De premières informations commencent à filtrer sur les attentats au Sri Lanka, perpétrés le jour de Pâques et qui ont causé plus de 350 morts.
Plus de 40 personnes ont été arrêtées. Il semble que le cerveau présumé des attentats, M Zaharan était bien connu, il avait fait l’objet d’une tentative d’arrestation en 2017. Surtout, deux des kamikazes seraient les enfants de Mohammad Yusuf Ibrahim, un homme d’affaires ayant fait fortune dans le commerce international des épices, dont l’entreprise est l’une des plus grosses pourvoyeuses de devises pour le Sri Lanka. Un homme proche du premier ministre Rajapakse et président du syndicat patronal Colombo Trade Association.
Jean Pierre Page, ancien responsable du département international de la CGT, fin connaisseur du Sri Lanka, apporte en 10 points quelques explications.
Sri Lanka: scénario pour un massacre!
En 10 tableaux comme au théâtre
1- Quel est le lieu?
–
L’Asie, lieu central de l’affrontement entre américains,
chinois et les alliés partenaires des uns et des autres.
–
Le Sri Lanka île stratégique de l’océan indien qui depuis 450
ans attise les convoitises de par sa position géographique et ses
ressources. Aujourd’hui y croise les 2/3 du trafic maritime
mondial, la moitié de celui des hydrocarbures. On y trouve le plus
grand port eau profonde de l’Asie à Trincomalee que l’US Navy
rêve de récupérer pour sa 7e flotte. Un peu de gaz et de
pétrole. Mais aussi une Importante plate forme pour le
blanchiment d’argent, la drogue, les armes, le trafic d’organes.
En 2015, on a du changer le gouvernement pour un de droite, pro américain, néo libéral, qui fait ce qu’on lui dit. L’autre nationaliste et de centre gauche était trop proche des chinois.
2 – Quels sont les acteurs?
Les
premiers rôles:
les USA, la Chine, L’Inde.
–
Les USA obsédés par la montée en puissance de la Chine
internationalement, l’instabilité de certains pays, et une
concentration importante du feu nucléaire dans la région(Inde,
Pakistan, Russie, Chine, Corée du Nord,…), et quelques
irresponsables sur lesquels on ne
peut
se fier par exemple: Philippines, Myanmar, Corée du Sud, Népal aux
mains des communistes, ex républiques soviétiques d’Asie centrale
qui tournent leurs yeux dorénavant vers Moscou et Pékin..de plus se
multiplient les alliances anti hégémoniques, elles s’organisent
et expliquent la fébrilité de Washington.
–
La Chine, aux progrès irrésistibles, engagée dans la construction
des nouvelles routes de la soie, projet pharaonique qui va déterminer
le rôle décisif de l’Asie du 21e siècle et donc son
leadership mondial.
–
L’Inde très inquiète pour l’avenir de son pouvoir régional,
prise en sandwich entre le Pakistan et la Chine.
Le
second rôle:
–
Le Sri Lanka à la situation politique instable avec des amateurs au
pouvoir : un gouvernement pro occidental corrompu à l’extrême et
surtout pro américain qui en même temps avec beaucoup de
concessions, gère mal les indiens et appelle au secours
financier les chinois. On ne peut difficilement compter sur
cette équipe totalement discréditée de pieds nickelés, mais on a
rien d’autre en magasin, d’autant que l’armée et une partie du
monde des affaires semblent préférer le business avec les chinois.
Ces derniers semblent au delà des clivages politiques anciens faire
le choix de l’opposition et de son candidat potentiel Gotabaya
Rajapaksa, ancien secrétaire à La Défense et frère de
l’ex-président avec qui il peut former un ticket victorieux pour
les prochaines élections.
Déjà, le gouvernement Ranil a manqué de perdre le pouvoir en décembre 2018. Il a fallu le sauver in extremis par une intervention occidentale jamais vue. Il est enfin à la tête d’une crise économique financière sociale majeure, marquée par un rejet très fort de sa politique comme de sa personne dans la population.
Conclusion: Il faut anticiper et faire quelque chose avant que cela soit totalement catastrophique.
3- Le cadre du drame et l’enjeu:
– Le gouvernement sri Lankais malgré une omniprésence US et aussi indienne, dans ses affaires (ces deux derniers sont politiquement partenaires) le Sri Lanka n’étant qu’un junior, va
perdre probablement les prochaines élections en décembre prochain au bénéfice de l’opposition de l’ancien président. Les gens veulent un changement.
Par conséquent perdre le Sri Lanka au bénéfice des chinois serait catastrophique pour les occidentaux et les indiens. Le rapport des forces serait durablement changé, dans la région et internationalement. Pour les néo conservateurs à Washington c’est inacceptable. Sur l’échiquier mondial le Sri Lanka est un pion qu’il ne faut pas négliger. De plus les USA ont beaucoup investit politiquement à Colombo, l’Ambassade US est omniprésente, avec ses ONG, ses fondations, Soros, et surtout la Navy, tout cela coute cher!
4- Les moyens du comment :
Un coup de force au Sri Lanka, serait compliqué pour un gouvernement qui s’est fait élire sur une base de restauration de la démocratie du droitdelhommisme…
La solution au problème c’est tout ce qui permet de gagner du temps comme solution idéale le report des élections. Ce qui n’est pas facile dans un état de droit, mais à Colombo on prend beaucoup de libéralités avec l’état de droit. C’est ce que l’on pratique déjà avec les élections locales, provinciales, systématiquement retardées, pourquoi pas avec les présidentielles surtout que les élections générales interviendront ensuite.
Cette situation a historiquement déjà existé dans les années fin 70 et 80 avec le président JR Jawardana. On a donc une certaine expérience sur le sujet.
5- Le prétexte:
Les conflits ethnico religieux ça marchent très bien. Essayons les musulmans, car dans le passé, on a déjà utilisé les cingalais bouddhistes chauvins contre les tamouls, mais pas encore les chrétiens et surtout pas les catholiques qui sont minoritaires face aux anglicans et aux évangélistes.
De plus , les britanniques vous le diront, un conflit genre ethnico religieux est toujours la bonne réponse au Sri Lanka, toute l’histoire en est émaillée. De plus ce pays a été marqué par 30 ans de guerre, les médias mainstream (merci à la BBC et CNN) à Hillary Clinton, Kouchner et Miliband avaient su en leurs temps présenté ça comme une guerre civile, quand elle était une guerre contre le terrorisme.
A plusieurs reprises dans le passé il y a eu des problèmes, des incidents avec les musulmans accusés par des bouddhistes extrémistes de tenir le business local, de faire du prosélytisme, construire des mosquées, des universités et des écoles coraniques financées par les pétrolières monarchies comme à Batticaloa dans l’est du pays.
Enfin le massacre dans une mosquée en Nouvelle Zélande peut justifier un prétexte de vengeance, surtout après les défaites de Daesh en Syrie et Irak.
6- L’instrument nécessaire:
Facile à trouver! On en a un en stock à utiliser et qui marche très bien : ISIS (Daesh) c’est très pratique, djihadistes, intégristes, sous contrôle et perfusion occidentale, vaincu en Syrie et Irak, mal embarqué en Libye.
De plus plusieurs centaines de sri Lankais musulmans se sont enrôlés chez Daesh pendant ces guerres, ils reviennent au pays qui par ailleurs a des liens très très très étroits avec les pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite. Une partie importante de la population sri lankaise y travaille dans des conditions proches de l’esclavage, c’est la rentrée de devises la plus importante du pays, elle lui est indispensable, de plus l’aide financière aux politiciens musulmans locaux et pas uniquement n’est pas négligeable.
7- L’opération :
On a l’instrument (ISIS) reste à l’équiper avec des moyens très professionnels. On ne néglige rien, on approvisionne les détonateurs et les centaines de kilos de dynamite. L’objectif: faire sauter des églises le jour de Pâques , des lieux comme des hôtels de luxe avec touristes, créer un climat qui rappelle la guerre et son traumatisme général sur la population, la crainte, la peur, l’angoisse…
On décide donc de procéder et on va donc appuyer sur le bouton de l’opération, le jour J ce sera celui de Pâques! L’effet, l’horreur et la compassion seront ainsi garantis.
8- Le jour de Pâques :
Les bombes explosent dans plusieurs endroits avec une précision et un timing de chronomètre, c’est la répétition du massacre des innocents: 320 morts dont 45 étrangers, des enfants( même des enfants de milliardaires va t’on signaler, sans doute parce qu’ils valent plus cher), des centaines de blessés sans doute plus encore, des églises et des hôtels fracassés . C’est internationalement le choc, l’émotion. A Colombo c’est la folie, la panique, l’armée prend le contrôle, les réseaux sociaux sont bloqués, le couvre feu appliqué, l’aéroport menacé de fermeture … (voir mon article). Les médias pilonnent sans discontinuer sur l’évènement, c’est la mobilisation générale en boucle, et surtout internationalement! L’émotion est au parxysme!
9- Les réactions :
A la surprise générale le premier ministre déclare quelques instants après les explosions et avant toute enquête. « On était informé, on savait! ». On ne connaît pas les auteurs et les commanditaires mais on cherche et on va trouver, peut être des étrangers, il lance un appel immédiat à l’aide internationale, Trump, les européens, les indiens répondent présents dans la minute. Les déclarations affluent, les médias mainstream hyper mobilisés les rapportent fidèlement, la Tour Eiffel étaient ses lumières, le pape prie, c’est le choc…bref, on entretient le climat.
Très vite on arête une quinzaine (puis plus de 40 personnes en à peine 3 jours après la tragédie). On connaît tous les détails de l’opération, leur identité, leurs habitudes, leurs relais politiques locaux, leurs familles, leurs amis, où ils dormaient, ce qu’ils mangeaient, un luxe de détails impressionnants. A ce stade internationalement on a aucune revendication de quiconque, personne n’assume politiquement le massacre sinon croit-on, mais on est même pas certain que ce serait ISIS, les militants qui ont été arrêtés en seraient la preuve, c’est à dire un tout petit groupe de musulmans intégristes sri lankais dont les seules actions politiques consistent à jeter des pierres sur les statues de Bouddha et dont le chef a été sermonné récemment mais sans suite.
Ensuite, on largue le second étage de la fusée, là c’est plus sérieux. On commence par informer via CNN que les services secrets indiens et américains avaient prévenu les services secrets sri Lankais il y a 10 jours de l’imminence de l’opération.
Ils n’ont rien fait, mais pourquoi revendique l’opinion médusée? La réponse à la Macron ne tarde pas, ce sont des “dysfonctionnements”, l’inspecteur général de police doit être sanctionné réclament plusieurs ministres, licencié séance tenante, les services secrets transformés.
On en reste pas là on ajoute que le président est aussi responsable, mais lui on ne peut pas le licencier (dans ce cas c’est très pratique le premier ministre a un vieux compte à régler avec son ancien allié après avoir été provisoirement mis sur la touche pendant 3 mois fin 2018). Pour de sordides raisons politiciennes disent plusieurs ministres, le Président savait d’autant qu’il préside le conseil national de sécurité, la
Défense, il était à l’étranger et n’a pris aucune disposition. De plus quelle honte le chef de l’opposition qui est l’ancien Président et qui est parfois copain de l’autre cherche à exploiter politiquement le drame.
Bon nous dit-on, comme il faut faire quelque chose au nom de l’unité nationale retrouvée, le premier Ministre se met d’accord avec le président. On va créer une Commission, réunir le Parlement, le conseil national de sécurité, mobiliser l’armée, la police, prendre toutes les dispositions pour assurer la sécurité de la population et des institutions.
L’Inde de son coté n’est pas en reste. A la veille d’élections difficiles pour Modi elle mobilise toute sa flotte pour prévenir le débarquement de commandos terroristes. Modi avait la semaine passée menacé le Pakistan de représailles atomiques. Rien que ça !
Ambiance! Serait.on proche d’un nouveau conflit de civilisations?
Les indiens cherchent à travers certaines déclarations et articles à orienter la recherche vers le Kashmir et ses terroristes à la solde du Pakistan, grand allié des chinois.
Le ministre de La Défense Sri Lankais déclare que l’on cherche toujours qui sont les commanditaires et c’est à ce moment crucial chargé d’émotions que l’expert « es terrorisme »arrive. On l’attendait, on va le chercher à Singapour c’est plus crédible et au Sri Lanka tout ce qui vient de Singapour est un modèle (sauf l’ex président de la banque centrale du Sri Lanka à la double nationalité Singapour et Sri Lankaise, qui a escroqué l’état de 35 milliards de roupies, il en fuite depuis 3 ans, ou ça ? Mais à Singapour voyons!).
Cet expert ès terrorisme est évidemment le meilleur des meilleurs de plus il est Sri Lankais, Docteur de l’université, c’est tout dire, il affirme de suite : « mais enfin, c’est ISIS et ces soldats maudits qui rentrent vaincus de Syrie et Irak et qui se vengent pour le massacre de la mosquée de Christchurch en Nouvelle Zélande ». Ça c’est du boulot, et il faut avouer que c’est rondement mené. Pas plus de 48 heures pour trouver la solution, remarquable. Applaudissements.
Le 11 septembre est décidément une source formidable d’inspiration.
Il ne reste plus qu’à attendre ce que le gouvernement et son Parlement éploré vont décider. On parle d ‘interdire la burqua et le niqab! La décision ne devrait plus tarder. Mais, cerise sur le gâteau, si les élections sont reportées ce sera tournée générale. On ne reculera pas devant la dépense, c’est promis.
10- Le final:
Journée nationale de deuil, drapeaux en berne , la Tour Eiffel éteint ses lumières en solidarité, le pape prie, on pleure beaucoup et à juste raison, c’est l’ unité nationale retrouvée dans l’adversité. I
Il faut encore travailler quelques détails, mais ça devrait fonctionner. Succès assuré,
Encore bravo, applaudissements et « la balle au centre ».
Ne rêvons pas tout ça c’est le complotisme d’un cerveau dérangé et c’est purement imaginaire.
Jean-Pierre Page