LES ASSOCIATIONS DE DEFENSE DE LA LANGUE FRANCAISE ECRIVENT A L’A.R.C.O.M. (ex-Haute Autorité de l’Audiovisuel) POUR S’INDIGNER DE L’ « OMERTA » EXERCEE PAR LE « SERVICE PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL3, COMPLICE DU TOUT-ANGLAIS ENVAHISSANT, A L’ENCONTRE DES MILITANTS DE LA LANGUE FRANCAISE ET DE LA FRANCOPHONIE. LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE L’A.R.C.O.M
À Paris, le 8 mars 2023
À Monsieur Roch-Olivier Maistre,
Président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM),
39-43, Quai André Citroën
75739 Paris cedex 15
Objet : protestation contre une censure de facto visant les défenseurs et promoteurs de la langue française et de la Francophonie.
Copie pour information, et intervention éventuelle à : Monsieur François Legault, Premier Ministre, et Madame Martine Biron, Ministre des Relations internationales et de la Francophonie, au Québec ; Madame Audrey Azoulay, Directrice Générale de l’UNESCO ; Madame Rima Abdul Malak, ministre de la Culture et de la Communication, chargée de la Langue française ; Mesdames et Messieurs les Sénateurs et Députés ; Mesdames et Messieurs les Académiciens français et Goncourt ; Institutions et associations de défense et promotion de la langue française et de la Francophonie ; médias français.
Monsieur le Président de l’ARCOM,
Au nom du Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie (HCILFF) et des 38 associations de défense et promotion du français qui en sont membres, nous, soussignés, protestons avec indignation contre la censure de fait qui a suivi l’attribution du prix annuel attribué le 15 décembre 2022 par l’Académie de la Carpette anglaise (Communiqué de presse du 19/12/2022 joint).
À notre connaissance, un seul organe de l’audiovisuel public a signalé que ce prix, signe d’infamie linguistique et civique, a été attribué à M. Emmanuel Macron, Président de la République française, « lauréat » pour la France, et à M. Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada, « lauréat » à titre étranger. Cela en raison des agressions linguistiques répétées qu’ils ont commises l’un et l’autre, que ce fût directement, indirectement ou par omission, tant à l’encontre de la langue française et de la Francophonie, que du fait de leur complaisance affichée envers la banalisation de l’anglais dans leur pays et sur la scène internationale.
Cette censure médiatique de fait a indigné quantité de personnes attachées, d’une part à la langue française, si méprisée, humiliée et malmenée par ceux-là mêmes auxquels incombe la charge constitutionnelle de la défendre, d’autre part à un droit des citoyens à l’information et à l’expression. Ces droits essentiels perdent en effet toute portée pratique dès lors que les médias publics décrètent, sans jamais avoir eu à s’en expliquer devant le peuple ou devant le Parlement, que certaines informations n’auraient a priori aucun intérêt pour les citoyens.
Nous demandons aux médias publics d’informer correctement les citoyens et de les laisser choisir eux-mêmes, sans filtrage d’État, ce qui les intéresse ou pas !
À ce mensonge par omission permanent à propos du Prix de la Carpette anglaise s’ajoute une longue liste de censures de fait visant les promoteurs du français :
– Déjà les 15 janvier et 20 mars 2022, aucune chaîne publique télévisuelle ou radiophonique ne s’est déplacée ni renseignée téléphoniquement auprès de nos organisateurs de rassemblements de rue à Paris, notamment le 20 mars 2022 au Panthéon, pour la « langue de Molière » et contre le tout-anglais déferlant l’année même du 400ème anniversaire de la naissance du grand dramaturge.
– Déjà aucun média public ne s’était signalé lorsque nos associations avaient organisé une conférence de presse à l’Assemblée nationale en 2015 pour dénoncer la colonisation linguistique de notre pays par les tenants de l’empire. Pourtant, cette conférence était soutenue par deux députés (un communiste et un gaulliste) ; et des scientifiques et écrivains de premier plan lui apportaient leur parrainage, tels M. Claude Hagège, linguiste mondialement connu, et M. Laurent Lafforgue, Médaille Fields de mathématiques.
– Rien ou quasi-rien non plus dans nos médias d’État sur les politiques d’éviction du français au profit de l’anglais qu’impulsent présentement certains États du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, encouragés par de grandes puissances tant rivales qu’« amies ».
– Rien chez nous, à l’inverse, sur la récente et bienvenue contre-offensive législative du gouvernement québécois. Celui-ci a en effet, par sa remarquable « loi 96 » du 24 mai 2022, durci sa législation protectrice du français. Le ministre québécois porteur, invité le 23 juin par l’Académie française, a lancé sous la Coupole un vibrant appel à un sursaut de la France. Là encore, le « service public de l’audiovisuel » financé par tous les contribuables a préféré ensevelir cet appel dans un silence proprement scandaleux !
Si l’expression « loi du silence » paraît désormais à certains inappropriée ou inintelligible et si, désormais, nos institutions arbitrales et autres n’entendent plus le vocabulaire pourtant précis de notre langue, faudra-t-il désormais parler d’omertà à propos de la politique linguistique inavouée de notre pays ? Qui donc, au plus haut niveau des chaînes et des institutions de l’Etat, a décidé, dans le dos des parlementaires et du peuple français qui n’en ont jamais débattu, de favoriser une politique cynique d’arrachage, de substitution et de basculement linguistiques qui n’ose jamais affronter le débat sur la place publique. En effet, la masse des citoyens la rejetteraient encore aujourd’hui avec horreur. Mais elle pénètre et infuse insidieusement, en toutes occasions, par l’entremise des médias, notamment d’État, et des réseaux dits sociaux dominés par le monde anglo-saxon.
Nous pourrions hélas citer bien d’autres cas de mépris de fait manifesté par les directeurs de l’information des médias publics à l’encontre des associations dénonçant la politique inavouée d’anglicisation de la France, notamment dans l’Université et dans l’Éducation nationale. Les très rares émissions évoquant la langue française sur les chaînes publiques portent essentiellement sur le mésusage du français par les jeunes générations. Comme si nombre de journalistes publics incapables de maîtriser la grammaire et le vocabulaire, et de prononcer correctement à l’antenne, pouvaient faire la leçon aux jeunes…Ou les émissions sur la question importante, certes, mais plus « latérale », de l’écriture dite inclusive. De telles émissions-alibi, complétées de temps à autre par les interventions de prétendus spécialistes du français, toujours les mêmes, chargés de répéter au bon peuple que « le français se porte bien », ne font « pas le poids », alors que le danger le plus grave qui menace notre langue est celui de son éviction systématique autant qu’illégale au profit de l’anglais, ou du « globish », dans maints domaines : culturel, commercial, technique et numérique, scientifique, voire scolaire, universitaire, militaire, politique, sportif, voire institutionnel.
Aucun écho non plus n’a été donné par les médias d’État, malgré tous nos efforts, à la création le 18 juin 2020 de notre Haut Conseil international LFF. Pas plus qu’aux messages qu’il a adressés à diverses reprises au Président de la République, aux députés et sénateurs ainsi qu’à la présidente de la Commission européenne, et qu’à son recours devant le Tribunal européen (CJUE) à propos de la marginalisation de fait de toute autre langue que l’anglais. Cette langue est en effet devenue – post-Brexit ! – « langue commune » dans les institutions centrales de l’UE par un coup d’État linguistique de Mme Ursula von der Leyen hors de sa compétence et contraire à l’esprit et à la lettre des traités et autres textes européens qui font obligation à l’UE de respecter la « personnalité de chaque État-membre », personnalité dont la langue est évidemment un élément central. Décision outrageante, dont nul n’a eu à connaître ni à débattre au Parlement européen, ni au Parlement français, ni au Bundestag et autres, et qui n’a, nous semble-t-il, trouvé aucun écho dans les émissions d’« information » des chaînes publiques ! Plus grave encore, notre Haut Conseil a dû, toujours sans écho médiatique, souligner publiquement que le Président de la République, qui s’était engagé envers lui à utiliser son semestre 2022 de présidence du Conseil européen pour y remédier, n’a pas honoré ses engagements. Même les « oppositions » se sont tues.
Cette censure de fait méthodique semble bien relever d’une « loi du silence » d’État visant tous ceux qui s’efforcent de faire respecter la Constitution (article 2 : « La langue de la République est le français ») et la loi Toubon de 1994. Elle est indigne d’une démocratie. Elle attente gravement aux droits des citoyens et de tous les francophones de France. Nous demandons donc instamment que l’ARCOM intervienne publiquement afin que cessent de telles pratiques inavouées, car inavouables. Il convient que leurs responsables soient vertement rappelés à leurs devoirs régaliens, civiques et déontologiques les plus élémentaires.
Le français est le premier service public de France, le porteur toujours fécond d’une riche culture désormais mondiale. Il constitue aussi le ciment de la Francophonie internationale et de ses centaines de millions de locuteurs et d’usagers. Il est aussi le premier outil de travaildes journalistes du service public de l’audiovisuel et du numérique, lesquels vivent de l’argent des contribuables dont nous, membres des associations de promotion du français et de la Francophonie, faisons partie.
Nous vous remercions par avance, Monsieur le Président, de bien vouloir nous répondre, et recevoir au plus tôt une délégation de notre Haut Conseil.
Si ce courrier devait rester sans réponse malgré l’urgence, ce serait avec une infinie tristesse que nous le diffuserions sans tarder le plus largement possible dans tout l‘espace francophone. La loi du silence sur l’inavouable politique « française » et européenne de basculement au tout-anglais de nos espaces doit cesser ! Un large débat démocratique est urgent sur cette question, et nous ferons désormais tout pour l’imposer.
Avec les salutations civiques et francophones les plus distinguées – et les vifs espoirs – de nos associations, veuillez, Monsieur le Président, recevoir du Haut Conseil l’expression de sa haute considération et de nos sentiments les meilleurs.
Associations signataires :
Haut Conseil international de la Langue française et de la Francophonie(HCILFF, liste des membres jointe), Albert Salon, ancien ambassadeur, Secrétaire général ; Alliance Champlain (Nouvelle Calédonie), Daniel Miroux, président ; Association de Défense et d’Études de la Langue française de l’Yonne (ADELFY), Ange Bizet, président ; Association Francophonie Avenir (AFRAV), Thierry Saladin, Secrétaire général ; Avenir de la Langue française (ALF), Catherine Distinguin, présidente ; CO.U.R.R.I.E.L., Georges Gastaud, président, et Matthieu Varnier, Secrétaire général ; Centre d’études et de Réflexion sur le monde francophone (CERMF) Ilyès Zouari, président ; Défense de la Langue française (DLF), Marceau Déchamps, Secrétaire général ; Défense de la langue française en Pays de Savoie, Philippe Reynaud, président et Lucien Berthet, vice-président et Secrétaire général ; Droit de Comprendre (DDC), Marc Favre d’Échallens, Secrétaire général ; Entente Île-de-France/Québec, Serge Dubief, président ; ICEO (Institut de Coopération avec l’Europe Orientale – Montpellier), Jean-Marie Roussignol, Secrétaire général ; Langue française (collectif suisse), Philippe Carron, président ; clubs Penser la France, Jean-Luc Pujo, président.