Déjà bientôt cinquante ans, et le Chili n’a toujours pas refermé la page de la triste histoire du Pinochetisme. Et pour cause : les politiques néolibérales se sont succédées malgré le NON à Pinochet du 5 Octobre 1988. Le peuple chilien vient de trancher en novembre 2020, sous l’impulsion des forces communistes et a voté NON à la Constitution Pinochetiste.
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Pourtant des politiques sociaux-démocrates ont tenté de nier l’Histoire. Il en va de Michèle Bachelet, d’abord ministre de la Santé, puis de la Défense sous le gouvernement de Ricardo Lagos – 11 mars 2000 à 2006 – , puis présidente du Chili de 2006 à 2010. Elle brigue un second mandat de présidente de la République de 2014 à 2018. Après son premier mandat, elle devient la première Directrice exécutive de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes). Pourtant rentrée de l’exil politique en 1979, elle ne permettra pas vraiment de rendre justice à des milliers de familles de « desaparecidos » qui réclament justice contre les militaires – los milicos-tortionnaires. En effet, le Chili compterait aujourd’hui 16 000 personnes disparues ! Mais selon la Corporation Nationale de Réparation et de Réconciliation, et la Commission Nationale sur la Prison Politique et la Torture, le chiffre officiel s’élèverait à 31 686 personnes – soit le double ! – desquelles 28 459 ont été victimes de tortures et 3 227 ont été victimes exécutées ou portées disparues. En outre, 200 000 personnes ont souffert de l’exil et un nombre indéterminé a connu les centres clandestins de détention et de torture. C’est en juin 1974 que fut créée la DINA (Direction de l’Intelligence Nationale), mais comme chantait Leny Escudero dans « le cancre », c’est pas d’la bonne intelligence ! L’objectif de cet organisme se résume en effet à la persécution, la répression, la détention, la torture et l’assassinat et disparition de personnes réalisées pendant la dictature militaire du Général Pinochet. Lui, qui a eu le privilège de rentrer de Grande-Bretagne, après 17 mois sous la protection de Thatcher, en fauteuil roulant au Chili et en fanfare le 4 mars, acclamé par les forces armées, il se lève du fauteuil, offense aux manifestants des droits de l’Homme. Lui, que l’Europe, qui donne des leçons de morale au reste du monde, a refusé de juger !
Alors, comment ne pas comprendre que les foules chiliennes aient manifesté leur colère dans les rues de Santiago et qu’elles s’apprêtent à le faire dans les urnes les 15 et 16 mai prochains !
Pourquoi le Chili a-t-il besoin d’un profond changement ?
C’est une des thématiques abordées dans le programme du Parti Communiste Chilien que nous avons jugé utile de traduire.
« Une grande partie du produit national brut part à l’étranger sous la forme d’intérêts à la dette extérieure, et elle est très haute. L’aggravation de la dépendance économique constitue un frein aux possibilités de développement et à la capacité nationale de répondre aux besoins de ses habitants.
La violence et le terrorisme d’État qu’ont souffert les Chiliens sous la dictature fasciste de Pinochet a été déterminante pour imposer le nouveau projet de capitalisme transnational, qui est toujours en vigueur. Un nouveau secteur de la bourgeoisie domine avec les firmes transnationales. Ils ont creusé un abîme social et la dénationalisation du pays. Des consortiums transnationaux contrôlent les secteurs fondamentaux de l’économie nationale : il en va du commerce extérieur, en particulier des échanges inégaux – dans leur contrôle des secteurs de pointe et des avancées scientifiques et techniques ; sur le marché de capitaux et de l’épargne interne, sur l’influence déterminante qu’ont les organismes financiers multilatéraux, sur les facilités croissantes obtenues par le libre mouvement de capitaux, de biens et de services et la gravitation déterminante dans les télécommunications. L’insertion du pays dans la division internationale du travail repose sur l’exportation d’un groupe de produits de première nécessité dont la valeur ajoutée est faible. La capacité compétitive s’appuie sur les grandes ressources naturelles parmi lesquelles les activités minières, forestières, piscicoles, agricoles, avant tout et sur des taux élevés de surexploitation de la force de travail.
Les affaires vitales pour le pays se résolvent à l’extérieur des frontières nationales. Pour l’essentiel, c’est le résultat de politiques décidées par le capital transnational, intéressé par une plus grande ouverture vers l’extérieur, la liberté de mouvements de capitaux, de biens et de main d’œuvre à bon marché. La domination transnationale et son modèle de libre marché sont les responsables de la grave détérioration écologique, produite depuis la dictature : épuisement des espèces marines, destruction des forêts, empoisonnement des fleuves et des lacs, augmentation des déchets non recyclés, pollution atmosphérique et acoustique, anarchie de la circulation, importation libre et utilisation irresponsable de matières toxiques dans les processus de production. Le Chili est un pays très fortement monopolisé. Particulièrement, les secteurs les plus dynamiques et les plus rentables sont soumis à une grande concentration. Une petite mais puissante élite, de plus en plus associée au capital transnational, est de plus en plus présente dans les différents secteurs de l’activité économique. D’anciens et de nouveaux groupes économiques ont accumulé d’immenses patrimoines, se sont approprié frauduleusement des entreprises qui ont constitué une bonne partie du patrimoine social du Chili. Ils représentent, avec le capital transnational, la carte de la richesse extrême.
La transnationalisation de l’économie chilienne, sous le prétexte de son intégration croissante sur le marché mondial, accentue la crise de multiples industries comme le charbon, le textile et la chaussure, les petites entreprises et menace des branches de l’agro-pisciculture comme les céréales et les cultures industrielles. Cela se traduit par la fermeture de sources de travail, ajoutée à l’épuisement des ressources naturelles et au manque d’intérêt du gouvernement, ce qui génère une grave crise économique et sociale dans différentes villes, provinces et régions.
C’est le cas d’Arica, de Tocopilla, des secteurs de la Quatrième région, Valparaiso, Arauco, Aysén et Magallanes. Dans le cadre du néolibéralisme et du libre marché, les dénommées reconversions, basées sur des encouragements au capital privé, sans un engagement ferme de l’État pour assurer de nouveaux emplois et des activités stables, ne constituent pas des solutions réelles pour la majorité des gens qui souffrent. On les condamne à émigrer, à tomber dans le chômage chronique ou dans l’extrême pauvreté. »
Dans ce contexte, la commission internationale du PRCF souhaite un franc succès au Parti Communiste du Chili, un pays magnifique mais qui gagnerait au changement politique, social et économique. Et pour conclure, voici un extrait du discours fondamental aux dirigeants de l’Unité Populaire le 5 septembre 1972 du Président Salvador Allende : « Que le peuple comprenne pour une première fois que ce n’est pas d’en haut, mais des racines mêmes de sa propre conviction que doit naitre la Lettre Fondamentale qui lui donnera son existence comme peuple digne, indépendant et souverain ».
¡Viva Chile ! ¡Viva el pueblo ! ¡Vivan los trabajadores !
Antoine LUCI- Pôle Hispanique-Commission Relations Internationales-PRCF pour www.initiative-communiste.fr