Par Georges Gastaud, auteur de « Patriotisme et internationalisme ». février 2018
Pour ménager le PS maastrichtien, le « Parti de la gauche européenne » (PGE), la « Confédération européenne des syndicats » (C.E.S.) et les autres structures grassement subventionnées qui protègent l’UE capitaliste, les directions euro-formatées du PCF-PGE et des confédérations syndicales prétendent qu’il est possible de « réorienter dans un sens progressiste l’euro et l’UE ». Et bien que toute l’histoire du « parlement » européen depuis 1979 démente cruellement cette illusion « euro-constructive », des partis qui se réclament de la gauche s’apprêtent à nouveau à cautionner l’élection supranationale de 2019, dont le but est de donner une caution populaire à l’UE, pourtant directement antinomique de l’idée même de peuples souverains.
L’UE, rejeton légitime du MEDEF
Le PRCF a mille fois montré le caractère foncièrement mensonger de cette « réorientation progressiste » de l’UE. Si la « construction » européenne pouvait se retourner contre le capital qui s’acharne à la mettre en œuvre, celui-ci serait le premier à s’en méfier. Or le Manifeste de 2011 intitulé Besoin d’aire et adopté à l’unanimité par le MEDEF appelle clairement à dissoudre la République française dans « les Etats-Unis d’Europe », à privilégier le tout-anglais transatlantique, à accepter le « leadership » de la RFA sur l’Europe et à mettre en place l’ « Union transatlantique » (premiers pas, le CETA entre l’UE et le Canada, second pas, l’accord de l’UE avec le Mercosur, pas suivant, le retour sous un autre nom du TAFTA, dès que le gouvernement allemand CDU/SPD sera en place).
L’UE, contre-révolutionnaire et totalitaire
N’oublions pas en outre que les traités supranationaux sont TOTALITAIRES : en effet, ils ne fixent pas de manière neutre, « technique », le fonctionnement des institutions européennes en laissant aux peuples le soin de décider des orientations politiques. Non, l’Europe « postcommuniste » et contre-révolutionnaire qui s’est encore durcie après l’annexion de la RDA et le phagocytage euro-atlantique des ex-pays socialistes (l’ainsi-dit « élargissement européen ») dispose très clairement que « l’UE est une économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée ». Et l’UE n’étant rien d’autre que ce qu’établissent ses traités, on ne peut « réorienter l’UE vers la gauche », ni même d’ailleurs « sortir des traités supranationaux », sans… sortir de l’UE elle-même. En effet, la phrase-clé citée ci-dessus indique clairement, sauf à ceux qui veulent s’aveugler ou qui souhaitent aveugler autrui, que l’UE proscrit radicalement LE SOCIALISME, et même, la plus timide des politiques dites keynésiennes (à supposer qu’elles soit possible), voire le simple maintien en l’état des protections sociales nationales et des « monopoles publics » existants (Sécu, mais aussi Mutuelles à la française, SNCF, EDF, Poste, retraites par répartition, etc.); CQFD, comme on dirait en géométrie !
L’euro est de A à Z un dispositif de domination
Quant à l’euro, c’est une naïveté sans pareille que de croire qu’on puisse le « réorienter dans le sens du progrès social », comme l’a proposé sans rire M. Francis Wurtz, peu de temps après que le Non à Maastricht (1992) ait dépassé les 49% de votants, avec une forte majorité (déjà !) dans la classe ouvrière. Comme si « l’euro » se limitait à des billets de papier frappés du sigle € ! Comme s’il n’était pas UN DISPOSITIF MONETAIRE, une police budgétaire continentale (les fameux critères de Maastricht flanqués des dispositifs de flicage du « TSCG »), et surtout un ARRANGEMENT INTER-IMPERIALISTE (alignement du franc dit « fort » sur le mark, partage crypto-protectionniste du monde entre la zone mark, dévolue à l’Allemagne unifiée, et domination transcontinentale du dollar), bref, un moyen structurel d’affermir la co-gouvernance (conflictuelle !) de Washington et de Berlin sur l’Europe et sur le reste monde… En réalité, il y a autant de chances de « démocratiser l’euro », qu’il y en a de transformer l’OTAN en outil de la paix mondiale ! Et cette remarque est d’autant plus juste que l’UE étant le « partenaire stratégique de l’OTAN », et l’adhésion à l’OTAN constituant une condition sine qua non d’affiliation pour un Etat candidat à entrer dan l’UE, sortir de l’OTAN sans sortir de l’UE et de l’ensemble de ses dispositifs, ou du moins, sans envisager clairement de le faire, est une phrase creuse qui ne signifie rien.
De plus en plus dictatoriale, anticommuniste et fascisante, l’UE est irréformable.
Enfin et surtout, comme l’a d’ailleurs très bien dit Mélenchon (qui du coup devrait s’interroger sur la première partie de sa phrase, « l’UE, on la change ou on la quitte »), comment peut-on encore croire, quand on avise une carte de l’Europe, que ce cartel d’Etats de plus en plus autoritaires, néolibéraux et DE PLUS EN PLUS FASCISANTS puisse être amendé « du dedans » ?
Faisons le compte en partant, non pas des « positions » des partis et des syndicats, mais des REALITES vérifiables par tous :
- Depuis le démembrement de l’URSS et de l’ex-Europe socialiste, les « pays de l’Est » arrimés à l’UE/OTAN ont perdu leur industrie, leur science et leur agriculture socialiste, bases de leur développement autocentré. Pour l’essentiel, ces pays – dont certains se sont vidés de leur jeunesse, sont devenus des colonies de main-d’œuvre dont l’exportation continentale sert à faire baisser les salaires partout, sans parler des délocalisations occidentales vers l’Est qui ont mis sous pression la classe ouvrière et la paysannerie occidentales sans donner une once de pouvoir aux peuples de l’est devenus très lourdement germano-dépendants (cf l’enquête imparable du Monde diplomatique de janvier 2018) ; qui va jamais « réorienter à gauche » cette Europe contre-révolutionnaire destinée à forclore le retour au socialisme des pays de l’Est, et cela d’autant plus que la « défense européenne » recentrée sur l’axe Berlin-Paris sera devenue opératoire pour mater d’éventuelles insurrections populaires… Alain Madelin, qui vota pour Maastricht en déclarant que c’était là une « assurance tous risques contre le socialisme en Europe » fut bien plus clairvoyant que toutes ces directions politiques « de gauche », y compris celles de l’euro-trotskisme, qui pérorent sur le « socle social européen », sur le « service public européen », sur le « socialisme européen », sur « la révolution européenne » et sur cent autres billevesées qui nous désarment idéologiquement et fond de notre classe la RISEE des capitalistes !
- Dans presque toute l’ex-Europe socialiste, des ex-Républiques soviétiques baltes à l’ex-Yougoslavie en passant par la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, l’ex-Tchécoslovaquie, l’Albanie additionnée de l’Etat fantoche (entièrement sous contrôle impérialiste) du Kosovo, l’ex-Yougoslavie, la Roumanie, – sans parler de l’Ukraine où des néonazis hantent le gouvernement de Kiev – , les communistes sont persécutés, les « minorités » nationales sont discriminées (y compris quand elles forment 40% de la population comme les russophones dans certains pays baltes !), tandis que des partis xénophobes, racistes, cléricaux, misogynes (Varsovie), voire de francs fascistes (Orban, Kaczynski ou Porochenko, partisan de l’adhésion ukrainienne à l’UE) gouvernent ou sont aux portes du pouvoir. Notons que ces curieux mouvements « eurosceptiques » ne proposent nulle part de quitter l’UE et encore moins l’OTAN (ils veulent seulement une « Europe blanche, chrétienne », antimusulmane et machiste pleinement assumée). Ils sont d’ailleurs semblables en cela à Mmes Marine et Marion Le Pen qui ont FEINT de s’opposer à l’UE, aux USA et à l’euro et qui, désormais, affichent leur euro-ralliement quand elles ne courent pas à Washington pour recevoir l’adoubement de Trump… Et dire que c’est cette Europe contre-révolutionnaire, véritable analogue actuel de ce que fut la Sainte-Alliance de Metternich à l’époque de la Restauration monarchique, qu’on nous propose de « réformer » !!! Un peu comme si Blanqui, Raspail et l’ouvrier Antoine Marche, véritable père de notre Seconde République, avaient ridiculement revendiqué la « réorientation républicaine du Traité de Vienne » qui, au 19ème siècle, prétendait graver dans le marbre la défaite de la France post-révolutionnaire…
- Et en Europe de l’Ouest ? On en est à manifester contre le retour des mussoliniens à Rome, pendant que le néo-franquiste Rajoy flanque en prison les dirigeants catalans élus, que le gouvernement de Vienne est truffé de néonazis avérés (police, armée, finances, affaires étrangères, excusez du peu !) et qu’en Allemagne, 90 négationnistes déclarés siègent désormais au Bundestag (c’est le joli résultat de la casse sociale en Allemagne sous l’égide du SPD : pourquoi se gêner maintenant que l’ex-RDA ne force plus le capital ouest-allemand à des concessions sociopolitiques ?).
En sortir ou… « y rester » !
Bref, l’éternelle question qui nous est posée, à nous partisans du Frexit progressiste « mais comment ferez-vous pour assurer notre prospérité si la France sortait de l’UE ? », est de plus en plus déphasée, voire surréaliste. En effet,
- ce n’est pas demain qu’il faudra éviter la ruine si nous sortons de l’UE, c’est aujourd’hui, PARCE QUE nous sommes dans l’UE de par la volonté de l’oligarchie antinationale de France, que nos fleurons industriels achèvent de passer entièrement aux mains du capital étranger (STX, Alsthom, Airbus et bientôt Peugeot qui prépare une délocalisation géante avec l’aide de syndicats collabos), que notre agriculture paysanne sombre sous le coup des traités transatlantiques, que nos services publics d’Etat et notre Sécu agonisent, que notre pays renie jusqu’à sa langue (l’UE pousse de toutes les manières possibles au tout-anglais « transatlantique » ?). Ainsi se réalise, avec la complicité offensive du MEDEF et des gouvernements maastrichtiens successifs, ceux de Mitterrand (initialement soutenu par les « communistes » Fiterman et Cie), de Chirac, de Jospin (soutenu par les « communistes » Gayssot et Buffet), de Sarkozy, de Hollande, de Macron, le mot cynique de l’aristocrate Von Thadden. Longtemps chargé des relations franco-allemandes par Berlin, cet inquiétant personnage annonçait crûment naguère que « pour faire l’Europe, il faut un peu défaire la France». « Un peu » seulement, Herr Doktor ? Bref, « ce n’est pas si nous sortons de l’UE que nous ne nous en sortirons, pas, c’est au contraire si nous n’en sortons pas à temps que nous « Y RESTERONS », à tous les sens que comporte cette expression !
- Quelle sottise que de croire que si la France quittait l’UE, « elle serait isolée en Europe ». Quelle France, celle du peuple ou celle des financiers ? Et de quelle Europe s’isolerait-elle, de celle des oligarques, qui nous étranglent, ou de celle des peuples, qui vomissent comme nous la « construction » européenne ? Mais surtout, comme le rappelle souvent Léon Landini, président du PRCF, il suffit de considérer le poids et la situation géographique de la France en Europe pour saisir que si la France quittait l’euro et l’UE par la gauche, comme nous le proposons… IL N’Y AURAIT PLUS D’UNION EUROPEENNE ! Et non seulement ce ne serait pas une catastrophe pour les peuples, mais ce serait un immense appel d’air pour toutes les forces d’émancipation en Europe et bien au-delà. Comme dans la chanson d’Henri Salvador, les peuples pourraient enfin danser et chanter sur l’air de « Le lion est mort ce soir» ! Bien entendu, il ne s’agirait pas seulement de sortir et de ne rien faire en attendant que les forces euro-atlantiques et ses collabos de l’oligarchie « française » nous étranglent. Il faudrait reconstituer résolument les outils politiques, militaires, budgétaires, monétaires, diplomatiques, économiques, de notre souveraineté et de notre coopération avec TOUS les pays du monde, parler à nouveau, non pas seulement aux suzerains Trump et Merkel, mais, d’égal à égal, avec les peuples de tous les continents (à l’ALBA latino-américaine, aux pays frères de la Francophonie, mais aussi à la Chine, à la Russie, ), nationaliser le CAC-40 et les banques pour reconstruire le produire en France, aller à la transition écologique sous primat du secteur public reconstitué, impulser un développement sans précédent de la démocratie, y compris à l’entreprise, taxer fortement le capital en réduisant les inégalités, bref, OSER affronter le grand capital chez nous en suscitant ailleurs un nouveau Printemps des peuples ; non pas DANS l’UE, mais CONTRE cette prison des peuples, par et pour la fraternisation de tous les peuples libres et souverains !
Pour aller vers cela, nous ne pouvons attendre une éternité. Véritable « homme historique » de la défaisance française, Macron met les bouchées doubles pour détruire les acquis de 45 et de 36, détruire la séparation laïque de l’Etat et des cultes, démanteler la République indivisible (« pacte girondin »), casser la fonction publique d’Etat, les départements et les communes, instaurer l’anglais comme langue officielle bis (dans un premier temps). Bref, derrière ses slogans mirobolants en langue étrangère, « Choose France », « France is back », « Make the Planet great again », “One planet’s Summit”, l’ex-trader de chez Rothschild s’est mis en marche pour faire de la France un “couteau sans manche dont on a perdu la lame »…
Réveillons-nous avant qu’il ait tout cassé car une fois que l’Etat national issu d’un millénaire d’histoire et travaillé par pas moins de sept insurrections populaires majeures aura été écartelé, la défaite populaire sera consommée pour TRES longtemps. Car, comme disait Marx, « l’histoire ne repasse pas les plats ». Raison de plus pour que les militants d’avant-garde du mouvement populaire rejettent avec mépris les contes de fées sur « l’Europe sociale » dont l’usage est de bercer les peuples jusqu’à ce qu’ils aient perdu à jamais la force de s’insurger.
Voici un article qui dit bien des choses. Je pense, à vous lire, que votre vote, comme beaucoup d’autres communistes, lors des éléctions présidentielles dernières, s’est perdu dans le candidat à 1%, le seul qui défendait sans ambages ni incohérence ces trois voeux vitaux.. La graine est semée. Faisons là grandir, avant que l’eurofascime ne nous mettent en camp, avec les moyens les plus clairs existants. Faisons fi des Partis-clans et des partis aux appareils vendus au libéralisme et rejoignons nous sous une bannière unie FREXIT OTANEXIT €UREXIT.
Le PRCF a fait campagne pour la sortie de l’UE lors des présidentielles, appelant à utiliser le bulletin de vote Mélenchon.
100% d’accord avec votre analyse et vos propositions,mais attention ne laissez pas supposer que La France Insoumise et JL Mélenchon pourrait envisager sérieusement la double sortie UE-Euro. Pour eux c’est une posture destinée à capter des voix Souverainistes de Gauche au prochaines élections au Parlement Européen (qui ne sert à rien pour les citoyens!).
Méfions-nous de ceux qui en fait ne visent qu’une fonction tribunicienne,l’accession au Pouvoir pour changer réellement la vie des plus pauvres ne les intéresse pas ou alors ils trahissent le Peuple comme leur ancienne idole Tsipras.