Invité de RT France, Aymeric Monville, écrivain, éditeur, secrétaire de la commission internationale du PRCF, commente la crise qui agite le microcosme de l’Union Européenne autour de la nomination des personnalités du nouvel exécutif de l’Union Européenne. Une crise qui démontre la main mise de l’impérialisme allemand sur les postes de décisions des institutions européennes. Une crise qui démontre également le caractère profondément anti-démocratique de l’UE, ainsi que le rôle de postiche du parlement européen, croupion sans aucun pouvoir réel, boycotté massivement par les électeurs.
De fait, pour la démocratie et la coopération internationale, une solution s’impose, sortir, et vite de l’Union Européenne, qui n’est, comme le souligne A. Monville, » que le moyen pour imposer l’austérité aux peuples. »
L’interview de A Monville
RT : Bonjour Monsieur Monville, alors une très mauvaise image pour l’Europe, c’est ce que dit Emmanuel Macron, vous êtes d’accord avec ça?
AM : Oui, pour l’Union européenne en tout cas. En effet, il y a un côté indigne à voir ces négociations de marchands de tapis. Normalement en démocratie, les choses se tranchent par – vox populi vox dei – par la voie populaire, si un certain nombre de postes étaient ouverts à l’élection, cela se passerait mieux, mais alors l’Europe ne serait plus la même que celle qui a été conçue. Elle a tout de même été conçue non seulement dans un but de guerre contre l’Union soviétique et ensuite pour imposer la rigueur en Europe.
RT : Surtout qu’il y avait une règle. C’était le gagnant des élections, le PPE, qui remportait ce poste. Pourquoi vouloir annuler cette règle aujourd’hui?
AM : C’est vrai que le PPE s’est opposé aux prénégociations de Mme Merkel à la réunion d’Osaka du G20, où elle avait essayé d’évoquer un compromis mais qui allait complètement dans l’esprit de la politique allemande, ce qu’ils appellent « die grosse Koalition », la grande coalition, où la droite et la gauche s’unissent dans un bel unanimisme auquel l’histoire de l’Allemagne nous a habitués, lequel peut paraître sympathique mais qui, lorsqu’il prend un tournant militaire, mais peut revêtir des aspects inquiétants parce qu’il n’y a pas alors d’anticorps démocratiques au sein de la société allemande. C’est une société qui, certes, est très unie et unanime, mais quand on voit les syndicats qui négocient trop facilement avec le patronat, on se rend compte que de nombreux Allemands sont laissés sur le carreau. Donc cet esprit de « grande coalition » animait Mme Merkel et cela ne la gênait pas de proposer M. Timmermans à la présidence de la commission européenne. Mais elle a été désavoué par son propre parti, parce qu’il y a tout de même des logiques partisanes.
RT : Donc celui qui obtient gain de cause pour la commission est assuré, en tout cas, d’avoir les bonnes faveurs, pour poursuivre sa politique? C’est ce que vous voulez dire?
AM : Vous avez aussi le Parlement européen, qui est dirigé par le PPE, et qui va aussi élire un président. Mais là on parle de choses beaucoup plus sérieuses, on parle de la commission, le Parlement c’est pas sérieux, et puis des quatre postes importants, c’est-à-dire, outre la présidence de la commission européenne, celui du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères, celui du président du Conseil européen et celui de président de la Banque centrale européenne. La France laisse entrevoir qu’elle pourrait négocier de manière un petit peu plus dur sur la BCE mais à mon avis, il s’agit surtout pour M. Macron de sauver la face. C’est cela qui est très inquiétant, il ne faut pas croire que nos dirigeants vont sauver nos intérêts nationaux, souvent ils ne font que se défendre vis-à-vis de leurs électeurs. Et comme les questions essentielles, ce ne sont pas tellement ceux qui sont mis en valeur, ce sont surtout les secrétaires, le secrétaire générale de la Commission européenne qui est un Allemand, M. Selmayr, aussi le secrétaire général du Parlement depuis dix ans qui est un Allemand, M. Klaus Welle. De ce point de vue là, il semblait inenvisageable que ce fût un Allemand qui présidât la Commission européenne, ça ne pouvait pas aller pour l’image, mais dans les faits, les hauts postes sont détenus par des Allemands, alors que nous sommes dans une Europe à 28…
RT : Mais en tout cas leur nomination reste la prérogative des chefs d’Etat et de gouvernement.
AM : Personnellement, je ne suis pas de droite, mais vu qu’ils ont gagné les élections, on peut comprendre qu’il y a une logique démocratique. Après se pose la question de la légitimité de ce que représente ce Parlement qui de toute façon est depuis presque chaque élection européenne élu par seulement un électeur sur deux, parce que la plupart des gens ou bien se désintéressent de ces élections ou bien sont complètement opposés à ce processus européen. Et on comprend pourquoi. Cette logique du compromis par en haut, qui marque, comme on l’a vu, la politique allemande, trouve son pendant par exemple dans la tradition anglaise, dans l’esprit de sa dernière révolution, celle de 1688, où l’on a vu l’alliance de l’aristocratie et de la bourgeoisie contre le peuple. Tout cela c’est le compromis oligarchique. Ce n’est pas dans notre culture française. La culture française, c’est une culture d’inspiration jacobine marquée par l’alliance de la bourgeoisie progressiste et du peuple, sur la base de l’égalité des citoyens. C’est l’esprit national au sens de la Révolution française.
RT : Est-ce que c’est une crise qui va peut-être permettre de revoir le système des nominations selon vous?
AM: Ah, non, je crois que les contradictions ne cessent de s’aiguiser, la machine est lancée. Là, on est dans une crise qui est aussi importante que lors de la crise grecque, alors qu’il n’y a aucun élément extra-systémique qui vienne perturber les choses, il s’agit simplement de renouveler des postes, et un Monsieur qui était visiblement un peu trop porté sur l’alcool, parce que c’est cela qui fait qu’il ne peut pas se représenter.
RT : Vous parlez de qui?
AM : Jean-Claude Juncker. Tandis que Jacques Delors, José Manuel Barroso avaient été renouvelés deux fois, là ce n’est plus possible, donc il faut nommer quelqu’un pour la galerie et cela provoque une crise. On en est là. Et je n’ai pas parlé des contradictions géopolitiques au sein de l’Europe entre le groupe de Visegrad d’un côté et le reste de l’Europe de l’Ouest. Les premiers ne voulaient pas de la solution bancale avancée par Merkel et Macron pour sauver la face, c’est-à-dire la solution Timmermans. Tout cela ne fait que rajouter à la confusion.
RT : Donc des divergences profondes en Europe, c’est ce que vous dites en substance.
AM : Ces économies ne convergent pas, les peuples ont différentes traditions. Il est donc évident qu’une Europe supranationale ne peut qu’aller dans le mur.
RT : Merci beaucoup, Aymeric Monville, d’avoir répondu à nos questions sur RT France.
AM : Je vous en prie Madame.