Alors que nous rendions compte de l’offensive des forces armées de Kiev et de l’OTAN sur la rive droite du Dniepr contre Kherson la semaine dernière, nous indiquions la possibilité également d’une offensive à l’Est de Kharkhov dans le secteur stratégique d’Izium sur la rivière Seversky Donetsk. Différentes informations indiquant de fortes concentrations de forces dans le secteur de Kharkhov. Celle-ci a eu lieu ces derniers jours et tourne contrairement à l’oblast de Kherson à une défaite d’ampleur pour l’armée russe.
Une offensive planifiée et annoncée
Cette offensive n’est pas une surprise. D’une part une grande opération de contre-offensive de Kiev avait été annoncée par le régime et l’OTAN pour l’été à la faveur des livraisons d’armes massives apportées par l’OTAN et de la formation de dizaines de milliers de soldats assurés par l’OTAN sur le sol de l’Union Européenne. D’autre part, le commandement de l’armée britannique, porte-parole officieux des actions militaires de l’OTAN qui assure la conduite stratégique et le commandement effectif du champ de bataille, avait à plusieurs reprises exposé la stratégie qui serait poursuivie : le lancement d’attaques combinées sur plusieurs secteurs espacés du front afin de déstabiliser le commandement russe et de fracturer son dispositif défensif. Il s’agissait de mettre tout à la fois à profit la très forte supériorité numérique des forces de l’OTAN en Ukraine qui profitent d’une armée forte de près d’un demi-million de soldats en arme (sans compter l’appui en renseignement et en logistique apporté directement par les armées de l’OTAN) au regard de la dispersion des forces de la Russie et de ses républiques du Donbass qui ne peuvent tenir de façon forte avec moins de 150 000 soldats les 1100 km de front, mais également de profiter des faiblesses stratégiques constatées dans le dispositif russe : difficulté à assurer des offensives combinées sur plusieurs points d’attaques simultanées, difficultés à déplacer d’importante réserves de façon importante, incapacité à opposer une domination complète dans les airs obligeant à une tenue statique du front reposant sur la lourde logistique d’un barrage permanent d’artillerie. Mais également une intervention militaire russe de portée limitée au regard de son absence d’intervention systémique sur l’infrastructure de la machine de guerre de l’OTAN en Ukraine, à savoir sa capacité à y livrer au plus près du front des blindés, des canons, des missiles mais aussi du carburant et approvisionnement. Pour ne donner qu’un exemple, alors que l’OTAN a entrepris de détruire de façon systématique et préalablement à ses attaques les ponts des territoires contrôlés par la Russie notamment ceux desservant Kherson sur le Dniepr, l’armée russe n’a procédé à la destruction d’aucun des ouvrages du Dniepr.
Un effondrement du front sur 150 km: l’armée russe obligée de quitter en 4 jours la rive gauche de la rivière Oksol
En 4 jours, à partir d’une offensive lancée depuis l’Est de Kharkhov à partir de la ville de Chugev et de celle d’Andriivka où était massé un corps de bataille estimé à plus d’une dizaine de milliers de soldats très fortement armés, en missiles portatifs antichars et antiaériens, en véhicules blindés et en artillerie de forte puissance (obusier panzer, lances missiles multiples HIMAR), l’armée de Kiev a pénétré dans le ventre mou du front entre les villes d’Izium et de Koupiansk.
Koupiansk est le centre logistique de la partie nord du front du Donbass, ville prise dès le premier mois de l’intervention russe et à partir de laquelle a été développée une difficile offensive pour prendre après plus de deux mois de combats acharnés la ville d’Izium et y établir le premier franchissement de la rivière Severski Donestk. Izium devient alors le centre des forces russes menant l’offensive pour couper les routes d’approvisionnement de Slaviansk et Kramatorsk, tandis que Koupiansk qui abrite un important nœud ferroviaire en est le centre logistique d’approvisionnement.
Après deux jours de combats acharnés autour de la ville de Balaklia, les forces blindées ukrainiennes pénètrent et occupent l’intervalle entre les deux villes, cette espace ne comprenant pas de forces russes. Atteignant rapidement la rivière Oksol où elles sont stoppées au pont de Senkove. Forte de cette percée, l’offensive s’active à prendre le contrôle de l’autoroute Chugev-Koupiansk le 8 avec d’intenses combats de retardement de l’armée russe sur Schevchenkove, et atteint les limites de Koupiansk dans la journée du 9 septembre. Une frappe de missiles détruit l’unique pont sur la rivière Oksol, obligeant l’armée russe à se retirer sur la rive gauche. À partir de ce moment, le front d’Izium est isolé, ne pouvant plus être approvisionné que par les deux fragiles routes de Goroshovatka où des combats ont lieu le 9, et Oksol. Prise de vitesse, l’armée russe ne peut déployer ses réserves que sur la rive gauche de la rivière Oksol et peine à organiser les combats de freinage nécessaire à l’organisation du retrait d’Izium, ne pouvant mobiliser que de spectaculaires mais très limités déploiements par hélicoptères de ses forces parachutistes.
Dans ces conditions, l’armée russe est obligée sous peine d’encerclement de se retirer d’Izium. Cela d’autant plus que les forces de Kiev réussissent sans difficulté à franchir le pont de Raigorodok pour attaquer la ville de Lyman et menacer ainsi de couper la route d’Oksol par le sud. De fait, dans ce secteur, l’armée russe est renvoyée à ses positions de la fin avril.
Il s’agit d’une défaite stratégique majeure pour l’armée russe. À ce stade, il est difficile d’apprécier les pertes de part et d’autre, mais la défaite stratégique est évidente au regard de l’ampleur du territoire perdu (2000km² soit la totalité des gains territoriaux de 3 mois d’offensive russe), mais surtout de la perte de la position stratégique d’Izium brisant les possibilités d’encerclement par l’ouest sur le principal point de concentration des forces militaires ukrainiennes dans le Donbass, Kramatorsk Slaviansk.
Bien sûr dans le même temps, l’armée russe aura infligé pour le moment une lourde défaite contre l’offensive massive lancée contre Kherson, et gagné des positions importantes dans l’est sur le front de Donestk et Artemisk. Cependant, le retentissement de cette défaite démontre des faiblesses de l’armée russe, tout particulièrement d’un strict point de vue militaire dans l’incapacité de sa force aérienne à assurer des fonctions offensives ou défensives de façon décisive, mais également les faiblesses du régime capitaliste russe.
Surtout cette défaite livre la population de 2000 km² de territoire à la junte de Kiev. Une junte qui a pris des lois condamnant à 15 ans de prison n’importe lequel des résidents ukrainiens qui n’aurait, ne serait ce qu’accepter l’aide humanitaire alimentaire délivrée par la Russie. Une population qui avait adopté le passeport russe et qui est donc poussé par millier sur les routes pour se réfugier en Russie.
La carte suivante présente l’avancée des forces de Kiev
Se mobiliser pour la paix
Dès le déclenchement de l’intervention militaire russe en Ukraine, dans sa déclaration du 24 février 2022, le secrétariat du PRCF pointait évidemment les responsabilités écrasantes de l’Axe impérialiste euro-atlantique dans la guerre, et tout particulièrement celle du régime fascisant et pro-nazi établi à Kiev par le bloc USA-UE-OTAN. Tout en ne masquant rien de la nature du régime contre-révolutionnaire de Poutine et du danger résultant de l’escalade militaire avec le bloc exterministe constitué par l’OTAN . Le comité central du PRCF confirmait dans sa déclaration du 3 mars que « Vladimir Poutine a pris une décision grave avec le risque de conséquences « disproportionnées et inconsidérées », surtout en cas d’enlisement du conflit qui pourrait dès lors se révéler encore plus meurtrier pour les travailleurs et les citoyens d’Ukraine, aussi bien de l’Ouest que de l’Est«
Après 6 mois d’une guerre, dont les objectifs politiques et militaires russes ne manquent pas d’interroger par leur flou, force est de constater que l’escalade de la guerre est permanente et fait peser un danger croissant. L’Axe USA-UE-OTAN qui affiche sa volonté de se battre jusqu’au dernier Ukrainien pour liquider la Russie et avec elle toute contestation de l’hégemonie de Washington par un monde multipolaire a démontré avec le bombardement de la centrale nucléaire de Zaporizhia qu’il est prêt à mettre en danger l’humanité dans une nouvelle catastrophe nucléaire. De fait la défaite lourde subie par la Russie à Izium – au delà de sa signification militaire dont on pourrait penser au regard de l’histoire qu’elle pourrait n’être qu’un phénomène sans importance si l’on se souvient des aller et venues sur ce même front durant la seconde guerre mondiale – risque de façon très dangereuse d’augmenter le niveau de confrontation des forces de l’OTAN contre la Russie. Grisé par ses victoires à Kiev et Izium l’OTAN pourrait ainsi intensifier sa guerre directement contre la Russie, notamment en Crimée.
C’est pourquoi l’urgence absolue est à défendre la paix. La défendre ici et maintenant d’abord et prioritairement en refusant que les travailleurs payent la guerre comme ils le font actuellement par l’effondrement des salaires, l’inflation galopante, la liquidation de leurs usines faute d’énergie, et de leurs services publics, les budgets allant aux trains de blindés et de missiles déversés sur l’Ukraine , de leurs droits sociaux, mais aussi l’accélération par l’ambiance guerrière de la fascisation (n’entend-on pas parler de procès contre une ex-ministre PS ayant osé appeler à la paix ?). La défendre aussi en faisant prévaloir les conditions de la négociation dans le cadre fixé par les accords de Minsk I et II ainsi que de l’accord 2+4 de 1990. Et la défendre encore en faisant de la France une force de paix, en sortant de la machine de guerre impérialiste qu’est l’OTAN.
JBC pour www.initiative-communiste.fr