Langue unique, pensée unique, marché unique, politique unique… voilà qui résume ce qu’est l’Union Européenne. Comment ne pas le voir lorsque Bruxelles décide, alors même que le Royaume-Uni ne fait plus parti de l’UE, de vouloir poursuivre l’imposition d’une langue unique, l’anglais, pour son fonctionnement. Une façon d’imposer le pouvoir culturel et politique des marchés financiers et de l’impérialisme dominant dont c’est la langue. Une attaque qui n’a pas échappé aux défenseurs de la langue française et de la diversité linguistique qui ont vivement interpellé la présidence de la République, garant de la Constitution dont l’article 2 proclame « La langue de la République est le français. »
C’est le monde à l’envers: alors que l’Angleterre achève de sortir de l’UE, les élites bruxelloises, sans la moindre réaction publique de Macron, cherchent à imposer l’anglais comme langue de travail « commune » (pour ne pas dire UNIQUE) des institutions européennes. Cela en violation totale des traités européens, qui évoquent pieusement le respect des cultures nationales, mais dans le but, cher au grand capital qui domine à Bruxelles, d’avancer vers la langue unique « transatlantique » et vers le marché unique mondial des marchandises et de la main-d’œuvre préparé par le CETA, et bientôt peut-être à nouveau, par le TAFTA.
Il est vital de dénoncer cette politique linguistique totalitaire qui peut s’avérer rapidement mortelle pour le français et pour les autres langues nationales d’Europe… voire du monde.
Or l’esprit n’a pas moins besoin de diversité que le vivant, car l’UNIFORMITÉ, C’EST LA MORT !
C’est dans cet esprit que nous publions la Lettre ouverte ci-dessous tout en remerciant ses signataires parmi lesquels figurent notre secrétaire général Matthieu Varnier.
Georges Gastaud, président de COURRIEL
Communiqué de Presse – 18 septembre 2020
Le Haut Conseil de la Langue française et de la Francophonie (HCLFF), créé le 18 juin 2020 à Paris, a adressé le 14 septembre à Monsieur le Président de la République française une lettre ouverte collective de ses cent personnalités membres, dont la liste est jointe, au sujet de la place post-Brexit du français et des autres langues officielles et de travail de l’Union européenne. Il lui demande solennellement d’informer officiellement le Conseil de l’UE de la décision de la France de tenir, pour sa part, compte du départ du Royaume-Uni, en :
– ne souffrant plus que ses administrations soient contraintes de travailler sur des documents de l’UE non traduits, et d’y répondre uniquement en anglais ;
– demandant que le Conseil revienne à l’esprit du règlement linguistique n°1 de 1958 modifié, et fixe lui-même le statut post-Brexit des langues officielles et de travail en Conseil des Chefs d’État, qui doit se prononcer à l’unanimité.
À Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République
Palais de l’Élysée, 55, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008
Monsieur le Président
Les personnes et associations portées dans la liste jointe se sont constituées le 18 juin 2020 en un réseau informel de la société civile française : Haut Conseil pour la Langue française et la Francophonie, afin de veiller collectivement à une meilleure application de la Constitution par tous les acteurs français. D’abord de son article 2 : « La langue de la République est le français », puis de son titre XIV, article 87, sur la participation de la France à la Communauté francophone.
Nous avions accueilli en 2017 avec un vif intérêt vos engagements de candidat pour le français et la Francophonie. De même le 20 mars 2018 lorsque, dans la présentation de votre politique, vous reprîtes les propositions des associations et leur projet (lancé en 2001) d’« Institut de la Francophonie » à Villers-Cotterêts, dont vous avez bien mis en place les moyens humains et financiers nécessaires à son inauguration en 2022.
Les signaux contraires émis en même temps par vous-même ont été publiquement critiqués, y compris par les associations. Mais nous avons voulu croire qu’ils ne l’emporteraient pas sur votre rôle et votre volonté de Président de promouvoir les intérêts fondamentaux de la France et de sa civilisation. Ainsi nourrissons-nous l’espoir que vous les ferez prévaloir face à des évolutions dangereuses, dont la plus immédiate découle du vote du Brexit du 23 juin 2016.
Le Conseil de l’Union a adapté aux nouveaux entrants son règlement n°1 de 1958 sur les langues officielles et de travail. Après le Royaume-Uni, l’Eire fut le seul à déclarer l’anglais langue officielle pour l’UE, mais ajouta son gaélique. Le Conseil ne peut ignorer que le Brexit fragilise le statut actuel de l’anglais officiel, et surtout de travail.
Or, un puissant mouvement s’est développé pour, au contraire, le conforter. Voire le promouvoir comme « langue commune » de fait. En invoquant sa domination conquise depuis 46 ans grâce à l’opiniâtreté des nouveaux, et au laxisme persistant des anciens. En osant même plaider que l’anglo-américain deviendrait « neutre » en UE : une sorte de commode et consensuel « volapük ». Mme Ursula von der Leyen ne donne-t-elle pas déjà le ton à Bruxelles en n’employant plus guère que l’anglais, « hégémon » mondial, sans réaction française.
Monsieur le Président, c’est d’abord de la France qu’est attendue partout l’opposition à cette « langue commune », réduisant à une les trois « de travail » du règlement n°1.
Vous en avez le pouvoir. Le moyen consisterait à informer officiellement le Conseil de l’UE de la décision de la France de tenir, pour sa part, compte du Brexit, en :
– ne souffrant plus que ses administrations soient contraintes de travailler sur des documents de l’UE non traduits, et d’y répondre uniquement en anglais ;
– demandant que le Conseil revienne à l’esprit du règlement n°1, et fixe lui-même le statut post-Brexit des langues officielles et de travail en Conseil des Chefs d’État.
Monsieur le Président, votre position aura des effets et un retentissement considérables. Elle peut se hisser à la hauteur des grands « non » lancés au nom de la France : 1940 à la capitulation ; 1944 à l’AMGOT, 1966 à l’OTAN militaire, 2003 à G.W. Bush en Irak ; 2005 à la « Constitution européenne » cette fois par le peuple lui-même.
Monsieur le Président, à votre tour, vous tenez en vos mains le destin de la France. Pour le français, les cultures en Francophonie, et pour l’Europe, vous seul pouvez dire « non » aux menées impériales, soutenues par certains milieux français.
Monsieur le Président, nous vous en prions : empêchez cette promotion post-Brexit de l’anglais à Bruxelles ! Elle serait un abandon d’intérêts fondamentaux, une forfaiture au regard des devoirs de tous les États membres d’affirmer leur langue nationale, surtout lorsqu’icelle a une dimension mondiale. Elle serait un « écocrime » de l’Union contre la diversité des langues et cultures, donc contre la civilisation.
Veuillez, Monsieur le Président, recevoir l’expression de notre vif espoir en votre volonté et votre pouvoir d’agir, et de notre très haute considération.