Alors que le peuple chilien vient de remporter une victoire historique en gagnant par un « apruebo » le référendum décidant de la réécriture de la constitution imposée par la dictature Pinochet, un souffle progressiste continue de balayer le pays, porté par les mouvements sociaux continus de ces dernières années. Un souffle puissant si on en croit les récents sondages qui montrent que le candidat présumé du Parti Communiste Chilien, Daniel Jadue pourrait bien obtenir de très bons résultats à la présidentielle prévue en 2021. C’est en tout cas la conclusion du sondage de l’institut Cadem https://www.cadem.cl/wp-content/uploads/2020/11/Track-PP-355-Octubre-S5.pdf
Jadue talonne désormais Lavin, au premier tour comme au second tour et bat les autres candidats présumés. Cela n’a rien d’étonnant si l’on regarde les motivations du vote en faveur du changement de constitution documentées par l’enquête d’opinion :
48% disent que leur vote a été motivé « pour mettre fin aux inégalités sociales dans les retraites, l’éducation et la santé, 20% pour « mettre fin à la Constitution de Pinochet « , 8% pour « améliorer les salaires et la qualité des vie en général », 9% pour «changer le système politique », 8% pour «changer le modèle néolibéral », 4% pour« améliorer la confiance dans les institutions » et 3% pour« mettre fin à la violence et au désordre public ». En clair il y a une vraie aspiration révolutionnaire au Chili.
IC vous propose à travers une revue de presse internationale, de découvrir ce candidat communiste chilien.
Daniel Jadue, un président communiste pour le Chili ?
Pierre CAPPANERA
Au fil des mois, dans les sondages pour la présidentielle, Daniel Jadue, le très populaire maire communiste de Recoleta, est passé progressivement de 6 à 24% des voix. Ces chiffres dépassent largement l’influence traditionnelle du PC du Chili qui se situe à environ 5% des voix. Ses meilleurs scores, le PC les a obtenus dans les années 70, durant l’Unité Populaire. Il recueillait 16% des voix. Les données très favorables à Daniel Jadue traduisent pour une part l’augmentation de l’influence du PC à partir de l’explosion sociale du 18 octobre. Elle reflète aussi l’aura personnelle dont bénéficie Daniel Jadue comme maire de Recoleta, une des communes de Santiago. Dans sa commune, Daniel Jadue a été à l’initiative de très nombreuses expérimentations sociales. En particulier, Daniel Jadue a créé à Recoleta la première pharmacie municipale populaire qui pratique des prix de médicaments entre 30 et 50% inférieurs à ceux de la concurrence du privé. Daniel Jadue est un homme ouvert, il aide même des municipalités de droite qui souhaitent monter des pharmacies populaires. Il a aussi lancé un plan de production électrique par panneaux solaires pour que sa commune soit autonome en matière d’énergie et ne dépende plus de l’offre privé.
Sa candidature à la présidentielle semble aujourd’hui obligatoire et incontournable. Est-ce si certain ?
Depuis les années 30, le PC du Chili n’a présenté qu’une seule fois une candidate à une élection présidentielle. C’était en 1999. Gladys Marin a été candidate et a recueilli 3,2 % des voix. C’était un peu contraint et forcé que le PC avait présenté une candidate. Il l’avait fait parce que les partis de la Concertation, (groupement de centre gauche composée de la Démocratie-Chrétienne, du PPD et du PS) voulaient marginaliser totalement le PC. Même avec un petit résultat, le PC a montré à la Concertation qu’elle ne pouvait pas se passer du Parti communiste : le candidat de la Concertation a raté l’élection au premier tour, il ne l’a emporté au second que grâce à l’apport communiste.
Il y aussi eut la candidature de Pablo Neruda en 1970. Le Parti Socialiste voulait présenter un candidat dont le PC ne voulait absolument pas. Le PC a clairement dit au PS : ou vous présentez Salvador Allende comme candidat et nous le soutiendrons, ou nous présentons Pablo Neruda comme candidat. Les socialistes ont cédé. Pablo Neruda s’est retiré et a fait campagne main dans la main avec Salvador Allende jusqu’au triomphe de l’Unité Populaire.
En dehors de ces deux situations, il n’est pas dans la tradition du PC du Chili de présenter des candidats à la présidentielle. En effet jusqu’en 1970, dernière élection avant le coup d’État, le système électoral faisait que le candidat arrivé en tête était élu. Il n’y avait qu’un seul tour de vote populaire. Le second tour se passait au Congrès. Si aucun candidat n’avait eu la majorité absolue au premier tour, ce sont les députés et sénateurs qui élisaient le président. Dans la pratique ils ont toujours désigné le candidat arrivé en tête. Salvador Allende compris.
Depuis la fin de la dictature, le système électoral a changé, il est identique à notre mode d’élection présidentielle. Élection à deux tours, si personne n’a la majorité au premier tour, peuvent se présenter au second les deux candidats arrivés en tête du premier tour.
Le PC participe aux élections présidentielles pour gagner. Pas pour présenter une candidature de témoignage. C’est pourquoi il a jusqu’à présent favorisé les alliances de gauche. Cette année, où en est-on ? Les éventuelles primaires pour la présidentielle auront lieu le 4 juillet et l’élection présidentielle le 21 novembre 2021. Avant il se passera beaucoup de choses. La première, la plus importante, est le référendum du 25 octobre pour une nouvelle Constitution. Si le résultat semble acquis, restent inconnus l’ampleur de la majorité et la participation au vote. Une fois ce scrutin passé, en avril auront lieu trois élections : celle des délégués à la Convention constituante, les municipales et, pour la première fois celle des gouverneurs des 16 régions qui composent le Chili.
Daniel Jadue a bien précisé que pour le moment il n’était pas candidat. La première tâche aujourd’hui est de gagner le référendum de la manière la plus large. La plus indiscutable. Ensuite pour lui, comme maire d’une commune, l’objectif est d’être réélu. Plus largement, lors des élections d’avril, on verra si des alliances concrètes pour les maires ou les gouverneurs ont pu se nouer avec d’autres forces. Les résultats de ces élections seront scrutés à la loupe.
À partir de là, commencera à se poser sérieusement la question de la présidentielle. L’objectif premier du PC sera d’avoir un ou une nouvelle présidente du Chili dont les options soient en concordance avec le mouvement social du 18 octobre. Peu importe que ce candidat soit communiste ou non. L’élection de la Convention constituante aura eu lieu et ses délégués seront au travail. Ceci donnera beaucoup d’indications sur les rapports de force entre partis et les possibilités concrètes d’unité avec d’autres formations. Le PC fait partie d’une alliance de gauche, Unidad por el Cambio. Cette alliance s’élargira-t-elle au Frente Amplio ? Au sein de cette coalition de gauche, y aura-t-il d’autres candidats ? Cette coalition, avec l’expérience de la Constituante, pourra-t-elle passer des accords avec d’autres forces, le PS et le PPD en priorité ? Est-ce que les partis passeront par la case primaire ou négocieront-ils directement une candidature ? Quelles décisions prendra le 26eme Congrès du PC qui se tiendra fin novembre ? Il y a beaucoup de questions et peu de réponses à ce jour. Les réponses viendront avec le développement du mouvement social et des luttes quotidiennes dans un pays traversé par la pire crise économique depuis les années 30.
Les 24% que donnent les sondages à Daniel Jadue font bien évidemment très plaisir et font rêver, mais rien n’est décidé, rien n’est joué, pas même la candidature de Daniel Jadue
source : https://www.legrandsoir.info/daniel-jadue-un-president-communiste-pour-le-chili.html
Les Chiliens peuvent enfin achever la révolution contre Augusto Pinochet
traduction d’une interview accordée par Daniel Jadue au magasine Jacobin le 28 octobre 2020
Daniel Jadue est le maire de Recoleta et une figure de proue du Parti communiste chilien.
À PROPOS DE L’INTERVIEWER
Pablo Abufom est traducteur et titulaire d’une maîtrise en philosophie de l’Universidad de Chile. Il est rédacteur en chef de Posiciones, Revista de Debate Estratégico, membre fondateur du Centro Social y Librería Proyección et membre du collectif éditorial de Jacobin América Latina.
Depuis la révolte populaire qui a débuté en octobre dernier, d’innombrables nouveaux défis sont apparus qui, avec la pandémie, n’ont fait que s’approfondir et s’aggraver. Comment votre municipalité les a-t-elle vus ?
La première chose que nous devons examiner, je pense, ce sont les « nouveaux défis ». Si vous regardez la révolte d’octobre, il n’y a pas eu de demande nouvelle, originale ou « spécifique à une génération ». Non. Ce sont exactement les mêmes demandes que nous avions dans les années 1980, lorsque nous luttions pour la fin de la dictature. Et c’est peut-être ce que je considère comme le plus important.
Avant la fin de la dictature, nous plaidions pour le rétablissement des droits du travail, pour le rétablissement du droit à l’éducation, pour le rétablissement du droit à la santé, et pour la fin des AFP (Administrateurs de fonds de pension privés). Avant la fin de la dictature, nous discutions de ces choses, mais il s’agissait d’opinions minoritaires. Nous aurions dû laisser la dictature derrière nous, avec une nouvelle constitution, et non avec la constitution de la dictature.
Mais il faut être honnête : à l’époque, il y avait une majorité citoyenne et politique qui a opté pour la voie alternative, la voie de la social-démocratie néolibérale. Je pense qu’une partie du système politique cache au public le fait qu’il a connu une convergence, en termes de politique économique, avec la dictature et que, par conséquent, apporter de réels changements à ce modèle ne fait pas vraiment partie de leur programme.
Cela peut être lié au fait que ceux qui ont donné à Pinochet la « brique » (le document de politique économique de la dictature) pour lancer la réforme économique au Chili étaient des démocrates chrétiens et des économistes de l’Université catholique, qui ont ensuite fait partie des gouvernements après la dictature. Je pense donc que ce qui se passe ici, c’est que les idées de la gauche plus traditionnelle, qui étaient minoritaires en 1988, sont devenues majoritaires au cours de ces trente années. En effet, elles font aujourd’hui partie du bon sens et constituent le plus petit dénominateur commun de la pensée contemporaine.
La deuxième chose à noter est qu’à Recoleta, ces idées avaient commencé à être majoritaires bien avant octobre dernier. Elle a décidé d’affronter ce modèle bien avant, de mettre fin au néolibéralisme et de contester les espaces de libre marché afin de rendre la vie des gens « plus simple, plus facile et moins chère ». Cela signifiait que l’État devait jouer un rôle différent dans l’économie. Nous avons donc commencé à créer ces initiatives populaires : la pharmacie, l’opticien, la librairie, le disquaire, l’immobilier, l’université ouverte, la santé de quartier… Cela génère un changement dans le mode de production, et la base sociale commence à percevoir une forme différente d’organisation sociale, répondant désormais aux besoins des citoyens.
Le programme « municipalité dans les quartiers » est réalisé en collaboration avec les conseils de quartier, et ceux-ci sont considérés comme faisant partie de l’État ; nous nous occupons de « l’offre » de soins de santé, mais ils organisent la « demande ». Ou bien prenez les « écoles ouvertes », où la communauté peut prendre en charge l’infrastructure comme si elle était la sienne. Selon nous, les citoyens sont l’État, et ils sont les propriétaires de l’infrastructure et des ressources. Lorsque nous commençons à retirer de la « révolution du marché » certaines choses essentielles comme les médicaments, les lunettes, les livres ou le logement, cela envoie un signal politique, crée un symbole, génère un imaginaire collectif qui commence à réaliser que le pays peut être différent. C’est ce qu’on lui avait dit impossible, pendant les trente dernières années.
Ce sont exactement les mêmes exigences que nous avions dans les années 1980, lorsque nous luttions pour la fin de la dictature.
La partie de la gauche sociale-démocrate néolibérale qui a gouverné le Chili pendant vingt ans n’avait jamais rien fait de tout cela. Donc, Recoleta a commencé déjà huit ans plus tôt à aller dans une autre direction. On pourrait dire que, tandis qu’au Chili le coût de la vie augmentait chaque jour, à Recoleta, il commençait à baisser. Cela a été possible grâce à la municipalité qui a pénétré dans des zones du marché dont les abus avaient submergé les Chiliens.
On pourrait dire qu’à Recoleta, il y a eu une expérience de faire de la politique nationale depuis le niveau municipal. Je pense que c’est ce qui donne un sens à votre candidature potentielle : Recoleta a montré une voie alternative pour la politique nationale. Mais la question que l’on pourrait se poser est de savoir dans quelle mesure cette expérience municipale est réellement transférable au niveau national. Et la perspective nationale était-elle là dès le début ?
L’idée de développer un gouvernement de rupture, en rupture avec le modèle dominant, a toujours été présente dès le début. Mais nous n’avons jamais imaginé que, de là, nous pourrions nous lancer dans une plus grande aventure. Cela n’a jamais été une de nos prétentions, ni une partie de nos budgets. Ce que nous avons dit, c’est que nous allions créer un gouvernement complètement différent, basé sur le programme du parti communiste pour les gouvernements locaux, basé sur les écrits de Luis Emilio Recabarren de 1920.
Recabarren a déclaré, précisément, que les municipalités devaient fournir des logements, des services, la santé, l’éducation et d’autres droits essentiels. Il a déclaré que sa préoccupation fondamentale devrait être de simplifier et de rendre la vie moins chère dans un contexte de capitalisme radical, où la vie se détériore et devient chaque jour plus précaire.
Nous avons commencé à le faire de manière cohérente et nous avons réalisé que l’impact était bien plus important que prévu. Un exemple est ce qui s’est passé avec les Pharmacies Populaires : plus de 150 communes au Chili ont imité l’initiative. Pas par plaisir, pas parce qu’elles étaient convaincues… la plupart d’entre elles, juste pour des raisons électorales, parce qu’elles ressentaient la pression des citoyens pour créer une Pharmacie Populaire dans leur commune. Ainsi, certains maires proches de moi me disent que tout le monde disait : « Écoutez, chaque fois que Jadue fait quelque chose à Recoleta, le lendemain dans les communes, les gens sortent en disant : « Eh bien, pourquoi pas nous ?
Nous avons donc commencé à développer un processus progressif de « repousser les limites », avec une mesure puis une autre. Cela a finalement produit un nouvel imaginaire collectif au niveau national. Je veux dire, si quelqu’un me demandait aujourd’hui : « Vous êtes-vous déjà imaginé être candidat à la présidence ? » Non. « Est-ce que c’était une de vos aspirations ? » Non.
Mais qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? Eh bien, les citoyens d’Arica à Magallanes voient d’un bon œil la possibilité d’avoir, dans toutes les communes du Chili, des médicaments à un prix équitable, des lunettes à un prix équitable, des livres à un prix équitable, un loyer à un prix équitable, une université ouverte, la possibilité de démocratiser la connaissance et l’apprentissage, des soins de santé dans les quartiers… Et, bien sûr, si vous imaginez qu’il existe dans tout le Chili, ce serait un pays complètement différent. Et je pense que c’est ce que les gens ont commencé à ressentir : que cela peut se faire, même avant le changement constitutionnel.
Maintenant, nous espérons que le changement constitutionnel rendra les choses encore plus faciles. Car imaginez qu’aujourd’hui, Las Condes ou Providencia [les municipalités à hauts revenus] ont entre 900 000 et 1 200 000 pesos [à dépenser] par habitant et par an. Là, nous parlons de 1 100 à 1 500 dollars par habitant et par an, alors que d’autres communes n’ont que 150 dollars. Nous sommes dans le deuxième camp : nous sommes à près de 250 dollars par habitant et par an. Alors, on se demande ce que nous pourrions faire à Recoleta si nous avions 1 000 dollars par habitant et par an. Combien de plus pour changer les choses ? Et si ce budget était détenu par toutes les communes du Chili, à quel point le pays serait-il différent ? Les gens imaginent un pays avec 200 000 maisons sociales à louer à un prix équitable.
Je crois que ces questions s’orientent vers cette alternative qui émerge aujourd’hui. Sans que notre parti nous ait proclamés, sans que j’aie jamais dit que je voulais être candidat, les gens disent : « C’est le pays dont nous rêvons… »
En ce qui concerne l’expérience de Recoleta, quels éléments pourraient être extrapolés au niveau national ? Ou, à l’inverse, qu’est-ce qui pourrait changer au niveau national si certains aspects de cette expérience étaient adoptés ?
La première chose est que le gouvernement Recoleta croit en la multinationalité et l’interculturalité comme un fait fondateur de la nation chilienne. Cela doit être reconnu dès le premier jour, dès la campagne elle-même, si nous devenons un jour un gouvernement. La seconde est la conviction que la clé de l’élaboration des politiques réside dans le gouvernement local et non dans l’appareil d’État central, instrument de domination de classe. Nous avons donc besoin que La Moneda [le palais présidentiel] renonce à son pouvoir.
Si vous regardez l’État central, vous verrez qu’il dépense 80 % de l’ensemble du budget de l’État, tandis que 8 % sont dépensés dans les régions et 12 % dans les communes. Cet État central est, en réalité, un instrument de domination de classe, tout puissant et imperméable au contrôle des citoyens. Comment cela peut-il être transformé ? Eh bien, en abandonnant une partie de ce pouvoir et en déléguant des pouvoirs, des prérogatives et des ressources au gouvernement régional et aux gouvernements locaux. Avant tout, cela signifie que le pouvoir doit partir de la base : passer du niveau local au niveau national et non l’inverse
La troisième chose est que le processus de Recoleta croit vraiment en la nécessité pour les citoyens d’être en mesure d’imprégner tous les niveaux du système politique. En d’autres termes, les citoyens devraient pouvoir utiliser les plébiscites, les référendums, les initiatives populaires, le veto des citoyens et les référendums de rappel pour intervenir dans le système politique chaque fois que cela s’avère nécessaire. Nous devons rompre avec cette forme de participation absolument réglementée, qui est un peu comme le droit de grève au Chili ; lorsque ce droit est défini par les patrons et non par les travailleurs, ce n’est pas du tout un droit.
Nous devons équilibrer le terrain et pour cela, il faut que le pays soit plus démocratique. Quel que soit le système politique qui émanera de la nouvelle constitution – qu’il soit présidentiel (ce que j’espère), semi-parlementaire, parlementaire ou fédéral – nous avons besoin qu’il soit beaucoup plus imprégné par les citoyens, qui participent aux décisions dès le début, de manière contraignante et systématique, en tant que protagoniste. Personne ne peut ignorer qu’aujourd’hui, la participation dans notre pays est presque grotesque.
Je voudrais que nous parlions de la situation de la gauche et de la lutte pour le pouvoir. Dans ce contexte de crise, comment définiriez-vous le moment que vit la gauche aujourd’hui ? Qu’est-ce qui permettrait une articulation des forces liées au projet historique de la gauche ?
La première chose à comprendre est qu’au Chili, la dictature a produit un déplacement assez important de tout le paysage politique vers la droite. Ainsi, si l’on compare avec n’importe quel autre pays du monde, on constate, par exemple, que la droite européenne est beaucoup plus progressiste que la social-démocratie chilienne : la droite allemande, par exemple, a décidé, il y a je ne sais combien de décennies, qu’elle ne remettrait plus en cause le droit à une éducation publique gratuite et de qualité et à des soins de santé publics gratuits et de qualité.
Ici, la social-démocratie n’en est toujours pas convaincue, peu importe ce qu’on en dit. Ils ont été au pouvoir pendant vingt ans et n’ont jamais pu mettre en place des systèmes d’éducation publique gratuits et de bonne qualité garantissant les droits essentiels. Les taux d’imposition qu’ils appliquent, l’État-providence qu’ils promeuvent et défendent jusqu’à ce jour, sont complètement différents de ce que même le droit européen possède. Dans aucune autre partie du monde, on ne peut parler de « gauche ». Et ce que l’on appelle ici la gauche présente une assez grande diversité idéologique, allant de la social-démocratie néolibérale à une gauche plus traditionnelle et radicale, qui ne croit même pas au système, en passant par la social-démocratie de gauche.
Mais il y a quelque chose qui les imprègne tous – les valeurs du néolibéralisme. Après quarante ans de vie dans un pays et une culture totalement néolibérale, il serait en effet prétentieux de penser que les organisations de gauche ne sont pas elles-mêmes imprégnées de ce modèle intellectuel et culturel. Alors, qu’avons-nous (et pas seulement au Chili, mais aussi en Amérique latine) ? Une fragmentation absolue de la gauche, beaucoup plus liée à des projets caudillo [fortement centrés sur le leader], des projets individuels, des projets personnels – assez loin de ce qu’est un projet politique. Cela empêche souvent de réaliser l’unité sociale et politique la plus large possible. Je pense que tant que la gauche ne sera pas capable de faire passer l’intellect collectif avant les considérations personnelles, cela restera un problème.
Ce n’est pas seulement au Chili, mais aussi au Brésil et en Argentine. Lors des dernières élections là-bas, comme au Chili, 70 % des candidats à la présidence se sont déclarés de gauche. Alors, que se passe-t-il ? Bien sûr, cela fait aussi partie de la diversité idéologique de la gauche, qui englobe aussi bien ceux qui se disent de gauche mais agissent davantage comme le centre-droit, que ceux qui sont effectivement convaincus de la nécessité de dépasser le capitalisme et le néolibéralisme comme formes d’organisation sociale.
Il y a quelques jours, Frei Betto a répété qu’il n’y avait pas de plus grande naïveté que de vouloir « humaniser » le capitalisme. Mais il y a des gens dans la social-démocratie néolibérale et plus centriste qui sont convaincus que ce qui doit être fait, c’est d’humaniser le capitalisme et non de le surmonter. Cela, pour moi, n’est pas une perspective de gauche. Aujourd’hui, il nous manque une discussion sur ce que le mot « gauche » signifie réellement.
Dans l’opposition chilienne, il y a des opposants au modèle dominant et au gouvernement, et puis il y a ceux, y compris à l’extrême droite, qui s’opposent au gouvernement mais qui défendent le modèle à tout prix. Je crois qu’aujourd’hui la gauche est en train de se développer au Chili, avec le lien historique qu’elle a avec les citoyens. Mais une partie de ce que l’on appelle la « gauche » n’a pratiquement aucun lien avec les citoyens, elle vient des milieux universitaires qui n’ont pas fait de travail de base… comme une intelligentsia supérieure qui se tient au-dessus des citoyens. Et les citoyens ne sont plus prêts à avaler cela.
Si l’on définit la gauche sur la base de la vision programmatique, politique, stratégique de dépassement du capitalisme, de dépassement du néolibéralisme, si l’on considère que c’est la définition, cette gauche peut-elle gouverner au Chili ? A-t-elle la capacité, les racines populaires, la possibilité de construire des majorités sociales, voire la capacité de gérer un projet de développement national ?
Je pense que la question, plus que de savoir si la gauche peut gouverner, est de savoir si elle est effectivement déterminée à le faire. Parce qu’une fois que vous avez décidé de le faire, vous pouvez discuter de votre capacité à gouverner ou non.
Je vois qu’il y a une partie de la gauche qui n’est pas déterminée à gouverner, qui a peur d’être un gouvernement. C’est une vieille crainte, liée à la dictature. Ils disent qu’ils veulent que tout change mais ils ont peur de risquer un nouveau gouvernement démocratique populaire ; et il y a ceux qui disent : « Ah, non, mais nous ne pensons toujours pas que le pays soit prêt pour cela ». Il y a un problème de conviction politique et idéologique. Beaucoup pensent même plus au nombre de postes gouvernementaux que nous aurons si la social-démocratie néolibérale gagne qu’au développement de notre propre force. Cela leur facilite les choses.
Aujourd’hui, il nous manque une discussion sur la signification réelle du mot « gauche ».
Maintenant, si nous surmontons cela, je crois que la gauche a toutes les possibilités de gouverner et de gérer les choses mieux que la social-démocratie néolibérale et la droite ne l’ont jamais fait. En outre, je suis convaincu que, si la plupart des citoyens chiliens ne veulent pas aujourd’hui d’un autre gouvernement de droite, ils ne souhaitent pas non plus revenir à l’époque de la Concertación [social-démocratie néolibérale en alliance avec les démocrates chrétiens]. Donc, je pense que la première chose à établir est de savoir si nous voulons être une alternative. Si oui, alors nous pouvons aller de l’avant, et nous pouvons établir une large unité, précisément dans la mesure où l’hégémonie du projet est basée sur la transformation et non sur la continuité.
Pensez-vous qu’il soit logique d’appeler cette vision de la transformation « socialisme » ? Ce mot est-il toujours d’actualité ? Que signifierait-il au Chili aujourd’hui ?
Je ne sais pas qui peut revendiquer le droit de déterminer que, dans le domaine des idées, une idée est morte. Socrate et Platon se moqueraient de quiconque pense que dans le domaine des idées quelque chose peut périr. Les idées vont et viennent. Elles connaissent des hauts et des bas.
Je n’aime pas beaucoup « épouser » des modèles ou des projets. Les projets sont des modèles idéaux qui fonctionnent rarement. Je préfère parler de voyages, ce qui est quelque chose de différent. Le chemin est une direction dans laquelle il faut avancer : vous n’avez pas besoin d’avoir toutes les réponses, parce qu’il est probable qu’à chaque fois que vous avancerez dans la direction définissant ce chemin, de nouveaux obstacles et de nouveaux problèmes apparaîtront et devront être résolus. L’important, c’est de continuer à avancer dans cette direction.
Donc, plus que de parler de noms, je dis que le Chili doit aller dans le sens de la justice sociale. Le Chili doit aller dans le sens de la dignité, du droit au bonheur, de la pleine autonomie. Le Chili doit aller dans le sens de l’équité territoriale et de l’équité sociale. Le Chili doit aller dans le sens de la solidarité et de la coresponsabilité. Vous pouvez lui donner le nom que vous préférez. Mais pour moi, ces valeurs et ces principes ne sont pas discutables : ils doivent être l’étoile polaire vers laquelle nous poussons les transformations.
Maintenant, comment faire concrètement ? Si vous me demandez, le travail domestique peut-il continuer à être invisible et non valorisé ? Non. Le travail de soins ? Non. La participation ? Non. Les soins de santé peuvent-ils avoir des limites légales ? Est-il juste que le système public de soins de santé refuse de couvrir tout recours d’une valeur de 1,5 million de pesos (2 000 dollars), qu’aucune famille au Chili ne peut se permettre, sauf le 1% le plus riche ? Je réponds que non. Nous devons avancer pour que chacun puisse avoir accès à n’importe quel médicament, quel qu’en soit le coût, s’il peut lui sauver la vie et lui assurer une meilleure santé.
Si vous me demandez, le Chili peut-il continuer à être un pays patriarcal et macho ? Je réponds : non, nous devons donner la parité des sexes à la Cour suprême, au Conseil de défense de l’État, au Parlement, aux conseils communaux, aux conseils régionaux. Et, comme pour les peuples indigènes, qui doivent avoir des sièges protégés à tous les niveaux, commencer à imprégner la vision patriarcale du monde d’une vision féministe. Cela implique que, au moins jusqu’à ce que la culture patriarcale soit déconstruite, nous allons devoir faire des efforts pour discriminer positivement en faveur de la participation des femmes féministes – pas des « femmes », mais des femmes féministes. Nous allons devoir faire un effort assez puissant en tant que société.
Il y a beaucoup de sujets comme ceux-ci qui ne sont plus discutables. Si vous me demandez si la richesse peut continuer à être générée en payant les travailleurs beaucoup moins que ce que vaut leur travail, de manière à payer le capital beaucoup plus que ce que vaut sa contribution, je réponds : non, ce n’est pas durable. Si quelqu’un me demande, peut-on continuer à surexploiter la nature au point qu’elle n’ait aucune chance de se régénérer ? Je réponds : non, ce n’est pas durable. Il va falloir aller vers une vision écocentrique, dans laquelle l’éthique aujourd’hui limitée aux relations entre les êtres humains s’étend aussi à la relation entre l’homme et la nature en tant que sujet de droit.
Il y a un énorme changement culturel à faire. Si quelqu’un veut le nommer, il peut le faire. Mais ce que je propose au Chili, plus qu’un modèle, c’est une orientation stratégique. Car les modèles signifient toujours une discussion dans l’abstrait, et je veux discuter concrètement.
Les expériences les plus récentes qui ont adopté ce type de vision et se sont engagées dans ce voyage de transformation ont été les soi-disant « gouvernements progressistes » en Amérique latine. Dans le contexte actuel, non seulement des comparaisons – souvent odieuses – seront inévitables, mais il est également important de tirer des leçons. Comment évaluez-vous ce cycle progressif en Amérique latine ? En examinant ces expériences très variées, que pensez-vous qu’il soit possible d’améliorer, et que faut-il rejeter ou éviter ?
Tout d’abord, je ne partage pas cette tendance très courante à faire des généralisations qui sont, après tout, un peu simplistes. Je n’ai pas connaissance d’un « cycle progressif » en Amérique latine. Si quelqu’un me dit : « Mais il y a eu des gouvernements anti-néolibéraux »… Oh, oui, ils se sont définis ainsi.
Mais je pense que, sauf dans le cas de la Bolivie, aucun d’entre eux n’a essayé de changer la base économique de son pays et, par conséquent, ils n’ont jamais misé sur une transformation du mode de production et de la base productive. Déjà avec cette première critique, qui est plutôt dévastatrice, on pourrait dire : « Bon, il n’y a pas de cycle progressif ». Parce que si pendant tant d’années, avec tant de produits de base et avec tant d’argent, ils n’ont pas été capables de changer la matrice productive, on peut débattre de la mesure dans laquelle ces projets étaient gauchistes et progressistes.
En outre, ils étaient trop basés sur le caudillismo. Apparemment, ils étaient eux aussi imprégnés des valeurs néolibérales et continuent jusqu’à ce jour à assumer la suprématie des dirigeants individuels sur les intellectuels collectifs. Là, je frappe un autre coup dur, et cette fois, je ne peux même pas penser à une exception. On peut peut-être distinguer un peu le Front large en Uruguay, dans le meilleur des cas. Mais tous les autres ont été des projets extrêmement personnalisants et caudillistes. Je pense qu’il s’agit clairement d’une gauche avec une déformation néolibérale.
Troisièmement, nous avons été laxistes sur des questions importantes pour l’électorat de gauche, comme la corruption et le manque de transparence. Il est clair pour moi que la droite ne s’intéresse pas à ces questions. Elle n’a jamais eu de problème à voter pour les voleurs de banque, pour les corrompus, pour les canailles, pour les escrocs, parce que cela fait partie de la logique du modèle. Cela ne les dérange pas. Mais les gens de la gauche n’apprécient pas cela. Et pourtant, nous avons fait preuve de laxisme sur ces questions et nous n’avons pas été en mesure d’arrêter un problème endémique de corruption et de manque de transparence dans les gouvernements d’Amérique latine. C’est un problème qui vient d’avant, et ce n’est pas la faute des gouvernements de gauche. Mais beaucoup de ces gouvernements, afin de maintenir leurs « majorités sociales et politiques », ont fermé les yeux. Sans comprendre, en outre, que le néolibéralisme affronte les projets de transformation en recherchant les faiblesses et en les mettant en évidence pour qu’elles échouent. Et la corruption est l’une de ces faiblesses. À gauche, elle doit être inacceptable.
Nous avons également fait preuve de laxisme en matière de gestion – et, pour moi, c’est une trahison de l’idéologie de la gauche basée sur sa conscience d’avant-garde. Nous n’avons montré aucun intérêt particulier pour l’utilisation efficace des ressources, pour l’efficacité de la résolution des problèmes, pour l’innovation ou pour la participation (et nous avons essayé de faire respecter tout cela en tant que principes dans Recoleta). Peut-être qu’en termes de participation, le Venezuela est en avance sur plusieurs d’entre nous. Le niveau de protagonisme populaire et de participation a été l’un des facteurs qui ont empêché la réalisation d’un coup d’État au Venezuela.
Si la gauche veut avoir l’opportunité de diriger à nouveau le continent, elle va devoir surmonter ces quatre éléments, qui sont pour moi fondamentaux. À l’exception de Rafael Correa, en Équateur, je n’ai jamais entendu aucun président parler de gestion de qualité, d’amélioration continue, de meilleure gestion. Si vous voulez gouverner, vous ne pouvez pas gouverner pire que le dernier groupe.
Bien sûr, la modernisation apparaît comme un récit de droite.
C’est complètement absurde – la modernisation devrait être le récit de la gauche. Nous avons renoncé à certains principes et valeurs qui apparaissent aujourd’hui comme étant la propriété de la droite. Il est tellement absurde que les entreprises et la droite soient des spécialistes de la planification stratégique et que la gauche ne le soit pas. Lénine se retournerait dans sa tombe !
Nous sommes confrontés à un scénario instable, avec beaucoup d’incertitudes. La révolte d’octobre dernier a marqué un tournant, et maintenant votre candidature à la présidence apparaît dans les médias et dans les sondages. La droite vit également un moment très complexe, avec des figures d’extrême droite qui pensent pouvoir défier le « centre ». Il y a toute une série d’éléments en jeu et un processus constitutif ouvert, qui pourrait aboutir de différentes manières. À votre avis, à quoi cette dynamique instable pourrait-elle conduire – et quelle attitude la gauche devrait-elle adopter ?
La gauche a l’obligation éthique et morale de réaliser l’unité, non seulement en politique, mais aussi dans ses projets. Il est clair qu’elle doit mettre de côté tout projet personnel et donner la priorité à un projet pour les citoyens. Tant qu’il n’y aura pas de progrès dans un processus d’unité générale, dans lequel les citoyens eux-mêmes sont autorisés à s’exprimer, toute la rhétorique de la gauche restera vide.
Nous devons avancer pour que chacun puisse avoir accès à n’importe quel médicament, quel que soit son coût, s’il peut lui sauver la vie et lui assurer une meilleure santé.
En outre, la gauche doit s’attacher à développer sa propre force avant de commencer à chercher des alliances. Cela signifie que nous devons comprendre que nous recherchons l’unité sociale et politique la plus large possible, mais nous n’acceptons pas que des personnes viennent aujourd’hui construire l’unité en invoquant les résultats électoraux de 2012 et 2016 [afin d’affirmer leur propre suprématie]. Car cela signifierait ne rien comprendre à ce qui se passe dans le pays, ne pas embrasser la profonde tendance à la transformation qui a existé dans notre pays ces dernières années. Il y a des partis qui veulent s’asseoir à la table en croyant qu’ils comptent pour 25 ou 30 %, alors qu’en réalité ils comptent pour 5 %. Je crois que c’est une position que toute la gauche doit abandonner. Ainsi, tout en recherchant l’unité sociale et politique la plus large possible, nous devons permettre aux tendances actuelles de s’exprimer également.
Et quelles sont les menaces qui pèsent sur ce projet d’unité ?
Tout d’abord, la prépondérance des projets personnels. Deuxièmement, la peur des étiquettes et la peur du « pouvoir derrière le pouvoir ». Parce que certains disent : « Non ! Pas avec les communistes ! » Et quand vous vous asseyez avec eux pour discuter du programme, vous vous rendez compte que ce qui nous sépare n’est que le titre et le nom. Devoir argumenter avec cette puérilité me semble un peu idiot. Les projets doivent parler d’eux-mêmes. L’unité est donc basée sur un projet de transformation de quatre ans, qui doit également être projeté sur huit, douze, seize ans. Et cela exige une perspective stratégique, plus que tactique.
Le néolibéralisme confronte les projets de transformation en recherchant les faiblesses et en les mettant en évidence pour qu’ils échouent.
Il y a des gens dans notre pays qui s’inscrivent à des programmes sans les lire (et qui disent ensuite au public que personne ne lit les programmes !) ). Et cela semble les libérer de leurs engagements. Je crois que nous devons commencer à être plus sérieux et plus honnêtes en politique.
Daniel, je tiens à vous remercier pour votre temps et à vous laisser la place si vous voulez ajouter quelque chose pour les lecteurs de Jacobin.
Je voudrais lancer un appel pour isoler la violence. Je crois qu’il y a des secteurs d’extrême droite (il y a même des secteurs des carabiniers [police militaire] qui l’ont déjà reconnu ouvertement) qui infiltrent les manifestations pour provoquer la violence, justifier la répression, et ensuite mettre en échec les avancées politiques qui ont été développées. J’appelle donc la gauche à continuer à se mobiliser, mais avec des mobilisations pacifiques. Et à faire un effort significatif pour isoler et séparer la violence de nos manifestations légitimes, et à se méfier de ceux qui finissent par être fonctionnels à droite et à l’extrême droite, qui ne veulent qu’introduire et implanter l’idée de chaos dans le projet de transformation.
Souvenez-vous que ce sont les mêmes personnes qui aujourd’hui appellent à voter non [au changement de la constitution, lors du référendum de dimanche] qui ont dit que la démocratie serait un saut dans l’abîme. La perspective historique du parti communiste a toujours été de participer à tous les espaces politiques qui s’ouvrent, que les règles du jeu soient à notre goût ou non. Il y a d’autres acteurs politiques qui, lorsque les règles du jeu ne sont pas ce qu’ils veulent, organisent des coups d’État et attaquent la démocratie. Mais nous sommes convaincus que la nôtre est la bonne voie et, par conséquent, je lance un appel pour rester mobilisé de manière pacifique.
Et je lance également un appel pour suivre de près la discussion constitutionnelle. Il ne s’agit pas d’élire des membres à la Convention constitutionnelle en avril et de rentrer ensuite chez soi en attendant la proposition dans un an. Non, nous devons ici suivre de près l’évolution de la discussion, en y participant directement et indirectement.