La Chine était-elle derrière le coup d’État manqué du 30 septembre 1965 ? c’est la question posée par Devina Herivanto, journaliste du Jakarta Post l’un des principaux quotidien en langue anglaise de la capitale Indonésienne. Une question saugrenue tant les historiens ont déjà fait jour sur l’absence de responsabilité des communistes et tout particulièrement de la Chine et de l’URSS dan le coup d’État de Suharto lors des événements du 30 septembre 1965. Mais une question importante pour les Indonésiens subissant un bourrage de crâne permanent depuis plus de 50 ans pour justifier le génocide anticommuniste, l’un des axes de cette propagande reposant sur l’implication de la Chine communiste.
Dans son article, la journaliste analyse et synthétise le contenu de centaines de notes diplomatiques qui viennent juste d’être déclassifiées par les États-Unis.
www.initiative-communiste.fr a procédé à la traduction intégrale, depuis l’anglais de cet article.
- À lire : Des documents déclassifiés prouvent l’implication des États-Unis dans le génocide en Indonésie
Par Devina Heriyanto – Le 20 octobre 2017 – Source The Jakarta Post
Des dizaines d’années ont passé et les Indonésiens sont désireux de débattre de ce qui s’est exactement passé la nuit fatidique du 30 septembre 1965 et pendant les mois de purge qui ont suivi. L’an dernier, une tentative de réconciliation a été entreprise par la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM) lors d’un congrès de deux jours intitulé « Disséquer la tragédie de 1965, l’approche historique », qui n’a cependant apporté aucun résultat significatif.
Les Archives de la sécurité nationale américaine ont rendu publics des documents déclassifiés concernant les événements, et ceux-ci ont été publiés le 18 octobre par l’Université George Washington. Les documents étaient tirés des 30 000 pages concernant l’ambassade américaine à Jakarta entre 1964 et 1968, d’autres encore devraient être publiés en 2018.
Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Arrmanatha Nasir, a dit à la presse que les documents devaient être vérifiés. De son côté, l’historien Asvi Waeman Adam, de l’Institut indonésien des Sciences (LIPI), a déclaré que la déclassification des dossiers étasuniens pourraient amener le gouvernement indonésien à accorder une plus grande attention au massacre de 1965, qui reste un sujet sensible.
Les documents révèlent, entre autres choses, que les États-Unis étaient au courant des massacres, qui ont commencé en octobre 1965 et ont entraîné la mort de 100 000 présumés membres et sympathisants du Parti communiste indonésien (PKI) à la mi-décembre de la même année. Les renseignements comprennent des informations sur le rôle-clé de l’armée et de partis et organisations religieux dans la purge, ainsi que des éléments sur qui était effectivement derrière le mouvement du 30 septembre, apportant un éclairage sur l’implication chinoise.
Que s’est-il passé le 30 septembre 1965 ?
La version généralement admise est que le 30 septembre 1965, six généraux de l’armée ont été enlevés, assassinés et enterrés à Lubang Buaya, à Jakarta. Le PKI a été accusé de la tentative manquée de coup d’État, d’où le terme de G30S/PKI [dans les documents]. Un bataillon des opérations spéciales de l’Armée a rapidement pris le contrôle et capturé les dirigeants du PKI. Il s’en est suivi le meurtre systématique de membres et de sympathisants du PCI dans tout le pays depuis la fin 1965 jusqu’en 1966.
Le PKI a été dissout et le communisme et le marxisme-léninisme, en tant qu’idéologie, ont été interdits.
Avant 1965, les relations entre les Forces armées indonésiennes, en particulier leur armée, avec le PKI étaient tendues. Trois ans après l’indépendance indonésienne, une révolte a été organisée par le PCI avec le Front démocratique du peuple (FDR) à Madium, Java centre, révolte matée par l’armée. Lorsque, plus tard, le PKI s’est concentré sur sa bataille électorale, il est devenu le rival de l’armée en tant qu’institution de masse et en gagnant grâce à une meilleure organisation politique, du moins au niveau des masses populaires, selon le chercheur Adam Schwarz. Peu avant le 30 septembre 1965, le PKI a tenté d’armer les civils pour former une Cinquième Force (Angkatan Kelima), menaçant de fait le monopole de l’armée dans ce domaine.
Pourquoi les États-Unis s’intéressaient-ils au mouvement communiste en Indonésie ?
À l’époque, les États-Unis étaient pris dans la guerre froide, une guerre idéologique tendue avec leur puissance rivale, l’URSS communiste. Tous deux étaient des puissances nucléaires ce qui renforçait la menace d’une guerre atomique dévastatrice si un conflit éclatait.
La guerre froide a eu une influence considérable sur la politique étrangère des États-Unis, qui visait à maintenir leur sphère d’influence libre du communisme. Une doctrine importante était celle de Truman, avec sa théorie des dominos et sa politique d’endiguement. La théorie des dominos signifiait que si un pays tombait dans le camp du communisme, d’autres pays dans la région suivraient. Par conséquent, un pays penchant à gauche devait être sécurisé afin que le danger soit contenu, d’où la politique d’endiguement.
En 1965, les États-Unis et l’Union soviétique menaient également une guerre par procuration au Vietnam, qui s’est heurtée à la forte opposition des universitaires et de la jeune génération. Une lettre déclassifiée, datée du 5 août, de l’ancien ministre des Finances Sjafruddin Prawiranegara à l’ancien administrateur de USAID Edwin Fox révèle la vieille conviction que les États-Unis étaient en train de gagner et « suivent la seule voie qui mène (…) à l’endiguement nécessaire du communisme agressif ». Sjafruddin justifiait la guerre en argumentant qu’elle était une auto-défense nécessaire contre un communisme agressif et athée.
L’Indonésie était particulièrement importante car le PKI était le troisième plus grand parti communiste dans le monde après ceux d’Union soviétique et de la Chine, faisant courir le risque que toute l’Asie du Sud-Est plonge plus avant dans le communisme. Le président Sukarno, à cette époque, menait une guerre contre l’impérialisme occidental, qu’il appelait Nekolim, ce qui suscitait des sentiments assez hostiles à l’égard des États-Unis. Un aérogramme daté du 21 décembre 1965 de l’ambassade américaine à Jakarta note un « changement d’atmosphère », « une cordialité de plus en plus grande » et « un changement impressionnant » après le mouvement du 30 septembre. Commentant la prise de contrôle par l’armée, l’agence d’information Antara, que l’ambassade qualifiait de « l’un de nos ennemis les plus éloquents et les plus dangereux », la nouvelle dit : « Dans l’ensemble, une brise fraîche se met à souffler. »
Le PKI était-il vraiment derrière le mouvement du 30 septembre ?
Le télégramme 1516 de l’ambassade américaine à Jakarta au Secrétaire d’État, le 20 novembre 1965, révèle que les responsables étasuniens savaient que les sympathisants et les membres du PKI tués dans la purge massive dirigée par l’armée n’avaient eu aucun rôle dans le mouvement du 30 septembre.
Le télégramme fait état d’un journaliste australien qui avait parlé à un membre important du PKI de Yogyakarta, ainsi qu’à d’autres membres à Tegal et Purwokerto, Java Centre, et tous affirmaient ne rien savoir du prétendu coup d’État. Cela malgré le fait que la source du PKI de Yogyakarta fasse partie des 50 cadres importants de la ville et soit censée être bien informée des questions relatives au PCI.
Auparavant, le télégramme 779A, daté du 18 octobre 1965, contenait le commentaire « le plus encourageant de tout, il y a davantage de signes montrant que les gens (…) placent le blâme où il faut », se référant a la croyance de l’ambassade des Etats-Unis que le mouvement du 30 septembre était imputable au PKI. Un télégramme précédent, 971, daté du 12 octobre 1965, rapportait que l’armée indonésienne avait rassemblé des documents décrivant le rôle du PKI dans les meurtres du 30 septembre, que Sukarno avait refusé de lire. Notez que c’était avant les informations données par le journaliste australien.
Cependant, selon le Premier secrétaire polonais Andrzej Gradziuk, qui avait parlé avec un membre du Comité central du PKI, seuls quelques membres importants du parti étaient au courant du coup d’État. Le plan provenait d’un tiers et il n’y avait aucune intention de tuer les six généraux de l’armée. Sukarno était également censé soutenir le PKI le 1er octobre en démontant un complot du Conseil des généraux, un scénario dans lequel c’était les généraux qui complotaient contre Sukarno et dont le PKI était le héros. Le télégramme 971 daté du 3 octobre 1965 confirme que l’armée avait en effet projeté de déposer Sukarno, mais on ne sait pas clairement si le plan avait été formulé avant le 30 septembre 1965 ou après.
Bref, on ne sait pas si la tentative de coup d’État du 30 septembre a vraiment été commise par le PKI. L’armée et la source de l’ambassade de Pologne pensaient que le PCI était impliqué. D’après nos lectures, beaucoup, sinon la plupart, des membres du PKI ne savaient rien du coup d’État.
La Chine était-elle derrière le mouvement du 30 septembre selon les documents étasuniens ?
Non. Les documents révèlent que les efforts entrepris pour accuser la Chine pour le 30 septembre venaient de l’armée.
Le télégramme 222 du consul général des États-Unis à Hong Kong adressé à l’ambassade américaine à Jakarta, daté du 27 avril 1966, confirme que l’implication chinoise dans le mouvement du 30 septembre était une supercherie. Le rapport se référait à un article publié dans le journal de l’armée, Angkatan Bersendjata, le 25 avril, liant le dirigeant chinois Mao Zedong au coup manqué, expliquant que l’article était une transcription littérale d’un article satirique publié à l’origine dans un quotidien de Hong Kong le 16 décembre 1965. Dans cet article de pure fiction, Mao encourageait le dirigeant du PKI Aidit à éliminer les généraux, affirmant que Mao lui-même avait tué plus de 20 000 cadres et soldats. Une aide militaire aurait également été proposée à Aidit. Dans l’article, Beijing insistait pour organiser le coup d’État du 30 septembre. On peut trouver l’article complet dans un autre document.
Le télégramme A673 déclare que la propagande anti-chinoise visait à protéger Sukarno et à faire porter le blâme sur ses plus proches alliés, le PKI et la Chine. L’auteur note : « Nous ne pensons pas que les Chinois aient été un élément primordial dans le mouvement du 30 septembre. »
On trouve la même conclusion dans l’examen par Taomo Zhou des câbles diplomatiques émis entre 1961 et 1965, dans un chapitre intitulé « China and G30S » de l’ouvrage Sept. 30 Movement and Asia — Under the Shadow of Cold War, publié par Kurasawa Aiko et Matsumura Toshio. Les documents chinois ont confirmé qu’il y a eu des pourparlers et des négociations sous la direction du commandant de l’Armée de l’air Omar Dhani pour demander une assistance militaire à la Chine, mais c’était pour la Cinquième Force (Angkatan Kelima) et il n’y a aucune preuve que la milice impliquée dans le mouvement du 30 septembre ait utilisé des armes chinoises. Le compte-rendu d’une conversation entre Mao et Aidit, daté du 5 août 1965, révèle que celle-ci a porté sur un plan pour s’emparer du pouvoir, mais les informations sur le mouvement du 30 septembre ont pris Beijing par surprise, ce qui montre un manque de connaissance des détails du prétendu plan du PKI.
Les documents étasuniens décrivent le contre-coup subi par la minorité chinoise en Indonésie pour l’implication chinoise supposée dans les meurtres du 30 septembre. L’armée a directement organisé une partie de cette réaction violente. Dans le télégramme 779A daté du 18 octobre 1965 mentionné plus haut, Sutarto révèle qu’une action à l’ambassade de Chine était planifiée. Sutarto était l’assistant spécial de Ruslan Abdulgani, deux fois ministre sous l’administration de Sukarno.
Le télégramme 1425 de l’ambassade américaine à Jakarta au Secrétaire d’Etat, daté du 12 novembre 1965, révèle que la purge contre les communistes continuait dans les provinces et qu’une émeute anti-chinoise avait éclaté à Makassar, où 90% des boutiques possédées par des Chinois-Indonésiens avaient été mises à sac, selon une source des Célèbes [dont la ville principale est Makassar, NdT]. Un rapport de décembre mentionnait une répression économique systématique contre les Chinois-Indonésiens, dont les avoirs en argent liquide avaient été saisis et les moulins à riz et les entreprises textiles avaient été pris par les commandants militaires régionaux. En réponse, la Chine communiste a suspendu ses relations commerciales avec l’Indonésie.
À Bali, des boutiques appartenant à des Chinois-Indonésiens ont été incendiées, bien qu’il semble que seules celles qui étaient affiliées à la Chine continentale l’aient été, et non celles des Chinois « non rouges » ou nationalistes du Kuomintang. La situation conduisit les Chinois de Bali à demander leur évacuation par l’ambassade de Chine à Jakarta.
Que savaient les États-Unis des massacres de masse de 1965 ?
Dans le rapport, il est établi que les diplomates à l’ambassade américaine à Jakarta tenaient un registre des dirigeants du PKI exécutés et que les responsables étasuniens soutenaient activement les efforts de l’armée indonésienne pour détruire le mouvement ouvrier de gauche dans le pays. À partir des documents, il est évident que l’armée dirigeait la campagne anticommuniste. L’aérogramme A.353 daté du 30 novembre 1965 mentionne le soutien du général Suharto aux massacres de Java Centre.
La première information connue à ce sujet est révélée dans le télégramme 779A daté du 18 octobre 1965. Le télégramme rapporte une conversation entre un responsable de l’ambassade et Sutarto, assistant spécial de Ruslan Abdulgani – deux fois ministre sous l’administration de Sukarno. Sutarto mentionnait une « action anti-PKI » qui « s’est étendue (…) à d’autres régions en plus de [Jakarta] ; Medan, Sumatra Sud, Makassar » et que « Java Centre est en ébullition », cette dernière affirmation étant considérée comme une exagération par l’ambassade américaine.
Le télégramme A298 daté du 13 octobre 1965 rapporte que Adnan Buyung Nasution, alors assistant du procureur général, confirmait que l’armée avait exécuté de nombreux communistes mais tentait de le faire faire [par d’autres], craignant que Sukarno n’utilise des rapports étrangers contre ceux qui écrasaient le PKI, c’est-à-dire l’armée.
Le télégramme 1290, daté du 1er novembre 1965, décrit l’atmosphère tendue à Palembang, Sumatra Sud, les 28 et 29 octobre. Le télégramme indique que « 600 communistes seraient déjà emprisonnés et que les arrestations se poursuivent » et que l’armée rassemblait les responsables des syndicats du pétrole PERBUM et SOBSI.
On trouve une description plus détaillée de la situation à Java Est dans le télégramme 194 du consul américain à Surabaya adressé à Jakarta le 4 novembre 1965. Le télégramme mentionne des « raids de nettoyage » continus et que certains villages de Surabaya étaient fortement communistes, ainsi que situation préoccupante à Blitar et Banyuwangi. Le rapport mentionne que Madiun, Pacitan et Ponorogo avaient été placés sous contrôle. Le commandant de l’armée de Java Est, Basuki Rachmat, aurait comparé le mouvement du 30 septembre à la rébellion de 1948 du PCI à Madiun, et des images de propagande montrant les corps des six généraux mutilés circulaient à Surabaya.
Si auparavant les télégrammes n’utilisaient que les mots « tués » et « arrêtés », le télégramme d’action 183 adressé à Jakarta par le consul américain à Surabaya, daté du 26 novembre 1965, contient le mot « massacre », ce qui implique que les meurtres étaient perpétrés à large échelle. Le télégramme rapporte le massacre de communistes par le groupe de jeunes du Nahdlatul Ulama, l’Ansor, dans de nombreux endroits de Java Est. Une source a déclaré que l’exemple le plus important s’était produit à Tulungagung, où plus de 15 000 communistes avaient été tués, mais le consul américain doutait de cette information.
L’aérogramme A-398 révèle que les aveux de certains dirigeants du PKI avaient peut-être été falsifiés, y compris celui de Njono, un membre du Bureau politique du parti. Un rapport du 21 décembre 1965 de la première secrétaire d’ambassade, Mary Louise Trent, relève le désaccord de Sukarno à l’égard de l’agression contre le PKI, dont on estimait à ce moment-là qu’il avait provoqué la mort de 100 000 membres du PKI et 10 000 morts rien qu’à Bali. À la fin de décembre 1965, les meurtres de membres du PCI à Java Est se poursuivaient, mais « de manière plus discrète », et à Madiun, les prisonniers du PKI « étaient livrés à des civils pour qu’ils les massacrent ».
Le « contrôle absolu » de l’armée sur Java Centre est resté fort jusqu’en octobre 1966, un an après la prétendue tentative de coup d’Etat.
Qui travaillait avec l’armée ?
Selon plusieurs documents, les partis nationalistes et religieux. Le télégramme d’action 183 envoyé à Jakarta par le consul américain de Surabaya, daté du 26 novembre 1965, rapporte que le massacre généralisé était assimilé à une guerre sainte contre les infidèles, puisque les communistes étaient considérés comme des athées en Indonésie. Les prédicateurs d’une mosquée de la Muhammadiyah à Medan délivraient des « permis de tuer » les membres du PKI.
Le télégramme 1485 de l’ambassade américaine à Jakarta au secrétaire d’Etat, daté du 18 novembre 1965, déclare que l’armée travaillait avec des partis religieux, tant musulmans que chrétiens, ainsi qu’avec le Parti nationaliste indonésien (PNI), d’extrême-droite. On rapportait des affrontements entre le PKI et les partis religieux et nationalistes à Java Est, ainsi que le meurtre de 200 prisonniers du PCI par des musulmans à Bone. À Pasuruan, on rapporte que « l’armée … se détournait et permettait aux musulmans de continuer à massacrer » et qu’en décembre, l’armée livrait chaque nuit 10 à 15 prisonniers aux musulmans pour qu’ils soient exécutés ». À Kudus, les groupes commandos de l’armée (RPKAD) avait rassemblé des catholiques et des musulmans pour « éradiquer » le PKI.
Le télégramme A298 daté du 23 octobre 1965 comprend un compte-rendu d’une conversation avec Adnan Buyung Nasution. Nasution soutenait que c’était une occasion pour les modérés de « redresser le destin du pays », ce qui implique que les groupes modérés travaillaient aussi avec l’armée.
Le gouvernement des États-Unis a-t-il aidé l’armée indonésienne dans le meurtre de masse des communistes ?
Une lettre du conseiller politique du commandant en chef pour le Pacifique (CINCPAC) Norman Hannah à l’ambassadeur américain en Indonésie Marshall Green, datée du 13 octobre 1965, discute de la possibilité de l’aide étasunienne à l’armée. Hannah déclarait qu’il y avait « une possibilité raisonnable que l’armée indonésienne demande notre aide contre une insurrection du PCI ». Mentionnée dans la page de résumé, mais pas dans le document, on trouve la demande de Green à l’administration de Lyndon B. Johnson d’ « examiner la possibilité d’une aide ponctuelle à court terme sur une base secrète, non attribuable » comme signe du soutien américain. La demande de Green était le premier signe de la possible contribution américaine à la purge anticommuniste, mais ne signifiait aucune aide concrète.
Quoi d’autre dans les documents ?
- Les documents révèlent aussi la connaissance qu’avaient les États-Unis d’une répression militaire brutale en Papouasie. Le télégramme 542A daté du 15 septembre 1965 décrit des soldats indonésiens « [tirant] des rafales de balles sur tout Papou en vue et abattant de nombreux passants innocents » après une cérémonie de lever de drapeau.
- En discutant de la nomination de Ruslan Abdulgani au poste de délégué permanent de l’Indonésie aux Nations Unies, le ministre des Affaires étrangères Adam Malik a soutenu que Suharto avait pris sa décision en écoutant son dukun (devin), qui était payé par le parti de Ruslan, le Parti nationaliste indonésien. Selon la rumeur, Suharto était un homme superstitieux.
- Une conversation intéressante a eu lieu lorsque l’armée rassemblait des présumés communistes dans une raffinerie de pétrole Shell. Deux domestiques devaient être arrêtés dans une maison hollandaise. Le Hollandais dit : « Mais pas avant le repas. J’ai prévu une grande fête. » L’arrestation a attendu que le repas soit terminé.
- Un reportage réalisé après l’arrivée à la présidence de Suharto décrit en long et en large la culture et le comportement javanais, avec le commentaire que les grandes différences culturelles posaient des problèmes fondamentaux pour la conduite étasunienne en Indonésie.
Quelques fac-similés des rapports de l’ambassade américaine à Jakarta qui ont été déclassifiés :
on lira avec attention la prose tout en langage diplomatique de la note du 23 octobre 1965 (page 47) recommandant la livraison d’armes, d’argent et de moyens techniques à l’armée indonésienne pour attaquer le PKI et débarquer Sukarno