LA VRAIE GAUCHE RADICALE EN GRECE, CE SONT LES COMMUNISTES !
NON AU MÉPRIS DE MERKHOLLANDE CONTRE LE PEUPLE GREC !
L’ingérence d’ Angela Merkel, Chancelière et Chef de l’Union Européenne, dans les affaires grecques est inacceptable, scandaleuse.
Mais ce n’est sans doute pas l’aspect principal de cette déclaration.
Ce qui est important dans cette déclaration c’est la lucidité de Merkel à propos de la situation grecque.
Si Syriza l’emporte, il ne s’agira pas seulement de la victoire d’un parti réformiste et euroconstructif. Percevant les contradictions qui existent entre la politique euro-constructive de Syriza et les promesses démagogiques que Tsipras fait aux Grecs, Merkel redoute qu’une victoire de la prétendue « gauche radicale » soit porteuse (rien n’est inéluctable, mais les choses dépendent aussi de l’intervention consciente des masses) d’une dynamique politique et sociale à potentialité révolutionnaire. Et donc mettant la sortie de l’euro, de l’UE, de l’Otan et à terme du capitalisme dans l’actualité politique de la Grèce et des autres pays d’Europe dont le nôtre .
Tsipras, aussi discutables que soient ces références historiques, peut être Kérensky, l’homme qui aida involontairement les bolcheviks à révéler aux ouvriers russes l’inconsistance du et le fond réactionnaire du « socialisme » petit-bourgeois mais il peut être aussi Noske, le bourreau social-démocrate du peuple allemand: pas d’illusions. Mais ce n’est pas la question centrale. La question centrale c’est le peuple grec, c’est la dynamique, le processus politique. Nous pouvons avoir confiance dans le peuple grec, ses ouvriers, ses paysans, ses intellectuels, ses couches moyennes et son avant-garde le Parti Communiste de Grèce, son syndicat de lutte le PAME, qui vient encore de s’afficher pour la sortie la plus rapide de l’UE. Une longue histoire témoigne de la capacité de résistance et de lutte du mouvement populaire grec, l’épopée de l’EAM-ELAS, où la classe ouvrière jouait un rôle dirigeant et qui fut capable d’unir la quasi totalité de la nation pour la patrie et contre le fascisme, reste une référence.
Ce que craignent Merkel, Hollande, l’Union Européenne, les représentants du capital c’est que le maillon faible cède en entraînant le délitement de toute la chaîne impérialiste de l’UE atlantique. Il se souviennent de la leçon de Lénine : “une chaîne vaut ce que vaut son maillon le plus faible”.
Car alors les forces révolutionnaires et patriotiques des pays comme l’Espagne, le Portugal mais aussi et surtout la France, compte tenu et de sa situation objective et de ses traditions historiques, se mettraient en mouvement.
Oui, une part de notre avenir se jouera à Athènes et c’est dans cet esprit que nous appelons à renforcer la solidarité avec les communistes grecs en condamnant avec indignation les ingérences à répétition de l’impérialisme allemand de nouveau décomplexé, et de son médiocre et tout aussi arrogant suiveur élyséen.
La Chancelière et les aveugles
4 janvier 2015Par Jacques Sapir
Ainsi donc, la Chancelière Angela Merkel a lâché le morceau. Une sortie de l’Euro par la Grèce, à la suite de l’élection à venir du 25 janvier, n’est plus inenvisageable. Cette déclaration est rapportée par le site de l’hebdomadaire « Der Spiegel » le samedi 3 janvier. C’est une déclaration importante, que l’on peut analyser de deux manières différentes, mais qui ne sont nullement opposée.
La première est que Madame Merkel, dans une subtilité toute germanique, a décidé de faire pression sur l’électeur grec. Oui, si vous « votez mal », une sortie de l’Euro de votre pays est envisageable. Donc, tenez-vous à carreau ! A défaut de subtilité, c’est certainement plus efficace que l’appel de (Ser)Pierre Moscovici, ci-devant commissaire européen, aux électeurs de voter pour la poursuite des réformes. Il est des gens qui n’ont aucune honte. Comme si les Grecs avaient encore le moindre doute sur ce que signifient ces réformes qui ont mis leur pays à genoux et qui ont provoqué une forte hausse de la mortalité. En réalité, ces réformes n’ont pas eu le résultat escompté, ce qui est tout à fait normal au regard des réalités de l’économie. La faible croissance enregistrée par la Grèce (+0,7% après une chute vertigineuse les années précédentes) ne s’explique que par une bonne saison touristique[1]. Les exportations ont continué de décliner en 2014, un processus accéléré par l’embargo décrété par la Russie sur les produits agricoles à la suite des sanctions décidées par l’Union européenne. Mais, Madame Merkel pourrait aussi commettre une « gröss » erreur en supposant que la population grecque est toujours attachée à l’Euro. En fait, un sondage réalisé par Gallup International et datant de décembre 2014 donne des résultats intéressants, et nullement surprenant :
Table 1
Résultats du sondage (décembre 2014)
De l’Union européenne
Par rapport à l’Euro
Vous sentez vous plus proches 10%
Souhaitez vous conserver l’Euro
32%
Vous sentez vous plus éloignés 52%
Souhaitez vous retrouver la monnaie nationale
52%
Pas de changement 35%
Aucune opinion
11%
Pas de réponse 3%
Pas de réponse
5%
Fieldwork conducted by WIN/Gallup International – www.Gallup-international.com
Il n’est donc absolument pas prouvé que la « menace » agité par Mme Merkel, qui incidemment démontre sa « haute » conception de la démocratie, ait l’effet espéré sur l’électeur grec.
Une seconde manière d’analyser cette déclaration consiste à y voir la rupture d’un tabou absolu : on ne sort pas de la zone Euro ! Que n’a-t-on pas dit à ce sujet et quelles imbécillités n’ont été proférées en diverses occasions. A défaut d’un florilège exhaustif nous avons eu droit à « une sortie de l’Euro doublerait le poids de la dette française » (Nicolas Sakozy qui visiblement, tout avocat qu’il est, ignore le droit international et le fait qu’un titre émis en France est remboursable dans la monnaie de la France) ou encore « une dévaluation du Franc de 20% signifierait une hausse de 20% du prix du carburant à la pompe » (le prix mondial du pétrole à baissé de 50%, avez vous remarqué une baisse équivalente lors de vos arrêts à une station service ?) et enfin « une sortie de l’Euro provoquerait une hausse du chômage de 1,5 millions » (Institut Montaigne) alors que tout les calculs économiques montrent au contraire une forte amélioration de l’emploi dans les trois ans après une dissolution de la zone Euro et une dépréciation de 20% du Franc retrouvé[2]. La rupture de ce tabou par Mme Merkel elle-même a dû constituer un véritable choc pour les eurolâtres de tout poil, que ce soit à droite (Fillon) ou à « gauche ». On imagine les mines déconfites, les airs catastrophés, la panique rampante. On entend déjà les commentaires lumineux d’intelligence, comme ceux que produisaient l’inessorable Pierre Moscovici : « mais cela va donner raison au Front National »…Horresco referens. Bien sûr, il ne viendra à aucun de ces « grands esprits » l’idée que, justement, en dissolvant l’Euro dès aujourd’hui, à froid, on retirerait au Front National l’un de ses meilleurs arguments. Il est vrai que Jupiter, que les Grecs appellent Zeus, rend fou ceux qu’il veut perdre…Et Pierre Moscovici pourra revenir à sa cuvette (à 25 000 euros par mois néanmoins, elle est plaquée or) pour s’allonger sous le balai de Mme Merkel.
Il n’en reste pas moins qu’il faut comprendre les raisons qui ont pu conduire la Chancelière (qui contrairement à ce que l’on croit n’est pas la femme du Bougeoir) à rompre ce tabou. Est-ce parce qu’elle a compris que la zone Euro est morte en réalité ? Il n’y a plus d’intégration bancaire, contrairement à ce que l’on affirme, comme le démontrent deux auteurs, Anne-Laure Delatte et Vincent Bouvatier dans un papier installé sur le site VOX du CEPR[3]. Ou bien Mme Merkel sait-elle que derrière la Grèce se profile une crise d’une autre importance en Italie, qui pourrait être rapidement suivie de l’Espagne et de la France ? En bref, cette déclaration est-elle le produit d’une « fatigue » de l’assistance, et l’on sait que le problème grec est condamné à ressurgir de manière régulière au menu des Conseils Européens, ou d’une prise de conscience de l’accumulation des problèmes tant économiques que politiques qui vont rendre rapidement la zone Euro ingérable ? Il n’est pas impossible, en ce cas, que Mme Merkel, qui voudra éviter que le poids politique d’une rupture de la zone Euro ne retombe sur les épaules de l’Allemagne cherche dans une crise préparée l’occasion de procéder à une dissolution qu’elle pressent inévitable.
Il faut aussi évaluer l’impact d’une telle déclaration sur le gouvernement français. Comprend-il seulement qu’il a entre ses mains la dernière, la toute dernière, chance de reprendre la main ? Si dans notre gouvernement il y avait la lucidité et le courage qu’imposent les événements, il prendrait les devants et, au lieu de se condamner à une posture réactive il saisirait au bond l’opportunité que lui offre Mme Merkel et il proposerait une dissolution concertée de l’Euro. On doit craindre qu’enfermé dans un autisme tant politique qu’économique il n’en soit rien et que nous continuions à nous diriger vers la crise tels des aveugles dans un monde en plein tumulte.
[1] J. Bastian, « Is there (sustainable) growth in Greece? », publié le 19 novembre sur le Blog Macropolis, 14 novembre 2014, http://www.macropolis.gr/?i=
portal.en.the-agora.1720 [2] On renvoie le lecteur à la brochure rédigée par Sapir J., Murer P. et Durand C., Les Scénarii d’une dissolution de l’Euro, Fondation ResPublica, Paris, septembre 2013.
[3] Vincent Bouvatier, Anne-Laure Delatte, Eurozone bank integration: EU versus non-EU banks, 14 décembre 2014, http://www.voxeu.org/article/
eurozone-bank-integration-eu- versus-non-eu-banks L’Euro au risque de la chouette
30 décembre 2014
Par Jacques Sapir
Ainsi le veut la Constitution : il y aura des élections anticipées en Grèce, qui devraient se tenir le 25 janvier. L’incapacité du Premier-Ministre Samaras à faire élire son candidat à la Présidence de la République (qui se fait en Grèce à une majorité qualifiée de 180 députés au parlement) a sonné l’heure des comptes. Elle vient aussi solder une politique inhumaine imposé par ce même Samaras aux ordres de la « Troïka », soit, rappelons le la Banque Centrale européenne, la Commission Européenne et le FMI. Elle solde de plus une politique des faux-semblants de ce gouvernement aux ordres, qui n’a ni rétabli les finances publiques (une partie des ressources fiscales sont « fictives » car la population n’a plus les moyens de les payer) ni provoqué un retour de la croissance. Il annonçait un « glorieux » 0,7% alors que le pays a connu une récession de près de -25% depuis 2009.
Ces élections sont un cas d’école de l’ingérence toujours plus pesante de l’Union européenne dans la vie démocratique des peuples. Diverses voix autorisées ont déjà menacé les électeurs grecs des pires maux s’ils votaient « mal ». Et, on le sait, SYRIZA, le parti de la gauche radicale, est en tête à ces élections. On a même vu, oh honte faite à tous les français, Pierre Moscovici, qui fut un déplorable ministre des finances se muer en un exécrable représentant de la Commission Européenne et aller à Athènes pour expliquer aux Grecs comment ils devaient voter. Il est vrai que c’est une habitude chez ce triste sire que de mentir sur commande ; il nous en avait donné la preuve déjà en 2012. Le FMI, par ailleurs a immédiatement suspendu son programme d’aide à la Grèce. Que l’on ne vienne plus nous parler de « démocratie » de la part des grandes organisations, soit européennes, soit internationales.
La situation de la Grèce peut se résumer en deux graphiques. Le premier indique l’évolution du PIB, comparé à 2007. L’effondrement du PIB est réellement spectaculaire et implique un appauvrissement d’une grande part de la population.
Graphique 1
Source : Base de données du FMI
Mais il y a pire. Si l’on regarde l’investissement, que ce soit calculé en pourcentage du PIB ou calculé en euros constants, on constate un effondrement spectaculaire. En valeur, nous sommes en 2014 à 64% de la valeur des investissements de 1999. Cet effondrement, qui va bien au-delà d’une correction par rapport aux années 2000, marquée par les dépenses liées aux Jeux Olympiques, a plusieurs implications. Tout d’abord une destruction du capital par non-renouvellement, qui va poser un problème redoutable à la Grèce dans les années à venir. Faute d’entretien les infrastructures, qu’elles soient privées ou publiques, vont se dégrader ce qui va entraîner une montée des coûts d’entretien d’ici la fin de la décennie. Par ailleurs, la productivité du travail, non soutenue par un investissement qui fait défaut, va continuer à baisser, rendant plus que problématique le retour à une compétitivité de l’économie grecque. Seule, une baisse des salaires ou une dévaluation permettrait de maintenir les gains de productivité qui ont été payés aux prix fort par la population grecque.
Graphique 2
Source : banse de données du FMI
On voit qu’à l’évidence ce n’est pas d’un prolongement de la politique d’austérité meurtrière (ou, l’austérité tue, le taux de mortalité a fortement augmenté en Grèce ces dernières années) dont le pays a besoin. Il lui faut d’urgence une politique de relance par l’engagement massifs de dépenses publiques. Mais, c’est ici que se noue le conflit entre un possible gouvernement de SYRIZA et les autorités de la Troïka. Le programme de SYRIZA, que les sondages donnent actuellement largement en tête, prévoit entre autres les mesures suivantes :
- Moratoire sur les dettes des ménages et des petits entrepreneurs aux banques ;
- Hausse du salaire minimum ;
- Annulation de près des deux tiers de la dette publique considérée comme « injuste ».
- Instauration d’une « clause de développement » garantissant que les sommes dépensées pour une relance de l’économie ne seront pas comptabilisées dans le budget.
- Recapitalisation des banques (dont la solvabilité est problématique), sans que les sommes en question soient comptabilisées dans la dette publique du pays.
Ce programme est contradictoire avec les règles européennes. Il ne faut pas s’en étonner. Aujourd’hui, 52% des grecs interrogés considèrent qu’ils se sentent plutôt étrangers aux idéaux européens[1]. Dans ce sondage, réalisé par l’institut Gallup International, 52% des personnes interrogées considèrent qu’il serait préférable de retourner à la monnaie nationale (la Drachme) et seulement 32% considèrent qu’il faudrait conserver l’Euro. C’est un point important, et il est clair que les résultats de ce sondage sont intégrés par les diverses forces politiques grecques. Il entrainera une dynamique tant économique que politique mettant à mal les structures européennes qui imposent aux peuples cette politique d’austérité, et en premier lieu, l’Euro. Car, si l’on va à la crise entre la Grèce et les institutions européennes, les taux d’intérêts monteront immédiatement, provoquant une nouvelle crise en Italie. Or, dans ce pays, trois partis, le Movimente Cinque Stelle, Forza Italia et la Ligue du Nord ont pris leur distance, et parfois de très grandes distances, avec le dogme de l’Euro. SYRIZA le sait qui, tenant compte des pressions scandaleuses sur la vie politique grecque par les institutions européennes, ruse avec ce programme. Mais, si Tsypras est élu, fort de la légitimité d’une élection, seule légitimité qui compte et qui soit, il fera entendre sa voix.
Tous les européens qui sont aujourd’hui révoltés à juste titre, tant économiquement que politiquement, par les agissements anti-démocratiques de la Commission et par les politiques d’austérité doivent se réjouir de cette élection. La chouette, animal emblématique d’Athéna, la déesse de la ruse et de la sagesse, doit manger le serpent Euro. Mais ils doivent, en même temps, envoyer un message clair à Tsypras et à SYRIZA : vous devez appliquer votre programme si vous êtes élus. Une trahison de plus serait une trahison de trop. Nous comprenons que vous rusiez jusqu’à l’élection. Mais après, il faudra appliquer votre programme, et tout votre programme. Ce qui se joue en Grèce aura des répercussions dans toute l’Europe, et en France en particulier. Elles peuvent être positives, si la lutte s’engage entre les peuples et les institutions européennes. Elles peuvent être aussi négatives dans le cas d’une nouvelle trahison. Car, ce qui se profile derrière la Grèce, c’est le problème de l’Italie et de l’Espagne. Oui, l’avenir de l’Europe et de la démocratie se jouera à Athènes, ce qui sera hautement symbolique.
[1] Gallup International
http://www.orbinternational.
com/perch/resources/ europeanattitudesresults.pdf, Décembre 2014. voir: www.Gallup-international.com
source : http://russeurope.hypotheses.org/author/russeurope