Georges Gastaud, Secrétaire National du P.R.C.F et Philosophe répond aux questions de la rédaction d’initiative-communiste.fr au sujet de l’actualité.
I.C. – Face à l’affrontement de classes qui se durcit entre le pouvoir macronien et le mouvement populaire, quelle issue progressiste possible ?
G.G. – Il faut d’abord voir très précisément ce qu’est la nature de classe de ce pouvoir.
Grossièrement antisocial (code du travail, statuts, retraites, produire en France, services publics, tout y passe !), le pouvoir LAREM est également antinational et, par certains aspects de plus en plus saillants, fascisant. Antinational, car pour mater ce peuple français incurablement frondeur et mondialiser sa chasse au profit, l’oligarchie hexagonale – on ne peut même plus dire « française » – liquide la maison France sur tous les terrains, industriel, social, éducatif, institutionnel et même linguistique comme nous ne cessons d’y insister en stigmatisant le tout-anglais envahissant.
« eh bien en ce moment, c’est le choix de la défaisance française. «
Dans les années 30 et 40, ce fut le « choix de la défaite » selon l’excellente expression de notre camarade, l’historienne Annie Lacroix-Riz ; eh bien en ce moment, c’est le choix de la défaisance française.
Alsthom et Airbus bradés au capital allemand, acquis de 45 (retraites par répartition, sécu et hôpital public, code du travail…) voués à l’arasement, territoire national débité en grandes régions centrifuges, enseignement primaire, non pas de l’anglais mais en anglais expérimenté dans l’Essonne, casse complète du lycée à la française et des disciplines scolaires (des maths à la philo, tout y passe), ce régime avoue crûment mettre en place les réformes exigées par Berlin : tel est l’odieux Traité d’Aix-la-Chapelle que Macron, le nouveau Prix Charlemagne, a signé sans le moindre « grand débat ». Et même cela ne suffit pas à Berlin qui brigue désormais publiquement le siège français au Conseil de sécurité de l’ONU (ce siège acquis à la Libération reviendrait à l’UE, dominée par Berlin de la tête et des épaules), et qui, à travers l’ « armée européenne », cherche à retrouver la posture militaire offensive que l’impérialisme allemand avait perdue en 45. Avec semblable orientation, comment le régime macronien ne cabrerait-il pas contre lui les citoyens français qui refusent que leur pays soit équarri sur l’autel de la « construction » euro-atlantique chère à l’oligarchie ? Et comment en retour, ce régime oligarchique ne préparerait-il pas très concrètement l’usage de la force armée contre le peuple français en détournant grossièrement l’armée de sa mission de défense nationale ? Je rappellerai le mot de Georges Politzer, le philosophe communiste fusillé par les nazis : « la nation c’est le peuple », donc qui tire sur le peuple fusille la nation, ce que doit avoir en tête tout républicain, y compris sous l’uniforme.
« la nation c’est le peuple »
Georges Politzer, philosophe communiste fusillés par les nazis.
Macron est d’ailleurs encouragé à la violence armée contre le peuple par tout ce que le pays compte de réactionnaires nostalgiques de Versailles, voire de Vichy, à commencer par la direction des LR. Et dire que certains « communistes » ont rabattu sur le bulletin Macron le 6 mai 2017 sous prétexte de dresser un barrage antifasciste !!!
La situation des libertés est d’autant plus grave que, profitant de l’extrême faiblesse de la gauche institutionnelle discréditée par ses trahisons sans fin, toute la réaction, Ciotti, Estrosi et Wauquiez en tête, réclame que Macron écrase le soulèvement populaire en gestation, y compris en employant l’armée. Le gouvernement allemand lui-même semble d’ailleurs s’impatienter devant la chienlit à Paris…
« régresion sociale et régression démocratique vont de pair »
Ce sont bien aujourd’hui les libertés démocratiques qui sont purement, globalement et simplement menacées tant il est vrai que régresion sociale et régression démocratique vont de pair.
Face à cela, les Gilets jaunes font preuve d’un rare courage et apprennent à toute vitesse, malgré des décennies de bourrage de crâne, ce qu’est en réalité ce régime pseudo-républicain au service des nantis.
« l’initiative de la violence émane du pouvoir capitaliste »
Après Marat, Robespierre, Babeuf, Jaurès, Duclos, Frachon, les nouveaux militants du mouvement populaire constatent que l’initiative de la violence émane du pouvoir capitaliste et de l’exploitation impitoyable qu’il exerce.
Bien entendu, il faut aussi déjouer les provocations du pouvoir qui voudrait bien pouvoir écraser d’un coup le mouvement populaire, arrêter ses militants les plus résolus ; il s’agit pour lui de conjurer la grève générale inter-pro qui menace, de stopper les débats entre Gilets jaunes et chasubles rouges sur le Frexit progressiste, d’avoir enfin le champ libre pour liquider le statut de la fonction publique, le secteur nationalisé (SNCF, EDF, Airbus, Aéroports, GDF…) et les retraites par répartition.
C’est pourquoi il faut à la fois faire preuve de vaillance et d’esprit de responsabilité dans la période qui vient.
Ce qui pourrait en effet le plus servir le mouvement populaire, et cela d’autant plus que Macron est largement déconsidéré dans le camp bourgeois (donc poussé à la fuite en avant répressive), c’est que les GJ et les syndicalistes de classe fassent leur jonction, ce qui a d’ailleurs commencé, avec, en toile de fond, la rébellion qui vient dans l’Education nationale. C’est pourquoi le PRCF met en débat l’idée d’une grande manifestation nationale de lutte, aussi unie, diverse et responsable que possible, avec des centaines de milliers de manifestants déferlant sur Paris dans leur diversité : gilets jaunes, mais aussi syndicalistes et militants progressistes. Tous portant ensemble les principales revendications communes des derniers mois, salaires, retraites, services publics, défense des libertés syndicales et démocratiques, démocratie directe et souveraineté populaire, amnistie des militants poursuivis par la justice de classe, chaque force ayant toute liberté par ailleurs de promouvoir ses mots d’ordre propres : en particulier, pour le PRCF, les « quatre sorties », de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme car ces quatre monstres dont le dernier couronne les autres, sont antinomiques du progrès social, de l’indépendance nationale, de la démocratie véritable et de la coopération pacifique entre les peuples.
« grève générale avec blocage du profit capitaliste. Bloquons leurs profits tous ensemble et en même temps ! «
La tâche principale de cette déferlante jaune, rouge et tricolore – car il faut d’urgence réconcilier dans nos manifs le drapeau des travailleurs au drapeau tricolore – serait, non seulement d’exiger la démission du président éborgneur, mais d’appeler à la grève générale avec blocage du profit capitaliste. Les capitalistes, leur pouvoir et l’UE détruisent notre pays ? Bloquons leurs profits tous ensemble et en même temps !
I.C. – Mais en l’absence d’une perspective politique progressiste et révolutionnaire, ce mouvement n’est-il pas voué à l’enlisement ?
G.G. – Posons le problème dynamiquement et à partir des dynamiques existantes.
renaissance d’un vrai parti communiste
Bien que disposant de forces encore modestes (mais en dynamique), le PRCF intervient sur tous les terrains. D’abord pour créer les conditions de la renaissance d’un vrai parti communiste. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas puisque Ian Brossat passe son temps, au nom du PCF-PGE, à délégitimer Maduro au Venezuela (en appelant l’ONU à régler le problème vénézuélien comme si le peuple n’avait pas voté…) et en stigmatisant toute idée de Frexit progressiste et même de Brexit. Quant à André Chassaigne, il n’a rien de mieux à faire que d’attaquer les nationalisations… Au passage, comment certains peuvent-ils prétendre que l’idée d’ « abroger les traités » équivaut à celle de sortir franchement de l’UE alors que cette demande d’abrogation, qui est déjà la position officielle du PCF, ne l’empêche nullement de défendre l’euro et la BCE dans leur principe tout en se félicitant de la manière dont la bourgeoisie anglaise torpille le Brexit voulu par les ouvriers britanniques ! Quel dévoiement que de confondre la « construction européenne » dictatoriale avec l’internationalisme prolétarien et anti-impérialiste ! La proposition du PRCF est, sans cacher les différends stratégiques existant entre communistes (certains s’obstinent à ne rien comprendre à la dialectique du Frexit progressiste et de la révolution socialiste…), de publier des textes communistes unitaires là où un accord réel existe, mais aussi de travailler d’arrache-pied à créer les conditions de la reconstruction d’un parti franchement communiste, donc marxiste-léniniste et totalement indépendant de la direction du PCF ; première étape, le 30 mars prochain (où le PRCF appelle à commémorer à Paris le centenaire de l’Internationale communiste), et une autre, très importante, l’anniversaire du Congrès fondateur du PCF (décembre 1920) par affiliation à la Troisième Internationale.
« sans le tous ensemble et en même temps des syndicalistes de classe, le tous ensemble des travailleurs restera un slogan de manif »
Sur le terrain syndical, il faut aider les syndicalistes de classe à se fédérer sans crainte de bousculer le syndicalisme institutionnalisé qui, à défaut d’apporter la moindre victoire aux salariés, a creusé le lit du jaune sans gilet Laurent Berger. Le PRCF salue non seulement les nombreuses bases CGT qui se détachent de la tutelle étouffante de la CES et s’interrogent sur l’adhésion à la FSM (tout récemment, l’Union des syndicats de Monaco a donné le la), mais aussi le Front syndical de classe qui fait valoir à raison que sans le tous ensemble et en même temps des syndicalistes de classe, le tous ensemble des travailleurs restera un slogan de manif.
« construire un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste mettant les travailleurs au cœur du changement de société et ouvrant la voie au socialisme »
Pour construire un large Front antifasciste, patriotique, populaire et écologiste mettant les travailleurs au cœur du changement de société et ouvrant la voie au socialisme, il faut promouvoir, non pas une « union des patriotes des deux rives » qui ne fera que servir la soupe au FN et à ses satellites pseudo-républicains, mais une Gauche patriotique et populaire (l’expression est du PC portugais) susceptible de regrouper tous ceux qui, sans jamais céder sur l’antifascisme, se prononcent pour le Frexit progressiste.
« le Frexit, pour être progressiste, doit cibler le grand capital »
Là aussi le PRCF est au travail sans jamais opposer les luttes « en bas » et les contacts unitaires « en haut », et cela pour une raison simple : tous les militants du PRCF, à commencer par ses dirigeants nationaux, sont d’abord des militants de terrain actifs dans les luttes. Et cela signifie aussi dialoguer au maximum avec les Gilets jaunes, y compris avec ceux qui émergent nationalement et dont certains posent désormais la question du Frexit.
« sortir du capitalisme et, en un mot, engager la seconde Révolution française, la révolution socialiste »
A nous communistes de leur montrer que ce Frexit, pour être progressiste, doit cibler le grand capital, proposer la nationalisation franche des entreprises stratégiques, mettre le mouvement ouvrier et populaire au cœur du changement, isoler le grand capital et marcher vers une vraie démocratie : une société au service du peuple parce que le pouvoir sera centré sur le monde du travail. C’est-à-dire sortir du capitalisme et, en un mot, engager la seconde Révolution française, la révolution socialiste.