Une fois n’est pas coutume, un reportage de Cash investigation – l’émission d’enquête de Elise Lucet sur France 2 – montre à la télévision la réalité du dumping social créé par l’Union Européenne en s’intéressant à la question des travailleurs détachés.
Un reportage à voir et faire voir pour dénoncer les ravages anti sociaux de l’Union Européenne. Démontrant par l’exemple que l’Union Européenne, pour s’en sortir, il faut en sortir !
Avec la directive « détachement des travailleurs », l’Europe a inventé la délocalisation près de chez soi. Un travailleur détaché, c’est un Européen qui vient exercer son métier en France. Les conditions ? Le patron doit lui payer un salaire français et prévoir de quoi le nourrir et le loger. L’avantage ? Les cotisations sociales sont payées dans le pays d’origine. En France, c’est 38% en moyenne de cotisations patronales, alors qu’en Roumanie, c’est 27%, au Portugal 23%, et en Pologne tout juste 18%… Ce « dumping social » est une aubaine totalement légale pour les employeurs.
Aujourd’hui, on compte officiellement 230 000 travailleurs détachés en France, 30 fois plus qu’il y a quinze ans. Et certains patrons n’hésitent pas à frauder ce système déjà avantageux : ils imposent des salaires au rabais et des horaires de forçat à cette main-d’œuvre docile, qui n’est parfois même pas déclarée. La perte sèche de cotisations pour le système de protection sociale est estimée à 400 millions d’euros. « Cash Investigation » dévoile les méthodes des entreprises pour casser le prix du travail.
Un Meccano à échelle européenne
L’enquête démarre à Dunkerque, sur le chantier d’un terminal méthanier piloté par EDF. Sophie Le Gall a découvert que des ouvriers roumains trimaient jusqu’à 55 heures par semaine, pour moins que le Smic. Certains mois, ils ne sont même pas payés… Des entreprises pourvoyeuses de main-d’œuvre se sont fait une spécialité de ce « détachement frauduleux ». La championne européenne toutes catégories s’appelle Atlanco, une entreprise irlandaise d’intérim qui fournit des travailleurs low cost à toute l’Europe, notamment dans l’agroalimentaire ou le BTP. Parmi ses clients, on retrouve des mastodontes comme Bouygues. L’entreprise irlandaise a fait signer des contrats de travail chypriotes écrits en grec à des ouvriers polonais pour travailler en France… Un jeu de Meccano social dans lequel des milliers de salariés ont été bernés et des millions d’euros de cotisations sociales sont partis en fumée.
Fraude sociale et travail dissimulé
Le chantier de l’EPR de Flamanville, le plus grand chantier français de Bouygues, est un exemple emblématique de cette fraude à grande échelle. Une partie des salariés fournis par Atlanco n’étaient pas déclarés. Le préjudice s’élève à de plus de 2,5 millions d’euros pour l’Urssaf. Autant de moins pour les retraites, les allocs, la sécu ou le chômage… Condamné en première instance pour « travail dissimulé », le groupe Bouygues a écopé d’une amende de… 25 000 euros. Un montant 100 fois moins important que les cotisations non versées ! En France, l’ardoise d’Atlanco s’élève à 23 millions d’euros en cotisations et impôts impayés.
Les forçats de la route
Pour le dernier volet de l’enquête, il faut prendre la route. Avec l’ouverture du marché européen, une entreprise française peut sous-traiter le transport d’une cargaison allemande à une firme italienne avec un camion belge conduit par un chauffeur polonais… Dans cet imbroglio de nationalités et de réglementations, les contrôles sont peu efficaces et les chauffeurs européens sont devenus des forçats de la route. Des « esclaves modernes », selon ce chauffeur roumain « détaché » en France qui touche un salaire de 237 euros brut par mois, vit dans son camion et passe ses week-ends sur le parking de son entreprise, faute de pouvoir rentrer chez lui. Son employeur ? Geodis, une entreprise française filiale de la SNCF… Le grand scandale des salariés à prix cassé touche aussi les fleurons du secteur public.
« Salariés à prix cassé : le grand scandale », une enquête de Sophie Le Gall