7 novembre 2020 –
Fabien Roussel est l’actuel secrétaire national du P.C.F. ; proche d’Alain Bocquet, l’ex-président du groupe parlementaire du P.C.F. à l’époque du gouvernement Jospin (1996/2002), F. Roussel siégea aussi, en tant que responsable à la communication, au cabinet ministériel de Mme Michelle Demessine (membre du PCF nordiste, secrétaire d’État au tourisme de Lionel Jospin aux côtés des ministres PCF Marie-Georges Buffet et Jean-Claude Gayssot). Fabien Roussel codirige le PCF avec Pierre Laurent, l’actuel président du Conseil national du PCF, vice-président du Sénat et ancien président du Parti de la Gauche européenne, un parti européen accrédité auprès de l’UE et auquel est toujours affilié le PCF. Fabien Roussel a donné le 11 octobre dernier ses réponses aux questions posées par la Pravda. Ce sont ces réponses, présentées ci-dessous en grisé, que commente G. Gastaud ci-dessous noir sur blanc. Secrétaire national du PRCF, Georges Gastaud est l’ancien secrétaire d’une section du PCF (Lens) qui s’est publiquement opposée à la politique social-maastrichtienne du gouvernement Jospin ainsi qu’à la participation du PCF à ce gouvernement (dont la politique fut caractérisée par des euro-privatisations massives – notamment celle de France-Télécom -, par la contre-réforme Allègre du lycée, par la mise en place de la monnaie unique, par l’absorption des ex-pays socialistes de l’Est par l’UE et par l’OTAN, par la participation de la France à la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie…). G. Gastaud est aussi l’auteur du livre Le nouveau défi léniniste (2017, Delga). G. Gastaud commente point par point ci-dessous les réponses données à la Pravda par Fabien Roussel
Il s’agit là d’une clarification politique incontournable à l’heure où certains communistes, membres ou non du PCF, s’interrogent sur ce que serait en 2022 une candidature présidentielle franchement communiste et 100% insoumise à l’UE. La forme écrite de cette clarification est également imposée à G. Gastaud par le fait que le courant dit « identitaire » du PCF semble désormais privilégier l’entre-soi en refusant tout dialogue direct avec les communistes organisés hors-PCF, particulièrement avec le PRCF. Présidé par Léon Landini, un ancien officier des FTP-MOI décoré par la France et par l’URSS au titre de la Résistance an nazisme, le PRCF a par deux fois écrit à Fabien Roussel ces derniers temps. Il s’agissait de lui proposer une rencontre permettant de faire connaissance en direct et de confronter sereinement et de vive voix les positionnements respectifs. N’ayant obtenu par deux fois qu’une fin de non-recevoir, le PRCF souhaite dialoguer en direct et sur le fond, c’est-à-dire sur le contenu de classe de l’alternative, avec tous les camarades communistes que cela intéresse. Le but recherché est qu’un contenu programmatique et stratégique franchement communiste, 100% insoumis à l’U.E. et intégralement affranchi de toute alliance directe ou indirecte avec le PS et les euro-fédéralistes d’EELV, puisse enfin émerger, en lien étroit avec les résistances sociales, avant, pendant et après la présidentielle.
Désigné par le collectif de direction du PRCF pour diriger l’intervention du Pôle durant les campagnes présidentielle et législative, Fadi Kassem est d’ailleurs prêt à dialoguer publiquement avec Fabien Roussel si celui-ci s’y résout. À ce dernier de voir s’il préfère privilégier, comme il le déclare ci-dessous, l’ « unité » à tout prix avec M. Pierre Laurent, ex-secrétaire national du PCF, longtemps président du PGE et chef de file de l’aile mutante et ouvertement pro-PS du PCF, ou si l’actuel secrétaire national du PCF accepte de dialoguer démocratiquement, fût-ce de manière critique, avec un représentant du PRCF. Un PRCF dont les fondateurs ont dénoncé des dizaines d’années durant la mutation-dénaturation du PCF avec la volonté de déployer l’identité communiste et de développer le marxisme-léninisme tout en militant pour restaurer l’indépendance nationale et pour engager la marche au socialisme en alliant le drapeau tricolore au drapeau rouge orné des outils ouvrier et paysan.
Pourquoi serait-il moins difficile à un secrétaire national du PCF de donner la parole à M. Roux de Bézieux, chef de file du MEDEF, comme cela s’est fait sans complexes en septembre dernier à la Fête de l’Huma, que de dialoguer civilement, en direct et franchement, avec un représentant de militants désintéressés qui militent depuis toujours pour l’émancipation sociale et dont les plus anciens ont risqué leur vie pour libérer la France et pour rouvrir la voie au progrès social en France et dans le monde ?
Initiative communiste.
Interview de Fabien Roussel dans La Pravda : « Nous devons abandonner le capitalisme », F. Roussel – Dimanche 11 octobre 2020
Commentaire préalable de G. Gastaud à propos de cette phrase étrange de F. Roussel qui sert de titre à l’interview : « nous devons abandonner le capitalisme ».
On ose espérer que dans toute l’entrevue de F. Roussel, le flou récurrent de certaines formulations stratégiques est dû à une (re-)traduction approximative du russe vers le français (tout en remerciant le traducteur bénévole pour son précieux travail). Car en quoi, « nous », les communistes devrions-« nous » « abandonner » le capitalisme? Quand le capitalisme a-t-il jamais été « nôtre » ? Que l’on sache, les véritables communistes (c’est sans doute autre chose pour les « communistes » mutants ralliés au réformisme, donc au capitalisme délicatement rosi…), ont toujours milité pour abolir l’exploitation capitaliste, qui n’est nullement « nôtre » : le capitalisme, pour tout marxiste et pour tout communiste qui se respectent, c’est plutôt « nous et eux », ou mieux : « nous contre eux » ! Mais peut-être ce « nous » de Roussel désigne-t-il plutôt, dans le propos de F. Roussel rapporté par la Pravda, la France dans son ensemble, au nom de laquelle parlerait alors le secrétaire national du PCF ? Dans cette hypothèse, le préalable n’est-il pas, précisément pour que la France puisse « abandonner » le capitalisme, qu’elle commence par cet acte d’élémentaire dignité nationale qui consisterait à abandonner l’Union européenne, chose dont, on va le vérifier dans la suite de l’entrevue, F. Roussel ne parle jamais ? Il est vrai que l’UE est définie de A à Z par des Traités supranationaux et néolibéraux d’esprit totalitaire qui interdisent tout « abandon » du capitalisme, voire toute espèce de réforme sociale véritable. Comme l’a rappelé sans ambages M. Juncker, l’ex-président de la Commission européenne, « il n’y a pas de choix démocratique en Europe en dehors de ce que permettent les traités européen » : fermez le ban !
J’ajoute que, pour « abandonner » le capitalisme, cher Fabien Roussel, il faudra non seulement couper les ponts avec l’UE, mais chasser du pouvoir politique et écarter du pouvoir économique et médiatique les grands capitalistes qui prétendent constamment dire « nous » au nom de notre pays : ce même pays qu’ils vendent à la découpe (privatisations, délocalisations, fusions capitalistes, etc.) au nom de ce qu’ils appellent, avec un incroyable culot : « les Français ». En résumé, cher F. Roussel, la lutte des classes ne se résume certes pas à une lutte de mots, mais si l’on commence d’emblée par manquer de clarté lexicale sur la question la plus centrale – la stratégie politique ! -, comment veut-on aider les travailleurs à y voir clair sur les dures ruptures à consentir, et sur la principale d’entre elles : la révolution socialiste. Or celle-ci n’a rien de commun, dans sa forme comme dans son fond, avec un « abandon » ; elle relève tout au contraire, pour les prolétaires modernes, d’un acte majeur d’ appropriation collective de leur destin commun !
Entretien du correspondant de La Pravda, Andrey Dultsev, avec le Secrétaire national du PCF, Fabien Roussel.
Traduction Nicolas MauryLe XXXVIIIème Congrès du Parti Communiste Français vous a élu Secrétaire National du PCF. Quelles sont vos prochaines tâches ? Quelle est votre vision des tactiques et de la stratégie du parti ?
Nous sommes dans une situation d’urgence. Lorsque j’ai été élu secrétaire national, il n’était pas question d’une pandémie mondiale. Au moment où j’ai été élu secrétaire national, une crise économique était mûre en France : même alors, nous disions que la concentration du capital et le pouvoir des sociétés multinationales menaçaient l’économie française et l’avenir de notre pays, que nous risquions une forte augmentation du chômage et de la pauvreté en France. Le congrès m’a élu nouveau chef du Parti communiste français pour signaler le danger d’une crise économique, pour montrer que le capitalisme est dangereux pour notre pays, qu’il est urgent d’abandonner ce modèle économique et d’ouvrir la voie à un nouveau projet social. Par conséquent, le programme du parti, approuvé par les délégués au XXXVIIIème Congrès du PCF, est fondamentalement différent du précédent. Notre tâche aujourd’hui est de donner l’espoir de changements dans le pays, de changements significatifs pour notre société. Nous devons restaurer l’influence du Parti communiste français. Nous avons besoin d’un parti plus fort, plus influent, plus organisé, avec un militantisme mieux formé, prêt à mener la lutte idéologique dans notre pays et à convaincre les Français de la nécessité d’abandonner le capitalisme pour construire un nouveau modèle social et écologique de société.
Commentaire de G. Gastaud
Petite remarque de forme d’abord. Qu’il est étrange pour un responsable communiste de se désigner tout de go comme le nouveau « chef » du parti communiste français ! En tant que militant du PCF, on m’avait expliqué à l’Ecole élémentaire que j’ai suivie à l’âge de vingt ans, qu’un dirigeant communiste n’est jamais qu’un responsable mandaté par ses pairs et qu’il est comme tel révocable à tout moment par ceux qui l’ont élu : il n’est donc le « chef » de personne et il reste fondamentalement l’égal de ses camarades auprès desquels il n’est jamais dispensé de militer en bas, diffusant les tracts de sa cellule, collant les affiches comme les autres, etc. Passons, il ne s’agit peut-être que d’une expression d’auto-dérision de la part de F. Roussel ou d’une nouvelle approximation de traduction…
Il est en outre étonnant que dans la réponse rapportée ci-dessus, F. Roussel ne fasse aucunement le rapport entre l’actuelle pandémie virale et l’euro-mondialisation du capitalisme qui en forme le cadre socio-historique : F. Roussel parle comme s’il s’agissait de deux phénomènes radicalement hétérogènes. Or, bien des observateurs ont noté, au contraire, à commencer par notre journal INITIATIVE COMMUNISTE (cf l’article « Virons l’euro-mondialisation virale ! » paru en mars 2020 sur www.initiative-communiste.fr ) que les épidémies et autres épizooties à répétition, tournant de plus en plus fréquemment à la pandémie, sont intimement liées à la phase actuelle, « pourrissante et agonisante » comme disait déjà Lénine, du capitalisme monopoliste actuel qui ravage, entre autres, l’environnement humain et la biodiversité. Chacun voit en outre que les échanges commerciaux actuels « à la sauvage » sont totalement dé-segmentés et dérégulés et chacun sait qu’un paquet de yaourts fait le tour de la Terre avant d’atterrir sur notre table ! C’est un fait sociohistorique majeur, et non un phénomène purement biologique et « virologique », que l’euro-mondialisation néolibérale actuelle soit capable de globaliser en moins de deux (voire de provoquer, par la destruction des écosystèmes) les plus irréversibles catastrophes sanitaires et environnementales !
Tout cela est inscrit dans la nature même de l’Union européenne elle-même puisque l’UE s’auto-définit, depuis le traité de Maastricht (1992), comme une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée« . En outre, il y a un lien évident entre la catastrophe virale actuelle et l’euro-casse scandaleuse de l’hôpital public à laquelle ont participé à l’égal de tous les autres gouvernements maastrichtiens le gouvernement Jospin et son ministre de la Santé appliquant méthodiquement le plan Juppé de 1995. Or, ce gouvermenent a été aidé et cautionné durant cinq années par des ministres se réclamant du PCF, par ceux qui les ont servis et par les parlementaires qui ont voté la « confiance » à Jospin. Mais pour revenir à l’époque actuelle, depuis 2011, soixante-trois sommations sont parties de Bruxelles pour enjoindre la France de « réduire ses dépenses de santé ». Pourquoi diantre toute la gauche établie, PCF inclus, fait-elle globalement silence sur ce fait criminel majeur ? Pourquoi n’y a-t-il pas trace de ces sommations indignées émanant de Bruxelles dans les tracts des confédés syndicales et des organisations politiques de gauche, hors PRCF ? Pourquoi minimise-t-on ainsi les responsabilités écrasantes de l’UE et de ses complices et proconsuls français, dans la méga-casse de l’hôpital, le déremboursement des médicaments, l’assèchement de la médecine de ville, etc. ? Il est donc fort dommage que le mot « Europe » n’apparaisse pas à ce stade dans la réponse de F. Roussel à nos camarades de la Pravda. Comment ne pas voir pourtant que l’extension fulgurante de la Covid 19 à toute l’Europe, puis la (non-)gestion catastrophique de la crise par l’UE, sans parler de chacun des gouvernements nationaux, démontre de manière flagrante que, loin d’être « protectrice », l’UE est au contraire conductrice des pandémies, voire des « euro-démies » sur fond de casse austéritaire des protections sociales et de libre-échangisme mondial débridé.
Poursuivons : si le programme du P.C.F. a changé du tout au tout comme l’affirme F. Roussel dans sa réponse rappelée ci-dessus, il serait d’abord correct de faire une autocritique marxiste et de dire franchement : « oui, nous les dirigeants qui avons appuyé sans coup férir les abandons idéologiques appelés « mutation », à l’époque où R. Hue présidait le P.C.F. et où A. Bocquet dirigeait le groupe parlementaire, oui nous qui avons moqué, écarté, stigmatisé les camarades qui nous criaient « casse-cou ! », pour certains depuis le milieu des années 1970, nous nous sommes lourdement trompés. Ceux qui, à l’époque, ont vu clair sur la « mutation » et sur la funeste subordination à l’UE et à la social-démocratie qu’elle impliquait, avaient raison« .
Ce très improbable acte de sincérité autocritique serait bien accueilli par les travailleurs. Ils pourraient se dire : enfin quelqu’un de loyal qui avoue qu’il s’est planté dans les grandes largeurs… et qui en tire des conséquences pratiques pour lui-même ! Sans cette autocritique de fond que le PCF n’a jamais faite, et que très vraisemblablement, il ne pourra faire sans désavouer la grande majorité de ses dirigeants nationaux depuis quarante ans (le PCF n’a jamais critiqué autrement que sur la forme les abandons idéologiques désastreux des années 1979, ni sur l’eurocommunisme, ni sur le virage « euro-constructif » de 1993, ni sur les participations gouvernementales sans principes de 81 et 96, ni sur l’abdication de 1999 à propos du bilan du communisme réel, à l’occasion de la honteuse prestation de R. Hue à l’émission grand spectacle de Cavada sur le Livre noir du communisme !), tout électeur ouvrier, tout progressiste est en droit de se demander qui dit vrai, du Roussel de 2002 qui servait le gouvernement social-maastrichtien, archi-privatiseur et belliciste des Jospin, Voynet et Gayssot, ou du Roussel de 2020 qui pourfend les traités européens… tout en jurant qu’il veut rester dans l’UE !
Car enfin, le programme du PCF a-t-il autant changé sur l’essentiel que le prétend F. Roussel dans sa déclaration à la Pravda ? Ce programme prévoit-il enfin, non pas l’introuvable, fumeuse et impossible « réorientation progressiste de l’UE et de l’euro« , qui fut au cœur de la mutation euro-réformiste (cette « mutation » social-démocrate qu’annonçait, dans les années 70/80, le funeste « eurocommunisme » qui accompagna l’abandon du marxisme-léninisme…), mais la sortie franche, par la porte à gauche, de ce clone du deutsche Mark qu’est l’euro et de ce carcan super-patronal et fascisant qu’est l’UE ? Le « nouveau » programme du PCF prévoit-il enfin derechef, comme s’y engageait le PCF avant le suicidaire ralliement gouvernemental du parti à Mitterrand en mai 1981, la nationalisation franche, complète et démocratiquement gérée des banques et des secteurs-clés de l’économie et de la grande industrie ? Ces nationalisations franches qu’a « plantées » délibérément et vidées de tout contenu transformateur le gouvernement Mauroy-Delors flanqué des ministres « communistes novateurs » Fiterman et Cie ? Et que dire de l’abandon des sociétés nationalisées que n’a nullement défendues en 1997-2002 le trio « communiste » gouvernemental Gayssot-Buffet-Demessine puisqu’alors, au nom des « nouveaux critères de gestion sociaux et écologiques », de la « mixité sociale public-privé » et de cent autres billevesées concoctées par la section économique archi-mutante et réformiste du PCF (ce que F. Roussel a appelé par ailleurs, et avec faveur, le « nouveau logiciel communiste »), les « ministres communistes » ont laissé passer sans démissionner la privatisation de France-Télécom, d’Air-France, de la SNECMA, des Caisses d’épargne, tout en maintenant l’essentiel de l’euro-réforme ferroviaire qu’imposait la feuille de route européenne de Jospin? Si tel n’est pas le cas, si l’on ne revient pas sur la nécessité claire et nette de sortir de l’UE et de l’euro par la gauche, par la voie notamment (pas seulement bien sûr !) des nationalisations démocratiques et d’une extension sans précédent de la démocratie populaire (nullement réductible à la république parlementaire, nous y reviendrons), alors, comment oser dire, camarade Roussel, que le programme actuel du PCF est « fondamentalement différent » du précédent, lequel était ouvertement et lourdement euro-constructif et privatisations-compatible ?
On est d’autant plus fondé à s’interroger sur ces matières que F. Roussel n’emploie jamais, pour décrire son « nouveau projet social » (plus flou que cette expression, tu meurs!), la seule expression juste qui serait : « socialisme » ; ou, pour être encore plus précis, et pour couper court à toute confusion entre socialisme et social-démocratie: pouvoir populaire centré sur la classe ouvrière et socialisation des grands moyens de production et d’échange. Ce qui certes, ne dit pas le tout du socialisme, encore moins de la marche au communisme qu’il se doit d’engager, mais qui aurait du moins le mérite de fixer les conditions minimales en-deçà desquelles l’ « abandon » du capitalisme risque fort de n’être qu’un abandon… de la révolution !
Sommes-nous « archaïques » en disant cela au PRCF ? Nullement ! Regardons la plus récente actualité et constatons : quels sont les États qui s’en sortent le plus mal face au coronavirus ? Chacun voit bien que ce sont les pays les plus enragés de néolibéralisme, les USA de Trump (1 Américain sur 4,5 morts du covid 19 à l’échelle mondiale alors qu’il n’y a, environ, qu’1 Américain pour 23 humains sur Terre!), l’Angleterre de Johnson, le Brésil du libéral-fasciste Bolsonaro, sans parler de notre pays erratiquement dirigé par Macron, qui, coincé entre le MEDEF et l’implosion du système hospitalier, court après le virus comme un canard sans tête tout en multipliant les mesures liberticides !
À l’inverse, bien que tenaillée comme jamais par le blocus renforcé par Trump, Cuba socialiste s’en tire cent fois mieux que la Floride voisine sur le plan sanitaire grâce à sa planification d’État et à son système socialiste de recherche biomédicale et de médecine de proximité gratuite pour tous. Sans parler de la Chine populaire, que le PCF n’idéalise pas mais qu’il défend en permanence contre la sinophobie permanente des médias occidentaux : c’est bien parce qu’elle n’est pas engoncée dans l’équivalent asiatique de l’UE, parce qu’elle a préservé ce bien précieux entre tous qu’est l’indépendance nationale, parce qu’elle n’a pas liquidé son industrie lourde – bien au contraire ! – comme l’a fait la France maastrichtienne, parce qu’elle a gardé un fort secteur industriel d’État, c’est parce qu’elle est capable quand elle le souhaite de produire en masse des tests de dépistage rapide, une stratégie nationale de soins, d’isoler rapidement les porteurs du virus et même des hôpitaux de crise sortant du sol en quelques semaines, que la République populaire de Chine a pour l’essentiel liquidé les causes endogènes de l’épidémie… Et, quoi qu’on pense des réformes de Deng Xiaoping qui sont ici hors-sujet, cet immense exploit politico-sanitaire de la Chine est indissociable de l’héritage SOCIALISTE de ce pays, ce qu’on peut dire tout autant de la République socialiste du Vietnam par exemple. Mais dans le PCF actuel, qui contourne et dénigre le concept même de socialisme, dans ce PCF qui n’a jamais de mots assez durs pour brûler ce qu’il a adoré et pour fustiger le bilan historique de la première expérience socialiste de l’histoire, dans ce parti qui a célébré, voire accueilli à bras ouverts l’un après l’autre tous les dissidents anticommunistes soviétiques, chinois, tchèques, etc. de la planète, il y a bien longtemps hélas que la bataille idéologique pour le socialisme a été enterrée ; ou plutôt, regardons les choses en face, la bataille idéologique a été menée avec acharnement dans les rangs du PCF lui-même contre l’idée du socialisme auquel parfois on se donne la coquetterie démagogique d’opposer le « communisme », en oubliant le principe matérialiste « qui ne peut pas le moins peut rarement le plus ! ». Pourtant, les journalistes de la Pravda, à défaut de ceux de l’Humanité, ne sont pas sans savoir, eux, que, malgré le battage anticommunistes que les enfants russes doivent ingurgiter depuis les bancs du collège, 66% des Russes regrettent ouvertement l’Union soviétique, condamnent la « catastroïka » de Gorbatchev et portent un jugement rétrospectif positif sur l’héritage de Lénine et de Staline ! Et cela, camarade Roussel, ce n’est pas de la vieillerie idéologique, cela s’appelle tout bonnement l’expérience comparative de masse, analysée par ceux qui ont vécu successivement les deux systèmes, du mode de production socialiste et du mode de production capitaliste !
Mais surtout, comment « abandonner » le capitalisme, cher Fabien Roussel, si l’on ne sait pas dire clairement ce que l’on prétend lui substituer ? Au PRCF, au moins, nous le disons clairement en le soumettant au débat général : nous voulons toujours, certes dans les formes propres à notre pays et à notre temps, l’expropriation du grand capital (pour commencer, celle des banques et du CAC 40 sans verser un sou d’indemnité aux gros actionnaires auxquels il faudrait plutôt faire rendre gorge !), la nationalisation des banques et des secteurs-clés de l’économie combinant planification démocratique centrale et centralité des travailleurs dans la gestion des entreprises nationalisées. Le socialisme ce serait aussi le pouvoir des travailleurs assis sur un nouvel appareil d’État issu des luttes ; ce serait également une coopération internationale ne se limitant nullement à l' »Europe » et fondée sur l’échange égalitaire d’État à État. Ce socialisme pourrait certes, l’expérience historique des pays socialistes, Cuba inclue, étant prise en compte, laisser place à un secteur privé de PME, et surtout, de TPME donnant sa place à l’initiative privée : mais c’est en tout état de cause la puissance publique radicalement démocratisée qui donnerait le ton en toutes circonstances en mettant le cap à tous moments sur l’objectif final du communisme : c’est-à-dire sur une société sans classes où, comme l’écrivaient Marx et Engels dans leur Manifeste, « le développement de chacun est la clé du développement de tous« .
En un mot, notre « projet social », à nous les communistes qui n’avons pas « muté » et rendu les « outils », porte un nom et il est atterrant, disons-le sans hypocrisie, que même lorsqu’il s’adresse au journal fondé par Lénine, cette Pravda de glorieuse mémoire, Fabien Roussel n’ose pas nommer ce projet, à supposer qu’il le partage quelque peu sur le fond – le socialisme en marche vers le communisme. Mais comment peut-on offrir un cap aux travailleurs si l’on est soi-même dépourvu de boussole, si l’on fait passer avant toute question de contenu politique la bonne entente avec Pierre Laurent, si l’on veut demeurer au PGE, s’allier partout au PS et surtout, si l’on se flatte même, sous couvert de « modernité », d’avoir démoli cette boussole, ce « guide pour l’action » qu’était et que reste le marxisme-léninisme pour peu qu’on le travaille en permanence ?
Au XXXVIIIème Congrès, vous avez mis aux voix le programme alternatif du parti « Pour le Manifeste du Parti communiste du XXIème siècle ». L’une des idées du programme était le retrait du PCF du Front de Gauche, dans lequel le PCF a délégué les pleins pouvoirs au leader du Front de Gauche, Jean-Luc Melenchon, pendant près de dix ans. Pourquoi avez-vous franchi cette étape ?
Le nouveau programme du parti, approuvé par le congrès, déclare la nécessité d’un Parti communiste plus fort, la nécessité de notre participation aux élections nationales, afin de permettre au peuple français de choisir un nouveau modèle économique afin d’insister sur la nécessité de profondes transformations révolutionnaires. Dans le texte du programme, nous avons confirmé la voie vers le renforcement du parti, vers notre participation aux élections nationales et présidentielles. Pour la première fois dans l’histoire du parti, un programme a été approuvé alors qu’il était une alternative au projet de programme de l’ancienne direction : la raison est le fait que la majorité des membres du parti souhaitaient un changement. Mais je fais ces changements avec Pierre Laurent, l’ancien secrétaire national, nous partageons un objectif commun et l’unité du parti est importante pour nous. Quant au Front de gauche : les années précédentes, le Parti communiste français a participé activement à sa création avec Jean-Luc Mélenchon. Dans le cadre du Front de gauche, nous avons soutenu sa candidature aux élections présidentielles de 2012. Lors des dernières élections présidentielles de 2017, le Front de gauche a effectivement cessé d’exister, c’était un an avant le XXXVIIIème congrès du parti. Par conséquent, nous avons seulement confirmé le fait que le moment est venu pour le PCF de restaurer l’autonomie, afin de mener directement un dialogue avec les travailleurs, avec les fonctionnaires, afin de défendre notre modèle social – le communisme, pour prouver sa pertinence. Par conséquent, au XXXVIIIème Congrès, nous avons annoncé non pas notre retrait du Front de gauche, qui à ce moment-là était déjà mort, mais une confirmation de la nécessité d’un parti communiste fort.
Commentaire de Georges Gastaud:
Là encore, camarade Roussel, quelle expression entortillée et on ne peut plus « floutée » ! « Choisir un nouveau modèle économique afin d’insister sur la nécessité de profondes transformations révolutionnaires« , répondez-vous à votre interlocuteur russe. Mais lesquelles, que diable ? S’agit-il par ex. de demander à la Banque centrale européenne (BCE), comme l’a récemment proposé la direction du PCF appuyée par son aile gauche, de… financer en grand la reconstruction de la santé en Europe? Autant demander aux caïmans de manger de l’herbe et à Lady Christine Lagarde de se muer en une moderne Louise Michel ! Et surtout c’est quoi, cher F. Roussel, ces « profondes transformations révolutionnaires » noyées dans un pluriel évasif, si ce n’est une manière d’éviter le substantif singulier du mot « révolutionnaires » : la révolution socialiste, ce moment historique incontournable, où s’est toujours joué in fine, quels qu’aient pu être les affrontements précurseurs, le basculement du pouvoir politique d’une classe, celle des capitalistes, à une autre classe, celle des travailleurs salariés prenant la tête du rassemblement des couches populaires et des couches moyennes précarisées par les monopoles capitalistes?
Ah oui, je sais bien, vous allez sans doute, comme c’était la mode dans les années 1970/80, dégainer le repoussoir anarchiste (et nullement léniniste !) de l’ainsi-dit « Grand Soir »… Mais oui ou non, camarade Roussel, toute l’histoire des révolutions, y compris celle des révolutions démocratiques bourgeoises, a-t-elle démontré qu’à terme, le pouvoir de classe ne se partage pas – y compris et surtout quand il existe un « double pouvoir », le roi et l’Assemblée nationale en France, le gouvernement provisoire bourgeois et les Soviet en Russie, Versailles ou la Commune de Paris, le gouvernement chilien d’unité populaire ou l’appareil militaire infiltré par Kissinger ? Cette même histoire n’a-t-elle pas mille fois prouvé qu’il faut bien que l’une ou l’autre classe, exploiteurs ou exploités, l’emporte sur l’autre, au final ? Oui ou non, l’histoire nous montre-t-elle que, sauf à se réduire aux contrefaçons social-démocrates, le socialisme n’a jamais été une tranquille « avancée démocratique au pas à pas » d’un mode de production à un autre, comme essayaient de le faire croire au sein du PCF dès les années 1970/80 les « abandonneurs » (ou « naufrageurs ») du léninisme et autres idéologues d’un prétendu socialisme sous domination social-démocrate, sans rôle dirigeant de la classe ouvrière, sans parti communiste de combat, sans expropriation capitaliste résolue, sans pouvoir des travailleurs, le tout parrainé par Mitterrand et par Jacques Delors ? Sachant que ces fins « novateurs du marxisme » des années 70 à 2000 ont tous fini, de Fizsbin à Juquin, d’Elleinstein à Fiterman, de Gayssot à Hue, dans le giron de la social-démocratie, si ce n’est pire !
Que toute réforme allant dans le sens du mieux-être des masses soit bonne à prendre, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un « accompagnement social » trompeur de la casse sociale, type CFDT, ce n’est pas au syndicaliste de terrain que j’ai été durant quarante années qu’on va l’apprendre. Mais l’expérience montre chaque jour, de l’Europe à l’Amérique latine, que, comme le disait Lénine, « les réformes elles-mêmes sont la retombée des luttes révolutionnaires » : en réalité, lorsque la direction du PCF, lorsque l’actuelle direction confédérale de la CGT, tournant le dos à la grande CGT de Frachon qui portait historiquement dans notre pays le syndicalisme de classe, renoncent l’un et l’autre dans leurs statuts respectifs, à toute référence à la « socialisation des moyens de production », alors, tout le monde le constate, le patronat pousse un grand ouf de soulagement ; et alors, il n’y a même plus de réforme, si menue soit-elle ; alors, même les capitalistes ne craignant plus de perdre le « manche », comme c’était encore le cas quand il y avait en France, jusqu’au mitan des années 1970, un PC combatif se réclamant de la Révolution d’Octobre ; alors, il n’y a plus que des contre-réformes, et même, il n’y a plus à l’arrivée, que le bloc contre bloc explosif des néolibéraux thatchériens (Macron et Cie) et les diverses variantes « vertes » ou « bleu marine », de la fascisation en marche !
Quant à ceux qui ricanent à propos de la nécessaire rupture franche, claire, carrée avec le capitalisme, qu’ils regardent seulement comment évolue en ce moment le Venezuela bolivarien ami : nos camarades du P.C. du Venezuela, qui n’ont pourtant jamais failli à soutenir contre l’impérialisme le bloc patriotique formé par Chavez, puis par Maduro, tirent actuellement la sonnette d’alarme. Alertant solennellement le Mouvement communiste international et interpellant avec gravité le camarade Maduro, le congrès du PC vénézuélien rappelle en substance que, si le moment venu, on hésite à « marcher au socialisme » et à tordre le bras à la réaction, alors, comme au Chili d’Allende, le risque grandit que ce soient au final la violence contre-révolutionnaire et le fascisme qui scellent une fois de plus le sort des progressistes laissés désarmés et impuissants !
Mais surtout, camarade Roussel, votre réponse à la Pravda, si ferme en apparence sur la défense du « périmètre » électoral du PCF, reste désespérément faible sur le contenu politique lui-même : il faut, dites-vous, qu’il y ait un candidat communiste à chaque élection ? Chiche, et ce n’est pas nous, PRCF, qui n’avons jamais adhéré à l’inconsistant Front de gauche ni aux fantomatiques « Comités antilibéraux » que cautionna le PCF, qui dirons le contraire. En 2017, nous avions, sans retour de sa part, écrit à André Chassaigne en lui disant que nous étions prêts à le soutenir plutôt que Mélenchon pour peu que ce « pré-candidat » issu du PCF se prononce pour une sortie par la gauche de l’UE et qu’il ose au moins dire, comme Mélenchon l’avait fait alors : « l’UE, on la change ou on la quitte ! », ce que, soit dit en passant, vous ne dites toujours pas vous-même, tout « identitaire » que d’aucuns vous disent. Mais la réalité, c’est que A. Chassaigne, dont la sincérité militante et la personnalité sympathique ne sont pas en cause, était à la droite de J.-L. M. sur cette question stratégique de la sortie de l’UE. À la vérité, le but de cette « candidature communiste » en trompe-l’œil, était d’ « arranger les bidons » avec le socialiste Hamon et surtout, surtout, de ne pas porter atteinte au « saint des saints » de la politique du PCF actuel : l’alliance inoxydable aux législatives, aux municipales, aux sénatoriales, et si possible au second tour de la présidentielle, du PCF avec le… PS. Au second tour à tous les coups, voire au premier quand l’occasion de faire liste commune d’emblée se présente, de Lille à Paris en passant par Lens !
C’est la rupture avec ce désolant électoralisme, c’est ce nécessaire et urgent « abandonnement » de ce que les ouvriers ch’tis nomment « la lutte des places », qui donnerait le signal d’une rupture sincère et effective avec quarante années de dérives qui n’ont d’ailleurs apporté que des désastres électoraux au PCF, que des défaites aux travailleurs et qu’une casse continue des conquêtes des ministres communistes de la Libération. Bref, il ne suffit nullement qu’un candidat estampillé « communiste » fasse un tour de piste « identitaire » au premier tour de la présidentielle pour ensuite appeler à voter Macron (« pour battre Le Pen » ???) ou pour soutenir tout autre présidentiable maastrichtien se déclarant fallacieusement « antiraciste » (Xavier Bertrand s’il parvient à faire sa percée ?), pour que le compte y soit et pour que « candidature communiste » il y ait effectivement eu. Car les travailleurs ne sont pas férus d’étiquettes mais de contenu politique clair et net. Clarifiez d’abord ce contenu, dites si oui ou non vous êtes pour la sortie franche et unilatérale de l’UE et de l’euro, dites si vous voulez pour la France un socialisme digne de ce nom, comportant l’expropriation résolue du grand capital et le pouvoir des travailleurs ou dites franchement aux communistes et aux travailleurs si vous voulez rester ad vitam aeternam dans le paralysant Parti de la Gauche Européenne, dans le bras-dessus-bras-dessous avec Pierre Laurent, dans la passivité absolue face à l’euro-criminalisation du socialisme et des emblèmes communistes, dans l’alliance électorale de 1erou de second tour avec le PS et les euro-fédéralistes « verts » ! Faute de cela, ce virage vers l' »identité communiste », qui aurait pu être une bonne nouvelle, risque d’être ressenti, non sans raison, comme un nouveau tour d’escamoteur, si ce n’est pour une nouvelle contrefaçon à une époque où trop souvent, le « communisme » établi est à A. Croizat ce que le PS est à Jaurès et ce que les LR sont à l’Appel du 18 juin !
Un mot encore sur ces questions de stratégie : dans votre réponse ci-dessus apparaît enfin une référence au mot « communisme ». Tant mieux ! Mais celui-ci n’est pas défini, si ce n’est par quelques références capitalo-compatibles portant sur la redistribution des richesses ; et surtout, le « communisme » est évoqué sans qu’il soit fait référence au socialisme qui est la condition nécessaire, sinon suffisante de ce que vous qualifiez de l’ainsi-dit « modèle social » du PCF. Je croyais d’ailleurs que, depuis des décennies, le PCF avait rompu, nous l’a-t-on assez seriné !, avec l’idée même de « modèle » de société, mais soit… Simple question qui revient toujours : étant donné que « qui peut le plus peut le moins », nous serions nombreux à désirer apprendre de vous comment ce « communisme »-là sera compatible avec l’appartenance de la France à une UE arrimée à l’OTAN qui se définit haut et fort, dans tous ses textes fondateurs, par la forclusion de tout ce qui pourrait conduire si peu que ce soit au socialisme. Chanter le « communisme » sans engager clairement la rupture de l’alliance pluri-décennale du PCF en position subalterne avec le PS, sans sortir du Parti de la gauche européenne (dont l’aile marchante, die Linke, a renié la RDA, c’est-à-dire la première expérience de socialisme sur le sol allemand), sans sortir de l’UE ni du sacro-saint euro, il faut reconnaître que ce serait aussi vraisemblable que de dire qu’on veut bien sortir du département du Nord, voire de France, mais qu’à aucun prix on n’est prêt à « abandonner » le Beffroi de Lille ! À moins qu’il n’existe des « trous de ver » inexplorés dans l’espace-temps politique, on aimerait bien savoir comment on peut promettre aux travailleurs, non seulement le plus, mais le maximum (le « communisme »), alors que l’on refuse absolument le minimum: le socialisme, et pour commencer, le Frexit progressiste et la sortie franche de l’euro… Bref, à quoi sert l’autonomie du PCF au premier tour de la présidentielle quand, au premier tour des municipales, on s’est enfoui presque partout dans des listes du PS (qui n’osaient d’ailleurs même pas se dire socialistes !) ? À quoi sert l’autonomie électorale au 1er tour de la présidentielle si au second tour (je sais, l’appareil du parti nous répond d’avance : « on en discutera le moment venu », « chaque chose en son temps », etc., j’ai entendu cette musique pendant trente ans quand j’étais au PCF…)? À quoi, objectivement parlant, une telle autonomie électorale purement formelle peut-elle servir sinon à ratisser large au 1er tour pour rabattre vers le PS (ou à nouveau vers Macron ?) au second ? Un PS qui espère bien – en vain, tant il est discrédité – se refaire une santé avec son actuelle cure d’opposition superficielle à Macron…
Le Parti communiste français est profondément enraciné au niveau municipal depuis des décennies. Les dernières élections municipales en France l’ont clairement confirmé. Quelle est votre stratégie pour l’avenir et pour le travail de coalition avec d’autres forces de gauche au niveau municipal ?
Aux élections municipales, nous avons eu des résultats mitigés : nous avons réussi à gagner dans plusieurs villes, mais nous avons malheureusement perdu à certains endroits. Le résultat principal est que dans les grandes villes, nous avons montré que nous pouvions gagner en nous unissant à des électeurs qui n’appartiennent à aucun parti politique, mais qui sont avides de changement. Pour cela, nous avons formé des coalitions avec d’autres partis politiques de gauche et des écologistes. Parfois les communistes étaient à la tête de ces coalitions – c’est ainsi que nous avons remporté les élections dans les villes de Villejuif ou de Bobigny, et parfois nos partenaires étaient à la tête des coalitions. Quoi qu’il en soit, cette tactique nous a permis d’obtenir des sièges dans les conseils et les exécutifs de villes comme Marseille, Montpellier, Nancy et Strasbourg – cela ne s’est pas produit depuis de nombreuses années.
Des élections indirectes au Sénat sont à venir, dans lesquelles nous attendons un renforcement des positions grâce aux votes de nos élus dans les corps législatifs municipaux. Par conséquent, lors des prochaines élections départementales et régionales en mars 2021, cet esprit de travail de coalition doit être renforcé. Comme aux élections municipales, nous disons : travaillons ensemble, unissons-nous pour vaincre la droite et les libéraux, pour ne pas permettre à Macron de prendre pied dans les régions et les départements.
En ce qui concerne les élections législatives et présidentielles, il s’agit d’une autre forme de vote. Il s’agit d’une élection nationale, et une approche différente s’impose ici, car ces élections ouvrent une discussion dans laquelle chaque force politique peut présenter son projet de société, et selon les résultats de laquelle les Français peuvent voter pour les idées les plus proches de nous. Par conséquent, nous voulons bien préparer ces élections.
Commentaire de G. Gastaud :
Pourquoi ne pas dire clairement, cher F. Roussel, que lors des dernières municipales, du bassin minier de Lens (lieu de confrontation historique et souvent sanglante entre les ouvriers communistes et leurs fusilleurs de la SFIO), le PCF est passé, en échange de quelques postes municipaux, sous les fourches caudines du PS, de Lens à Paris ? Qu’y a-t-il de novateur dans une telle stratégie qui vous a associés à des partis, le PS et EELV qui, au parlement européen, ont soutenu (16 septembre 2019) une motion scélérate de chasse aux sorcières maccarthyste où l’URSS est ravalée au niveau de l’Allemagne nazie et où les eurodéputés – de Jordan Bardella aux « verts » en passant par le « socialisant » Glucksmann – applaudissent à l’interdiction des Partis communiste de l’Est, P.C. polonais en tête, et où ces charmants « démocrates antitotalitaires » appellent à mots même pas couverts à effacer dans toute l’Europe les « symboles du communisme totalitaire » ? Comment en bref, est-il pensable que le PCF s’allie en France sans le moindre état d’âme à des organisations qui ne rêvent que de nous interdire, nous les communistes du PRCF qui répondons encore de la faucille paysanne et le marteau prolétarien, mais n’en doutez pas, voudront aussi un jour, si le rapport des forces continue d’aller vers la criminalisation du communisme et vers la banalisation du fascisme, VOUS interdire vous aussi ? Mais peut-être la réponse est-elle trop évidente : car au dernier congrès du PCF, où l’aile « identitaire » a gagné contre Pierre Laurent, la nouvelle majorité a elle-même cautionné un nouveau logo : fini de l’emblème ouvrier et paysan qui identifiait les communistes du monde entier depuis un siècle, le PCF s’affuble désormais d’une étoile rouge agrémentée d’un « e » discret… dont l’apparition ne saurait déplaire au PGE !
Au lieu de pratiquer ad nauseam ce type d’alliances sans principe avec des partis fanatiquement antisoviétiques, russophobes, sinophobes, anti-cubains, eurobéats et super-atlantistes, pourquoi nous tous, communistes véritables qui honorons l’esprit de Résistance, qui sommes fiers de notre histoire et de notre idéal et qui refusons tous, ne serait-ce que par instinct de survie, l’euro-fascisation, ne dénoncerions-nous pas « tous ensemble et en même temps » la nature de classe impérialiste et de plus en plus ouvertement fascisante de cette UE ? Pourquoi ne relèverions-nous pas ensemble le défi des chasseurs de sorcières du parlement européen en défendant ensemble et en arborant dans chaque manif populaire à venir, à côté du drapeau tricolore de l’indépendance nationale, notre drapeau rouge orné des « outils » – ce drapeau libérateur qui flotta fièrement sur le Reichstag nazi en 1945 ? Et pourquoi ne mènerions-nous pas ensemble, puisqu’il est question d' »identité communiste », une campagne offensive commune proclamant fièrement « on est là ! » en ornant les murs des emblèmes du communisme historique à l’occasion du 100ème anniversaire du Congrès de Tours ? Chiche, camarades « identitaires » du PCF? Certes, cela ne plairait pas à l’Europe policière et à ses bons bergers de la social-eurocratie, encore moins à Martine Aubry, à ou à Anne Hidalgo, mais n’est-il pas plus logique, quand on dit défendre l’identité communiste, de la défendre haut et fort avec des communistes et symboles communistes en main, plutôt que de la priver de sens en s’alliant partout avec un PS maastrichtien qui a ravagé les droits ouvriers, détruit l’indépendance de la nation, porté Le Pen au second tour de la présidentielle… et mis Macron sur orbite en lui confiant durant des années le ministère de l’Économie et des Finances ?
Le deuxième paragraphe de votre réponse rappelée ci-dessus, cher Fabien Roussel, est, une fois n’est pas coutume, très clair : sans trop tourner autour du pot pour le coup, vous y appelez à quelque chose qui n’a, vraiment, rien d’innovant par rapport à l’époque soi-disant révolue de Pierre Laurent, de M.-G. Buffet, de Hue, etc. : à la bonne vieille « union de la gauche » sans laquelle en effet, le PCF n’aurait plus aucun sénateur ou député, et sans doute, fort peu de maires en France. Peu surprenant, fort peu nouveau, mais dont acte, camarade! Cela dit, si vous voulez vraiment vous présenter aux présidentielles et donc, tendre la main, comme il se doit, à tout électeur communiste ou progressiste, nous disons « pourquoi pas ? » : mais une fois encore, sur un contenu clair, lequel est décidément aux abonnés absents dans votre entrevue à la Pravda. Comment nous ferez-vous croire que vous pourrez appliquer votre projet « communiste », si flou soit-il, en accompagnant dans les mairies et les communautés d’agglo la social-démocratie et les écolos qui saccagent l’autonomie des communes, liquident les départements, courtisent les euro-séparatistes régionaux et qui organisent ici et maintenant avec Macron l’euro-métropolisation galopante de feu la République « une et indivisible » ? Comment ferez-vous pour être indépendant politiquement si, dans la réalité, par ex. au Sénat, vous dépendez des voix PS pour être réélus et obtenir des vice-présidences ? Dans de telles conditions de socialo-dépendance électorale et matérielle, quelle peut être votre indépendance idéologique et politique réelle ? Quelle peut-elle être si vous restez membre de ce PGE qui, constitutivement, fait allégeance au principe même de la « construction » européenne et qui interdit à ses filières nationales, ne serait-ce que d’envisager la possibilité d’un sortie progressiste de l’euro ? Poser la question, camarade, Roussel, n’est-ce pas, hélas, y répondre ?
Ne pensez-vous pas que le système de vote pour l’élection présidentielle en France avec deux tours obligatoires et deux candidats – les vainqueurs du premier tour – est dépassé ? Y a-t-il des restrictions constitutionnelles qui doivent être réformées ?
Nous devons vraiment réformer l’État et les institutions publiques afin de les rendre plus ouvertes et de donner aux citoyens l’occasion de ressentir à nouveau le goût de la politique, leur donner l’occasion d’exprimer leurs opinions, la capacité d’influencer à tout moment les actions du pouvoir exécutif. Nous sommes pour une réforme en profondeur des institutions du pouvoir, pour l’abolition de la république présidentielle existante – nous essayons de faire en sorte que notre pays ne soit pas dirigé par une seule personne, mais par la direction collective des représentants du peuple.
Notre peuple est diversifié dans sa composition, ses idées, ses valeurs et son histoire – et ces idées doivent être présentées dans leur intégralité. Nous sommes pour l’élimination des élections présidentielles sous leur forme actuelle et pour l’établissement d’une république parlementaire. À court terme, nous exigeons un changement de la procédure de vote lors de la prochaine élection présidentielle. Nous sommes contre le second tour des élections en France, qui comprend les deux candidats vainqueurs du premier tour. C’est la seule élection avec un tel système de vote. Nous proposons d’ouvrir le second tour aux candidats qui ont obtenu, disons, plus de 10% des voix. Cela permettra un débat et ne sera pas enfermé dans la logique arithmétique. Le système existant pousse les forces politiques à s’unir au détriment du contenu, au détriment du programme.
Commentaire de G. Gastaud
Encore une fois, quel est ce « nous » au-dessus des classes, qui doit « réformer l’État » selon F. Roussel ? Est-ce que l’État bourgeois actuel n’est pas assez « ouvert », puisqu’on nous dit qu’il faut l’« ouvrir », ou n’est-il pas plutôt, comme c’est toujours le cas dans une société de classes, une dictature étroitement verrouillée du capital sur le prolétariat ? Une dictature qui a moins besoin d’être « ouverte » que d’être remplacée par un autre pouvoir de classe, par un autre appareil d’État, un État de classe reposant sur le monde du travail, élargissant les services publics comme jamais mais écartant sans pitié les éléments incurablement acquis à la contre-révolution, et a fortiori, les fascistes et autres racistes qui infestent les appareils répressifs ? Que toute réforme partielle permettant aux travailleurs d’avoir plus d’espace soit une bonne chose, par ex. la proportionnelle à toutes les élections, nous n’en disconviendrons pas. Mais proposer comme le fin du fin, comme vous le faites dans votre réponse à la Pravda, la république parlementaire (qui caractérisait déjà la IIème, la IIIème et la IVème République, lesquelles, toutes trois, ont fusillé les travailleurs à toutes occasions : juin 1848, Commune de Paris, fusillade de Fourmies, occupation militaire du bassin minier par le « socialiste » Jules Moch en 1948, etc.), est-ce vraiment cela le « nouveau logiciel du communisme » et de sa tendance « identitaire » ? Ne voyez-vous pas en un mot, camarade Roussel, combien votre projet est timoré, incapable de mobiliser un travailleur « ubérisé », une employée harcelée, une chômeuse en fin de droit, un agent public désespéré par l’euro-privatisation, un cheminot privé de statut, un enseignant contraint de travailler jusqu’à 67 ans dans des conditions de plus en plus intenables ?
Concernant la fin de la règle des deux candidats arrivés en tête au second tour de la présidentielle, qu’évoque F. Roussel, nous pourrions être d’accord sans problème, mais dans les rapports de forces actuels, la question qui se pose objectivement, n’est-elle pas plutôt de savoir si, comme en 2017, vous, dirigeants du PCF, n’allez pas appeler, comme Pierre Laurent le fit précipitamment au soir du premier tour, à « utiliser le bulletin Macron », l’homme qui prétend combattre Le Pen mais qui, une fois élu, ne cesse de piétiner ses plates-bandes en fascisant les institutions et en laissant les forces de l’« ordre » éborgner au petit bonheur… Pourquoi ne pas plutôt proposer dès maintenant une campagne unitaire des forces démocratiques et ouvrières contre cette fascisation hexagonale et européenne qui détruit le droit de manifester, de se réunir, de tracter, d’afficher, de faire grève, et qui, sous la dictée du parlement de Strasbourg, criminalise les partis communistes tout en banalisant l’extrême droite ?
Ne pensez-vous pas que le système électoral existant, en particulier, est très apprécié des libéraux qui dirigent la France, car la présence d’un rival aussi traditionnel avec un fond négatif au second tour, comme Marine Le Pen, est un avantage pour eux ?
Marine Le Pen existe grâce aux libéraux, ce sont eux qui l’ont inventée, qui lui ont donné tant d’influence dans le pays avec leur décision politique. Mme Le Pen est le meilleur adversaire que les libéraux puissent imaginer. Ils sont convaincus qu’elle retire les votes de l’électorat protestataire : la colère populaire lui assure l’accès au second tour, dans lequel elle perd toujours. C’est une impasse politique. Cette impasse est très dangereuse. Par conséquent, je suis pour une discussion politique claire avec les Français : pour leur faire comprendre que voter pour le Rassemblement national est une impasse. Si nous voulons vraiment rompre avec le système actuel, nous devons voter non pas pour l’extrême droite, mais pour le parti communiste. C’est pourquoi notre participation au débat public est extrêmement importante.
Commentaire de G. Gastaud
Tout d’abord, de quels « libéraux » s’agit-il ? Faut-il continuer d’appeler « libéraux » des gens comme Castaner, Hortefeux ou Valls qui écrasent les libertés tour à tour, ou les Le Maire, Hollande et Lagarde qui dispensent sans contrôle aucun des montagnes d’argent public au secteur privé ? Lénine, puis le PCF des années soixante, parlaient fort justement naguère de « capitalisme monopoliste d’État ». Bien entendu, le Parti Maastrichtien Unique, ce P.M.U. à plusieurs têtes (PS, droite, LREM, voire EELV…), ne cessent d’affaiblir l’État-nation et les acquis ouvriers associés au prétendu « État-Providence ». Mais c’est pour constituer à l’échelle continentale un super-Empire du capital, un super État-Providence du grand capital, doté d’une « souveraineté européenne » (dixit Macron), d’une « gendarmerie européenne », d’un « Parquet » européen, d’une langue unique européenne (l’anglais des traités « transatlantiques ») et d’une « armée européenne » arrimée à l’OTAN et destinée à mener une guerre de revanche contre le noble peuple russe. Quel beau « libéralisme », quels jolis « libéraux » que voilà, camarade Roussel ! Ne serait-il pas mieux venu que le secrétaire national « identitaire » du PCF (que serait-ce s’il ne l’était point ?) ne gratifie pas d’une étiquette « libérale » la marche vers l’État européen dirigé par Berlin et supervisé militairement par Washington ?
Peut-être dira-t-on que, certes, ce vocabulaire politique (appeler « libéraux » des commis du capitalisme monopoliste d’État !) est fautif sur le plan scientifique, mais que, n’est-ce pas, il faut savoir « parler comme les gens » ? Argument discutable car la bataille idéologique porte aussi, nous l’avons vu, sur la façon de nommer les choses : par ex., il ne faut pas nommer « réformes » les contre-réformes ni, comme l’a pourtant fait piteusement L’Humanité en 1991, lors du putsch contre-révolutionnaire contre l’URSS, appeler « bouleversements démocratiques à l’Est » la contre-révolution qui a détruit le camp socialiste et qui a, ce faisant, déséquilibré le rapport des forces mondial en faveur du capital et de l’impérialisme. Si l’on cède sur les mots, on cède sur le sens. Et si l’on cède sur le sens, si l’on prend la révolution pour la contre-révolution, on finit même souvent par changer de camp à son insu…
Mais même si l’on accepte sur la forme cet argument inconsistant sur le fond, l’accusation portée par F. Roussel contre les « libéraux » en général ressemble presque à un mensonge par omission : en effet, ce ne sont pas les « libéraux » en général qui ont « fait » Le Pen, c’est Mitterrand qui a sciemment mis en orbite Le Pen (il s’en est vanté comme d’un exploit « machiavélien ») : son but était en effet, en poussant Le Pen en sous-main en 1983/84, de « rendre la droite classique inéligible », d’offrir à la gauche déboussolée une cible autre que le grand capital, de fixer à l’extrême droite la légitime opposition ouvrière à l’UE et de tenter, dans les banlieues, d’occuper le terrain que le PCF, compromis dans le gouvernement social-européiste de Mauroy-Delors, ne pouvait plus tenir désormais. C’est bel et bien, camarade Roussel, le PS auquel vous continuez imperturbablement de vous allier pour obtenir des postes, qui, plus encore que les fantomatiques « libéraux » que vous évitez de nommer, a ouvert le premier la télévision d’État à Le Pen (lequel était jusqu’alors interdit sur tout plateau de télévision tant soit peu décent !).
Que pensez-vous du mouvement des « gilets jaunes » ? Ont-ils réussi à influencer le changement de cap politique du gouvernement français ?
La première manifestation des « gilets jaunes » a eu lieu en novembre 2018, le jour du XXXVIIIème congrès de notre parti. J’ai immédiatement soutenu le mouvement des gilets jaunes. Au cours des mois suivants, j’ai négocié avec eux : j’ai travaillé pour soutenir leurs propositions visant à instaurer une fiscalité équitable, à augmenter le pouvoir d’achat de la majorité des Français. Et tout au long de l’année, on a vu que les revendications des « gilets jaunes » étaient très proches de celles du Parti communiste français : la lutte contre l’évasion fiscale, les revendications d’une hausse des impôts pour les riches, des retraites plus élevées, des salaires plus élevés pour les travailleurs… Nous avons assuré une coopération étroite, même s’il y a eu aussi des moments de tension, car les « gilets jaunes » ont d’abord rejeté la politique en tant que telle. Nous leur avons dit : tous les partis ne sont pas les mêmes. Ces discussions ont été très intenses. Je pense que les « gilets jaunes » ont influencé le gouvernement : ils ont pu empêcher une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, grâce à leur pression, ils ont réduit la taxe sur les retraites des retraités pauvres. Mais surtout, les « gilets jaunes » ont largement contribué à un grand débat public : les Français ont pu exprimer leurs douloureuses inquiétudes, et le président a été contraint de l’écouter. Je regrette que le président ne veuille pas mettre en œuvre les demandes des Français qui ont été exprimées lors de ces discussions. Mais les gilets jaunes nous ont permis de faire des progrès significatifs dans le processus politique.
Commentaire de G. Gastaud
Reconnaissons qu’en général, les communistes, ceux qui sont restés au PCF, mais aussi ceux qui se sont organisés ailleurs, notamment au PRCF, ont été présents aux côtés des Gilets jaunes et ce fut notre cas à Marseille, Nice, Lens, Paris, Versailles, Bordeaux, Rennes, etc. Cependant, le rôle des communistes ne me paraît pas être de « négocier avec les Gilets jaunes », comme l’écrit F. Roussel (sans parler du « je, je, je » qu’emploie sans complexe le secrétaire national du PCF). Négocier quoi d’ailleurs ? Nous ne sommes pas le pouvoir, que diable !) ; notre rôle est d’ouvrir aux travailleurs en gilets jaunes, ou en chasubles rouges, une perspective politique révolutionnaire à leur mesure de leur colère, il est de leur démontrer par des actes et par des explications que leur mouvement spontané ne s’oppose pas, bien au contraire, à l’action d’une avant-garde politique marchant « pas plus d’un pas en avant des masses, mais un pas au moins ». Lénine n’a jamais opposé le parti d’avant-garde qu’il s’efforçait d’organiser, aux Soviets ouvriers et paysans qui sont une libre invention des masses russes. C’est la confluence de ces deux composantes, le mouvement des masses organisées en soviets et le parti d’avant-garde forgé par les bolcheviks qui a permis le triomphe de la première révolution socialiste victorieuse de l’histoire à l’initiative des travailleurs russes (même s’il est tristement vrai que le PCF actuel, qui ne peut pourtant guère donner de leçons en matière de révolution, renie ses origines bolchéviques et refuse désormais à cette révolution le statut de première révolution socialiste victorieuse de l’histoire : cf le numéro spécial de L’Humanité sur Octobre 1917). Sans cela, sans propositions d’avant-garde soumises au débat et à l’éventuelle rectification des masses en mouvement, à quoi diantre serviraient des partis ouvriers, et spécialement, un parti communiste ? À « faire des voix » et à entretenir un appareil autoreproduit d’une élection à la suivante ? Mais en quoi cela peut-il motiver un travailleur qui veut changer la société ?
Comment ne pas voir que les Gilets jaunes, qui venaient souvent du privé et des TPME, mettaient en avant, outre les thèmes cités par F. Roussel, le drapeau tricolore et la Marseillaise, c’est-à-dire les symboles de la souveraineté nationale piétinée par Macron et par son obsédant « saut fédéral européen » ? Combien, parmi les Gilets jaunes, avaient-ils voté « Non » au référendum de 2005 sur l’Europe ? Quelle occasion magnifique c’eût été, pour un authentique parti communiste de combat, que de « mettre le paquet » pour que convergent à cette occasion les drapeaux rouges du combat anticapitaliste (luttes pour les retraites, les statuts, les services publics, le produire en France…) et les drapeaux tricolores de l’indépendance nationale en ciblant l’ennemi de classe commun : le trio MEDEF-UE et Macron (Macron démission ! était le slogan n° 1 des Gilets Jaunes : un slogan totalement étranger au PCF qui, dès le soir du premier tour de la présidentielle, s’était précipité pour appeler à « utiliser le bulletin Macron » au second tour !). Le slogan « Macron démission ! » scandé par les Gilets jaunes était certes insuffisant, il fallait aussi mettre en accusation l’UE et le capital, mais ce slogan spontané avait au moins le mérite éclatant de délégitimer ce président mal élu des super-riches (un président qu’avait instantanément adoubé la gauche établie au soir du second tour, voire au soir du premier !). Il avait aussi le mérite de faire revivre l’esprit « Sans-Culotte » de la Révolution française et de redynamiser le mouvement populaire dans le sens du combat anti-oligarchique !
Cibler l’UE du capital et son austérité ravageuse eût aussi été un excellent moyen, – et nous l’avons fait, modestement mais franchement, à notre mesure – tout en ravivant les traditions indissociablement patriotiques et internationalistes du grand PCF de Thorez et Duclos, de faire le lien entre travailleurs du public et du privé, entre progrès social et souveraineté nationale, entre mouvement des masses et perspective politique, entre Internationale et Marseillaise. Meilleure façon aussi de combattre l’extrême droite et le régionalisme réactionnaire qui tentaient d’infiltrer le mouvement en évoquant un « Frexit » sans contenu de classe, en réalité, un Frexit nationaliste.
Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Dès que les conditions le permettront, pourquoi pas, à Lens, où les électeurs ont voté à 75% contre la constitution européenne, ou peut-être à Lille, capitale d’un Nord-Pas-de-Calais ouvrier massivement euro-critique, une manif unitaire contre l’UE et l’euro et pour une politique patriotique de gauche, comme disent les communistes portugais. Et pourquoi pas, pour ne pas se couler passivement dans le calendrier électoral de la bourgeoisie, une manif nationale unitaire à Paris, dès que la situation le permettra, pour faciliter les convergences entre Gilets jaunes, militants politiques progressistes et syndicalistes de lutte contre l’ensemble des mauvais coups émanant de Macron-MEDEF et de Bruxelles : casse des retraites, licenciements, fusions capitalistes, délocalisations, casse des indemnités chômage, des statuts, du bac national, des salaires, des services publics, du produire en France : car nous en sommes à la casse généralisée du pays, voire à une tentative de coup de grâce contre le mouvement populaire de la part d’un pouvoir qui lutte faiblement contre l’épidémie et fortement contre le peuple ! Chaque parti, syndicat ou groupe de Gilets jaunes garderait pleine liberté pour déployer ses thématiques propres, sans pour autant s’empêcher de crier « dehors Macron »!
Quelles sont les propositions du Parti communiste français dans la crise actuelle, compte tenu du parcours néolibéral du président Macron ?
Tout d’abord, nous proposons, comme déjà mentionné, une fiscalité plus juste. La richesse que nous créons doit être partagée de manière plus équitable. Nous devons restaurer le pouvoir d’achat des travailleurs, répartir la richesse de manière plus équitable, et il est donc important de taxer les riches multinationales, de taxer les bénéfices, les dividendes et de donner plus d’argent à ceux qui créent cette richesse par leurs propres mains.
Commentaire de G. Gastaud.
« Nous, nous, nous…« , encore une fois, qui est donc ce nous à géométrie variable qui désigne tantôt le PCF, tantôt le gouvernement de la France, et qui contourne tout bonnement l’existence d’une lutte des classes et d’un État de classe hexagonal et européen de plus en plus policier et bardé d’états d’urgence à répétition ? Ces états d’urgence que votent si prestement les députés du PCF de 2015 à aujourd’hui sans chercher à savoir quelle classe est au pouvoir et contre quelle classe, la nôtre, la classe capitaliste, va se servir de cet empilement liberticide !
Sans avoir quoi que ce soit de révolutionnaire (la réforme de la fiscalité était l’alpha et l’oméga du New Deal rooseveltien puis des politiques redistributives de la social-démocratie suédoise des années 1970), la proposition fiscale de F. Roussel est également portée en tant que revendication immédiate, non seulement par le PRCF, mais, à vrai dire, par n’importe quel groupe progressiste. Cela dit, même ce type de réforme redistributive – qui ne touche en rien aux rapports de production capitalistes, et pas davantage au pouvoir d’État de la bourgeoisie – serait aujourd’hui immédiatement torpillée si un hypothétique gouvernement progressiste dirigé par F. Roussel ne prenait soin de rompre immédiatement, voire unilatéralement, sans barguigner pendant des années au titre de l’article 50 des Traités cher à M. Asselineau, avec l’UE supranationale. Car si l’on réforme la fiscalité française mais que, dans le même temps, on s’engage d’avance à stationner bien sagement dans l’UE (même dans l’hypothèse d’école peu crédible d’une renégociation des traités européens avec les 26 États plus réacs les uns que les autres de l’UE, on resterait pendant la négociation dans une situation d' »économie de marché ouverte sur le monde » ; ou on ferme les frontières au moins partiellement et aussitôt il n’y a plus d’UE !), il est évident que tous les capitalistes exporteront à tour de bras leurs capitaux à mille lieues du territoire national. L’UE a même été conçue pour ça, avec ses tristement fameuses « quatre libertés » au service du capital : libre circulation des capitaux, des marchandises, de la main-d’œuvre et des services ! Pour pouvoir taxer durement, durablement et efficacement les richards, il faudra donc s’en prendre immédiatement aux prétendues « libertés » de Maastricht, notamment stopper la circulation « libre » des capitaux : et comment le faire sans sortir de l’euro et de l’UE, sans, en un mot, rendre à la France sa souveraineté, par essence inaliénable et non négociable. Si l’on ne dit rien contre le libre-échangisme mondial parce que ce n’est pas « euro-politiquement correct », si, comme la section économique du PCF, on continue de tonner unilatéralement contre « le » protectionnisme, sans se demander qui et quoi (les travailleurs !) protéger, qui et quoi dé/protéger (le grand capital !), alors la réforme de la fiscalité n’est qu’un cri jeté en l’air, qu’un slogan électoral sans la moindre praticabilité réelle.
Mais nous ne pouvons pas nous arrêter à cela – nous aspirons à une révolution dans la production. Il ne suffit pas de taxer les riches. Il faut changer la nature de la production, le rendement des voitures, des trains, des turbines… Il faut mettre la production au service des hommes – en tenant compte de la situation environnementale. Nous proposons de réduire les heures de travail, d’abaisser l’âge de la retraite à 60 ans et d’augmenter les cotisations salariales afin d’avoir une meilleure protection sociale. Et cela signifie changer complètement la nature de la production. Et ce faisant, nous renforcerons notre contribution à la responsabilité environnementale, qui est aujourd’hui essentielle pour la planète. Nous devons donner aux travailleurs des droits élargis dans les entreprises, établir un contrôle sur le capital, sur la dépense des fonds publics. Les employés devraient avoir le droit d’opposer leur veto aux décisions de la direction de l’entreprise.
Apparemment, notre camarade Roussel ignore ce qu’est un mode de production du point de vue marxiste et encore plus ce que ne peut manquer d’être la révolution d’un mode de production. Revenons au B.A.-BA du marxisme : un mode de production est l’ensemble, fort contradictoire dans une société capitaliste, des forces productives et des rapports de production. Ces derniers dessinent les rapports de classes par lesquels les uns, les capitalistes, possèdent directement ou indirectement les moyens de production et d’échange, tandis que les autres, appelés travailleurs salariés, sont obligés de courber l’échine devant les premiers pour gagner leur vie au plus juste en produisant un maximum de profit pour les premiers. C’est là le cœur « sans cœur » de l’exploitation capitaliste comme le savait n’importe quel secrétaire de cellule communiste ou n’importe quel syndicaliste de classe avant que la « mutation » n’eût détruit la formation marxiste des uns et des autres… et que tout cela n’eût été remplacé par un verbiage sur les « nouveaux critères de gestion » opérant dans le cadre de la propriété capitaliste et de l’introuvable « Europe sociale »…
En conséquence, toutes les réformes qu’énumère ci-dessus F. Roussel en guise de « révolution de la production » contournent la question décisive : celle de la destruction des mécanismes fondamentaux de l’exploitation capitaliste qui reposent tous en dernière instance sur la propriété capitaliste des moyens de production et sur l’existence de l’appareil d’État bourgeois1, du reste de plus en plus fascisant. Alors que dans les années 1970, la bataille idéologique (hélas perdue alors, non sans honneur, par le PCF !) entre les communistes et Mitterrand portait principalement sur le champ et sur la nature des nationalisations, cette question-clé, celle de la nationalisation démocratique des secteurs-clés de l’économie, n’est même plus présente, fût-ce allusivement, dans l’entretien de F. Roussel à la Pravda. Est-ce parce qu’il ne faut plus évoquer la « nation », question taboue pour les alliés de l’euro-gauche bobo, mais seulement d’une vague « appropriation publique » à l’échelle européenne que prohibe d’ailleurs l’UE ? Est-ce parce qu’il faut laisser de côté la question « vieillotte » de la collectivisation des grands moyens de production ou est-ce parce que, ces deux questions, celle de la nation et celle de la propriété, sont indissociable et que les remettre aujourd’hui dans la problématique remettrait en cause tout le prétendu « nouveau logiciel communiste » érigé par l’ « eurocommunisme », puis par la « mutation », depuis plus de quarante ans ? En tous les cas, non seulement la « révolution de la production » que propose F. Roussel ne porterait pas atteinte au capitalisme (il s’agit seulement d’une autre répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail, bref, on a là l’habituelle nostalgie alter-européiste et « altermondialiste » pour les recettes keynésiennes des Trente Glorieuses et du New Deal rooseveltien), mais ces réformes, très en-deçà de celles que portèrent les ministres communistes de 1945, sont elles-mêmes utopiques si, dans le même temps, on n’entreprend pas résolument, sans barguigner ni temporiser 107 ans avec les requins de l’UE, de rompre avec le capitalisme mondialisé et avec cette UE qui n’en est que la déclinaison continentale. De cette attitude de rupture révolutionnaire, le PCF actuel est on ne peut plus éloigné puisque, rappelons-le, sa direction proposait encore il y a peu, non pas à titre tactique, mais comme un objectif immédiat crédible, que la BCE de Mme Lagarde, ex-patronne du FMI et ex-ministre ultraréactionnaire de Sarkozy, veuille bien financer la reconstruction des hôpitaux qu’elle a elle-même détruit, avec l’aide de ses amis français des LR, du PS et de LAREM…
Car là encore, les capitalistes objecteront – et cela fait risque fort de faire mouche sur un ouvrier menacé de chômage s’il refuse une diminution de salaire – qu’avec ces réformes, et étant donné la « concurrence mondiale libre et non faussée », la profitabilité de leurs actions ne sera plus suffisante (il ne se peut que les actionnaires ne recherchent le profit maximal !), que les actionnaires iront sur le champ investir ailleurs, que les consommateurs guidés par l’offre et la demande achèteront des produits importés moins cher, etc. Si l’on veut forcer les capitalistes à baisser la tête et à casquer, il faut frapper leur pouvoir au cœur : la propriété capitaliste des banques, des infrastructures et des grandes industries, qu’il faut exproprier comme le firent les ministres communistes de 1945-1946 avec Renault, avec l’aviation ou avec les industries électriques, gazières et charbonnières. Et pour cela, encore une fois, il faut se soustraire d’emblée à l’UE qui est entièrement conçue, depuis les traités de Rome et de Maastricht, non pour nationaliser quoi que ce soit, mais au contraire pour privatiser les « monopoles publics » hérités du Front populaire et du CNR : EDF, SNCF, etc.
Bref, comme le disait Lénine à l’encontre des petits-bourgeois mencheviques de son époque qui ne voulaient pas exproprier les grands propriétaires fonciers ou au gouvernement provisoire soi-disant « démocratique », « on ne peut avancer d’un pas si l’on craint d’aller au socialisme« . J’ajoute que, dans les conditions actuelles, toute l’expérience des luttes le prouve tristement, on ne peut que reculer encore et encore si l’on refuse d’appeler à la nationalisation des secteurs clés de l’économie, à la sortie de l’UE par la porte à gauche, à l’émergence dans la lutte d’une nouvelle démocratie populaire affrontant l’État en voie de fascisation ; tout cela en prenant appui sur l’Europe des luttes et en avançant sans complexes, en véritables communistes fiers de leur idéal et de leur identité – et pas seulement de leur « périmètre électoral » – la perspective du socialisme pour notre pays.
Cela dit, pourquoi pas le « droit de veto » des salariés proposé ci-dessus par F. Roussel ? Seulement, si le patron passe outre en déclarant que « charbonnier est maître chez lui », qu’est-ce qu’on fait camarade Roussel ? Deux ans de procès pendant que la transnationale met la clé sous la porte et que les salariés sucent des clous, ou bien expropriation immédiate, contrôle ouvrier sur la production et emprisonnement du PDG voyou ? Mais si on fait cela, et de manière systématique, comment cela s’appelle-t-il, chers camarades « abandonneurs » de dictature du prolétariat ?
Alors, la discussion sur l’antagonisme du capital et du travail productif est le point clé du programme du PCF ?
Oui, et aujourd’hui nous avons de nombreux exemples : prenons ce qui se passe à l’usine de pneus Bridgestone à Béthune (pour plus de détails, voir l’article « Non à la politique libérale ! », Pravda, n° 87 (31019), 22-23 septembre 2020 ), où l’on voit que le problème ne réside pas dans le coût des emplois, mais dans les attentes du capital. Le capital fixe des objectifs de rentabilité irréalisables et fait pression sur les travailleurs pour qu’ils atteignent le niveau de rentabilité souhaité. Les sacrifices exigés des ouvriers sont énormes. Et à l’usine Bridgestone, les travailleurs sont désormais obligés de sacrifier des emplois. Le capital impose sa volonté. Ainsi, lorsque nous sommes confrontés au choix entre le capital et le travail productif, nous déclarons : les emplois doivent d’abord être sauvés. Nous sommes pour le droit fondamental au travail.
Commentaire de G. Gastaud
Vœu pieux typiquement « tribunicien », gratuitement dénonciateur et nullement révolutionnaire. Entendre cela fera une belle jambe aux travailleurs du Béthunois, et plus encore aux patrons japonais de Bridgestone. Ne peut-on au moins proposer que Bridgestone, qui a touché de l’argent de l’État ou de la Région, soit nationalisé sous contrôle ouvrier sans indemnités pour les actionnaires ? Pour le reste, l’ex-LR Xavier Bertrand est presque plus virulent (les mots ne lui coûtent pas cher il est vrai !) que son opposant communiste Roussel quand il dit, pour piper les voix ouvrières en vue de la présidentielle prochaine, qu’il faut savoir « créer le rapport de forces » avec la direction de Bridgestone. Mais là encore, comment peut-on le moins du monde impressionner un grand capital transnational et « créer un rapport des forces » si l’on ne peut ni ne VEUT l’exproprier ? Et si en outre, on reste attaché tel une sangsue, à une « construction » européenne dont Alain Madelin disait fort justement en 1992, qu’elle était une « assurance-vie contre le socialisme » ?
Les ouvriers martyrisés de la grande industrie, dont le PCF fut jadis le parti de référence, n’ont que faire de politiques qui pleurent sur leur sort ou qui s’indignent stérilement avec eux. Ils veulent une franche rupture envers l’ensemble des institutions de l’euro-mondialisation capitaliste qui broient tous les emplois industriels et agricoles en France depuis les années 1970, et plus encore, depuis Maastricht. Si l’on ne leur propose pas des solutions de rupture, si l’on fait seulement semblant, si l’on flirte éternellement avec le PS traître, si l’on ménage l’UE qui nous broie, soit les travailleurs s’abstiennent massivement en attendant leur heure, soit, par désespoir, certains d’entre eux sont tentés par la xénophobie lepéniste puisque seuls les lepénistes critiquent – pour la frime et mensongèrement, puisque Mme Le Pen se déclare sur tous les tons contre le Frexit !- le libre-échangisme européen et mondial : voir la manière dont B. Johnson, l’ami de Trump, a lessivé le Labour Party en Angleterre !
Quant à la phrase de F. Roussel « nous sommes pour le travail productif contre le capital », elle relève hélas de la déclaration platonique. Tant que l’on ne veut pas frapper la source du pouvoir capitaliste, la propriété des grandes entreprises, des grands magasins, des infrastructures essentielles et des grands moyens d’échange, tant qu’on prend des gants roses avec l’Empire européen en construction (le mot est de B. Le Maire), de telles phrases d’indignation sont des postures qui stérilisent et desservent la mobilisation.
Comment souhaitez-vous mener cette discussion dans le cadre de l’Union européenne néolibérale ? Quelle est votre position vis-à-vis de l’UE ? Ne pensez-vous pas que l’UE est aujourd’hui avant tout une organisation à travers laquelle l’Allemagne impose ses intérêts à ses voisins européens ?
Le Parti communiste français a toujours affirmé, et pendant longtemps nous étions les seuls, qu’il était impossible de changer le modèle économique en France, en jouant selon les règles de l’Union européenne. Le problème avec les traités européens est qu’ils sont fondamentalement libéraux, ils protègent le capital et mettent les travailleurs en concurrence les uns avec les autres. Et donc nous essayons de faire renoncer la France aux traités européens, nous voulons nous retirer – non pas de l’Union européenne, mais des traités européens. Nous recherchons un cadre de coopération différent entre les pays basé sur l’assistance mutuelle et nous voulons l’abolition des règles qui incitent les pays et les peuples à se concurrencer. Cela signifie que nous devons mettre fin à ces contrats. Lors des dernières élections au Parlement européen, le Parti communiste français a déclaré : il y a des forces politiques défendant l’Union européenne et les traités européens, et il y en a qui s’opposent à eux. Parmi ceux qui s’y opposent, il y a l’extrême droite, qui propose l’isolement national, tandis que nous, les communistes de France, sommes pour la coopération et l’amitié entre les peuples. Mais nous voulons mettre fin à la compétition entre les nations.
Commentaire de G. Gastaud
Notons d’abord que sans la relance discrète mais pressante de l’intervieweur de la Pravda, qui semble s’impatienter devant le flou des réponses apportées, F. Roussel n’aurait à l’évidence (c’est la question qui l’y contraint !) même pas parlé de l’UE alors que l’on est déjà ici arrivé… à la moitié de ce long entretien ! Notons ensuite que l’historique du positionnement européen du PCF évoqué par F. Roussel est fortement censuré. Le secrétaire national du PCF omet en effet de rappeler qu’en 1992, le PCF de G. Marchais était encore dans la continuité totale des campagnes de J. Duclos contre « l’Europe allemande » et l' »Europe des trusts » : il rejetait catégoriquement le traité de Maastricht, alors que l’aile droite du PCF, celle des Herzog, Fiterman et Cie, qui ont fini par l’emporter tout en pourrissant la vie interne du parti, voulait « renégocier » le traité fondateur de l’UE (Maastricht).
Mais ensuite, sous l’influence de l’eurodéputé communiste Francis Wurtz, le PCF prit très vite, peu après le référendum de 1992 où le « Non » de classe atteignait 49%, le tournant catastrophique de la « réorientation progressiste de la construction européenne », c’est-à-dire de l’acceptation de principe de la « construction européenne ». Puis, Robert Hue présidant le PCF et Alain Bocquet dirigeant son groupe parlementaire, le PCF décida au 29ème congrès (1996), d’entrer dans un futur gouvernement PS même si les socialistes refusaient de prendre l’engagement préalable de sortir de Maastricht, cette feuille de route pour la privatisation générale de la France. Ce glissement euro-réformiste lié à la « mutation » du PCF n’a jamais été corrigé jusqu’ici, les autocritiques n’ont porté que sur la forme des changements. Pas plus qu’il n’y a eu de véritable autocritique sur la participation-trahison des « ministres communistes » de 1997/2002, ni sur la participation « communiste » de 1981/84, qui permit à Mitterrand de museler sa potentielle opposition de gauche tout en préparant le « tournant de la rigueur », la « politique du franc fort », le soutien aux euromissiles reaganiens et la mise en place stratégique de l’euro.
Notons ensuite que l‘idée bizarre – que cultive aussi la France insoumise, soit dit en passant – que l’on pourrait quitter les traités européens sans sortir de l’UE est une absurdité, un véritable leurre politique. Ou bien cette idée est à prendre au sérieux, et elle signifie qu’un gouvernement dirigé par F. Roussel cesserait immédiatement, dès son arrivée au pouvoir, d’obéir à quelque « obligation » et loi européenne que ce soit ; et dans ce cas, ce serait bel et bien, non pas seulement une sortie française de l’UE (et dès lors, pourquoi s’en défendre ? où est la vérité qui est due aux travailleurs ? – Rappelons que « Pravda » veut dire vérité en russe !) mais aussi la fin de l’UE dont l’économie libre-échangiste serait frappée au cœur étant donné la position géographique et le poids économique de la France. Ou bien cet étrange et illisible « rester-partir » signifie que l’on reste bien dans l’UE, donc aussi, au moins provisoirement, dans les traités, le temps de renégocier tout ce bazar – si les autres pays l’acceptent, bien entendu ! – et sans même verser au rapport de forces la possibilité du Frexit, comme disait au moins vouloir le faire Mélenchon en 2017 (depuis lors, il semble avoir mis une sourdine à ce « plan B » et il n’a pipé mot de l’Europe dans sa déclaration de candidature du 8 novembre).
Dans ce cas, pendant des années, tandis que les gentils négociateurs français parlementeraient avec Bruxelles et Berlin comme le premier Alexis Tsipras venu, ce traître au peuple et aux travailleurs grecs qu’a appuyé sans relâche Pierre Laurent et le PGE, notre pays demeurant dans le libre-échangisme mondial sera rapidement lessivé sans aucun moyen de défense (pour mémoire, entre le Royaume-Uni et l’UE, la prétendue « discussion » a bloqué le vote populaire depuis le 23 juin 2016, soit plus de quatre ans).
Mais surtout, l’idée formulée par F. Roussel – et sa formulation même montrent qu’il n’y croit pas lui-même : « nous essayons de faire renoncer la France aux traités européens« , ça veut dire quoi, en bon français ? Ce « S’il vous plaît, Madame la France, renoncez aux traités ! », est totalement utopique et masque le contenu nécessairement conflictuel et, in fine, révolutionnaire, de tout Frexit progressiste tel que devraient le proposer des communistes fièrement porteurs d’une perspective à la fois socialiste et patriotique.
Il y a dans l’UE vingt-six États. Parmi eux, l’État dominant financièrement, et bientôt, militairement tant est grand son rythme de réarmement, est la RFA ; or l’UE, et plus encore l’euro, ce clone du mark, ont été taillés sur mesure pour cet État, plus arrogant qu’il ne le fut jamais depuis 1945 : il n’est que de voir les énormes excédents commerciaux allemands et de les comparer au déficit considérable des pays de l’Europe du sud, les prétendus « PIGS » (Portugal, Italy, Greece, Spain, puisque l’anglais est la langue quasi-officielle de l’UE, ce dont la gauche établie n’a cure). Qui peut alors sérieusement penser que cet État triomphant, qui a digéré la RDA au rythme de l’éclair et suscité (en compagnie des États-Unis et en rivalité avec eux) l’implosion et la satellisation des États voisins (Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Pays baltes…), et où la social-démocratie (SPD) s’est acharnée sur la Grèce autant que la CDU Mme Merkel, va se tirer une balle dans le pied ? Pour faire plaisir à F. Roussel, qui peut imaginer que l’impérialisme allemand, principal bénéficiaire de la contre-révolution à l’Est et chef d’orchestre financier de l’UE, renoncerait aux « règles » qui ont fait la fortune de l’Allemagne capitaliste depuis que Maastricht a sanctionné sa « réunification » et l’annexion contre-révolutionnaire de l’Europe socialiste ?
Qui ne voit en outre qu’en Allemagne, « ça tire à droite » et même à l’extrême droite (90 députés de l’A.f.D., ouvertement pronazis, siègent au Bundestag, sans parler des partis dominants !), que les prétendus « États frugaux » du Nord-Est de l’Europe réclament, avec le soutien allemand, une triple ration d’austérité, et que toute l’Europe de l’Est est actuellement aux mains de pouvoirs, héritiers directs des privilégiés d’avant 1945, grossièrement anticommunistes et fascisants de surcroît, qui interdisent les partis communistes (Pologne, Hongrie, etc.), qui cherchent sans cesse noise à la Russie et qui révisent l’histoire dans le sens de Hitler, du Régent Horthy, du cléricalisme polonais le plus recuit? Alors, avec qui diable renégocierez-vous les traités européens tout en restant dans l’UE, camarade Roussel ?
N’est-il pas évident pour peu que l’on veuille ouvrir un peu les yeux, que le rapport des forces est bien pire dans l’Europe prise globalement que dans notre pays où subsistent de fortes traditions révolutionnaires héritées notamment de la Révolution française, des Trois Glorieuses de 1830, de 1848, de la Commune, du Congrès de Tours, du Front populaire, de 1945 ou de 1968 ? C’est d’ailleurs explicitement pour cela que l’UE a été construite sous l’égide des États-Unis, : elle a visé explicitement, depuis le Plan Marshall américain, avec le soutien des « pères de l’Europe » dont Robert Schuman, l’homme des Wendel, à museler les possibilités nationales de révolution sociale, combattre l’URSS, réarmer la RFA capitaliste et abattre la RDA socialiste, empêcher le retour au socialisme des pays de l’Est annexés et anéantir le potentiel révolutionnaire qui demeurait élevé dans les années 1968/75 en France, en Italie, au Portugal, en Grèce, voire en Espagne, partout où existaient de grands partis communistes et des syndicats de classe légaux ou clandestins. Lénine disait déjà en 1916 que « les États-Unis d’Europe en régime capitaliste ne sauraient être qu’utopiques ou réactionnaires ». Et depuis 1992, date du traité de Maastricht qui a immédiatement suivi la contre-révolution des années 1989/1991, l’Europe capitaliste est-elle devenue, comme on pouvait le prévoir, de plus en plus rose ou… de plus en plus brune ?
C’est tout autre chose que de parier, comme nous le faisons au PRCF, sur l’Europe des luttes. Non pas avec et dans l’UE, avec et dans la Confédération Européenne des Syndicats dirigée par Laurent Berger, avec et dans le « Parti de la gauche européenne » (PGE) adoubé et subventionné par Bruxelles, et moins encore en alliance avec le PS européen (PSE) mortellement anticommuniste, mais sans eux, hors d’eux, voire contre eux.
Nul ne dit d’ailleurs qu’une sortie par la gauche de cette prison des peuples qu’est l’UE, structurellement liée à l’OTAN au point qu’on ne peut sortir de l’une sans quitter l’autre, isolerait la France et, surtout, les prolétaires de notre pays, bien au contraire. Un tel « Frexit progressiste, antifasciste, anti-impérialiste », comme dit le PRCF, donnerait au contraire une énorme impulsion aux luttes populaires sur tout le continent, elle provoquerait un affrontement de classes national, et sans doute, paneuropéen, avec le grand capital, elle poserait objectivement la question que ne veut plus poser, et depuis longtemps, la direction du PCF : celle du socialisme, non pas dans les mots, comme l’est la référence décorative et inoffensive au « communisme » pris abstraitement, mais dans la pratique, et dans l’expérience de lutte de millions de gens. Rien n’interdirait alors à la France, si elle brise l’euro-carcan comme elle rompit jadis la première les chaînes de l’Europe monarchique, et si en outre son peuple affronte le grand capital et refuse de plier devant lui, de proposer à d’autres peuples européens qui l’auraient suivie (ou qu’elle aurait suivis s’ils sortent avant nous!), de reconstituer avec elle un analogue local de l’Alternative bolivarienne des Amériques fondée, non sur la « concurrence libre et non faussée » favorable aux seules transnationales, mais sur la coopération libre, égale et fraternelle entre États progressistes et souverains.
En ce sens, nous convergeons avec la dernière phrase de F. Roussel (cf ci-dessus) car abstraitement et idéalement prise, elle définit l’internationalisme socialiste. Mais le préalable révolutionnaire à cette coopération qui, de notre point de vue, ne doit absolument pas se limiter à « l’Europe » (et l’Afrique ? Et la Francophonie internationale ? Et l’Amérique latine ? Et la Russie ? Et la Chine ?), c’est de sortir de l’UE, et non de cultiver ensemble les géraniums rouges pâles, verts et roses, dans le jardinet de cette prison. Car l’Europe, ce drôle de « continent » principalement constitué d’États impérialistes flanqués de néo-colonies (les ex-pays socialistes quasi-occupés par l’OTAN et l’ensemble des Balkans), est un cadre territorial plus que problématique pour de vrais patriotes attachés à la dignité française ; elle est en outre trop étroite pour de vrais internationalistes pensant à l’échelle du monde. La devise des communistes n’a jamais été en effet : « Européens blancs, atlantistes et « chrétiens », fédérez-vous! » mais bien « PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, PEUPLES OPPRIMÉS DU MONDE, UNISSEZ-VOUS »!
Quelle est la différence entre les communistes français et les autres partis de gauche aujourd’hui ?
Dans notre pays, à gauche, il y a une discussion entre ceux qui croient que le système capitaliste peut être corrigé, amélioré, et ceux qui croient, comme nous, qu’il faut rompre avec lui. Aujourd’hui, nous parlons beaucoup de climat et d’écologie, et nous sommes le seul parti à dire que pour une véritable révolution écologique et sociale, il faut abandonner le capitalisme. Vous ne pouvez pas peindre le capitalisme en vert. C’est une illusion. Quand j’entends quelqu’un de gauche parler du capitalisme écologique, le problème n’est pas l’écologie, mais le capitalisme. Nous devons abandonner le capitalisme. C’est une vieille discussion entre sociaux-démocrates (sociaux-libéraux) et révolutionnaires. C’est la suite du débat qui a eu lieu il y a cent ans au congrès de Tours du Parti socialiste, qui a jeté les bases de notre organisation.
Commentaire de Georges Gastaud
Même en admettant la réponse de F. Roussel, quelle est alors la différence entre le PCF actuel et les groupes trotskistes, par ex. ? Pourquoi ne pas alors adhérer à L.O ou au N.P.A. qui ont au moins l’avantage (apparent…) de parler cru, de ne pas renier leur passé (ils ont toujours été passionnément antisoviétiques !) et de ne pas s’allier sans cesse au PS, au moins en première instance ? Après tout, les trotskistes, sans parler des anars, disent eux aussi qu’ils veulent rompre avec le capitalisme ; et reconnaissons qu’ils le disent plus clairement que F. Roussel qui affirme vouloir, il le proclame encore deux fois, « abandonner le capitalisme ». Il ne vient même pas à l’esprit du secrétaire national de ce qui fut le grand Parti Communiste Français, de parler de la classe ouvrière, du parti de classe, du socialisme, du marxisme, de l’histoire du communisme français et mondial, de l’héritage du CNR – principalement lié au PCF d’alors. Fabien Roussel ne saurait pas davantage prononcer ce gros mot suprême, ce « léninisme » sur lequel s’est édifié le PCF à partir de 1920 avant de l’abandonner (dixit G. Marchais…) en 1979. … et de se déliter inexorablement depuis lors, sans en tirer hélas le moindre enseignement autocritique de fond !
Vous avez dit « identité communiste », camarade Roussel ? Je ne cherche nullement à être désagréable envers ce dirigeant qui, reconnaissons-le, est plus mordant et vivace dans les médias (mais ce n’est pas franchement un exploit…) que son hypnotique prédécesseur et toujours associé Pierre Laurent. Mais la définition de l’identité communiste qui est fournie par F Roussel à la Pravda fait penser à un évêque qui devrait définir le catholicisme… sans connaître son Credo ; ou plutôt, et pour rester laïque et matérialiste, on pense à un physicien qui voudrait définir la gravitation, mais qui n’aurait jamais entendu parler de Newton ou de la Relativité…
Vous parlez des changements révolutionnaires. Dans quelle mesure le PCF est-il un parti révolutionnaire ?
Aujourd’hui, nous devons répondre à deux appels. Le premier défi est l’urgence sociale : il n’y a jamais eu autant de super-riches dans le monde, y compris en Europe et en France, et autant de pauvres. Tous les moyens doivent être utilisés pour éradiquer la pauvreté et le chômage – c’est notre première priorité.
Le deuxième défi est environnemental : nous savons que si nous ne répondons pas à l’urgence climatique, si nous ne réduisons pas nos émissions de carbone, si nous ne changeons pas le mode de production dans les 10 prochaines années, alors viendra le jour où il sera trop tard. Pour relever ces deux défis, nous devons abandonner les relations de production capitalistes – un modèle dans lequel la rentabilité et l’exploitation des humains et des ressources naturelles sont des fins en soi. Nous devons abandonner cette logique, et nous n’avons d’autre choix que de construire un nouveau modèle de société radicalement différent. C’est une révolution.
Commentaire de G. Gastaud
Dans cette réponse, revient encore et encore le fameux « abandon » du capitalisme, et, cette fois-ci cependant, on voit se profiler les « relations de production ». Mais pourquoi donc toujours ce vocabulaire flouté ? Pourquoi ne pas parler franchement, comme il siérait à un marxiste, des rapports de production et de propriété capitaliste ? On n’attend pas des révolutionnaires qu’ils disent simplement « le capitalisme ça ne va pas ! il faut une autre logique« . Tous les utopistes réformistes du XIXème siècle, tous les caciques de la SFIO parlaient ainsi avant 1920, sans oublier le Mitterrand d’avant 1981 qui lui aussi était pour « une autre logique » ! On attend au contraire des communistes qu’ils disent en quoi consiste cette « autre logique » que les marxistes appellent généralement le socialisme-communisme. Mais il faudrait alors prononcer les mots tabous, « archaïques », user du « vieux logiciel » léniniste susceptible de fâcher les socialistes, les écolos, etc., et d’éloigner à jamais les personnalités installées du PCF actuel des cabinets ministériels futurs et des vice-présidences actuelles du Sénat : ces mots vieillots, « périmés », « dépassés », « dogmatiques » que sont « nationaliser », « socialiser », « planifier », « sortir de l’UE », etc.
On attend aussi et surtout d’un communiste, car c’est à cela que devrait servir un parti révolutionnaire, qu’il donne un avis clair et circonstancié sur la stratégie qu’il propose pour aller au socialisme, non pour apporter la vérité révélée, mais pour permettre aux communistes et aux travailleurs de discuter cette stratégie, de l’adopter, de la rejeter ou de l’améliorer. Notre « petit » PRCF dénué d’appareil, de financement d’État, de subventions européennes (il n’y a pas lieu d’en être fier, c’est le minimum pour des révolutionnaires !) et de permanents, met sur la table une telle stratégie et propose à chacun d’en débattre librement : reconstitution d’un parti de combat ; orientation principale de son activité vers la classe ouvrière dans les entreprises, en incluant les ouvriers, les employés et les techniciens, voire certains ingénieurs n’ayant pas de responsabilité dans l’extraction de la plus-value ; aide et soutien au syndicalisme de classe et de masse, ce qui exige d’affronter les états-majors euro-formatés et « berger-compatibles » ; travail pour le « tous ensemble en même temps » des syndicalistes de classe, des gilets jaunes et des militants progressistes politiques ; mise en place d’un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste centré sur le monde du travail et ciblant le Frexit progressiste ; affrontement de classes avec le grand capital ; visée fièrement portée du socialisme par les militants communistes dans la perspective finale non dissimulée du communisme ; travail pour reconstituer le Mouvement communiste et le camp socialiste international ; défense de la FSM rouge contre la C.E.S. jaune, cette liste étant plus indicative qu’exhaustive…
On aimerait surtout que F. Roussel nous explique au passage pourquoi il croit à la fois nécessaire de se réclamer de l' »identité communiste » et d’abandonner, en réalité… le marxisme. Car on est ici à mille lieues de la manière dont Marx a lui-même défini – que ça déplaise aux réformistes importe peu ! – son apport théorico-politique propre dans une lettre fameuse adressée à Weidemeyer en 1852:
« Ce que j’ai apporté de nouveau consiste dans la démonstration suivante : 1°) l’existence des classes ne se rattache qu’à certaines phases définies, historiques, liées au développement de la production ; 2°) la lutte des classes conduit nécessairement à la dictature du prolétariat ; 3°) cette dictature elle-même constitue seulement la période de transition vers la suppression de toutes les classes et vers une société sans classes ».
Et la camarade Danielle Bleitrach a bien fait récemment de s’insurger récemment contre tel article ignare de L’Huma qui déniait à Marx la paternité du concept de dictature du prolétariat, sans même savoir que ce concept ô combien stratégique est au cœur du livre écrit par Marx, non pas sur la lointaine Russie, mais sur… notre Commune de Paris !
Répondre platement que « de l’eau a passé sous les ponts depuis Marx » serait une dérobade piteuse. Au moins faudrait-il alors avoir le courage de dire que l’on n’est plus marxiste, puisque Marx fait de la dictature du prolétariat la clé de voûte de son enseignement. Mais en réalité, si « l’eau (celle du réformisme ?) a passé sous les ponts », l’antagonisme de classe capital/travail, la nature barbare de l’impérialisme n’ont fait que s’aggraver en se (re-)mondialisant. Délestés du contrepoids mondial que leur opposait l’URSS, et même si Cuba, le Venezuela et d’autres pays héroïques tiennent tête de manière admirable, les capitalistes, F. Roussel le dit lui-même, piétinent plus que jamais la planète et le monde du travail, au point qu’ils menacent désormais l’existence même de l’humanité, voire la biosphère : c’est pourquoi nous expliquons inlassablement, au PRCF, que désormais, « l’exterminisme est le stade suprême du capitalisme-impérialisme ».
Les États impérialistes, y compris le régime de Macron, pour lequel a voté le PCF « pour faire barrage à l’extrême droite », ne cessent ainsi d’empiler les lois liberticides, sont de plus en plus policiers et fascisants et accumulent état d’urgence sur état d’urgence, quelquefois avec les voix des parlementaires du PCF devenus majoritairement incapables d’une analyse de classe de l’État en place. Qui peut croire que ces grands capitalistes, qui sont monstrueusement égoïstes comme le prouve sinistrement la casse de l’hôpital, lâcheront gentiment le pouvoir et passeront en douceur à la « transition écologique » quand « nous » leur demanderons gentiment d’« abandonner » le capitalisme? Que la dictature du prolétariat prenne des formes nouvelles à chaque époque et dans chaque pays, Lénine le disait déjà dans L’État et la révolution en 1917. Et contrairement à F. Roussel, qui parle du « modèle social » du PCF sans complexe, Lénine disait déjà en 1917 qu’il n’y avait pas de modèle, y compris de « modèle russe ».Il n’y a pas de « modèle », certes, mais il y a des principes communistes dont cette interview n’est, pour le moins, guère imprégnée bien qu’elle émane d’un dirigeant réputé « identitaire » du PCF. Que serait-ce s’il ne l’était pas ! Il n’y a pas de « modèle » du socialisme, mais, à côté des particularités nationales et de l’époque dont il faut évidemment tenir compte soigneusement, il existe bien des caractères généraux du socialisme-communisme sans lesquels on n’est pas dans le socialisme mais dans la social-démocratie, voire pire encore, comme on le vit à l’époque de Mitterrand, puis du gouvernement Jospin : on est dans les contre-réformes néolibérales peintes en rose vif ou en rougepâle tout cela ayant pour arrière-plan historique une contre-révolution mondiale travestie en « échec du modèle léniniste », pour parler comme l’ex-communiste R. Hue, l’homme qui expliquait jadis sans rire comment Lénine aurait dû se comporter en Octobre 17, mais qui en est aujourd’hui à voter Macron dès le premier tour !
Comment les communistes évaluent-ils le passé colonial français ? Que font les communistes pour combattre le néocolonialisme français moderne ?
Nous avons une histoire douloureuse associée à nombre de ces pays, principalement aux États d’Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie. Premièrement, le Parti communiste français cherche à déclassifier les archives militaires, dont l’accès est restreint depuis plus de 60 ans. Pourquoi y a-t-il encore autant de fichiers « top secret » – des documents montrant ce que la France a fait dans ces pays ? L’année dernière, la France a finalement déclassifié le cas de Maurice Audin, un communiste français qui a été torturé à mort en Algérie par l’armée française. Il est important de parler de ce qui s’est passé : c’est important pour la mémoire des peuples algérien, marocain et tunisien, c’est aussi important pour les Français – la transparence est nécessaire.
Un autre problème est la relation entre la France et les pays africains aujourd’hui : les chefs de certains États, provoquant des protestations de leur propre population, sont soutenus par la France. Les peuples d’Afrique ne comprennent pas l’attitude de la France à leur égard : les Français continuent à se comporter comme si ces pays restaient leurs colonies. Parfois, la politique française vise à exploiter la richesse – je parle principalement du Mali et du Niger, où la France extrait de l’uranium et où les enjeux sont très importants. Le soutien de facto de la France aux chefs d’État tyrans est inacceptable. C’est pourquoi nous tissons des liens d’amitié et de coopération avec les peuples et communautés progressistes de ces pays, et lorsqu’un contingent militaire français y est présent, comme c’est le cas au Mali, nous essayons de réaliser pour que cette présence militaire fasse l’objet d’un débat public en France, qui n’existe pas pour le moment. Le fait que le peuple malien considère aujourd’hui la France comme une force d’occupation est un fait très inquiétant pour nous. Nous devons aider, pas occuper. Nous défendons l’amitié avec les peuples africains, sans force militaire. C’est évident quand on regarde ce que la France a fait en Libye. C’est la France qui porte l’entière responsabilité du chaos qui règne dans ce pays aujourd’hui. Cela ne doit plus jamais se reproduire.
Commentaires de G. Gastaud
Notons d’abord que, pour le moins, F. Roussel s’exprime imprudemment, ou pire encore, qu’il est, disons, « vite content », à propos des archives relatives à l’affaire Audin soi-disant déclassifiées par Macron : en réalité, en fait de déclassification promise des fonds Audin, l’ouverture de tous les fonds dits de la Défense depuis 1940 est bloquée depuis la fin de 2019 sur l’injonction, notamment, du ministère des Armées, comme me le signale ma camarade, l’historienne Annie Lacroix-Riz !
Notons en outre dans cette réponse, encore et toujours le fameux « nous » qui gomme la division en classes de la société : « nous devons les aider », comme si un communiste était solidaire de son État impérialiste « national » lequel, au lieu d’avoir une mauvaise politique africaine, « néocoloniale », devrait, s’il vous plait, en avoir une bonne, une politique « aidante ». Comme l’UE devrait devenir « sociale et démocratique » et comme, c’est ce que croyait naguère feu l’eurocommuniste italien Berlinguer, l’OTAN pouvait préserver la paix et protéger (contre qui ? contre l’URSS ?) le « socialisme » italien de l’avenir… Pensée magique et démagogique que tout cela, et dont on a vu les résultats pratiques catastrophiques pour notre camp, celui des travailleurs !
Au fait, est-ce que le PCF a clairement dénoncé dès le début, comme l’a fait le PRCF, l’action déstabilisatrice, non pas de « la France », car le peuple français méthodiquement désinformé n’y était pas pour grand-chose, mais de l’impérialisme français, en Syrie ou en Libye ? Alors, chiche, camarade Roussel, pour passer aux actes publics avec, dès que la situation sanitaire le permettra, pourquoi ne pas appeler à une manif ouverte à tous les anticolonialistes et à tous les patriotes véritables pour le retrait des forces françaises d’Afrique afin que ce débat, dont F. Roussel déplore qu’il « n’existe pas en France » (devrait-il naître par enchantement?) ait enfin lieu dans notre pays? Car disait Marx, « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre« , si bien que la décolonisation réelle concerne aussi l’émancipation des travailleurs français.
S’y joint une autre proposition du PRCF : celle que la lutte contre la « Françafrique » néocoloniale soit toujours conjointe à la lutte contre la « Franceurope » et la « Françallemagne » – autrement dit, contre l’euro-dissolution maastrichtienne de notre pays, de son industrie, de ses services publics, de sa langue elle-même sacrifiée au tout-anglais des traités transatlantiques. Car ce sont les mêmes forces oligarchiques, des actionnaires de Total à ceux de Bolloré, qui, à Bamako, à Beyrouth et à Abidjan, dominent l’Afrique et le Proche-Orient, et qui en France, dépècent la nation française tout en flirtant avec les pires régimes despotiques et pétromonarchiques du monde.
Quelle est la politique du PCF envers la Russie ?
Nous pensons que les peuples de notre grand continent eurasien doivent coopérer pacifiquement les uns avec les autres : la proximité géographique qui nous unit et nous permet de travailler ensemble est incontestable. Le Parti communiste français a fermement condamné les sanctions contre la Russie en 2016, et aujourd’hui nous continuons d’appeler à leur levée, car nous ne voulons pas être un pays subordonné aux États-Unis dans la confrontation de deux blocs militaires. C’est la logique du passé. Nous rejetons la politique des blocs et des guerres économiques, surtout aujourd’hui, quand, dans le contexte d’une pandémie mondiale, nous devons mettre fin aux « confrontations » économiques, qui peuvent dégénérer en une véritable guerre « chaude ». Nous appelons à la fin des sanctions économiques et à une relation saine qui permette la coopération. Le Parti communiste français est aujourd’hui le parti de la paix, de la fraternité et de l’amitié des peuples.
Tel est mon message à mes camarades du Parti Communiste de la Fédération de Russie et à tous les Russes dans l’espoir que nous pourrons construire des ponts de fraternité entre nos deux peuples. C’est pourquoi le PCF dit que l’OTAN n’a pas le droit d’exister. Le Pacte de Varsovie s’est dissous et l’OTAN doit se dissoudre de la même manière, car il n’y a plus aucune justification à l’existence de cette alliance. Il faut abandonner la logique des blocs militaires, c’est pourquoi nous exigeons le retrait de la France de l’OTAN.
Commentaire de G. Gastaud
Notons d’abord que Fabien Roussel ne fait pas la différence entre la Russie actuelle, qui est un pays capitaliste où le communisme est inlassablement dénigré, et l’Union soviétique : il parle de « logiques de blocs », abstraction faite des contenus de classes tout différents qui caractérisent la Russie postsoviétique et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Péché véniel en un sens, car sans mettre en rien un trait d’égalité entre le régime postsoviétique actuel et l’URSS d’Octobre et de Stalingrad, le PRCF milite lui aussi pour contrecarrer toute guerre impérialiste de revanche contre le grand peuple russe et travaille ardemment, dans cet esprit, à développer les relations avec nos camarades de Russie et de l’ex-URSS restés fidèles à Lénine. Mais pour passer des paroles aux actes, pourquoi pas, le moment venu, une grande manif de toutes les forces de paix pour exiger la sortie de la France de l’OTAN ? F. Roussel dit que le PCF « est aujourd’hui le parti de la paix, de la fraternité et de l’amitié des peuples« . Peut-être sans doute a-t-il fait quelque part l’autocritique résolue de la participation du PCF au gouvernement Jospin qui bombarda Belgrade et qui contribua au dépeçage de la République socialiste fédérative de Yougoslavie ? Si c’est le cas, nous lui en donnerons volontiers acte !
Mais le PCF n’est pas le seul à aimer la paix, comme toute personne sensée. La France insoumise et bien des gaullistes de cœur demandent eux aussi la sortie française de l’OTAN, ainsi que des dizaines de groupes et de syndicats auxquels il faut permettre de faire le lien entre l’austérité salariale, la casse des services publics, et la montée exponentielle des crédits destinés à l’OTAN et à la future armée européenne, laquelle offrirait à Berlin l’accès à la force de frappe française. C’est pourquoi nous participerions d’enthousiasme à une telle manifestation. Nous demanderions en outre, en tant que PRCF, que la rupture avec l’OTAN s’accompagne, de la rupture de la France avec l’UE. Et nous aimerions bien apprendre des dirigeants du PCF, comme d’ailleurs des porte-parole des Insoumis, comment ils comptent s’y prendre pour sortir de l’OTAN sans sortir de l’UE. En effet, l’UE se déclare « partenaire stratégique de l’OTAN », à telle enseigne que tous les ex-pays socialistes de l’Est ont dû intégrer l’OTAN pour être admis dans l’UE… Un peu comme si on disait : « je veux bien quitter Paris pourvu que je reste sur la Tour Eiffel ! »…
Je rappelle d’ailleurs que le PRCF, dont le président d’honneur était alors le député nordiste Geo Hage, avait, lui, condamné l' »élargissement de l’UE aux pays de l’Est », cet « élargissement » que le PCF et ses parlementaires d’alors ont de facto accepté en son temps, souhaitant même alors la « bienvenue » dans l’UE aux ex-pays socialistes désormais reclus eux aussi dans cette prison des peuples…. Pourtant s’il y a un cas de néocolonialisme avéré, c’est bien celui par lequel les ex-pays socialistes : eux qui bénéficiaient tous initialement d’une industrie nationale, du plein emploi constitutionnel, d’une culture nationale solide, ont été ravalés par l’UE-OTAN à l’état de colonies de main-d’œuvre, leurs usines fermées et leurs ouvriers et techniciens expédiés aux quatre coins de l’Europe pour servir de variable d’ajustement aux politiques de casse salariale en Allemagne et ailleurs.
Mais je le répète, s’il devait y avoir une grande manifestation populaire et unitaire ciblant l’OTAN, même sans parler de l’UE, nous y participerions et comme nous, des dizaines d’organisations grandes et petites qui comprennent qu’une guerre antirusse conduite par l’OTAN pourrait signifier la fin de la France, de l’Europe, voire celle de l’humanité. Que dire, en sus, de l’énorme ingratitude manifestée par nos indignes dirigeants à l’encontre de cette « Russie soviétique » dont De Gaulle admettait en 1944, lors de sa visite d’État à Staline, qu’elle avait « joué le rôle principal dans notre libération » !
Nous pourrions même inviter à cette manifestation des communistes et des internationalistes de l’Europe entière, en particulier des camarades russes, ukrainiens, biélorusses, mais aussi des camarades allemands : car nous communistes français qui, en 1992, avec notre ami et camarade Henri Alleg, créâmes le Comité Erich Honecker de Solidarité Internationaliste pour venir en aide aux communistes est-allemands persécutés, ne confondrons jamais l’impérialisme allemand résurgent, ni le très réactionnaire « couple » Merkel/Macron, avec les communistes allemands qui furent les premiers à subir les persécutions de Hitler dès 1933, l’interdiction en RFA (y compris l’interdit professionnel, puis la chasse aux sorcières d’Helmut Kohl dès 1990 au nom d’une recolonisation de l’Allemagne socialiste travestie en « réunification »).
Cette année, le PCF célèbre son centenaire. Que fait le parti pour vulgariser les idées communistes dans la culture française contemporaine ?
Cette année, nous célébrons le centenaire du PCF – étant donné les conditions sanitaires et épidémiologiques actuelles, la tenue des festivités est compliquée. Néanmoins, nous prévoyons un certain nombre d’événements publics : ceux que nous ne pourrons pas organiser en raison des restrictions liées à la pandémie, nous les reporterons à l’année prochaine. Mais nous allons organiser la plupart des événements, et je voudrais que le 100ème anniversaire du Parti communiste français soit l’occasion de réfléchir sur le siècle à venir que nous voulons construire au nom de la paix, de l’amitié et de la dignité humaine. Le PCF est un outil de changement, il n’est donc pas nécessaire de convaincre les Français de l’utilité du Parti communiste français. Je ne suis pas gérant de magasin. Nous nous sommes unis dans notre parti pour nous préparer au changement. Nous disons aux Français que nous voulons ces changements avec eux, pourquoi nous devons être plus nombreux, pour que davantage de personnes nous aident. Le centenaire du PCF est avant tout une opportunité pour nous de projeter l’avenir.
Commentaire de G. Gastaud
Relevons d’abord que F. Roussel ne dit rien dans sa réponse de la signification historique du Congrès de Tours où les militants révolutionnaires du parti socialiste se séparèrent franchement des réformistes emmenés par Blum et Longuet. Il s’agissait alors – mais la leçon a-t-elle cessé de valoir aujourd’hui, camarades « identitaires » du PCF ? – de couper avec les réformistes pour fonder un parti de combat au lieu de se laisser paralyser par les réformistes. Or, comme le dit notre président Léon Landini, incontestable militant communiste et ancien officier héroïque des FTP-MOI, « la mémoire ne vaut pas que pour le souvenir, elle vaut aussi pour le devenir« …
Car il serait, disons, intéressant de chercher ce que le PCF-PGE actuel a de commun, dans les pratiques, la doctrine, l’ancrage de classe, les appréciations qu’il porte sur la Révolution d’Octobre et sur le bilan historique des pays socialistes (le soi-disant « échec du léninisme »), avec la Section française de l’Internationale communiste créée en 1920. Ou même avec le parti communiste combatif de l’après-guerre. La comparaison serait cruelle…
En tout cas, le PRCF saisira l’occasion du 100ème anniversaire à la fois pour rappeler la signification historique de Tours et pour démontrer sa portée politique actuelle: oui, il faut plus que jamais, séparer les réformistes des révolutionnaires tout en unissant ces derniers dans un parti bien à eux, indépendant à 100% de la social-démocratie, un parti marxiste-léniniste, membre actif du Mouvement communiste international et lié par tous ses pores au monde du travail. Sans cela, il restera impossible de sortir le mouvement populaire de son manque terrible de perspectives combatives, impossible de briser l’extrême droite et son jumeau- ennemi terrible, le fanatisme religieux intégriste, impossible de rendre à notre peuple, qui aspire toujours pourtant à la révolution comme l’ont montré les Gilets jaunes assaillant l’Élysée, ce parti de combat dont l’absence prolongée signifie euro-dissolution, fascisation rampante, voire marche à la guerre civile. Il nous faut disposer d’un grand parti de combat pratiquant un marxisme-léninisme de notre temps, refusant haut et fort la criminalisation du communisme historique, remettant la classe ouvrière dans toutes ses composantes au centre de la vie nationale, proposant une véritable rupture : le Frexit progressiste tourné vers le socialisme. Or, loin de prendre le chemin d’une séparation entre « identitaires » et euro-réformistes avérés, F. Roussel – qui, rappelons-le, ne répond pas aux lettres du PRCF – déclare d’emblée, dans son entrevue à la Pravda, qu’il veut continuer à travailler à l’unité du PCF avec Pierre Laurent, ex-président du PGE et vice-président du Sénat. Dis-moi avec qui tu t’unis et avec qui tu refuses de parler et je te dirai si tu souhaites continuer au présent l’œuvre clarificatrice de Tours, où Marcel Cachin, que l’on sache, ne s’est pas allié avec Blum au nom d’une « unité » sans contenu.
Pour travailler au regroupement des communistes dans un parti de combat, pour séparer les véritables marxistes de l’influence paralysante de l’euro-réformisme, le PRCF, dont les forces sont encore modestes, mais qui recrute dans la jeunesse et qui travaille intensément sur tous les terrains, théoriques et pratiques, a le devoir d’exprimer ses analyses et critiques avec franchise dans le respect des personnes. Ses militants, dont certains, parmi les anciens, ont longtemps milité au PCF malgré leurs divergences croissantes et le traitement brutal qu’ils y ont parfois subi, n’en tendent pas moins la main aux communistes de France qui acceptent le débat et l’action commune. Pour continuer l’œuvre de Tours, pour rouvrir la voie du socialisme à notre pays et à l’humanité avant que le capitalisme-impérialisme pourrissant ne les détruise, pour unir et réorganiser dans un vrai parti de classe les communistes véritables, pour affronter franchement l’UE, pour aider le syndicalisme de classe renaissant, il ne faut pas s’unir aux réformistes : il faut, comme à Tours, s’affranchir complètement d’eux et se tourner ensemble, c’est urgent, vers une ligne novatrice, révolutionnaire et potentiellement rassembleuse, celle du Frexit progressiste, du socialisme pour notre pays et du communisme pour l’Humanité.
La Pravda
Sur le blog de Nicolas Maury
[1] L’épidémie s’est répandue en Europe à partir de la Lombardie, qui travaille en permanence avec le Wuhan. Tout cela fut aussitôt complété par l’afflux vers Lyon de milliers de tifosi auquel le dogme euro-macroniste de l’ouverture des frontières « internes » de l’UE a rendu possible l’accès du stade de Gerland.
[2] Les choses ont tant dérivé que l’on ne peut plus dire dictature du prolétariat sans que certains ex-communistes ne se signent trois fois en s’écriant « Jésus-Marie-(pas)Joseph! »…
[3] Ce n’est pas Le Pen, c’est Ho Chi Minh qui a déclaré : « il n’y a pas de bien plus précieux que l’indépendance et la liberté ». Ce n’est pas Maurras, c’est Jaurès qui a déclaré : « l’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale ».
[4] La référence au socialisme (et par la même occasion, au marxisme, à la classe ouvrière, à la socialisation des moyens de production et au centralisme démocratique, excusez du peu, a été retirée des statuts du PCF lors du 28ème congrès, celui où G. Marchais a proposé au congrès d’élire R. Hue secrétaire national du Parti ; c’était en 1993 si mes souvenirs sont bons et j’y étais délégué par la Fédération du Pas-de-Calais, alors dans l’opposition franche à la mutation). La dictature du prolétariat, le marxisme-léninisme et la formule « prolétaires de tous les pays unissez-vous » (= l’internationalisme prolétarien) avaient déjà été ôtés des statuts au 23ème congrès de 1979 au profit de la notion réformiste de « socialisme autogestionnaire » construit « pas à pas », qui effaçait déjà l’idée de révolution socialiste et qui affaiblissait l’idée de planification socialiste d’Etat.
[5] Opposition mensongère puisqu’à Bruxelles et à Strasbourg, c’est-à-dire dans les nouveaux lieux du pouvoir réel, le PS COGÈRE l’UE avec la droite libérale et la démocratie « chrétienne »…. « Autonome » aux présidentielles, pas autonome du tout aux municipales, « opposant » à Paris mais allié municipal et sénatorial de partis, PS et EELV, qui sont des piliers de l’UE de Mercon-Makrel à Bruxelles, tel est le PCF « identitaire » actuel. Avouez qu’en matière d’ « identité communiste » et d’ « autonomie tous azimuts », une chatte n’y retrouverait pas ses chatons…
[6] La guerre civile en France.
D’accord sur les critiques de la direction actuelle du PCF (pour la CGT c’est pire : Martinez est membre de la branche la plus à droite d’EELV dont de Jadot et passe son temps à taper sur la Chine communiste comme TRump, Biden Macron et Merkel).
Mais je ne voterai pas non plus pour l’arriviste anticommuniste Mélenchon qui a commencé sa carrière comme Jospin et beaucoup de cacique du PS à l’OCI, et qui a voté pour Maastricht et qui a approuvé l’intervention en Lybie.
LFI c’est un PS/EELV bis.
Ce que je vois c’est que le capitalisme est en crise sans doute la plus grande crise de son histoire et comme d’habitude il n’a pas de solutions pour sortir de ses crises. Il nous à fait 2 guerres mondiales déjà pour sortir de ses crises, mais maintenant c’est pire que d’habitude car si il y a une nouvelle guerre mondiale elle sera nucléaire et la fin de l’humanité. On va actuellement dans ce sens là, il faut absolument faire prendre conscience de ça à toute l’humanité si on veut éviter le pire .Commençons par éradiquer l’armement nucléaire et le reste ne serait pas un mal aussi.
Roussel parle du capitalisme qu’il faudrait éradiquer mais le problème c’est qu’il n’a pas mis au point un programme pour éradiquer le capitalisme et la preuve c’est que dans son programme il n’y a qu’une nationalisation de banque, il se fout de la tête des communistes. On ne va pas changer de politique avec une nationalisation. Il se fout de la tête des vrais communistes c’est tout.