L’arrivée au pouvoir d’un représentant du parti « Die Linke » (la Gauche) à la tête du Land est-allemand de Thuringe appelle deux sortes de commentaires.
D’une part, il témoigne du fait que l’anticommunisme ne marche plus autant qu’avant en Allemagne « unifiée ». Qu’importe aux citoyens de cette partie de l’ex-RDA que Mme Merkel les ait menacés d’un retour de « Karl Marx » au pouvoir ! La réalité de la « réunification » et des politiques d’austérité a fait justice du « paradis capitaliste » promis aux Est-allemands…
Mais, comme nous l’indique notre camarade Georges Hallermayer, bon connaisseur de la politique allemande qui livre ici son avis personnel, il convient de tempérer fortement l’enthousiasme. En réalité,
1 : le nouvel homme fort de Thuringe, Herr Ramelow a désavoué le RDA comme « Unrechtsstaat » (Etat de non-droit) ; il s’est plusieurs fois excusé à ce sujet, il a assimilé la Stasi à la Gestapo – ce qui signifie en réalité qu’il a délégitimé le socialisme comme système et renié la première expérience socialiste de l’histoire sur le sol allemand.
2 : Ramelow a accepté les « Schuldenbremse » : ça veut dire la politique d’austérité avec les conséquences. Bref: comme Patrick Köbele l’a dit, il en est arrivé au parlamentarisme bourgeois. On ne peut pas avoir la grande espérance d’un changement …
3 : « Die Linke » n’est pas un parti communiste – cela veut dire qu’il faut renforcer le parti communiste, le DKP, pour rassembler l’opposition populaire au système capitaliste, et agir pour les 4 sortie (de l’euro, de l’UE, de l’OTAN et du capitalisme).
Allemagne : Die Linke va diriger l’Etat de Thuringe
Fabrice Savel avec Reuters – Photo AFP
Vendredi, 5 Décembre 2014
Bodo Ramelow (Die Linke) a pris vendredi la tête du gouvernement de l’Etat de Thuringe, une première depuis la réunification de l’Allemagne qui met fin à 24 ans d’hégémonie des conservateurs de la CDU sur ce Land de l’ex-RDA.
Les élections dans l’Etat de Thuringe en septembre avaient donné des résultats très serrés et des négociations s’étaient engagées entre les quatre partis en lice pour former une coalition de gouvernement. Lire nos articles : Bodo Ramelow ; Die Linke bientôt à la tête d’un Land ; Régionales allemandes: Die Linke résiste, poussée nationaliste confirmée.
Les trois formations orientées à gauche, Die Linke, le SPD et les Verts, ont accepté de s’entendre et le parlement de l’Etat installé à Erfurt a désigné vendredi le syndicaliste Bodo Ramelow, 58 ans, au poste de ministre-président. C’est la première fois que ces trois partis politiques s’allient ainsi pour gouverner l’un des 16 Länder d’Allemagne. Si la coalition parvient à perdurer, d’autres alliances pourraient être décidées lors des prochaines élections générales prévues en 2017 en vue d’opposer un front commun à la CDU de la chancelière Angela Merkel. Jusqu’à présent les sociaux-démocrates du SPD, qui participent à une grande coalition gouvernementale droite-gauche, avaient refusé de s’unir au niveau national à Die Linke. Bodo Ramelow a été élu au deuxième tour de scrutin lors du vote des parlementaires, après avoir manqué de justesse la majorité lors du premier tour. « Nous avons besoin d’une réconciliation et non d’une division », a lancé le nouveau ministre-président, visiblement ému, en s’adressant aux 91 élus du parlement local.
Plusieurs milliers de personnes ont défilé à Erfurt, chef lieu de la Thuringe, pour s’opposer à la candidature de Bodo Ramelow, jugé trop proche de Moscou et hostile à l’Otan. Angela Merkel, qui a grandi dans l’ancienne Allemagne de l’Est, avait mis en garde ses partenaires du SPD contre le risque de « faire entrer Karl Marx dans le gouvernement de l’Etat de Thuringe ». Les conservateurs estiment que cette élection de Bodo Ramelow constitue une insulte aux anciennes victimes du communisme et y voient le spectre d’un retour de la Guerre froide 25 ans après l’effondrement du bloc de l’Est.
Mais surtout, la chancelière allemande s’inquiète de voir se constituer une entente tripartie Die Linke-SPD-Verts à l’échelon national alors que la CDU a perdu six Länder depuis 2009 et qu’elle n’en gouverne plus que cinq sur les 16.
La gauche radicale allemande à la tête de la Thuringe
Publié le 05-12-2014 à 20h48 par Erik Kirschbaum
BERLIN, 5 décembre (Reuters) – Le parti de la gauche radicale allemande Die Linke a pris vendredi la tête du gouvernement régional de l’Etat de Thuringe, une première depuis la réunification de l’Allemagne qui met fin à 24 ans d’hégémonie des conservateurs de la CDU sur ce Land de l’ex-RDA.
Le syndicaliste Bodo Ramelow, qui est âgé de 58 ans, a été élu ministre-président par les députés de l’assemblée régionale de Thuringe, où la coalition constituée par Die Linke, le SPD et les Verts après les élections très serrées de septembre ne dispose que d’une très faible majorité, avec 46 élus sur 91.
C’est la première fois que ces trois partis de la gauche allemande s’allient ainsi pour gouverner l’un des 16 Länder. Si leur coalition « rouge-rouge-verte » perdure, d’autres alliances pourraient être décidées lors des prochaines élections générales prévues en 2017 en vue d’opposer un front commun à la CDU de la chancelière Angela Merkel.
Jusqu’à présent les sociaux-démocrates du SPD, qui participent à une grande coalition gouvernementale droite-gauche, refusent de s’unir au niveau national à Die Linke, né de la fusion du Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED) qui était au pouvoir en RDA et de l’Alternative électorale travail et justice sociale (WASG).
Lors de la campagne électorale, Angela Merkel, qui a grandi dans l’ancienne Allemagne de l’Est, avait mis en garde ses partenaires du SPD contre le risque de « faire entrer Karl Marx dans le gouvernement de l’Etat de Thuringe ».
Elle s’est refusée vendredi à commenter l’élection de Ramelow, se contentant d’indiquer lors d’une conférence de presse que son parti, la CDU, respectait l’issue du vote.
Sigmar Gabriel, vice-chancelier et dirigeant national du SPD, a pour sa part dénoncé les réactions « hystériques » face à l’arrivée au pouvoir d’un élu Die Linke en Thuringe. « C’est absurde », a-t-il dit alors qu’on lui demandait si Ramelow allait rétablir le communisme de l’ex-RDA.
Bodo Ramelow, qui aime à apparaître en public en compagnie de son chien Attila, a été élu au deuxième tour de scrutin par les parlementaires.
« Nous avons besoin d’une réconciliation et non d’une division », a lancé le nouveau ministre-président, visiblement ému.
Militant socialiste affirmé, Bodo Ramelow avait fait campagne en septembre en se présentant avec un buste de Karl Marx à ses côtés.
Plusieurs milliers de personnes ont défilé à Erfurt, chef-lieu de la Thuringe, pour s’opposer à la candidature de Bodo Ramelow, jugé trop proche de Moscou et hostile à l’Otan.
Les conservateurs estiment que son élection constitue une insulte aux anciennes victimes du communisme et y voient le spectre d’un retour de la Guerre froide 25 ans après l’effondrement du bloc de l’Est.
En outre, la chancelière allemande s’inquiète de voir se constituer une entente tripartie Die Linke-SPD-Verts à l’échelon national alors que la CDU a perdu six Länder depuis 2009 et qu’elle n’en gouverne plus que cinq sur les 16, indique Gero Neugebauer, professeur de Sciences politiques à l’Université libre de Berlin.
Dans l’actuel Bundestag, issu des élections de septembre 2013, l’addition des voix des groupes SPD (192 élus), Die Linke (64 élus) et Verts (63 élus) est supérieure au groupe CDU-CSU (311 élus). Les prochaines élections fédérales sont programmées pour 2017.
« Nous avons une chance d’ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire allemande avec le SPD et les Verts », notait Ramelow avant son élection. (Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié pour le service français, édité par Henri-Pierre André).
Allemagne : une coalition « rouge-rouge-verte » qui interpelle
Le HuffingPost | Par Maxime Bourdier Publication: 05/12/2014 16h37
ALLEMAGNE – Un événement qui fait les gros titres des médias outre-Rhin. Pour la première fois, le parti de gauche radicale Die Linke -équivalent et modèle du Front de gauche français- va diriger un Land, l’un des seize Etats fédérés que compte l’Allemagne. Il s’agit de celui de Thuringe, situé au centre-est du pays et qui compte un peu plus de 2 millions d’habitants.
Arrivé deuxième des élections législatives régionales de septembre avec 28,2% des voix, derrière la sortante conservatrice de la CDU (33,5% des voix), le candidat de Die Linke Bodo Ramelow a réussi après d’intenses négociations à être élu ministre-président de Thuringe ce vendredi 5 décembre, réunissant une courte majorité des voix au parlement (46 voix sur 91). Une élection symbolique à plus d’un titre.
Fin de règne pour la CDU
Il s’agit d’abord d’une défaite surprise pour la CDU, parti de la chancelière Angela Merkel qui dirigeait le Land de Thuringe depuis 1990. En tête à l’issue des législatives régionales, les conservateurs ont connu un léger mieux par rapport à 2009 (31,2% des voix), où ils avaient dû s’allier avec les sociaux-démocrates du SPD pour conserver leur majorité. Mais cela ne leur a pas suffi pour conserver le pouvoir.
Les militants du SPD (18,5% des voix) ont choisi à l’unanimité de rallier Die Linke pour former une coalition gouvernementale « rouge-rouge-verte » avec l’appoint des écologistes. Si le parti social-démocrate s’est déjà allié avec la gauche radicale au niveau local (notamment à Berlin), il s’est toujours montré réfractaire à l’idée de le faire à des niveaux plus élevés. Jusqu’ici, l’exception était le Land de Brandebourg, gouverné par une coalition « rouge-rouge » mais avec un ministre-président SPD.
L’alliance entérinée vendredi en Thuringe n’a rien d’évident, dans cet ancien Land de RDA, et alors que l’Allemagne vient de commémorer le 25e anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Die Linke est en effet le fruit d’une coalition conclue en 2007 entre des déçus du SPD et des héritiers de l’ex-formation communiste est-allemande SED, parti unique qui a gouverné la RDA de 1946 à 1989.
Mauvais souvenirs
Dans un communiqué, l' »Union des associations de victimes de la tyrannie communiste » (UOKG) a vivement condamné l’élection de Bodo Ramelow: « Les vieux camarades du SED et les mouchards de la Stasi sont aux commandes de l’État régional », ont-ils dénoncé. Une référence à la présence, parmi les députés de Die Linke, d’une ancienne membre de la police politique du régime ainsi que d’un ancien officier de la Volkspolizei, chargée d’empêcher les habitants de passer à l’ouest.
Ces dernières semaines, plusieurs milliers de personnes ont d’ailleurs manifesté dans les rues d’Erfurt, la capitale régionale, pour dénoncer la formation de cette coalition gouvernementale. Le 9 novembre, anniversaire de la chute du Mur, environ 4000 personnes se sont rassemblées pour dire non à Die Linke, bougie à la main comme les manifestants qui firent vaciller la RDA 25 ans plus tôt. « Stasi dehors », ont-ils notamment scandé.
Critiquant le choix du SPD, Angela Merkel a estimé que la coalition était « une mauvaise nouvelle » tandis que le président Joachim Gauck, sortant de son devoir de réserve, s’est demandé si Die Linke avait « pris ses distances avec les idées au nom desquelles le SED a opprimé les gens, au point qu’on puisse lui faire pleinement confiance ».
« Les gens qui ont connu la RDA et appartiennent à ma génération doivent faire un gros effort pour accepter cela », a dit l’ancien pasteur et militant des droits de l’Homme en RDA.
Bodo Ramelow tente de rassurer
Des inquiétudes dont Bodo Ramelow est bien conscient. Après avoir prêté serment, le nouveau chef du gouvernement a commencé son discours d’investiture en demandant « pardon » au nom des anciens communistes aux victimes de l’ancien régime et de la police politique. Interrogé sur la portée « historique » de ce jour, il a aussi affirmé que le jour historique avait eu lieu la veille, 25e anniversaire de la destruction du siège de la Stasi.
Dans son discours d’investiture, Bodo Ramelow a en outre adopté la devise d’un ancien président de la République fédérale, Johannes Rau (1999-2004): « Réconcilier plutôt que diviser ». « C’est à cette aune que l’on devra (…) me juger », a-t-il affirmé. Le ministre-président a toujours souligné qu’il avait grandi à l’Ouest et n’avait donc rien à voir avec le régime politique de RDA qu’il n’hésite pas à dénoncer.
« Je ne suis pas un représentant de la RDA et mon parti n’est pas un club nostalgique qui voudrait faire renaître la RDA », a aussi assuré Bodo Ramelow, protestant qui a grandi à l’Ouest et se voit comme un trait d’union avec l’Est. Sa coalition est « un projet de réconciliation » explique-t-il, affirmant vouloir mener « une politique régionale tout à fait pragmatique ». Parmi les mesures de sa coalition, l’embauche annuelle de 500 professeurs, la gratuité de la première année en crèche ou l’autosuffisance énergétique d’ici 2040.
Un exemple à suivre au niveau fédéral ?
Une partie de la gauche allemande espère désormais que l’idée d’alliances « rouge-rouge » ou « rouge-rouge-verte » fasse son chemin et permette de détrôner Angela Merkel lors des prochaines élections fédérales de 2017, évitant ainsi une nouvelle « Grande coalition » entre sociaux-démocrates et conservateurs. Si le SPD s’était allié avec Die Linke et les Verts lors des élections fédérales de 2013, il serait arrivé devant la CDU.
Pour le politologue Jens Walther de l’Université de Düsseldorf, une telle coalition est certes « envisageable » mais cela dépendra de la capacité de Die Linke à faire des compromis. Si Bodo Ramelow fait bien partie des pragmatiques, « il règne un autre climat au sein du groupe parlementaire du parti », a-t-il expliqué à l’AFP.
Le SPD n’est en tout cas visiblement pas prêt à franchir le pas pour l’instant. Sa secrétaire générale Yasmin Fahimi l’a rappelé vendredi en soulignant que la Thuringe « n’avait rien à voir » avec l’échelon fédéral.