Bruno Drewski, universitaire maitre de conférence à l’Inalco et spécialiste de la Russie et des pays de l’Est dans une interview, diffusée ce jour par France Info alerte contre le risque de guerre mondiale alors que les USA avec leurs instruments que sont l’OTAN et l’UE accroissent la tension en Ukraine.
On ne peut que se réjouir d’entendre ainsi une voix éclairée et factuelle pour rappeler l’enjeu primordiale de la paix. Cela change un peu du tapage général délirant, Le Monde en tête , sur la Russie sur le point d’envahir la malheureuse Ukraine pacifique, heureusement soutenue par ses bienfaiteurs occidentaux et démocratiques. Passant sous silence le coup d’état d’extrême droite d’Euro Maidan , célébrant ouvertement le régime des collaborateurs nazis et génocidaires, qui a plongé l’Ukraine dans le chaos pour la rapprocher par la violence de l’OTAN, de l’UE et des USA. Et la guerre qui a ensuite été menée pour réduire sous les bombes l’opposition à ce coup d’état des ukrainiens, tout particulièrement la forte majorité russophone se situant à l’est du Dniepr, tout particulièrement dans le Donbass.
Il ne nous manque plus, sur les ondes françaises, qu’une interview sereine et intelligente sur l’intention américaine de bousiller le SWIFT et de lancer ainsi, comme disent les Allemands eux-mêmes, « une bombe atomique pour les marchés de capitaux », https://www.german-foreign-policy.com/news/detail/8815/
En effet Washington souhaite déconnecter la Russie de ce système de transaction interbancaire basée à Bruxelles, placé au demeurant sous espionnage permanent des USA (accord SWIFT II). Depuis 2014, la Russie, la Chine l’Iran, ou encore la Turquie travaille à la connexion de leurs systèmes domestiques de transit interbancaires en réponse à la menace formulée en 2014 d’une utilisation dans un régime de sanction de la déconnexion du système SWIFT.
franceinfo : Est-ce qu’une attaque russe est possible à tout moment ?
Bruno Drweski : Non, je ne pense pas parce que sinon, elle aurait eu lieu il y a longtemps. Je ne pense pas que la Russie ait, en ce moment, vraiment intérêt à prendre le contrôle de l’Ukraine vu la situation économique de l’Ukraine. Je pense en revanche que la Russie fait pression pour avoir des négociations globales, l’Ukraine n’étant qu’un élément dans le jeu international.
Pour les Russes, il s’agit de rétablir un équilibre entre la Russie, les États-Unis et l’Otan. L’Ukraine n’est qu’un terrain d’exercice, parmi d’autres, un des premiers terrains d’exercice entre les deux superpuissances.
À qui Poutine adresse-t-il ce message ?
Il l’adresse aux États-Unis considérant que l’Otan n’est qu’un instrument des États-Unis. Ce qui explique évidemment pourquoi il a décidé de négocier directement avec Washington. Ce qui peut évidemment fâcher les Européens, qui aimeraient être de la partie. Mais pour le moment, Poutine vise très certainement les États-Unis pour essayer d’obtenir un accord global sur beaucoup de questions, en particulier, évidemment, sur la question de l’élargissement de l’Otan qu’il n’accepte pas.
Le tête-à-tête prévu vendredi entre Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, est déjà une victoire pour Moscou ?
Une victoire pour Moscou, mais plus largement une victoire pour le bon sens parce que de toute façon les deux puissances sont condamnées à s’entendre. Si elles ne s’entendent pas, c’est la guerre, pas seulement en Ukraine, cela peut être la guerre mondiale. Or, j’ose espérer qu’aucun des deux protagonistes ne souhaite une guerre nucléaire. La Russie demande un traité bannissant tout élargissement de l’Otan, en particulier à l’Ukraine et à la Géorgie et que les Américains et leurs alliés renoncent à organiser des manœuvres des déploiements militaires en Europe de l’Est.
La Russie peut-elle obtenir gain de cause ?
Ils ont placé la barre très haut en Ukraine et déclaré qu’après tout, ils pourraient aussi placer des troupes russes à Cuba pour rappeler que l’on peut aussi se rapprocher des frontières des États-Unis. C’est évidemment la preuve d’un langage de fermeté extrême dans le but de créer un rapport de force qui aboutisse grosso modo à un compromis comparable à celui qu’on avait eu dans les années 1960, lors de la crise de Cuba.
Quel jeu peut jouer l’Europe ?
Pour le moment, les Européens sont effectivement assez largement absents. Vladimir Poutine, à plusieurs reprises, a manifesté sa condescendance à l’égard des Européens qui, selon lui, ne prennent pas assez d’indépendance. Ils souhaitent sans doute que l’Europe devienne à long terme un autre partenaire. Mais pour le moment, il laisse entendre que les Européens devraient montrer une politique plus indépendante, plus autonome par rapport à Washington.