On ne peut servir deux maîtres. Pourquoi les lanceurs d’alerte doivent choisir entre Soros et Assange et pourquoi la vie d’Assange est en danger.
On raconte que pendant l’Occupation, des officiers allemands, attirés par la notoriété de Picasso, rendirent une visite inopinée à ce dernier. Alors que le peintre leur tendait une reproduction photographique de Guernica, l’un d’entre eux lui demanda : « C’est vous qui avez fait cela ? » Picasso leur répondit du tac au tac : « Non, c’est vous ! »
N’inversons donc pas les choses ; ce sont les États-Unis qui ont fait les Chelsea Maning et les Edward Snowden, et tous ces courageux lanceurs d’alerte. Et il y en aura d’autres, à mesure que s’étend la domination impériale des gendarmes du monde. Un système d’oppression cynique engendre toujours la révolte. L’inhumain suscite toujours l’humain. Inexorablement.
La voie de garage des lanceurs d’alerte
Pour arrêter cette vague, il faut canaliser la colère, il faut récupérer ce mouvement de dignité irrépressible qui anime potentiellement tout être humain.
Le plus simple serait de contrôler ceux qui oseront diffuser les informations secrètes, de les orienter, de les canaliser, puis de les réduire.
Pour cela, il faut s’assurer le concours d’ONG qui n’ont que faire de la légitimité démocratique, ou d’officines prétendant défendre la liberté d’expression par différents financements alors que, précisément, la liberté d’expression n’est garantie que si personne n’est davantage financé qu’un autre.
Des fondations allemandes sous financement étatique ont servi après-guerre de modèles du genre, puis on a vu se succéder ces agences de guerre froide dont les noms n’évoquent que bons sentiments : du Congrès pour la liberté de la culture à la Fondation nationale pour la démocratie, ladite NED, fondée sous Ronald Reagan. Sans oublier les prix Nobel de la paix remis à Theodore Roosevelt, Henry Kissinger, Al Gore, Barack Obama et même à l’Union européenne (la prochaine fois, attribuez-le directement à la CIA, ce sera encore plus clair).
Enfin, il a paru plus aisé de préposer à l’ensemble de ces nobles causes les divers faux-nez de ce Monsieur Soros, qui est si bien en cheville avec les dignitaires du Parti démocrate, comme Julian Assange en a fourni la preuve de façon si éclatante en 2016. Ce Monsieur Soros qui a reconnu avec délectation son implication dans le « regime change » en Ukraine. Il n’y avait pourtant pas de quoi se vanter de ce retour des bandéristes et de la croix gammée à Kiev, avec ce pistolet pointé désormais sur la tempe de Moscou, par la route habituelle des invasions.
Mais qu’à cela ne tienne, on emprisonne M. Assange, on le fait taire. M. Soros, désormais seul en scène ou presque, récupère ainsi toute la mise et peut enfin spéculer sur la montée de la cote des lanceurs d’alerte. C’est pourquoi aujourd’hui l’entourage de Julian Assange se divise aujourd’hui en deux :
- ceux dont on n’entend plus parler parce qu’ils ont été réduits au silence (morts, menacés, persécutés, disparus)
- ceux qui travaillent peu ou prou avec l’assistance de l’un quelconque de ces réseaux bien-pensants et influents de la fausse gauche (voir nos deux articles précédents).
Sans oublier ceux qui écriront leur livre pour dire « j’y étais », avec en préparation, sans doute, l’évangile selon saint Branco.
Sur sa pierre tombale, ils fonderont leur Église
On fera ainsi de Julian Assange un martyr de la liberté d’expression, plutôt qu’un prisonnier politique. Un prisonnier politique ça se libère ; un martyr ça se révère. Et pour fonder une religion, il faut un sacrifice. Et sur ce sacrifice, on pourra créer une Église, qui s’assurera un pouvoir bien temporel. Une Église qui, elle, n’aura aucun mal à servir deux maîtres, la cause et surtout le pouvoir.
Lesdites démocraties occidentales fonctionnent à ce carburant depuis toujours : l’alternance, à défaut d’alternative, entre la fausse gauche et la vraie droite. Il ne s’agit donc nullement de défendre Assange pour ce qu’il est : un prisonnier politique de l’impérialisme, mais pour l’idée abstraite qu’ils s’en font : le droit de tout dire. Oui, mais à qui? À quoi sert de se plaindre des agissements de Clinton à Soros si Clinton et Soros sont de mèche? La séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, et notamment l’émergence du quatrième pouvoir qu’était la liberté de la presse et des autres médias doit être réduite à un seul : plaignez-vous de Pepsi à Coca, de Donald à Mickey…
Et ce jeu de bonnet blanc / blanc bonnet peut prendre une tournure encore plus singulière au plan international.
En effet, Julian Assange avait aussi révélé en 2016 un courriel d’Hillary Clinton attestant que celle-ci savait que les gouvernements qatari et saoudien (et non uniquement quelques princes félons comme on le prétendait) finançaient Daesh mais aussi que le plus grand contrat d’armement jamais signé dans le monde (80 milliards de dollars), avait été conclu avec l’Arabie saoudite lorsque Mme Clinton exerçait la charge de secrétaire d’État. On sait par ailleurs que l’Arabie saoudite et le Qatar abondaient largement à la Fondation Clinton du temps où la secrétaire d’État approuvait ces ventes d’armes. Ce qui montre que l’État islamique et la Fondation Clinton ont donc été financés par les mêmes fonds…
Quand les sociaux-démocrates aiment « le bon boulot »
C’est depuis Léon Blum qu’est consacrée, à propos de la sociale-démocratie, l’expression de « serviteurs loyaux » du système. Il est vrai que Léon Blum avait honteusement prôné la non-intervention contre le franquisme écrasant la République espagnole. Mais c’était encore l’enfance de l’art ; aujourd’hui ses héritiers politiques diraient carrément que les phalangistes font du « bon boulot ».
Donc non, ce n’est pas un hasard si Julian Assange a été fondamentalement victime de cette sociale-démocratie suédoise que l’assassinat d’Olof Palme a eu tôt fait de réduire à l’état de République bananière de l’OTAN.
Notons d’abord que c’est à l’invitation de la sociale-démocratie suédoise qu’Assange est tombé dans le piège de 2010.
Notons ensuite que l’avocat qui avait défendu les deux plaignantes suédoises et avait tout fait pour que la procureure Marianne Ny rouvre le dossier, Claes Borgström, a ainsi créé un cabinet d’avocats avec l’ancien ministre de la Justice, le social-démocrate Thomas Bodström. On se souvient que c’est sous Bodström qu’avait eu lieu la pire affaire d’extradition vers les centres de torture de la CIA « externalisés » en Égypte (affaires Al-Zeri et Agiza).
C’est vers cette même époque qu’Assange se prive ou est privé d’avocats proches des mouvements sociaux et dont ce qu’on aurait appelé naguère le mouvement ouvrier pour les conseils d’avocats de la haute bourgeoisie (l’avocat dandy et ténor du barreau Geoffrey Robertson), avec les résultats brillants que l’on sait. Pourtant, le dossier suédois était tellement vide qu’un avocat commis d’office, beaucoup moins introduit, l’aurait pulvérisé.
On peut s’étonner, enfin, de ce M. Correa qui coupe l’accès à internet à Julian Assange à l’ambassade d’Équateur au moment où celui-ci (on était fin 2016) commence à révéler les turpitudes liées à la maison Clinton. Si Julian Assange était considéré comme citoyen équatorien, de quel droit lui retire-t-on la possibilité de s’exprimer? Pourquoi un tel zèle à soutenir Mme Clinton de la part de celui qui était alors président équatorien? Pourquoi une telle servilité de dirigeants du tiers-monde envers ce qui n’est au fond que la main gauche de l’impérialisme?
Pour rappel, Moubarak était à la IIe Internationale, Juan Guaido est à la IIe Internationale. Ne comptez donc évidemment pas sur Jeremy Corbyn pour appeler à la mobilisation pour la libération d’Assange, ni pour expliquer ce qui nous paraît LA SEULE ALTERNATIVE À SA MISE A MORT PROGRAMMÉE : à savoir une implication massive de l’ONU, pas d’un État, pas d’une ONG mais de l’ensemble de la communauté internationale, se basant sur le droit international.
Alerte : qui est à l’appareil?
Résumons-nous : cette fausse gauche qui grouille autour d’Assange et entend récupérer la cause sacrée des lanceurs d’alerte n’est pas seulement indigne ou incapable, elle est tout simplement venimeuse. Dans le cas des lanceurs d’alerte, pour l’armée US, imaginez l’aubaine : si vous désirez lancer une alerte, à qui que vous vous adressiez, il s’agira toujours d’un avatar de M. Soros, qui se chargera certainement de transmettre le message à ses contacts haut placés. En somme, vous croyez appeler Rosa Luxemburg… et c’est Noske qui répond. L’armée US fera ainsi d’une pierre deux coups : elle repérera automatiquement les éléments « non fiables » tout en rendant tout témoignage impossible. Les plus dangereux des lanceurs d’alerte seront ainsi immédiatement repérés puis étouffés dans l’œuf. Les autres seront utilisées comme leurres, comme appâts pour que d’autres se révèlent et tombent dans le piège à leur tour.
C’est aussi pour cela que les lanceurs d’alerte sont aujourd’hui si à la mode et si fêtés, à l’instar de cette adolescente un peu perturbée qu’on traîne actuellement partout sur nos écrans.
Rimbaud voyait venir le temps des assassins. Après cela, il y aura donc celui des Greta Thunberg, une héroïne vengeresse d’on ne sait qui, venue d’on ne sait où (ah si, de Suède, encore…), pour jouer encore sur la corde sensible, la part morale, des derniers hommes.
Aymeric Monville, avec les éléments fournis par Mme Véronique Pidancet Barrière pour WikiJustice Julian Assange
Le père de Julian Assange alerte : «N’oubliez pas Julian, ou nous allons le perdre, sa santé se dégrade »
Dans une interview accordée le 3 août à 3CR, une station de radio communautaire de Melbourne, le père de Julian Assange, John Shipton, a déclaré que la santé du fondateur de WikiLeaks continuait de se dégrader dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh.
Shipton a révélé qu’Assange avait reçu la visite de son frère Gabriel plusieurs jours auparavant. « Julian est émacié et en mauvaise santé », a déclaré Shipton. « Il souffre d’anxiété. Il a toujours son esprit combatif, mais son état de santé décline rapidement. «
Le père d’Assange alerte sur le risque de « perdre Julian » si aucune mesure n’est prise pour mettre fin à son incarcération. Son avertissement fait suite à une déclaration du journaliste d’investigation de renommée mondiale John Pilger sur Twitter plus tôt ce mois-ci, qui écrivait: « N’oubliez pas Julian Assange. Ou vous allez le perdre. Je l’ai vu à la prison de Belmarsh et son état de santé s’est détérioré… »
Des conditions inhumaines
Le père d’Assange a décrit les conditions inhumaine dans la prison de Belmarsh, où Assange est détenu depuis son arrestation depuis l’ambassade de l’Équateur à Londres par la police britannique, le 11 avril.
« Pouvez-vous croire que Julian, qui est un type doux et intellectuel, est enfermé dans une prison de haute sécurité ? » a-t-il demandé à l’intervieweur, Jacob Grech.
Assange a été embastillé dans ces cachots britanniques alors qu’il n’avait été condamné que pour une infraction mineure au régime de liberté sous caution, qui résultait de sa demande d’asile politique acceptée par l’ambassade de l’Équateur en 2012.
Shipton a expliqué qu’Assange était « dans une cellule 20 heures par jour et n’a droit qu’à deux visites extérieures par mois. Les avocats y sont autorisés à d’autres moments. Ces visites sociales peuvent être annulées ou réduites arbitrairement ».
Il a raconté que, lorsqu’il s’est rendu d’Australie à Londres il ya deux mois et demi, «nous avons attendu et on nous a dit que nous ne pouvions pas venir» dans la prison pour une visite préparée avec Assange.
« Aucune raison n’a été donnée », s’indigne Shipton, sauf que « des rendez-vous contradictoires ont été pris avec les médecins de prison pour venir le voir. Ils utilisent donc les horaires de visite pour que ses médecins légistes l’examinent, ce qui signifie qu’une visite personnelle doit être annulée ».
Shipton, accompagné d’un membre du personnel de WikiLeaks et de l’artiste chinoise Ai Weiwei, est revenu la semaine suivante pour une autre visite organisée. « Nous avons attendu 46 minutes pour que Julian arrive », a-t-il déclaré. Les autorités pénitentiaires ont affirmé qu’elles avaient « oublié » d’informer Assange de la visite, « alors elles ont dû aller le chercher et le faire descendre ».
La visite de deux heures à laquelle Assange a droit a été réduite à une heure. «Voyager depuis l’Australie pour voir Julian et ne disposer que d’une heure, cela me semble cruel », a déclaré Shipton.
Grech a demandé àau père de Julian Assange s’il pensait que cela était le résultat d’une incompétence ou d’une attaque délibérée des droits d’Assange. Il a répondu : «On me dit souvent que cela est fait avec un prisonnier réputé pour affirmer son autorité sur lui et sur ses visiteurs ».