NE PAS FAIRE DANS LA DENTELLE AVEC LE TAFTA .
TAFTA : Avec la visite d’Obama en Allemagne venu mettre la pression pour terminer les négociations secrètes entre l’Union Européenne et les USA autour du Grand Marché Transatlantique, la presse française souligne les petites divergences entre Paris, Berlin et Washington. « Je n’approuverai aucun traité qui prévoit un tribunal d’arbitrage privé » tonne ainsi l’allié social démocrate du PS français et d’Angela Merkel Sigmar Gabriel, résumant la position US à un « achetez américain », Angela Merkel ajoutant « achetez allemand, c’est bien aussi »… A Paris, Matthias Fekl le secrétaire d’état au commerce déclare avec une belle langue de bois vouloir rejeter tout accord aux rabais.
Ces petites piques ont le mérite de révéler les contradictions inter-impérialistes entre l’Allemagne, suivie par la France, et les USA, au moment ou dans le dos des peuples s’ouvrent à New York le 13 cycle de négociations du TAFTA depuis 2013. Des négociations toujours tenues secrètes et dont les peuples sont soigneusement tenus à l’écart.
Mais derrière les slogans de façades, les mêmes dirigeants européens à Paris et Berlin n’ont pas levé le petit doigt contre l’accord économique et commercial global (AECG, ou CETA) avec le Canada, négocié également par la Commission Européenne et qui devrait être soumis à ratification définitive au tout début 2017. Un accord qui annonce ce qu’est le TAFTA et qui prévoit la création d’une Cour des investissements qui pourra être saisie des plaintes des investisseurs. Ce qui n’est rien moins… qu’un tribunal d’arbitrage privé. Ouvrant déjà la porte aux quelques 40 000 entreprises américaines disposant de filiales implantées au Canada pour attaquer l’Europe le cas échéant. Mieux, ce que reprochent en réalité Hollande, Valls et Fekl ou Merkel et Gabriel, c’est que les Américains ne soient pas aussi stupides que les Européens, qu’ils refusent d’ouvrir unilatéralement et totalement leurs marchés publics aux entreprises européennes. Et leur accents altermondialistes cachent mal que ce vers quoi pousse la Commission Européenne c’est encore et toujours plus de libéralisme.
En réalité, l’horreur économique du Grand Marché Transatlantique – que les tenants du tout-anglais ne savent nommer qu’en américain « TAFTA » – serait telle que non seulement les nations perdraient tout vestige de souveraineté sur leurs politiques industrielles, agricoles, budgétaires, sociales, culturelles, linguistique (anglais partout et pour tous, éradication rapide des langues et cultures nationales), mais que des tribunaux supranationaux pourraient juger des Etats quand ces derniers se risqueraient à museler les activités des transnationales.
Pas étonnant que Bruxelles et Washington encadrent d’un total secret les négociations, qu’Hollande refuse de parler du TAFTA (trop impopulaire fait savoir l’Elysée !) ou que la commissaire européenne en charge du TAFTA revendique se contreficher de la démocratie (« je ne tiens pas mon mandat des peuples européens » !). Si on demandez l’avis des travailleurs, il est évident que ces derniers opposeraient un non catégorique à la création de ce grand marché transatlantique. Et sans aucun dite leur réponse serait la même s’agissant de l’Union Européenne.
STOP UE c’est STOP TAFTA : Entretien avec Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF
Initiative Communiste : Alors qu’Obama et la Commission Européenne pressent les capitales européennes de finaliser le Grand Marché Transatlantique instituer par un nouveau traité de libre échange, le TAFTA comment comprendre les critiques de ces derniers jours entendues à Berlin ou Paris ?
Georges Gastaud : Comme tout traité supranational (et non pas INTERnational), le Grand Marché Transatlantique nie la souveraineté que des nations DOMINEES, non des Etats-nations dominants, ici les USA, qui conservent la main sur leurs marchés publics (on appelait cela jadis des « traités inégaux») : il s’agit donc bien d’un avatar, non de l’ « ultralibéralisme », mais du capitalisme monopoliste d’Etat et des relations inter-impérialistes à l’échelle transcontinentale. Le libre-échange commercial est à sens unique, la concurrence est en réalité, NON libre et GRAVEMENT FAUSSEE ; elle n’est, comme nous l’avons dénoncé au sujet de la zone euro/mark et de son articulation à la zone dollar, qu’un crypto-protectionnisme continental ou transcontinental des monopoles capitalistes, et centralement, des monopoles américains, secondairement, des monopoles allemands et franco-allemands qui, en quelque sorte, se « vengent » sur l’UE du Sud et de l’Est avec la bienveillance du maître yankee. Cela dit, la politique d’austérité liée à l’euro ayant mis l’UE en crise et l’Allemagne connaissant de ce fait une baisse dangereuse de son carnet de commandes en Europe, les rivalités entre la RFA et les USA s’aiguisent, chacun voulant pénétrer les chasses gardées de l’autre, avant tout – CME oblige ! – les marchés publics, la protection sociale, les retraites, etc.. Et cela occasionne de sourdes divergences au sein de la coalition gouvernementale allemande (Merkel et Gabriel, le ministre du SPD, plus « protectionniste »). Bref, comme l’avait compris Lénine, les tendances à l’hyper-impérialisme transnational (l’ainsi-dite « mondialisation », ou la cartellisation européenne) et désormais, transcontinental, n’éliminent pas les tensions inter-impérialistes fauteuses de guerres, en dernière analyse, elles exacerbent la conflictualité.
Initiative Communiste : Que penses tu de l’impact concret pour les ouvriers, les paysans, les salariés du TAFTA ?
Georges Gastaud : Socialement parlant, le GMT est tourné, d’une part contre le monde du travail, salariés, mais aussi artisans, petits commerçants, paysans, puisqu’il va exacerber le « moins-disant social » en permettant de dynamiter les protections sociales que l’UE n’a pas encore arasées. Il vise d’autre part le petit et moyen capital puisque les appels d’offres transcontinentaux détruisent l’idée même d’un marché national et d’un marché local. Et bien évidemment, les plus ciblés seront les travailleurs des PME sur lesquels leur patrons tenteront de reporter la facture : la loi El Khomri et son inversion de la hiérarchie des normes arrive donc à point nommé. Une fois encore, sous l’apparence d’un libéralisme concurrentiel et débridé, la dé-segmentation générale des marchés, et même ici et là une dose de concurrence supplémentaire, ne fait qu’avantager les MONOPOLES capitalistes, et parmi eux, ceux des pays dominants.
Initiative Communiste : Et sur le plan culturel ? l’exception française qui est tant vantée par les milieux intellectuels en France qui bien souvent sont aussi parmi les soutiens de l’Union Européenne pourra t elle survivre à ce traité de libre échange imposé par l’Union Européenne ?
Georges Gastaud : Culturellement parlant, le GMT signifie la mort des langues nationales (arasées, dès aujourd’hui, par le tout-anglais impérial) et des cultures nationales (chanson, cinéma, organisation de l’université et de la recherche, tout sera tiré vers le bas par l’américanisation). Aucun baratin sur l’ « exception » culturelle ne doit ici être de mise : comment en effet « la » culture pourrait-elle être épargnée si la civilisation est marchandisée dans son ensemble? En quoi en outre la manière de vinifier le raisin, de fabriquer un parfum ou de produire une carlingue échapperait-elle à la « culture » ? Et pourquoi l’activité des intellectuels dits créatifs serait-elle protégée tandis que le travail non moins noble de l’ouvrier, de l’ingénieur, du paysan, du chercheur, serait abandonné au tout-GMT ? Écrasante est aussi la responsabilité d’une certaine gauche « radicale » qui feint de combattre le traité sous le slogan « Stop TAFTA ! ». Comment combattre l’uniformisation économique en portant un slogan libellé en globish, ce langage « distinctif » des élites planétaires qui méprisent la langue parlée par le peuple leurs pays respectifs (sauf une) ?
POUR NE PAS ENTRER DANS LE GRAND MARCHE TRANSATLANTIQUE, LE MIEUX EST DE SORTIR DE L’EURO, de l’UE et de l’OTAN !
Initiative Communiste : Comment empêcher ce Grand Marché Transatlantique que la Commission Européenne et la classe capitaliste sont en train d’imposer aux peuples, sans aucun mandats démocratiques, par la force ?
Georges Gastaud : LA MEILLEURE FAÇON DE NE PAS ENTRER EST… D’EN SORTIR : sortir sur le champ des négociations sur le GMT, mais plus encore, claquer la porte de la zone euro et de l’UE qui négocie dans notre dos. Loin de faire obstacle à l’impérialisme américain, l’UE – pour laquelle Obama fait indécemment campagne en plein référendum sur le « BR.EXIT » – est le SAS qui conduit de la dissolution de l’Etat-nation et des droits sociaux y afférents, au GMT dont la police mondiale se nomme OTAN.
Hollande, assez de baratin sur la « protection de notre modèle social et culturel » que vous les attaquez tous deux de mille manières, notamment en arasant le Code du travail ou, tout dernièrement, en augmentant les quotas de chanson anglophone sur les radios. Ne mettons pas les pieds dans le GMT, sans quoi il faut se faire du souci car ceux-là même qui aujourd’hui nous disent si sottement qu’il faut « réorienter l’Europe » ou « gérer autrement » l’euro, nous expliqueront demain, si le GMT « passe », qu’il faut « refonder le TAFTA sur des bases progressistes ». Et ils trouveront toujours pour cela un Parti de la Gauche Euro-atlantique assortie d’une Confédération Transatlantique des Syndicats…
Georges Gastaud a publiéen 2015« Marxisme et universalisme, classes, nations, humanité » (éditions Delga). Ainsi que de « Lettres ouvertes aux bons français qui assassinent la France » et de « Mondialisation capitaliste et projet communistes » (1997) aux éditions Le temps des cerises