« Nous sommes en guerre » affirmait il y a quelques semaines le premier ministre entre deux coups de menton… Il avait raison. Ce gouvernement, directement aux ordres du Medef et de l’UE, livre une guerre sans limite contre tous les acquis que le peuple avait su arracher lors de luttes mémorables et de rapports de force solidement installés, mettant sur la défensive le pouvoir patronal en 1936, en 1944-45 ou encore en 1968.
Tandis que les grosses entreprises et les gros actionnaires sont gavés de subventions publiques et autres exonérations, l’agriculture familiale comme l’artisanat sont laminés et les classes populaires condamnées à la dégradation continue de leurs conditions de vie : emploi, salaires, santé, logement, éducation, transports, culture, associatif, tout est passé à la moulinette euro-patronale pour construire une société du profit et de l’opulence d’un côté et pour le plus grand nombre de la précarité, de l’insécurité, de l’isolement, de la misère. Et les travailleurs comme ceux d’Air France ou de Goodyear qui entendent faire respecter leurs droits sont pourchassés, arrêtés et condamnés !
Il y a quelques mois, le ministre grec des finances avait vendu la mèche, révélant que derrière la Grèce, c’était directement la France, ses conquêtes sociales et son peuple frondeur qui étaient dans le collimateur de l’UE et des forces capitalistes dominantes, apparaissant comme le dernier verrou au totalitarisme du capital qu’entendent imposer les maîtres de l’Europe. Ce n’était d’ailleurs pas vraiment une révélation…
Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie avec la loi El Khomri précédée des lois Macron et du rapport Badinter (le mari de la milliardaire du même nom, celle qui préside le conseil de surveillance de Publicis). C’est tout bonnement le code du travail que le gouvernement entend brûler et avec lui les acquis de décennies de lutte, permettant au patronat d’exploiter ses salariés comme il le faisait au 19ème siècle et comme il continue à le faire en délocalisant. C’est la loi du capitalisme, la loi du marché, de l’Euro et de la « concurrence (soi-disant) libre et non faussée ».
Le pouvoir comptait sur le « syndicalisme rassemblé » et la complicité de certaines directions syndicales habituées à la compromission, CFDT en tête, et le très consensuel communiqué intersyndical des confédérations, le 23 février dernier semblait lui donner raison.
Mais il risque de tomber sur un os.
Cet os, c’est la colère populaire qui depuis quelques mois prend peu à peu la place du découragement. Le ras-le-bol de cette société de plus en plus inhumaine, des mensonges et contre-vérités proférés sans aucune pudeur par des médias complètement contrôlés par les forces de l’argent, de cette justice de classe qui condamne les syndicalistes mais qui annule les procédures contre les puissants, de cette France d’en-haut, des palais dorés et des beaux quartiers qui suinte de son mépris et de sa peur du peuple,… ce ras-le-bol est sensible dans tout le pays.
Il est prêt à se cristalliser à partir de l’attaque en règle que constitue la destruction du code du travail.
D’ores et déjà : de nombreuses organisations syndicales de base (jusqu’à des fédérations CGT) réclament la construction sans attendre du « tous ensemble » ; les organisations de jeunesse et d’étudiants semblent vouloir reprendre le chemin gagnant de la lutte contre le CPE en 2006 ; une pétition contre la loi El Khomri a été signée par des centaines de milliers de personnes ; un appel à la grève générale le 9 mars lancé sur internet et ayant lui aussi recueilli des dizaines de milliers de signatures en quelques jours a été repris à son compte par de larges secteurs de la CGT….
Dans le même temps, une grève est prévue le 9 mars à la SNCF et à la RATP, une autre est en préparation dans la FP pour le 22 mars, tandis que les organisations syndicales nationales semblent vouloir opter de manière très floue pour une « journée d’action » le 31 mars. Sans oublier bien sûr les nombreuses initiatives des comités Goodyear un peu partout dans le pays et qui appellent à lier la défense des libertés démocratiques et syndicales à la construction d’un « tous ensemble » si nécessaire.
Dans ce contexte de montée des luttes, oui la France des travailleurs, celle qui de la Révolution Française à 1968 ou 1995 en passant par la Commune ou la Résistance fait peur aux puissants, peut mettre un coup d’arrêt à l’offensive de « l’aristocratie des riches » comme l’appelait déjà Robespierre.
L’expérience des 20 années de défaites successives doit être un guide pour l’action. Pas question que se répètent les précédents de 2003 ou 2010 où le syndicalisme de sommet avait dès le départ annoncé qu’il ne voulait pas bloquer les profits, où les journées d’actions avaient été espacées et les secteurs en pointe laissés isolés et sans soutien. Les manœuvres de la CFDT ont déjà commencé et le report annoncé du texte doit être l’occasion d’approfondir la mobilisation, pas de laisser le temps au gouvernement et au syndicalisme d’accompagnement de faire diversion.
Pour gagner contre les régressions en cours, contre ce pouvoir qui s’assoit sur ses promesses de campagne et la souveraineté populaire et qui envoie nos camarades de la CGT Goodyear en prison, c’est un mouvement tous ensemble en même temps, comme en 1936, que nous devons préparer en faisant converger la colère et les revendications, en associant toute les forces syndicales, associatives, politiques prêtes à se jeter dans la bataille, en s’assurant que la volonté de ceux d’en bas soit suivie par ceux qu’ils ont chargés de les représenter.
Face aux immenses périls qui menacent les travailleurs, l’heure des grandes mobilisations a sonné.
Pour le 9 mars et ce printemps 2016, faisons monter ces mots d’ordre : « Tous ensemble » contre la casse du code du travail qui soumettrait totalement les travailleurs au patronat, contre la politique euro-formatée du gouvernement et du Medef, pour les libertés syndicales, pour commencer à avancer à nouveau sur la voie d’une société fraternelle, basée sur les besoins et les aspirations du peuple.
A partir du potentiel de résistance encore bien vivace dans le pays comme en 2003, en 2010 ou en 2005 avec le Non populaire à la Constitution européenne, construisons le « tous ensemble » pour gagner et ouvrir enfin des perspectives progressistes !