Discours de Peter Mertens :: Sur le terrorisme, la Grèce et le printemps social en 2015
18 Janvier 2015
Peter Mertens
« Notre cœur est à gauche, et il bat plus que jamais. » A l’occasion de la réception de Nouvel An du PTB à Anvers, vendredi 16 janvier, Peter Mertens, président du PTB, a pris la parole. Voici son discours intégral.
« Chers amis et camarades,
2015 sera l’année de la solidarité.
Cela peut certes paraître bizarre d’affirmer cela maintenant. En effet, après les attaques terroristes à Paris, un monde solidaire semble plus éloigné que jamais.
Beaucoup de gens ont peur. Peur d’aller en voyage scolaire à Bruxelles, peur de prendre le métro, peur de la violence, de plus en plus en plus proche. Cette peur n’est pas différente de celle d’une famille de Kaboul face à ces avions étrangers sans pilote, appelés drones, qui peuvent lâcher leurs bombes à dix mille kilomètres de distance. Peur de ne pas connaître le lendemain.
Une société démocratique signifie que l’être humain a le droit de vivre librement, de vivre sans la peur d’attentats ou de bombardements. Nous rejetons et condamnons tout assassinat, tout terrorisme.
Je rentre juste de Berlin, où j’ai parlé avec Oskar Lafontaine. Oskar Lafontaine représente l’aile gauche combative au sein du parti Die Linke. Lafontaine a demandé au Bundestag, le Parlement allemand, une définition du « terrorisme ». Le parti d’Angela Merkel a donné cette réponse : « Le terrorisme est tout usage illégal de la violence pour atteindre un but politique. » Tout usage illégal de violence. « Savez-vous ce que vous venez juste de conclure ? a demandé Lafontaine au Bundestag. Vous avez conclu que la guerre en Irak de Bush et Blair à l’époque, une guerre complètement illégale, était une guerre terroriste. » Effectivement, partout, nous devons combattre le terrorisme, et cela signifie que nous devons arrêter cette double morale.
Tout le monde a vu les photos de la marche à Paris, où plus de cent chefs d’Etat et de gouvernement ont marché côte à côte pendant quelques centaines de mètres devant 3 millions de Français. Eh bien, énormément de gens se sont demandé ce que venaient faire à une marche contre le terrorisme à Paris le président israélien Netanyahou, le président hongrois Orban, le Premier ministre turc Davutoglu ou l’ambassadeur saoudien Al-Sheikh. Ne faut-il pas aussi balayer devant sa propre porte ? Qu’en est-il des journalistes et caricaturistes qui sont arrêtés en Palestine, en Hongrie, En Arabie saoudite, en Russie ou en Turquie ? Qu’en est-il des enfants des écoles de Gaza, qui doivent vivre chaque jour dans la peur de nouvelles attaques aériennes ? Qu’en est-il ?
Qui combat le terrorisme salafiste, et qui augmente le danger ?
Nous devons nous poser la question : quelle politique combat le fascisme salafiste, et quelle politique augmente le danger ? Si nous voulons vraiment faire quelque chose, nous devons oser poser cette question.
Entre 1950 et 1980, le terrorisme salafiste a presque été rayé de la carte. Il n’existait presque plus, et le courant dominant était le nationalisme panarabe. Avec une exception : l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite a continué à soutenir, à payer, à propager les prêcheurs de haine les plus extrémistes. Qu’y a-t-on fait ? Et qu’y fait-on aujourd’hui ? Rien. Les Etats-Unis et presque tous les gouvernements européens ont continué à soutenir l’Arabie saoudite à tort et à travers. Le pétrole, vous savez bien… Pour le pétrole, tous les principes tombent. Ces mêmes mouvances extrémistes ont ensuite été entraînées et armées, en Afghanistan. Devons-nous oublier comment les milices des Talibans ont été armées et formées dans des camps d’entraînement mis sur pied par les Etats-Unis ? Devons-nous oublier comment l’occupation de l’Irak a provoqué une vague de violence sectaire, qui a été stimulée par le régime d’occupation ? Quelle politique combat le terrorisme salafiste, et quelle politique augmente le danger ? Telle est la question.
Il y a quatre ans, en mars 2011, nous étions le seul parti en Belgique à s’opposer à l’intervention en Libye. Nous étions alors aussi les seuls à avoir averti que l’intervention militaire ouvrirait encore plus grand la boîte de Pandore, et qu’elle ferait le jeu de tous les fanatiques religieux d’extrême droite. La même chose vaut pour l’intervention en Syrie. La guerre en Syrie est devenue un camp d’entraînement pour terroristes, et le gouvernement turc permet à ces jeunes à qui on a lavé le cerveau de rejoindre sans problème les rangs de l’Etat islamique et d’Al-Nusra en Syrie. Nous avions averti de cela, chers amis et camarades. Tout comme nous dénonçons l’hypocrisie de relations belges avec l’Etat voyou d’Arabie saoudite. En mars 2014, le ministre Reynders s’est encore rendu en mission en Arabie saoudite, ce protectorat du salafisme extrémiste. L’Arabie saoudite reste le partenaire le plus important de la Belgique pour l’exportation d’armes. N’est-il pas temps de faire quelque chose ? Si vous voulons vraiment faire quelque chose, nous devons mettre fin à cette politique de deux poids deux mesures.
Comment concilie-t-on la politique gouvernementale avec le travail socio-éducatif ?
Quelle est la vision du gouvernement ? Où est l’analyse des causes de la radicalisation religieuse ? Nous livrera-t-on cette analyse, et si oui, quand ? Comment se fait-il que certains jeunes sympathisent avec une idéologie aussi atroce et se livrent à une violence aussi barbare ? Comment empêchons-nous vraiment cela ? Ces questions exigent une réponse.
Que ce soit très clair : il n’existe aucune excuse, aucune justification aux actes de terrorisme salafiste d’extrême droite à Paris. Les terroristes, de quelque bord qu’ils soient, détruisent la société et doivent être fermement combattus. Et d’une manière efficace et ciblée, afin qu’ils puissent être identifiés et localisés, arrêtés et jugés. Mais, en même temps, nous devons aussi faire en sorte que les terroristes n’aient plus la possibilité de recruter sans cesse de nouveaux lieutenants. Et donc, il faut une politique qui empêche cela. Et cette politique, on ne la fait pas en opérant des coupes budgétaires sur l’enseignement et sur le tissu social, on ne la fait pas en créant encore davantage d’exclusion, en laissant le fossé entre riches et pauvres s’agrandir de manière exponentielle. Comment le gouvernement combine-t-il sa lutte contre la radicalisation religieuse avec une politique qui impose l’austérité aux travailleurs sociaux et éducatifs, comme ici à Anvers ? Comment le gouvernement combine-t-il sa politique avec la pagaille dans le secteur de la jeunesse, où tout le monde voit bien qu’encore davantage de jeunes vont tomber hors des mailles du filet ? Comment expliquer cela ? Nous avons besoin d’investissements dans le tissu social. Nous avons besoin d’investissements dans les gens. Dans une politique d’unité, de solidarité, contre toute forme de haine. Sinon, toute cette politique sera construite sur des sables mouvants.
Pas d’importation de Pegida dans notre pays !
On ne combat pas l’insécurité en stigmatisant des groupes de population, en montant les gens les uns contre les autres. Un climat de haine n’est pas la réponse au terrorisme. Nous le voyons à Dresde, chers amis et camarades, où, cette semaine, Khalid, âgé de 20 ans, originaire d’Erythrée, a été assassiné. Khalid a été assassiné à cause de sa couleur de peau. Khalid a été assassiné dans un climat où tout étranger est insulté et accusé – un climat qui, semaine après semaine, est nourri et attisé par les provocations de Pegida.
Nous le disons clairement : pas d’importation de Pegida dans notre pays ! Non au climat de haine et non au racisme ! Nous contribuerons à nous mobiliser pour que, le lundi 26 janvier, juste avant le conseil communal, il y ait dix fois plus de personnes présentes pour la paix et la tolérance que de manifestants de Pegida. Tout comme à Leipzig, à Munich et à Berlin, il y a eu dix fois plus de manifestants pour la solidarité que de manifestants pour la haine. C’est un signal politique important. Pour dire qu’Anvers, ville portuaire, est une ville où nous pouvons vivre ensemble, une ville où il n’y a pas de place pour les porteurs de haine d’extrême droite, pour les extrémistes salafistes et non plus pour Pegida. D’où l’appel à une veillée de solidarité de Hart boven Hard : rendez-vous lundi 26 janvier à 18h30, Mechelseplein à Anvers.
Le cul-de-sac de la politique de l’Union européenne en Grèce
Nous sommes plus forts que la peur. Et cela vaut aussi pour la Grèce. Ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays est à peine imaginable. Le 25 janvier, il y aura des élections, et à peu près tout chef de gouvernement en Europe estime subitement qu’il ou elle a le droit de se mêler des élections dans un pays européen souverain. Eh bien, les Grecs n’attendent pas leur avis. Les Grecs veulent une fin à la crise, les Grecs veulent une autre politique, les Grecs veulent à nouveau pouvoir construire leur vie.
Wolfgang Schaüble martèle depuis des semaines qu’il n’y a pas d’alternative à la politique d’austérité. Wolfgang Schaüble est le ministre des Finances de l’Allemagne, pas de la Grèce. D’où tient-il la prétention d’affirmer que la politique d’austérité en Grèce est la seule politique possible ? Et qu’ont déjà rapporté ces économies ? Un Grec sur trois vit désormais dans la pauvreté. Seules la Bulgarie, la Roumanie et la Lettonie connaissent une situation pire. Neuf chômeurs sur dix ne reçoivent aucune allocation. Plus d’un million de pensionnés grecs doivent s’en sortir avec une pension de moins de 500 euros par mois. Ce n’est pas tenable.
Début janvier, j’ai écrit un article sur la Grèce pour Knack et Le Vif. J’y évoquais d’abord la pollution atmosphérique. « Les gens brûlent tout ce qu’ils peuvent pour chauffer leur habitation », ai-je écrit. Eh bien, une semaine plus tard, deux personnes âgées décédaient. Une femme de 71 ans, à Kerami, une femme de 90 ans, à Pasterma. Comme à des dizaines de milliers d’autres, on leur avait coupé l’électricité et elles allaient chercher tout ce qui peut être brûlé pour quand même chauffer un minimum leur petit logement. Jusqu’à ce que le feu et la fumée les tuent. Pourquoi toutes ces victimes ?
Année après année, on assure que le bout du tunnel est en vue. Mais, entre-temps, un quart de l’économie a été détruite, 25% du PNB. Et la montagne de dettes a encore augmenté, passant de 120% à 177% du PNB. Cette politique est un cul-de-sac où tout s’amplifie : le désespoir, la misère et la montagne de dettes.
Les Grecs ont raison d’exiger une autre politique
Après Schaüble, c’était au tour de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne. Pour mettre en garde contre « l’extrémisme ». Et pour conseiller aux Grecs de voter pour des « visages connus ». L’indécence ne connaît pas de limites. Qui est Juncker pour donner des leçons de démocratie au peuple grec ? Lui-même était Premier ministre lorsque le LuxLeaks a été organisé – l’un des plus grands carrousels fiscaux de la dernière décennie, le mécanisme par lequel la famille de Spoelbergh d’AB InBev et Albert Frère du Groupe Bruxelles Lambert et Electrabel ont pu planquer leurs profits au Luxembourg pour escroquer notre Etat de millions d’euros. Le même mécanisme par lequel des multimillionnaires grecs comme Spiro Latsis ont pu mettre leur argent à l’abri au Luxembourg. Tout ça peut bien être ficelé légalement, reste que c’est un crime d’escroquer une société de milliards d’euros, et d’assister à ce qu’endurent les travailleurs, les pensionnés et les jeunes sous la pression de paiement que leur impose la Troïka. L’extrémisme, monsieur Juncker, c’est une politique qui soutient les échappatoires financières, et qui, en même temps, ne montre aucun respect pour la démocratie et pour la volonté d’un peuple souverain.
Er, après Juncker, c’est Angela Merkel qui est montée au créneau, pour menacer les Grecs de les éjecter de la zone euro s’ils votaient pour Syriza. Les Grecs en ont vu et entendu de toutes les couleurs. Mais cette manière de leur faire peur, ça ne marche plus. C’est pourquoi le Premier ministre Samaras a sorti son dernier atout : il utilise désormais les attaques à Paris contre Syriza. « Ce sont des défenseurs des réfugiés illégaux », « ce sont des amis de l’islam extrémiste », clame-t-il. Nous connaissons ce genre de politique, parce que, dans notre pays aussi, un politicien affirme presque littéralement la même chose. La classe politique grecque est devenue un grossiste en peur, pour justifier une politique d’austérité européenne criminelle. Mais les Grecs sont plus forts que la peur. Ils ont raison de demander une autre politique. Ils ont raison de demander un plan qui donne aux gens la place centrale. Ils ont raison d’exiger la justice fiscale. Et ils ont raison de demander un remaniement de la dette, tout comme l’Allemagne l’a aussi eu en 1953. Les Grecs sont les Tijl Uilenspiegel d’aujourd’hui, à nous de les soutenir !
Le gouvernement n’a toujours pas compris
Et puis, nous en arrivons à notre pays. Le 6 novembre, 120.000 personnes sont descendues dans les rues de Bruxelles pour manifester contre cette politique d’austérité. Elles sont descendues dans la rue pour refuser la hausse de l’âge de la pension à 67 ans. Elles sont descendes dans la rue pour refuser le saut d’index, qui va coûter à chaque ménage 34.000 euros. Elles sont descendues dans la rue pour refuser le démantèlement des chemins de fer, des maisons de repos, des crèches, et de tout le service public. Mais ne vous trompez pas, les 120.000 manifestants à Bruxelles sont surtout descendus dans la rue pour exiger une véritable taxe sur les fortunes, et une autre politique, une politique sociale.
Après la grande manifestation ont suivi trois journées de grèves provinciales et une de grève nationale. Les grands patrons et le gouvernement craignent maintenant de nouvelles actions. Après de mois de refus de toute discussion avec les syndicats, ils sont maintenant prêts à s’asseoir à la table. Mais ces négociations promettent d’être difficiles.
Premièrement, sur les salaires. Il devrait y avoir des négociations libres, mais on ne touche pas au saut d’index. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Que, si il y avait une augmentation de 0,5%, le saut d’index de 2% serait tout de même d’application. Cela veut dire que l’on perd toujours 1,5% de pouvoir d’achat. Cela veut aussi dire qu’il y a toujours plus de 2 milliards d’euros des poches des salariés qui iront vers les grandes entreprises. Cette politique de cadeaux n’est pas une solution pour le pouvoir d’achat de la population, et elle n’offre pas non plus de solution pour relancer l’économie. Les syndicats ont raison d’exiger une marge salariale positive et de vouloir faire supprimer le saut d’index.
Deuxièmement, on ne parle plus d’impôt sur la fortune. Pourtant, 85% de la population est pour un tel impôt ou taxe des millionnaires. Cela s’appelle désormais « tax-shift ». Mais il n’y a pas de garanties, et il n’y a pas de promesses concrètes. C’est ajourné indéfiniment. Certains évoquent le contrôle budgétaire de mars, d’autres parlent de 2016 comme échéance. En outre, on jette du brouillard, et on élargit tellement le sac de ce « tax-shift » que presque tout et n’importe quoi peut entrer dedans. Ce n’est pas beau à voir. Kris Peeters parle aujourd’hui dans les journaux d’un tax-shift comme d’un glissement vers « d’autres sources de revenus ». Cela signifie alors de possibles écotaxes, et une hausse de la TVA en combinaison avec une taxe symbolique sur les transactions boursières. Il n’est donc pas impossible que les salariés doivent eux-mêmes payer en grande partie ce tax-shift, et c’est précisément le contraire de ce que nous voulons obtenir depuis déjà plus de trois mois. C’est à ce très petit groupe d’ultra-millionnaires qu’un effort doit maintenant être demandé, et sans véritable effort de ce groupe, aucune démocratie n’est possible.
Troisièmement, cette même politique est également appliquée à la question des pensions. On répand du brouillard, on reste dans le vague, et on reporte la question à une conférence nationale des pensions en avril. Mais aucun des partis gouvernementaux ne veut revenir sur le relèvement de l’âge de la pension à 67 ans. Cette mesure ne figurait dans aucun programme électoral, mais les partis s’y accrochent comme si c’était le saint Graal. Ici aussi donc, le gouvernement veut endormir le mouvement de belles paroles. Mais qu’entendait-on à tous les piquets en novembre et en décembre ? Que travailler jusqu’à l’âge de 67 ans n’était pas faisable, que physiquement ce n’est plus possible, et qu’il est absurde de faire travailler les gens plus longtemps quand en même temps il y a plus de 600.000 chômeurs. A ça, il n’y a rien de changé.
Vers un printemps social en 2015
Les 11 milliards d’économies sont maintenus, les milliards pour les nouveaux avions de chasse sont maintenus, et le démantèlement des chemins de fer, des crèches, des maisons de repos, des villes et des communes – tout cela est maintenu. Et les super riches l’échappent de nouveau belle. Nous verrons si le gouvernement et les patrons feront des concessions essentielles ou pas. Si le gouvernement reste obstinément sourd, il n’est alors pas impossible que les actions sociales s’enflamment à nouveau.
Parce qu’une chose est sûre : le mouvement est fort. Il a cinq atouts très importants. D’abord, c’est un mouvement national, dans tout le pays, sans division. Ensuite, c’est un mouvement intersectoriel, qui rassemble tous les secteurs de la population active. Troisièmement, c’est aussi un mouvement uni, en front commun syndical. Quatrièmement, c’est un mouvement très large, soutenu par des mouvements citoyens comme Hart boven Hard et Tout Autre Chose. Et, pour finir : le mouvement social est concret, avec des revendications claires et une proposition de taxe sur la fortune.
Ce sont des atouts énormes, chers amis et camarades. Ce sont des atouts énormes pour élargir le mouvement et pour rendre possible un nouveau printemps. Comme l’a écrit le poète Pablo Neruda, « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas la venue printemps ». Beaucoup de tendresse, de santé, de dignité et de résistance à tous, pour œuvrer ensemble à un printemps social en 2015 ! Oui, notre cœur est à gauche, et il bat plus que jamais. »
Communiqué du PADS
PARTI ALGÉRIEN POUR LA DÉMOCRATIE ET LE SOCIALISME
Les attaques criminelles perpétrées au nom d’une conception moyenâgeuse de l’Islam par un groupe de fanatiques intégristes contre le périodique satirique français Charlie Hebdo puis contre une épicerie « casher » continuent de susciter une indignation légitime dans le larges milieux en France et dans le monde. Leurs tenants et aboutissants, les buts de leurs véritables commanditaires, suscitent également beaucoup d’interrogations dans les milieux politiques qui se méfient des services impérialistes. La condamnation de ces assassinats ne doit pas faire oublier que le journal Charlie Hebdo s’est illustré par une ligne anticléricale et antireligieuse primaire faite d’offenses gratuites à la foi des croyants de toutes confessions, une ligne marquée par le soutien depuis 20 ans à toutes les guerres et les ingérences impérialistes, une ligne qui a objectivement contribué à discréditer les communautés musulmanes vivant en France malgré les convictions antiracistes affichées par ses rédacteurs et caricaturistes.Ces attentats sont une aubaine providentielle pour la bourgeoisie impérialiste occidentale. Avec un chômage qui frappe des millions de personnes et des opérations incessantes de remise en cause des conquêtes sociales des travailleurs, elle fait feu de tout bois. Elle cherche avec fébrilité les diversions qui détournent vers d’autres cibles ou d’autres sujets la montée du mécontentement populaire contre les causes de la crise capitaliste et le refus des politiciens de droite ou de gauche de s’attaquer à ses racines économiques, la propriété monopoliste des moyens de production. Sous couvert de prévenir les actions terroristes, la bourgeoisie impérialiste occidentale profite du climat d’émotion créé par ce crime et exacerbé par ses médias pour accélérer la réalisation de ses plans de fascisation et de guerre: mise sous surveillance de la population et flicage concomitant des courants contestataires anticapitalistes, dans le cadre d’un « patrioct act » européen ouvert ou masqué, pour soi-disant traquer les mouvements des candidats au terrorisme; légitimation de ses interventions armées dans le monde et notamment en Syrie où ses tentatives de renversement par la force du régime syrien se heurtent à une résistance déterminée de la majorité du peuple syrien; tentative artificielle d’effacer l’antagonisme de classe fondamental entre exploités et exploiteurs, opprimés et oppresseurs de toute la planète en le remplaçant par une démagogique « union nationale sacrée face au terrorisme » à un moment où s’aiguise la crise du capitalisme et s’étend une paupérisation qui frappe encore plus durement les communautés immigrées marginalisées, objet d’un racisme clamé par les partis d’extrême-droite dans les médias qui leur offrent des tribunes permanentes au nom de la « liberté d’expression »; exacerbation du faux clivage entre musulmans et non-musulmans dans le but de dresser les uns contre les autres les exploités et les laissés pour compte de toutes confessions.Indépendamment de l’émotion provoquée par ces actes ignobles, les communistes algériens rappellent que les plus grandes victimes de l’intégrisme religieux et de ses appuis extérieurs sont les peuples musulmans eux-mêmes. Ces peuples sont livrés aux appétits expansionnistes criminels de l’impérialisme occidental appuyé dans ses campagnes de guerre par ses alliés féodalo-bourgeois les plus obscurantistes des pays arabes et islamiques. Les Etats impérialistes occidentaux portent la responsabilité de l’extension de l’intégrisme dans le monde et par effet de boomerang chez eux. Ce sont eux qui ont soutenu et soutiennent depuis des décennies et par tous les moyens les courants obscurantistes pour contrer les courants anticapitalistes et antiimpérialistes dans le monde arabe et musulman. Ils les ont utilisés pour abattre l’URSS ou les régimes progressistes et patriotiques attachés à la défense de leur indépendance. Afghanistan, Yémen, Tchétchénie, Yougoslavie, Algérie, Libye, Syrie, Mali, Centrafrique, etc., dans tous ces pays le prétendu « monde libre et éclairé » tenu en main par la bourgeoisie impérialiste a systématiquement utilisé l’obscurantisme afin d’étendre sa domination économique et politique. Il y a semé mort et destruction pour diviser les masses laborieuses, évincer par la plus extrême violence les forces de progrès. Il y a installé ou tente d’y installer à leur place des valets corrompus et serviles. Afin d’affaiblir ses rivaux russes et chinois il instrumentalise les groupes rétrogrades qui se réclament soit d’un Islam dévoyé par les forces de l’argent et de l’affairisme soit d’un Dalaï Lama ouvertement rétribué par le gouvernement américain.Qu’ils aient été manipulés ou qu’ils aient commis leurs actes en toute connaissance de leurs conséquences, les auteurs de ces actes appartiennent à ce même courant idéologique réactionnaire obscurantiste qui a lynché le dirigeant libyen Kaddafi sous la protection de l’aviation et des agents spéciaux français, des drones américains, sous les applaudissements de la droite et de la « gauche » impérialiste. C’est ce même courant qui participe depuis trois ans à la destruction de la Syrie pour renverser par la force le régime laïque de ce pays avec le soutien militaire, financier, matériel et politique des Etats impérialistes et des monarchies théocratiques du Golfe. Des dizaines de milliers de jeunes musulmans, de plus de 80 pays, dont la France, fanatisés ou trompés par une propagande réactionnaire mondiale orchestrée de façon effrénée sous le drapeau d’une prétendue défense des « sunnites » contre les « impies chiites et allaouites », ou de la lutte contre le « boucher de Damas », ont été directement ou moralement encouragés à se rendre dans ce pays. Ils ont été entraînés au maniement des armes et des instruments de communication les plus sophistiqués par les officiers instructeurs de l’OTAN en Turquie, en Jordanie, etc. A l’occasion de la condamnation populaire spontanée et massive de ces attentats, les dirigeants, les politiciens et les journalistes-valets des Etats impérialistes ont battu tous les records d’hypocrisie. Dans leur guerre pour dominer le monde, pour mettre la main sur les sources d’énergie et les voies de leur acheminement, les Sarkozy, Hollande, Fabius, Camerone, Merkel et Obama, ont toléré que des centaines de propagandistes professionnels d’une vision rétrograde de la religion intoxiquent en toute impunité les jeunes depuis des années dans les mosquées de France, ou d’autres pays. Ils ont fermé les yeux sur le fait que ces propagandistes soient rétribués par leurs alliés de l’Arabie saoudite et du Qatar. La participation du ministre algérien des Affaires étrangères à cette manifestation aux côtés des politiciens français, anglais, américains, etc., qui avaient contribué à innocenter les forces de l’obscurantisme de leurs crimes de masse en Algérie dans les années 1990 est une caution impardonnable à la duplicité des dirigeants de l’impérialisme.Le dirigeant d’un des plus grands Etats terroristes du monde, Netanyahou, le plus grand massacreur de femmes, de vieillards et d’enfants, le responsable d’un Etat qui piétine impunément les résolutions de l’ONU et dénie aux Palestiniens leur droit imprescriptible à créer leur Etat pleinement souverain sur les territoires occupés par Israël le 5 juin 1967, ce criminel de guerre s’est pavané dans les rues de Paris aux côtés des chefs des Etats impérialistes, dont certains comme le chef du gouvernement espagnol sympathisent avec les fascistes et répriment durement les grévistes. Les images de Netanyahou en tête du cortège des chefs d’Etat qui ont mis le monde à feu et à sang contribuent à renforcer la haine des communautés arabes et musulmanes pour les complices des occupants israéliens. Mais aussi à entretenir le confusionnisme attisé par les chiens de garde de l’impérialisme afin de diviser sur des bases confessionnelles les travailleurs et les chômeurs français à l’heure où ils ont tous besoin de s’unir pour se battre contre le système capitaliste, source fondamentale des injustices, des exclusions et des guerres. Les criminels de guerre israéliens, les défenseurs d’une vision sioniste d’Israël, menacés d’isolement par le processus de reconnaissance de l’Etat palestinien, inquiets devant leur possible poursuite par la Cour Pénale Internationale, bien qu’il ne faille pas se faire d’illusions à ce sujet, cherchent à tirer profit de ces attentats pour améliorer leur image et justifier la poursuite du massacre des Palestiniens. Ils en profitent pour faire admettre par l’opinion européenne leur vision raciste et sectaire d’une terre exclusivement juive s’étendant jusqu’au Jourdain et débarrassée des Palestiniens. Ils préparent de nouvelles tragédies humaines par une propagande insensée qui présente Israël comme un foyer assurant une prétendue sécurité aux juifs du monde entier.Les communistes algériens sont solidaires de la lutte de leurs camarades français pour dénoncer les manipulations de la bourgeoisie, de la sociale-démocratie, de leurs appareils de propagande et d’encadrement en ordre de marche pour une factice « union nationale » qui range dans le même camp l’ouvrier jeté à la rue et son patron « délocaliseur », les chômeurs et les gens du CAC 40, les jeunes marginalisés des banlieues et les milliardaires de Neuilly. Les communistes algériens vivant en France appuient le travail politique et idéologique de leurs camarades français pour combattre les opérations de division des travailleurs exploités et des victimes des antagonismes capitalistes à partir de différences confessionnelles, pour contrer les campagnes racistes et islamophobes. Ils appellent tous les communistes à redoubler d’efforts pour que les exploités et opprimés d’origine musulmane évitent de tomber dans le piège mortel d’une vision rétrograde de la religion, dans les pièges que leur tendent des provocateurs persistant dans leurs piques grossières contre leurs sensibilités religieuses. Le travail politique et idéologique doit s’intensifier pour que les exploités et les victimes de la marginalisation de confessions musulmane s’unissent à leurs camarades et amis français dans les luttes pour abattre le régime capitaliste, pour instaurer une société de fraternité, une société sans classe, la société socialiste, pour appuyer le combat de toutes les forces de progrès afin d’en finir avec les régimes théocratiques du Moyen Orient, alliés de l’impérialisme, et leurs réseaux propagandistes dans le monde.PADS 13 JANVIER 2015