Par Georges Gastaud
Echange de cartes entre « démocrates » américains et « communistes français »?
Qu’il est gentil cet homme-là! Il donne – prétend-on sans rire – des sacs de dollars aux pauvres de son pays. Il desserre le cordon étrangleur du crédit. Et voilà qu’il demande la levée des brevets sur les vaccins pour en faire un bien commun à toute l’humanité. C’en est au point que M. Fabien Roussel, le communiste « identitaire » qui clame dans « Marianne » (histoire de défendre la langue française contre le tout-anglais?) que « PCF is back! », se demande publiquement… si Biden n’aurait pas secrètement pris sa carte au PCF (ça ne s’invente pas! Les marxistes ordinaires comme nous se demanderaient plutôt si ce n’est pas Roussel qui, à la suite de ses homologues italiens Veltroni et D’Alema, inventeurs de la « mutation génétique » qui fut fatale au PCI, n’aurait pas plutôt pris secrètement sa carte… au Parti Démocrate américain, à force d’encenser Keynes et Kennedy…).
Le constat et l’analyse
« si tu fais le constat sans faire l’analyse, t’es mort! »
Jean Pierre, ouvrier du bâtiment
Comme le dit mon camarade lensois Jean-Pierre, ouvrier du bâtiment, « si tu fais le constat sans faire l’analyse, t’es mort! ». Et l' »analyse », que dit-elle justement sinon que, sans relance massive de la production, donc pour une part de la demande de biens, l’économie capitaliste mondiale en général et américaine en particulier, court à l’effondrement. Que ce sont avant tout les monopoles capitalistes yankees qui vont toucher sans contrôle – comme c’est d’ailleurs le cas des trusts « français » – des milliards d’argent public. Que les USA, émetteurs de la monnaie mondiale inconvertible, le dollar, et de 80% des armements de la planète, peuvent faire marcher à volonté la planche à billets sans se soucier de rembourser leurs dettes au reste du monde, qui ne leur enverra jamais l’huissier. Qu’après cinq années de Trump, où l’hégémonie planétaire mondiale n’a cessé de reculer alors que la République populaire de Chine montait en puissance, il faut à tout prix rétablir l’ « image » mondiale de l’Empire étatsunien. Que, sur le plan de la politique sanitaire, les USA et les autres fers de lance du néolibéralisme mondial, du Brésil à l’Inde en passant par l’Angleterre, ont montré leur incurie avec un amoncellement de morts, alors que Cuba apportait gracieusement son aide médicale internationaliste aux pays qui en faisaient la demande – y compris à l’Italie et aux Antilles françaises – pendant que la Chine « totalitaire » jugulait rapidement l’épidémie et remettait la première son économie sur la voie du succès. Et que surtout, les riches USA se discréditent et perdent la bataille mondiale de l’opinion quand les trusts de la santé confisquent les vaccins au nom des sacro-saints « brevets » tandis que les Chinois envoient massivement des doses de vaccin gratuites en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Bref, la défense des intérêts de classe généraux des capitalistes et la sauvegarde de l’hégémonie américaine sur le monde valent bien quelque menu sacrifice… provisoire et partiel: en un mot, il faut bien parfois, selon le mot célèbre du romancier italien Lampedusa, « changer quelque chose pour que rien ne change »!
Exterminisme à visage humain
Et certes, tout recul du monstrueux Moloch capitaliste est bon à prendre, les communistes n’ont jamais été nihilistes en la matière. Seulement il ne faut pas perdre de vue le tableau politique, économique et idéologique d’ensemble à partir duquel les détails eux-mêmes prennent sens. A quoi tendent au final les efforts de Biden, y compris ses apparentes et toutes provisoires « largesses »? A quoi, sinon à retrouver au plus tôt et à renforcer la domination capitaliste sur la planète, à remettre en selle mondialement l’impérialisme nord-américain, à encercle la Chine et la Russie, « ennemis stratégiques », à étrangler Cuba socialiste et l’Alternative bolivarienne des Amériques (l’ALBA), à finir d’écrabouiller la jeunesse palestinienne, à préparer la « grande explication » finale avec le rival chinois et son allié russe. Au risque d’une extermination nucléaire de l’humanité dont l’idée n’a jamais fait reculer Washington, du coup de semonce exterministe que fut le criminel bombardement d’Hiroshima à la course aux euromissiles nucléaires des années 80/85 en passant par l’ignoble slogan « E.R.A. » (officiellement, « Elect Reagan Again », réélisez Reagan, et subrepticement, « Eminate Russians Atomically! »: éliminez les Russes atomiquement!) que Glucksmann père avait alors francisé sous la forme de l’aimable atrocité philosophique que voici: « j’aime mieux succomber avec mon enfant que j’aime dans un échange de Pershing et de SS 20 que l’imaginer entraîné vers quelque Sibérie planétaire ». En clair, « plutôt morts que rouges », comme d’autres, dans les années trente, ne craignaient pas de s’exclamer, l’intérêt de classe passant fanatiquement avant tout le reste, vie et démocratie incluses, « plutôt Hitler que le Front populaire »…
Communiste Biden ou communisme bidon ?
Ainsi donc, que de prétendus communistes et anti-impérialistes en soient à idéaliser Biden, à en faire un communiste, ou du moins un bon vieux keynésien social-démocrate (comme si les politiques progressistes dites keynésiennes n’avaient elles-mêmes rien eu à voir, dans les années 1930 et dans l’après-guerre, avec la force mondiale du camp socialiste et du communisme organisé!), et confondent tapageusement le camp prolétarien du communisme avec celui de Biden, l’ « hégémon » du capitalisme-impérialisme mondial ! Cela ne montre qu’une chose, et c’est l’ampleur des falsifications dont le communisme et le marxisme continuent d’être l’objet, de Robert Hue à nos jours. Des falsifications que doivent frontalement dénoncer, et non pas excuser ou minimiser, les militants franchement communistes, et plus généralement les amis de la paix mondiale et de la souveraineté des peuples. Alors, mettons les points sur les i du mot « léninisme » pour que s’unissent sur des bases claires, rendant enfin possible la contre-offensive populaire, toutes celles et tout ceux qui ne bêlent pas après l’introuvable et mensongère « Europe sociale » de Merkel; qui ne confondent pas Biden avec le Père Noël vert du Secours populaire; qui, en un mot, ont compris toute la signification pour notre temps de lutte à mort entre l’exterminisme capitaliste et le camp des amis de la paix et de la vie, de la devise de plus en plus pressante chère au Che et à Fidel : « le socialisme ou la mort, nous vaincrons! ».