DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE AUX ÉLECTIONS.
UN RAPPORT DE 35 PAGES de L’ACNUDH–Bureau du Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme– APPELLE À FAIRE DE CES ÉLECTIONS L’OPPORTUNITÉ D’EXIGER QUE LES DROITS DE L’HOMME SOIENT AU CŒUR DU PROCESSUS DE TRANSFORMATIONS DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE AUX ÉLECTIONS.
Initiative Communiste se propose de vous en partager les lignes forces, car il nous est paru essentiel à l’orée des élections du 21 Novembre de mettre l’accent sur la mémoire du passé qui peut à tout moment, comme chacune et chacun sait, venir bousculer le présent.
En premier lieu, il n’est pas inutile de rappeler que les manifestations qui ont eu lieu au Chili le 18 octobre et après ont leurs racines dans l’inégalité sociale et économique et c’est pourquoi le droit à l’assemblée pacifique a été réalisé par une grande majorité de chiliennes et de chiliens et ce, de manière pacifique.
En effet, c’est à partir du 18 octobre 2019, que s’est produit un nombre élevé de graves violations aux Droits de l’Homme, notamment par l’usage abusif d’armes létales et de mauvais traitements infligés, et au moyen d’un usage disproportionné de pistolets antiémeutes mais aussi de gaz lacrymogènes, utilisés à courte portée. Le nombre alarmant et élevé de personnes ayant des lésions aux yeux ou au visage rend compte de ces violations.
L’ACNUDH-relève qu’il y a eu de la part des responsables du gouvernement une omission en n’adoptant pas des mesures efficaces, expéditives et opportunes pour minimiser le risque concernant les personnes, en particulier ce fut le cas de quatre cas de privations arbitraires de la vie et des morts illicites qui impliquent les agents de l’État, ce qui constitue une exécution extra-judiciaire.
En outre, un grand nombre de personnes arrêtées et détenues ont été maltraitées, y compris les cas de violences sexuelles, de simulations d’exécution et de menaces que les personnes auraient été « portées disparues », ce qui équivaut à des tortures.
Les femmes, les enfants et les personnes LGBTI ont souffert de formes spécifiques de violences sexuelles-y compris la nudité contrainte et forcée-durant les détentions.
On a même relevé des cas graves de violences sexuelles contre des hommes et des enfants et ce, sans caméras de surveillance. Les adolescents et les jeunes constituent la plus grande partie des présumés victimes de violations aux Droits de l’Homme et ils sont particulièrement concernés.
Des étudiants, y compris des dirigeants étudiants, ont été fustigés ou attaqués en raison de leur rôle dans les émeutes, touchant par ces méthodes barbares leur santé mentale.
Nous voulons saluer ici la CONFECH-Confédération des Étudiants Chiliens-avec qui nous avons eu dans les années 80 de très bons échanges et activités en France avec l’UNEF mais aussi plus généralement toutes les organisations Syndicales et Politiques progressistes du Chili et en particulier « las Juventudes Comunistas JCCC » qui ont impulsé la loi sur la gratuité des universités au Chili avec leur jeune député Camila Vallejo, ex-dirigeante étudiante, élue en mars 2018 avec 43,77 % de votes.
Elle nous livre ses commentaires sur le mouvement de 2018/2019, ici : https://youtu.be/R_eAFb7tHp0
Les institutions autonomes des Droits de l’Homme, en particulier l’INDH et les Défenseurs de l’Enfance ont mené à terme leur travail de protection de l’Enfance aux Droits de l’Homme, et par là même des journalistes et des travailleurs de la santé qui ont subi des représailles dans leur travail.
Les tribunaux ont émis de graves manquements pour protéger les personnes qui exercent leurs droits dans un cadre purement légal, comme le droit de se réunir pacifiquement.
Parmi les 21 recommandations que l’ACNUDH donne aux autorités chiliennes, il en est une qui ne nous a pas échappé, il s’agit de la recommandation N°13 :
Fortifier les attributions du Service Médico-légal, des ministères publics spécialisés et autre personnel médical en rapport avec le Manuel sur la Recherche et la Documentation Effective de la Torture et d’Autres Agissements ou Peines Cruelles, Inhumaines ou Dégradantes- Protocole d’Istanbul-, et le Protocole Modèle pour une recherche Légale d’Exécutions Extralégales, Arbitraires et Sommaires-Protocole de Minnesota-.
Et le rapport de rappeler à l’Alinéa 16 du dit rapport, je cite : Les autorités doivent s’abstenir de dires qui peuvent, d’une certaine façon, criminaliser la protestation. Fin de citation.
L’assemblée constituante chilienne et le compte à rebours de l’Histoire
Le 7 juillet le Chili a débuté les séances de la Convention Constitutionnelle mais les discussions ont commencé le 18 octobre, après avoir résolu les sujets administratifs et règlementaires. À partir de juillet, les 155 constituants disposent d’un an pour remettre leurs propositions à l’accord ou le rejet d’un plébiscite.
Ce processus a été le résultat d’un accord politique, conséquence de l’explosion sociale qui a donné du grain à moudre au gouvernement et probablement pour rester en poste.
Sebastián Piñera a remis la rédaction d’une Grande Charte, sans que cela lui fut demandé. Sous l’effet d’une faible participation les élus ont été un tremblement politique puisqu’ils ont marqué une défaite totale de ceux qui avaient conduit le pays depuis le retour à la démocratie aussi bien la droite au pouvoir que pour de nombreuses années la Concertation de la gauche social-démocrate et le centre social-chrétien.
Les gagnants furent la Gauche Orthodoxe, le Parti Communiste et de nouveaux groupes organisés à partir des protestations de rues. En d’autres mots, il existe une claire majorité en faveur de changements radicaux et contraires à la stratégie de développement des trois dernières décennies, en faveur d’une « refondation » du pays.
Les critiques ont fusionné depuis l’appétit de plus grandes ressources et privilèges à tel point que nombre de constituants ne comprennent pas que leur revenu soit si important mais limité dès lors qu’ils ont une marge d’autonomie mais ne disposent pas de la souveraineté.
Ils ne sont pas plus un nouveau pouvoir de l’État et ne remplacent pas les trois classiques, en outre ils doivent respecter le caractère démocratique et républicain du pays comme les traités internationaux, ce qui explique pourquoi ils sont « convention » et non « Assemblée ».
Une petite parenthèse pour faire un petit commentaire : nous voyons là le caractère pervers et insidieux de tels propos du chef du gouvernement de la droite réactionnaire du Chili qui prétend se poser en donneur de leçons alors que le bilan des exactions qu’a subies le peuple chilien , comme en témoigne le rapport du Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme, n’est pas un tant soit peu brillant, ni même honorable, mais soulève la question au cœur de la démocratie chilienne : qu’attend Piñera pour démissionner ?! Ses attentes ne relèvent-elles pas d’un sentiment de toute puissance à mettre en rapport avec un refoulement ou une enfance d’enfant capricieux et gâté, à moins qu’il ne s’agisse d’un sentiment caché de vengeance personnelle sur le peuple du Chili déterminé à mettre fin à tant d’années de tyrannie pinochetiste et Piñeriste ?
Et Piñera exulte ses fantasmes dans sa Charte : Leur fonctionnement coïncide avec les élections générales du Président et le Congrès le 21 novembre, mais l’importance de celles-ci pâlit devant les attributions de la Convention, puisque celle-ci peut modifier les institutions politiques du pays et convoquer de nouvelles élections.
À l’étranger la question se pose de savoir ce qui est arrivé aux Chiliens, puisque le mot qui les définit le mieux et ce qui s’annonce est l’incertitude. La réponse n’est pas facile dès lors qu’au Chili il n’existe pas non plus de clarté à propos du paradoxe d’un pays où prédomine la narrative sur les données, ce récit qui « on n’a avancé en rien » contre l’évidence majeure de faits avérés de progrès, mais qui ne sont pas ressentis comme tels par une grande partie de la population.
Arrêtons-nous là pour faire un deuxième commentaire :
Piñera parle avec un tel détachement qu’il semble ne pas appartenir à la classe sociale qu’il n’ose pas nommer mais qui aurait tout compris des « bienfaits de la politique Piñeriste » : la bourgeoisie et les milieux financiers. Ce cynisme caractérisé semble être sa seule arme à son insu pour défendre une politique contraire aux intérêts du peuple chilien, de la classe ouvrière et paysanne du Chili, et du peuple Mapuche représenté à la tête de l’assemblée constituante, et pour cause.
Il résiste face aux multinationales de l’eau, de l’alimentaire et du textile qui pillent les terres et malmènent le peuple indien dans ses propres terres : United Fruit Compagny, Benetton, Endesa…
Et le Président Piñera de poursuivre dans la plaidoirie de sa Charte :
À dire vrai il existe une règle ancienne en or en démocratie, et les résultats des processus électoraux doivent toujours se respecter en démocratie lorsqu’ils sont légitimes, mais aussi les pays doivent prendre leurs responsabilités à cause des décisions de leurs électeurs.
C’est dans ce sens, qu’à mon avis, ce qui est le plus dangereux au Chili c’est l’acceptation de la violence comme élément de ce qui génère le changement, et cette légitimation est le vrai éléphant dans cette cristallerie dont la magnitude ne se perçoit pas encore, peut-être que ce qui dans un passé récent a pris toute une génération, jusqu’à la décennie 90, pour être défait de la présence de la violence qui a débuté dans les années 60 at qui a obtenu toute son expression dans la violation des droits de l’homme depuis le coup d’État de 1973.
La violence est toujours un grave problème pour toute démocratie, puisque sa caractéristique fondamentale est la résolution pacifique du conflit, et par le passé du Chili les constitutions ont été le résultat de l’imposition d’un secteur sur l’autre, et ce serait terriblement négatif que l’on perdit cette chance d’arriver à un accord national. D’autres constitutions ont été légitimées au fil du temps, ce que n’a pas pu dépasser la constitution actuelle, dû à son origine en Pinochet, malgré le fait d’avoir été la plus réformée de l’Histoire.
Il est vrai que la violence est factuelle mais elle est selon l’historien Georges Sorel, je cite : « La violence, c’est l’arme des pauvres ». Et lorsque le Peuple a faim, il a deux façons de réagir, M. Piñera face au vote : soit il vote pour le populisme de droite comme de gauche, soit il réalise qu’il a tout à gagner en mettant les chances de son côté : et cette fois ci, il en a bien l’intention pour ne pas se laisser voler sa transition démocratique, et il peut compter sur son candidat communiste à l’élection présidentielle. Quant aux nostalgiques de Pinochet, dont vous semblez être, qu’à cela ne tienne, ils ont en vous la parfaite image du monarque qui contemple son image renversée au miroir de sa cristallerie-d ’une autre époque, où l’économie était le libéralisme à outrance encouragé par les États-Unis et qui mettait à bas une population ignorée, paupérisée, et poussée à l’exil car maltraitée voire torturée !
Et Piñera de renchérir :
Depuis le plébiscite de 1988, séparait davantage les Chiliens d’alors, puisqu’un secteur ne voulait pas la démocratie et que l’autre ne voulait pas le marché. La recherche d’un accord a ouvert une période vertueuse dans le pays, comme elle a été reconnue internationalement. Cette étape s’est terminée et aujourd’hui, malheureusement, il n’existe pas de disposition à trouver un accord. Il n’y a pas d’intérêt parmi ceux qui doivent rédiger une nouvelle constitution, ce qui est dommage pour les générations futures, et l’Histoire de notre pays montre que les grands accords même tacites, ont duré plus longtemps.] …C’est-à-dire que le sujet, ce n’est pas le changement, fusse-t-il brutal, mais le type de démocratie.
Il y a de fortes chances que cette Convention et sa proposition de nouvelle constitution on lui applique ce qui est révélé à cause de l’horloge de l’histoire.
Puissions-nous faire un dernier commentaire : Piñera se pose en maitre d’œuvre de l’Histoire du Chili et en continuateur de Pinochet et de la transition démocratique.
Or ce Continuum ne prend pas en compte le « ras-le-bol » d’une politique anti-démocratique, élitiste et profondément inégalitaire par laquelle le peuple Chilien a été méprisé par une caste sociale à la merci d’une économie entièrement subordonnée aux défis de l’impérialisme Nord-américain et à la dictature tantôt Pinochetiste tantôt Piñeriste qui n’a laissé au Peuple chilien que les larmes et l’amertume de voir ses richesses dilapidées dans le commerce extérieur et une balance commerciale déficitaire au niveau du taux de couverture, c’est-à-dire dans le rapport importations/exportations, car exclusivement tourné vers les États-Unis.
Le Chili peut s’offrir une autre économie basée sur la Coopération internationale et l’amitié entre les peuples. Il peut offrir à son peuple et aux travailleurs de nouveaux droits sociaux et un bien être. L’échéance du 21 Novembre 2021 en est l’opportunité. Le candidat communiste peut rassembler contre la droite et son extrême.
Antoine LUCI Pôle hispanique-commission Internationale du PRCF
Pourwww.initiative-communiste.fr
Les commentaires en italique dans le texte sont de Antoine Luci
* L’auteur des propos de Piñera et de sa charte est Ricardo Israël, un éminent Docteur de l’Université du Chili, de l’Université de Barcelone, Espagne, Docteur en Sciences Politiques- diplômé de l’Université d’Essex, Grande Bretagne.https://www.infobae.com/america/opinion/2021/10/28/la-constituyente-chilena-y-el-pendulo-de-la-historia/