Le parti de Poutine Russie unie a essuyé un important revers lors des élections locales et les communistes sont les principaux gagnants du scrutin, de Moscou Novossibirsk où le PCFR progresse et conserve la municipalité (cf ci-dessous un article paru dans « Challenges », et surtout, sur l’article de J.-B. C. (lien).
Stupidement – la presse occidentale s’efforce d’attribuer le bon résultat communiste à l’appel alambiqué du candidat néolibéral et pro-occidental Nawalny à battre à tout prix les candidats de Poutine. Sauf que Nawalny avait exclu les communistes du bénéfice de cet appel et que les raisons profondes de l’échec subi par Poutine sont principalement à chercher du côté du mécontentement social : car alors que, tout en cultivant l’antibolchevisme primaire, Poutine a longtemps flirté ou feint de flirter avec la nostalgie majoritaire des Russes pour l’URSS, nombre d’électeurs ouvriers n’ont pas pardonné au président russe d’avoir liquidé, pour complaire aux milieux capitalistes dominants, le dernier acquis de l’ère soviétique datant des années trente : la retraite à 60 ans pour les hommes et à 55 pour les femmes (avis à Macron qui s’apprête à liquider chez nous les retraites par répartition !).
Bien entendu, la bourgeoisie occidentale se réjouit de l’affaiblissement interne de Poutine ; en effet ce dernier, un peu comme le faisait De Gaulle en France dans les années 60 tout en sabrant les acquis sociaux ici, a le mérite de braver l’omnipotence mondiale de l’impérialisme nord-américain et de la nouvelle Europe allemande. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous, militants franchement communistes de France, ne soutiendrons jamais l’opposition de droite néolibérale russe incarnée par Nawalny.
Mais cette même bourgeoisie occidentale ne peut voir d’un bon œil les communistes russes reprendre du poil de la bête au risque de rappeler au peuple russe, comme à tous les peuples du monde d’ailleurs, que « la nation, c’est le peuple » (comme le disait le philosophe communiste français Georges Politzer, que fusillèrent les Allemands) ; si bien qu’il ne saurait y avoir de patriotisme conséquent sans affirmation du « rôle central du monde du travail dans la vie nationale », comme le déclarait le CNR en 1944 à la demande du Parti communiste français. C’est-à-dire en dernière analyse, sans lutte déterminée contre le capitalisme, dont la seule patrie est le profit, et sans orientation vers une (nouvelle, s’agissant de la Russie…) révolution socialiste, dont les communistes sont les seuls porteurs conséquents –
G. Gastaud, auteur de « Patriotisme et internationalisme », 2011.
C’est pas Initiative Communiste ni le PRCF qui le dit, mais le journal libéral en ligne Atlantico.
Alexei Navaly l’opposant à poutine révé par les occidentaux, moins par les russes
Jean-Robert Raviot est professeur de civilisation russe contemporaine à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, docteur et HDR en science politique
Atlantico : Concrètement pouvez-vous nous expliquer ce jeu du chat et de la souris auquel se livrent les autorités et l’opposant Alexeï Navalny?
Jean-Robert Raviot : Navalny n’est pas un opposant politique au sens où il serait un homme politique pouvant prétendre à être élu et à incarner une alternance au pouvoir. Ce leader incontesté de la dénonciation de la corruption des hautes sphères en Russie est pour l’instant tenu à l‘écart du jeu politique, interdit de ses présenter en raison de condamnations judiciaires liées à des actions de manifestation qui se tiennent le plus souvent dans des lieux publics où des interdictions ont été prononcées… Navalny, candidat à la mairie de Moscou en 2013, avait remporté un succès relatif, avec près de 27% des voix dans la capitale. Aujourd’hui passé du côté de l’opposition radicale qui n’a pas accès au jeu électoral, il cherche à renforcer sa légitimité de chef auprès des plus jeunes générations et, surtout, hors des grandes métropoles urbaines, et à gagner un public moins « bobo ». Avec un certains succès.
Est-ce que cela traduirait une perte de vitesse, de popularité pour Alexeï Navalny ?
Comme je viens de le dire, Navalny est entré dans une logique d’opposition non pas à la politique du gouvernement ou du président, mais d’opposition au régime en tant que tel. Cette radicalité renforce son crédit auprès des radicaux, mais l’éloigne des élections et, de ce fait, des débats qui portent sur la politique du gouvernement et de l’Etat, à l’heure où précisément, ces débats sont vifs. Opposant au régime, Navalny dénonce la corruption des hautes sphères, il ne développe pas une critique de la politique économique et sociale, par exemple. Or, c’est sur ces questions que les Russes attendent une opposition. Une opposition politique, justement, et non pas une opposition « au régime », un régime qu’ils ne contestent guère dans leur ensemble.
L’homme est souvent présenté dans les médias comme « l’opposant numéro un à Vladimir Poutine » mais est-ce vraiment le cas ? Dans les faits n’est-ce pas plutôt le KPRF (Parti communiste de la fédération de Russie) ou le parti ultranationaliste LDPR (Parti libéral-démocrate de Russie)?
Alexeï Navalny n’est pas « l’opposant numéro 1 à V. Poutine ». Cette formule est une sorte de formule prononcée en boucle dans les médias occidentaux, mais qui n’a rigoureusement aucun sens. D’ailleurs, aucun des partisans de Navalny ne le qualifierait ainsi aujourd’hui ! Il s’agit d’une erreur provenant d’une méconnaissance profonde du système politique russe. IL n’y a pas d’ »opposant principal » qui se dégage, tant la figure de Poutine continue – et coninuera sans doute – à surplomber la vie politique russe. Il y a des oppositions et des mobilisations, surtout, d’abord et avant tout, sociales et économiques. Les régionales partielles du 9 septembre dernier l’ont montré : le parti Russie Unie a perdu des élections et même lors d’élections de gouverneurs, ce qui est une première, du moins à cette échelle. Dans cette opposition politique, pas de contestation « du régime », et même pas vraiment de Poutine lui-même, mais une contestation de plus en plus vive de la politique économique et sociale. A commencer par la réforme récente, très impopulaire, de l’âge de la retraite. Qui était censé passer à 65 ans pour les hommes, dans un pays où l’espérance de vie masculine est de 64 ans…