentant le tarif historique, voire comme pour le gaz, en le supprimant carrément.
En fait ils veulent tout simplement que l’État déplace en leur faveur voire les supprime, ces dernières barrières de protection des usagers que sont les tarifs régulés du prix de l’énergie.
Ils demandent à l’État de réguler !
Bizarre pour des libéraux non ?
Pas tant que ça !
En fait, ils sont juste opposés à toute régulation de l’État, du moment quelle n’est pas à leur avantage, c’est tout !
Alors elle est pas belle la vie !
J’ai bien l’impression que la sacré sainte concurrence libre et non faussée, on l’arrange un peu à l’avantage des actionnaires, mais aussi au détriment du service public et des usagers qui sont, ceci malgré les apparences, les dindons totalement captifs d’une mauvaise farce .
En fait ces nouvelles augmentations du tarif de l’électricité sont totalement injustifiées car contrairement à ce que certains veulent laisser entendre, elles ne correspondent pas à une réelle augmentation du prix de la production, mais plutôt à une augmentation artificielle due à une nouvelle spéculation du marché.
Tout cela ne fera que remettre en cause un accès équitable à tous les citoyens, pour ce produit de première nécessité qu’est l’électricité.
Au final, certains de ceux qui vivent dans des conditions difficiles de précarité seront tellement écrasés, qu’ils devront se passer de ce produit pourtant essentiel à une qualité de vie digne de notre époque.
Finalement en quelques années, ces apprentis sorciers que sont les financiers, affairistes, hommes politiques à leur solde, aidés bien souvent par des médias affables, auront réussi à transformer cette fée source de lumière et de chaleur qu’est l’électricité, en un démon obscurantiste et froid.
Je terminerai mon propos sur les paroles de Marcel Boiteux, ancien président d’ EDF-GDF, de 1967 à 1987, je crois qu’elles résument bien les choses :
“ Avec la suppression des tarifs régulés que demande Bruxelles, il ne s’agit donc plus, comme on pouvait le croire initialement, d’ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d’élever les prix pour permettre la concurrence.”
Marcel Boiteux (2007)
YC travailleurs de l’énergie