Ci-dessous, Granma, l’organe officiel du Comité central du Parti communiste de Cuba, répond à la Directive présidentielle d’Obama et aux nouvelles mesures d’allégement du blocus annoncées le 17 octobre 2016. Bien entendu, on pourrait poser à Obama bien d’autres questions tout aussi essentielles dans une foule de domaines dès qu’il s’agit de Cuba et de sa Révolution et des relations avec l’Empire…
Jacques-François Bonaldi
10 QUESTIONS ESSENTIELLES SUR LA NOUVELLE DIRECTIVE DE POLITIQUE PRÉSIDENTIELLE SUR CUBA
Granma, jeudi 20 octobre 2016)
- La nouvelle Directive de l’administration Obama sur Cuba considère que le blocus est « une politique dépassée qui n’avait pas réussi à favoriser les intérêts étasuniens ». Washington reconnaîtra-t-il un jour qu’il est une agression injuste et illégale qui a causé des pertes économiques s’élevant à des milliards de dollars et des dommages humains incalculables ? Est-il disposé à compenser le peuple cubain pour ces dommages ?Préjudices causés par le blocus d’avril 2015 à avril 2016Santé : 82 723 876,18 dollars. Soit une augmentation de plus de cinq millions de dollars par rapport à avril 2014-avril 2015.
Alimentation : 605 706 289 dollars. Pour hausse des prix des semences pour la production, des engrais, des pièces détachées pour engins agricoles et autres.
Culture : 29 483 000 dollars. La source principale où acquérir un groupe important de matières premières, de matériaux, d’instruments et d’équipements pour les artistes, les artisans et les concepteurs cubains pourrait être les USA, si le blocus n’existait pas.
Éducation : 1 245 000 dollars. Pour obligation de se fournir sur des marchés lointains.
Construction : 30 868 200 dollars. Pour impossibilité d’accéder à des technologies de construction plus efficaces, plus légères, consommant moins de matériaux de base et de composants énergétiques.
Biotechnologie : 171 665 136,96 dollars.
- Si les États-Unis veulent avoir des relations « honnêtes » avec le peuple cubain, comme l’a dit la conseillère de sécurité nationale Susan Rice, pourquoi la nouvelle Directive ferme-t-elle les portes à la restitution du territoire occupé illégalement par la base navale à Guantánamo, qui est justement une de ses réclamations souveraines sans la solution de laquelle il ne pourra exister de relations normales ?Les États-Unis envoient chaque année un chèque de 4 805 dollars pour le bail de la base navale à Guantánamo, un chèque que Cuba n’encaisse pas pour une position de principe car elle ne reconnaît pas l’occupation de cette partie du territoire.
- La base navale dans la baie de Guantánamo a été établie en 1903 après l’occupation militaire de l’île par les USA.
- Elle couvre 117,6 kilomètres carrés (49,4 sur terre et le reste de mer et de marais).
- Plus de 5 300 personnes y travaillent entre militaires et civils.
- Les USA y maintiennent un centre de détention illégal.
- « Nous reconnaissons la souveraineté et l’autodétermination de Cuba » et « nous ne cherchons pas à imposer un changement de régime à Cuba », voilà deux idées frappantes qu’on peut lire dans la Directive. Si l’administration étasunienne tient à être logique avec cette posture dans le contexte actuel des relations bilatérales, pourquoi maintient-elle les programmes dits d’ « appui à la démocratie » ?US/AID. 20 millions de dollars, voilà le budget que le Congrès approuve en moyenne chaque année à des activités subversives contre Cuba. De 2009 à 2016, le gouvernement étasunien a destiné 193 300 000 dollars dans ce but.
- Zunzuneo : Une plateforme de messagerie semblable à Tweeter qui prétendait, par des messages apparemment innocents parvenant aux téléphones portables, créer une plateforme politique entre les jeunes Cubains.
- Utilisation d’employés sous contrat : Mettre en place des systèmes de communications illégaux et secrets à partir de technologies non commerciales.
- World Learning : Bourses pour cours d’été, octroyées subrepticement et en marge des autorités cubaines, qui visent à la formation de leaders en mesure de nuire à l’ordre intérieur du pays.
- À quoi se réfère la Directive quand elle dit que les programmes d’ « appui à la démocratie » seront plus « transparents » et équivalents à ceux que Washington lance dans d’ « autres sociétés connaissant une situation semblable » ? Les rendre transparents les rendent-ils par hasard moins subversifs ? Cuba est-elle le seul pays où Washington investit de l’argent pour tenter d’influencer sur les décisions de peuples souveraines qui ne répondent pas à ses intérêts ?L’Agence des États-Unis pour le développement international (US/AID)
- AU VENEZUELA : A joué un rôle central dans le financement et le travail auprès de groupes et d’individus qui participèrent au coup d’État éphémère contre Hugo Chávez en 2002. Des dizaines de millions de dollars ont été canalisés vers les putschistes à travers des organisations comme Freedom House et l’International Republican Institute (IRI).
- EN BOLIVIE : En septembre 2008, en pleine campagne sécessionnistes contre le gouvernement d’Evo Morales, celui-ci décide de l’expulser du pays après le refus de l’Agence de révéler qui finançait les projets subversifs.
- *EN RUSSIE : Les autorités russes l’expulsent du pays en octobre 2012. Le Kremlin affirme : « Par l’octroi de bourses et de subventions à des ONG, l’US/AID a tenté d’influer sur nos processus politiques, dont les élections de différents niveaux ».
- « Nous prévoyons qu’il [le gouvernement cubain] de s’opposer à nos politiques et opérations migratoires, à nos programmes en faveur de la démocratie, à Radio Martí et TV Martí… », affirme la nouvelle Directive. Si l’administration étasunienne comprend que ces facteurs sont des points de friction dans les relations bilatérales, comment justifie-t-elle le maintien d’inventions telles que Radio Martí et TV Martí, qui constituent de plus une violation de toutes les normes internationales ?
- Le Bureau de transmissions pour Cuba (OCB) qui supervise Radio Martí et TV Martí leur alloue en moyenne 30 millions de dollars par an. De 2009 à 2016, un total de 139,9 millions de dollars leur a été alloué à ces fins.
- TV Martí a été transmise à Cuba, sans succès [à cause du brouillage cubain], tour à tour à partir d’un globe, d’un avion militaire EC-130 et d’un avion G-1. Ses transmissions se poursuivent aujourd’hui par Internet et par satellite.
- UNION INTERNATIONALE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS : Radio Martí et TV Martí violent les clauses de l’Union internationale des télécommunications (UIT) : les transmissions de radio et de télévision doivent être conçues comme « un service national de bonne qualité dans les limites du pays en question », tandis que celles sur ondes courtes « doivent faciliter les relations pacifiques et la coopération internationale entre les peuples ».
- La Directive présidentielle affirme que « cette nouvelle politique a pour objectif d’aider le peuple cubain à tracer un avenir meilleur pour lui-même ». Mais alors pourquoi appliquer des mesures qui ne bénéficient qu’à une petite partie de la population, notamment celle qui travaille dans le secteur privé dans le but évident de créer des clivages dans notre pays ?Distribution de la force de travail à Cuba.
- Fin 2014, des 4 969 800 travailleurs occupés dans l’économie, 76 p. 100 travaillent dans le secteur public, et 1 526 300, soit 31 p. 100 de la force de travail, sont des jeunes.
Secteurs occupant le plus de diplômés et de techniciens moyens.
- Agriculture, élevage, sylviculture, pêche.
- Commerce, restaurants, hôtels
- Industries pharmaceutiques.
- Transports, entreposage, communications.
- Les départements du Commerce et du Trésor ont émis une nouvelle série de mesures sur Cuba pour accompagner la Directive présidentielle. Parmi les principaux changements, on compte la possibilité d’importer aux États-Unis des produits pharmaceutiques et biotechnologiques cubains. Alors, pourquoi maintenir la prohibition de créer des sociétés mixtes dans ce secteur pour la mise au point et la vente de ces produits ?
- Depuis 2014, Cuba compte un traitement novateur de l’ulcère sévère du pied diabétique qui évite des amputations. À ce jour, plus de 230 000 patients du monde entier ont reçu ce traitement, qui compte 21 registres sanitaires et plus de 30 brevets. L’exportation de ce médicament, l’Heberprot-P, pourrait bénéficier à 5 p. 100 des Étatsuniens qui souffrent chaque année de cet ulcère sévère, et pourrait réduire le chiffre de plus de 70 000 amputations pratiquées chaque année dans ce pays.
- Cuba a mis au point le premier vaccin thérapeutique enregistré contre le cancer du poumon (le CIMAvax-EGF). Deux décennies d’expérience clinique avec ce médicament ont prouvé sa sécurité et son efficacité, sa bonne tolérance, l’élévation de la survie et l’amélioration de la qualité de vie des patients. Ses coûts de production sont relativement bas, et il ne provoque pas d’effets secondaires et significatifs. Plus de 5 000 patients ont été traités avec ce médicament dans le monde. Le cancer du poumon est la principale cause de mort aux États-Unis par cancer.
- Au chapitre « Panorama stratégique », la Directive assure que « Cuba possède un potentiel économique important, fondé sur le dynamisme de son peuple, ainsi que sur une politique soutenue dans des domaines comme l’éducation et la santé ». Washington reconnaît-il alors que le modèle économique et social cubain, fondé sur la propriété sociale des moyens de production fondamentaux, garantit les succès dans les deux secteurs qu’il considère stratégiques pour l’avenir de notre nation ?
- Dépenses publiques en éducation (en millions de pesos) : 1959 : 83,7 ; 1989 : 1 650,6 ; 2008 : 7 503 ; 2016 : 8 221.
- Système national de santé publique : 451 polycliniques ; 10 782 centres de consultation (médecine de quartier) ; 151 hôpitaux ; 1 229 services dentaires.
- Un médecin pour 127 habitants.
- Un dentiste pour 640 habitants.
- Une infirmière pour 125 habitants.
- 12 instituts de recherche.
- 707 bibliothèques médicales.
- 147 foyers du troisième âge.
- 49 services de gériatrie.
- 265 maisons d’aïeuls.
- 13 universités.
- 25 facultés de médecine.
- Pourquoi Washington maintient-il la prohibition d’investissements étasuniens à Cuba, sauf en télécommunications où ils ont été autorisés début 2015 ?Investissements étrangers par secteur en 2014 :
- Construction : 4 p. 100.
- Secteur agro-sucrier : 5 p. 100.
- Transport : 5 p. 100.
- Alimentation : 5 p. 100.
- Industrie : 10 p. 100.
- Énergie et mines : 11 p. 100-
- Tourisme et immobilier : 52 p. 100.
- Autres : 8 p. 100.
Investissements étrangers par modalités (2014) :
- Contrats d’Association économique internationale : 45 p. 100.
- Entreprises à capital totalement étranger : 5 p. 100.
- Sociétés mixtes : 50 p. 100.
- Ces vingt-deux derniers mois, les progrès dans les relations bilatérales ont été indiscutables, après un demi-siècle de stagnation. L’administration Obama est-elle prête à continuer d’utiliser ses prérogatives exécutives pour rendre irréversible ce changement de politique envers Cuba ?
Ce qu’Obama ne peut pas faire.
- Permettre les voyages à motifs touristiques (Loi de réforme des sanctions commerciales et amplification des exportations, 2000).
- Éliminer la prohibition imposée aux filiales de sociétés étasuniennes dans des pays tiers de faire du commerce avec Cuba (Loi Torricelli, 1992).
- Éliminer la prohibition de faire des transactions concernant des biens étasuniens nationalisés à Cuba (Loi Helms-Burton, 1996).
- Éliminer l’obligation de payer cash et d’avance les achats de produits agricoles vendus par les USA à Cuba (Loi de réforme des sanctions commerciales et amplification des exportations, 2000).
- Lever totalement le blocus (Loi Helms-Burton, 1996).
Traduction J-F Bonaldi, la Havane