Le dimanche 16 juillet 2023, le PRCF a appelé à rendre hommage à notre camarade Henri Alleg sur sa tombe au cimetière de Palaiseau.
Les jeunes camarades présents y ont déposé une gerbe de roses rouges. Sur le ruban était inscrit :
Henri Alleg, 20 juillet 1921 – 17 juillet 2013
A l’anticolonialiste et au militant franchement communiste
« si le PRCF n’existait pas, il faudrait l’inventer »
Gilda Landini-Guibert a fait un discours honorant notre camarade. Ce fut ensuite son fils André Salem, qui a rappelé la vie de combat, de souffrance et parfois d’errance que ses parents ont vécue.
Puis les JRCF ont distribué des oeillets rouges aux personnes présentes qui, toutes à tour de rôle, les ont déposés sur la tombe dans un moment de recueillement et de grande émotion.
Léon Landini, Georges Hage, Georges Gastaud, Jeanne Dubois-Colette (FTP du Nord, décorée à titre militaire), Henri Alleg, lors de la cérémonie de remise de la Légion d’honneur à Geo Hage à Douai.
Discours de Gilda Landini-Guibert
Il y a 10 ans presque jour pour jour, le 17 juillet 2013 disparaissait notre camarade Henri Alleg.
Je ne vais pas revenir sur son origine russo-polonaise car Henri (de son vrai nom) Salem, comme nous tous, n’était pas du tout communautariste mais en tant que communiste, il était d’abord et avant tout internationaliste. Je dis cela parce qu’aujourd’hui dans une odieuse tentative de récupération politique de NOS héros, on voudrait nous faire croire que Missak Manouchian s’est battu en tant qu’arménien, je voudrais rappeler qu’en réalité lui aussi s’est battu, a été arrêté et exécuté en tant que communiste.
Et c’est en tant que tel que, lorsqu’Henri Alleg devint en 1951 le directeur du quotidien Alger républicain, il dénonça les horreurs colonialistes car comme le disait Engels
« un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre.»
Pour lui – et nous devons en cela aussi suivre son exemple – le journalisme était une pratique militante qui permettait de créer en Algérie un réseau de correspondants locaux qui menaient des enquêtes de terrain permettant de démontrer clairement que, contrairement aux discours lénifiants sur « les bienfaits de la colonisation et de la civilisation », le chômage, la misère, le racisme, la violence et la torture n’étaient pas des à-côtés du colonialisme : ils étaient et sont LE colonialisme et l’impérialisme. Ainsi l’Alger républicain fut-il non seulement l’écho des luttes sociales et de la contestation anticoloniale mais aussi celui de la lutte contre le réarmement occidental par la Communauté européenne de défense et contre les dangers de guerre venant de l’impérialisme américain. Rien que de très actuel.
C’est donc en tant que communiste et anticolonialiste qu’il fut arrêté le lendemain de son ami, le jeune assistant de mathématiques à la faculté des sciences d’Alger, militant communiste lui aussi, Maurice Audin le 12 juin 1957. Maurice Audin ne ressortit pas vivant des griffes de ces paras qui se flattaient dans des rires gras de haine, d’être des émules de la Gestapo. Henri, inculpé d’atteinte à la sécurité de l’Etat, connut lui aussi la torture appelée pudiquement depuis le Moyen Age : « la question » : humiliations et insultes répétées, électricité par la « gégène », pendaison par les bras et les pieds, brûlures par des torches ou des cigarettes… ces gens-là, Henri le savait, n’étaient pas la France. La France c’était celle des droits de l’Homme, de l’égalité, de la fraternité pas celle de l’impérialisme, du colonialisme, de la violence assassine.
Sa séquestration au centre de tri des paras dura un mois durant lesquels il vécut chaque jour en pensant que c’était le dernier. Finalement, c’est probablement parce qu’il était « une grosse légume », comme le disait ses tortionnaires, qu’il ne connut pas la sinistre fin de Maurice Audin et des milliers d’autres détenus. Il fut transféré dans un camp d’internement puis dans la prison civile d’Alger où il survécut dans des conditions de détention épouvantables. Elle était loin la France des droits de l’Homme. C’est dans son sinistre cachot qu’il put écrire sur des papiers de fortune les effroyables sévices qu’il avait subi dans un style net, sans fioritures, coupant comme les lames de ses bourreaux, et les transmettre à ses avocats.
C’est Gilberte, sa femme qui les recevait, les tapait à la machine et les distribuait à tous ceux qu’Henri avait connu dans le milieu littéraire ou journalistique. Elle fut soutenue dans son combat par ses camarades du Parti communiste français à une époque où juste coller une affiche réclamant seulement la « Paix en Algérie » mettait la vie du militant en danger. La violence était aussi sur le territoire métropolitain.
C’est ce récit, connu sous le titre de La question, préfacé par Jean-Paul Sartre dans un article intitulé Une victoire, qui parut tout d’abord en 1958 aux éditions de minuit, le seul éditeur à avoir eu le courage de l’éditer. Il fut immédiatement interdit. C’est beau la liberté ! Il fut fort heureusement réédité en Suisse peu après et connut un succès tel par sa diffusion clandestine, qu’il révéla au peuple français les crimes de la sale guerre d’Algérie, crimes commis en son nom.
Malgré cela tous les officiers nommément nommés par Henri Alleg ont nié les accusations de torture sans aucune vergogne ni aucun repentir : normal quand on est des émules de la Gestapo. Henri lui fut condamné en 1960 par un tribunal spécial à 10 ans de réclusion et rapatrié dans une prison française à Rennes. Il réussit à s’évader lors d’un transfert à l’hôpital et aidé par des militants communistes, il choisit la liberté en traversant clandestinement les frontières pour se réfugier en Tchécoslovaquie. Voilà qui nous change des discours officiels sur tous ceux qui ont traversé les frontières dans l’autre sens pour venir respirer le bon air libre de la France !
Je passerai sur toutes les pérégrinations qu’il a connues au début des années soixante entre la France et l’Algérie. Il se réinstalla finalement dans le pays des droits de l’homme en 1965 et travailla au journal l’Humanité. Mais il refusa d’hurler avec les loups lors de la chute de l’URSS. Il écrivit alors Le grand bond en arrière, qui dénonçait faits à l’appui la terrible régression qu’a constituée la restauration du capitalisme le plus barbare dans les pays de l’ex-camp socialiste. Lisez camarades les ouvrages d’Henri ! Ils sont une fenêtre ouverte sur le monde.
Dans les années 90, les mutations ou plutôt les dérives « social-démocrates » de plus en plus visibles de PCF et son abandon de l’authenticité communiste, le portèrent en janvier 2002 à faire partie d’un groupement de mouvements communistes : la Fédération Nationale des Associations pour la Renaissance Communiste (FNARC) dont il devient l’un des cinq co-présidents. Il fut aussi président d’honneur du Comité Honecker de solidarité internationaliste.
En 2004 enfin, il présida le comité de parrainage du PRCF, dont il disait :
« si le PRCF n’existait pas, il faudrait l’inventer ».
Dans un petit ouvrage de 2001 « retour sur la question », Henri Alleg analysait déjà, le monde actuel :
« Sous d’autres formes, « mondialisées », les tenants de l’ordre impérial restent toujours les vrais maîtres du jeu, si nous n’y prenons garde, le cas échéant, pour précipiter le monde dans de nouveaux désastres. Ils sauront encore mentir en invoquant faussement de grands idéaux et la défense de la « civilisation », de la « démocratie », de la « liberté ». Comme hier encore, ils lâcheront de nouveaux Aussaresses (le spécialiste de la torture) contre les peuples et, s’ils peuvent, ils useront des mêmes méthodes »
Comment ne pas voir ici le terrible écho avec l’actualité récente puisque de plus en plus de policiers, sous la pression de factieux usurpant le nom de « syndicat », réclament et s’arrogent même le « droit de tuer » ?
Nous assistons en effet depuis des décennies à une montée des forces revanchardes nostalgiques de l’Algérie française, résolument anticommunistes et profondément antipatriotes. La fascisation, qui se caractérise par la montée en puissance de l’extrême droite algérianiste, européiste, atlantiste et anticommuniste, s’affiche désormais au grand jour et sans complexe.
De fait, cela fait des années que le PRCF met en garde contre cette fascisation et la dislocation de la souveraineté populaire et de l’indépendance nationale.
Cela fait des années qu’il met en avant les deux drapeaux rouge et tricolore :
Le drapeau rouge de l’internationalisme prolétarien et du combat pour l’émancipation des peuples face aux forces colonialistes et impérialistes, à commencer par l’Axe UE-OTAN qui, sous l’impulsion de l’hégémonisme états-unien, pousse toujours plus la planète vers une conflagration nucléaire.
Et le drapeau tricolore car le drapeau patriotique de la Révolution de 1789-1793 est celui du combat pour la souveraineté populaire et l’indépendance nationale face à la soumission portée par la droite réactionnaire et fasciste, qui a toujours préféré sacrifier ce qu’elle a prétendu défendre en 1792, en 1871, en 1940 ou encore en 1962, à savoir l’honneur de la patrie.
Henri lui, fait partie de ceux qui fut non seulement l’honneur du Parti communiste quand celui-ci était encore digne de porter ce nom, mais celui de la France. C’était un homme d’une grande rigueur intellectuelle. Pour ma part, je me souviens de lui comme un homme bon, toujours souriant, intègre, fidèle à son idéal. Henri, nous serons dignes de tous tes combats et nous les perpétuerons toujours le poing levé.