Énorme mouvement social en Belgique. www.initiative-communiste.fr site web d’Initative Communiste, journal du PRCF a eu l’occasion de vous en rendre régulièrement compte.
Pour aller plus loin, IC a décidé de donner la parole à nos camarades belges. Voici les réponses de Alice Bernard du PTB (parti des travailleurs de Belgique) aux questions posées par Initiative Communiste
Initiative Communiste Face aux énormes attaques antisociales du gouvernement belge, poussé par le patronat et par l’UE, peux-tu nous parler de l’impressionnante mobilisation des travailleurs belges et de sa continuation au quotidien après les grandes manifs et grèves de décembre ?
Alice Bernard : Le 15 décembre dernier, la Belgique a connu une journée de grève générale, la plus grande grève que le pays ait connue en trente ans. Tous les secteurs étaient touchés. Le pays était pour ainsi dire à l’arrêt. Du Nord au Sud, en front commun syndical, les machinistes, infirmières, professeurs, métallurgistes, puéricultrices, dockers, gardiens de prison, artistes, étudiants… ont montré leur colère. Cette journée a été l’aboutissement d’un plan d’action syndical qui a démarré le 23 septembre par une concentration de militants syndicaux à Bruxelles. Le 6 novembre, 120.000 travailleurs ont manifesté à Bruxelles. La plus grande manifestation depuis le début des années 80. Fin novembre et début décembre, les provinces ont organisé des grèves tournantes.
Pour soutenir les travailleurs, des mouvements citoyens qui représentent plus de 1000 associations de tout le pays, ont défilé à vélo ou organisé des événements culturels dans les grandes villes du pays. Dans plusieurs universités, hautes écoles et lycées les étudiants sont aussi partis en grève. Et même des magistrats, des petits commerçants, des associations de médecins ont exprimé leur soutien.
Pourquoi cette colère ? Parce que la coalition de droite mise en place juste avant l’été a décidé, dans la continuité des directives européennes, de frapper un grand coup en imposant d’un coup la poursuite du gel des salaires, la poursuite du démantèlement des services publics, la poursuite des cadeaux fiscaux et sociaux au patronat, mais aussi la prolongation des carrières jusqu’à 67 ans (deux ans de plus qu’auparavant), des coupes sombres dans les budgets socio-culturels, l’augmentation des frais scolaires et des limitations au droit de grève. Le gouvernement veut faire porter par les travailleurs uniquement un nouveau plan d’économies budgétaires. Onze milliards d’euros. Et rien à charge des patrons et des actionnaires. C’est pourquoi l’unité des travailleurs est si grande : unité interprofessionnelle, unité intersyndicale, unité nationale autour de revendications solides et d’un plan d’action enthousiasmant.
Et après une grande manifestation, trois journées provinciales de grève et une autre journée nationale de grève générale, le ton du gouvernement et des employeurs a changé. Ils ont été effrayés par l’ampleur et la dureté des grèves et de la résistance sociale. Ils craignent de voir les grèves reprendre. Car, dans ce cas, le gouvernement devrait amender fondamentalement sa politique ou l’abandonner.
IC : Quel a été le rôle du PTB dans cette mobilisation ?
Depuis la mise en place de la nouvelle coalition, comme sous le gouvernement précédent à participation socialiste, le PTB soutient la résistance sociale de toutes les façons. Par une analyse approfondie des mesures. Notre service d’étude a montré dans une brochure que la prolongation des carrières est infaisable, illogique et inutile. Infaisable, parce que l’âge ne permet plus de supporter la charge de travail. Illogique : quand il y a 600.000 chômeurs, surtout des jeunes, pourquoi faire travailler les gens plus longtemps ? Et inutile parce que l’argent pour financer le paiement des pensions existe. Il faut aller le chercher. Une autre étude a démontré que le blocage des salaires n’allait pas relancer l’économie, au contraire. Des contributions fort appréciées par de nombreux responsables syndicaux.
Le PTB a organisé en octobre une « Protest parade » très colorée où 7000 personnes ont clamé qu’il faut mettre le social en priorité. Là où ils travaillent, les membres du parti ont mis leur énergie à faire réussir la mobilisation et les journées de grève. Les groupes d’entreprise ont diffusé les tracts et affiches du parti. En deux jours, notre pétition en ligne « travailler jusqu’à 67 ans, pas question » a recueilli 15.000 signatures et des centaines de témoignages. « Je suis aide-soignante. Et je ne me vois pas, à 66 ans, devoir encore soulever des malades grabataires. A quoi pense le gouvernement ? » Les jours de grève, les groupes du parti actifs dans les quartiers ont organisé des tournées de soutien aux piquets de grève. Avec du café, ou de la soupe, et des messages de solidarité.
Les députés ont aussi apporté leur contribution. Le 6 novembre, après avoir participé à la manifestation des 120.000, Raoul Hedebouw est monté au Parlement pour interpeller le Premier ministre : entendez-vous la voix de la rue ? Comment allez-vous répondre aux aspirations de la population ? Allez-vous enfin aller chercher l’argent là où il est ? http://ptb.be/video/un-manifestant-au-parlement-raoul-hedebouw-la-journee-d-action-du-6-novembre
IC : Comment avez-vous combattu la permanente tentative de division du peuple belge par la droite dure flamande qui ne craint plus désormais de justifier la participation de légions flamandes du côté des Waffen SS contre l’URSS ?
La droite flamande tente effectivement de communautariser le conflit social dans notre pays. Mais la réalité va dans un tout autre sens. Plusieurs sondages ont montré que 80% des Flamands estiment que les mesures du gouvernement répartissent les économies de manière inéquitable. Et la largeur du mouvement aujourd’hui, aussi forte au Nord qu’au Sud, montre que la politique d’inégalité portée par ce gouvernement est rejetée quelle que soit la langue parlée.
Quand des associations de vigilance antifasciste ont dénoncé les propos et le passé du ministre Jambon et du secrétaire d’Etat Francken, nous avons réclamé leur démission du gouvernement. Ces gens demandent l’amnistie pour les collaborateurs des nazis, qu’ils soient flamands ou francophones (il y avait aussi une légion wallonne avec les SS sur le front de l’Est). Nous ne l’acceptons pas. Le fascisme sème la haine et la division, les travailleurs ont besoin d’unité et de solidarité. Encore plus aujourd’hui, après les événements dramatiques qui ont coûté la vie à 17 personnes en France. Des fascistes salafistes ont semé la mort à Paris et il n’existe aucune excuse, aucune justification à leurs actes. Ils doivent être fermement combattus. En même temps, nous devons aussi faire en sorte que ces terroristes n’aient plus la possibilité de recruter sans cesse de nouveaux lieutenants. Nous avons besoin d’investissements dans le tissu social. Nous avons besoin d’investissements dans les gens. Dans une politique d’unité, de solidarité, contre toute forme de haine.
IC : Comment prolonger politiquement la mobilisation des travailleurs belges ?
Aujourd’hui, le gouvernement et les patrons font tout pour éviter une nouvelle contestation sociale. Ils ont rencontré les syndicats le 15 janvier et ont fixé un calendrier de négociations. Chacune de leurs maigres concessions est liée à leur peur de la reprise éventuelle de nouvelles actions.
D’autre part, grâce aux mobilisations de la fin 2014, les gens savent que les recettes de notre gouvernement, qui n’ont pas fonctionné en Allemagne, aux Pays-Bas ou en France, ne marcheront pas non plus chez nous. Les attentes restent grandes. Le besoin d’alternatives grandit dans ce mouvement, n’en déplaise à M. De Wever. Après cinq ans de campagne du PTB pour une taxe des millionnaires, il existe une base plus grande que jamais (85% de la population d’après les sondages) qui demande l’instauration d’une telle mesure. Une véritable taxe sur la fortune est la seule mesure qui puisse actuellement vraiment atténuer l’inégalité croissante. Nous avons élaboré un plan étayé et chiffré, le Plan Cactus. Au lieu d’économiser à mort en détruisant le tissu social et culturel de la société, nous plaidons pour de nouveaux investissements dans le domaine social, écologique et industriel. Au lieu de livrer toujours plus de parties de notre société au marché, nous voulons partir de services publics forts en tant qu’épine dorsale du renouveau démocratique. Et au lieu de chercher l’argent chez ceux qui en ont le plus besoin, nous proposons que les fortunes dormantes des multinationales soient activées. Ce qui permettra d’envisager la possibilité d’une autre société, où la richesse reviendra à ceux qui la produisent.