2016 aura été l’année de signature d’un accord de cessez le feu historique entre le président colombien Dos Santos et les Farc-EP. Un accord fragile, largement menacé comme l’a montré l’échec du referendum de validation de l’accord de paix. Et cela alors que l’expérience montre que la répression fasciste et la liquidation des syndicalistes, communistes et militants associatifs a accompagné chacune des tentatives de normalisations de ces dernières décennies. Dans un entretien, Carlos Lozaon Guillen explique les dangers de la situation en Colombie. Un entretien publié par nos amis de legrandsoir.org
« Il y a une urgence de l’unité et de la mobilisation populaire pour mettre en œuvre les accords de paix et éviter un nouveau bain de sang ».
Dans un entretien pour tercerainformacion.es, Carlos Lozano Guillén, journaliste et dirigeant politique du Parti Communiste Colombien a souligné que le nouvel accord de paix signé entre le gouvernement colombien et les FARC-EP est définitif et qu’il est très important pour la paix et le futur de la Colombie puisqu’il conserve l’esprit et la structure du précédent accord. Ce qui importe maintenant, c’est la ratification de l’accord, qui aura vraisemblablement lieu au Congrès. Et c’est au mouvement social démocratique, par la mobilisation, qu’il correspond d’en défendre la mise en œuvre de manière unitaire afin d’éviter les « entourloupes » du gouvernement et de ne pas permettre que l’administration de l’accord ne reste qu’entre les mains de ceux-là même qui ont mal gouverné le pays. Il a également lancé un SOS à la communauté internationale en l’invitant à visiter la Colombie, à accompagner les processus et éviter un deuxième génocide politique comme celui de l’Union Patriotique. Il a souligné que la paix est en danger à cause de l’offensive de l’extrême droite et des paramilitaires qui, en complicité avec certains secteurs des forces armées, à travers les exécutions de guérilléros (1), les attentats contre les dirigeants régionaux et les menaces qui ont eu lieu ces derniers jours dans le sud et l’ouest du pays, font craindre un nouveau bain de sang en Colombie (2).
Carlos Lozano Guillén, qui est membre du Comité Exécutif Central du Parti Communiste Colombien, directeur du journal VOZ et qui a consacré sa vie à la lutte populaire, particulièrement en accompagnant les différents processus de paix en Colombie, a indiqué que « malgré le revers du plébiscite et la nécessité de sauver la paix, il a fallu renégocier à nouveau sur la base de la structure et de l’esprit de l’accord précédent, en acceptant certaines des propositions, recommandations et initiatives de ceux qui ont défendu le « Non », des secteurs de l’extrême-droite et des ennemis de la paix en Colombie. Il était inévitable de les prendre en compte ».
Impulser la mise en œuvre et être vigilants pour éviter les « entourloupes » du gouvernement
« Je crois que l’accord original était meilleur, mais ce deuxième accord n’est pas négatif, bien qu’il fragilise certains aspects essentiels du précédent. Il a fallu en passer par là, car c’était inévitable pour sauver la paix. Aujourd’hui, nous avons un accord qui tient bon, un accord définitif, comme l’a exprimé le gouvernement et la guérilla des FARC-EP, et maintenant le président Santos s’apprête à le porter au congrès si c’est ce qui est finalement accordé avec les FARC, afin qu’il soit ratifié sans modification pour entrer dans la phase de mise en œuvre » a affirmé le dirigeant communiste.
« Je crois que nous marchons sur un terrain solide en ce qui concerne l’accord, même s’il y a une grande préoccupation face au harcèlement et aux provocations des ennemis de la paix en Colombie. A propos de l’accord, nous traversons un bon moment, je crois qu’il y a une satisfaction des différents secteurs démocratiques du pays. Nous sommes conscients que ce sont des pas nécessaires et indispensables pour avancer sur le chemin de la paix. Il importe maintenant que le mouvement social, démocratique, et les amis de la paix, renforcent la lutte pour que la mise en œuvre se fasse le plus rapidement possible, en respectant chacun des engagements assumés par le gouvernement national qui a souscrit l’accord. Il faut évidemment éviter que se présentent les manquements et les « entourloupes » habituelles par lesquels la classe dominante a toujours répondu à ce type d’accord pour les fragiliser, les modifier et faire dévier leur colonne vertébrale et le sens constructif qu’ils portent » a rappelé Lozano Guillén qui fait également partie du Front Elargi pour la Paix.
Le rôle de la gauche et du peuple colombien après la signature de la paix
Le directeur du journal VOZ, hebdomadaire du PCC a affirmé dans son dialogue avec tercerainformacion.es (média alternatif espagnol) que « ce qui est le plus important, ce qui est l’unique chemin, c’est l’unité, la mobilisation, la veille sur la mise en œuvre des accords et leur respect. Il n’y a que la mobilisation sociale, les amis de la paix, ceux qui ont été attentifs à tout cela, le Front élargi pour la Paix, toutes les organisations sociales et populaires qui se sont présentées à La Havane (Cuba), qui ont toujours soutenu le processus de dialogue et de paix et qui se sont engagées dans son développement ».
Lozano a souligné que : « Le plus important, c’est l’unité, et à plus long terme, l’unité des forces de gauche et des forces démocratiques. Nous devons être conscients qu’il y a là un impératif, c’est aujourd’hui un défi historique pour la gauche, parce qu’il serait inadmissible que le post-accord soit administré par ceux-là même qui ont gouverné ce pays, les mêmes qui ont maintenu le statu quo, qui défendent leurs privilèges, qui continuent à faire avancer toute cette politique néolibérale qui favorise le grand capital, les intérêts des multinationales et qui sont contraires aux solutions sociales et populaires. C’est la raison pour laquelle il faut ouvrir la possibilité d’un nouveau pouvoir populaire et démocratique, de la gauche et des secteurs dévastés du pays. Car, évidemment, ces accords n’impliquent pas la transformation définitive de la société, ce sont des accords importants que renforcent la démocratie, qui engendrent de meilleures conditions sociales, mais qui ne résolvent pas les problèmes structurels de la Colombie : Cela, c’est nous qui devons le faire, nous les gens de gauche et les démocrates, sur la base de la remise en perspective nationale d’un nouveau pouvoir. Ce sont des tâches que nous devons assumer, surtout au moment où nous recevons cette offensive des provocations de ceux qui sont les ennemis de la paix, qui, au fond, veulent empêcher la paix stable et durable ».
Face aux exécutions, aux assassinats et à l’offensive paramilitaire : Mobilisation populaire, dénonciation nationale et internationale
Consulté sur la situation de violence et l’assaut paramilitaire contre les leaders de gauche, particulièrement dans le sud et l’ouest de la Colombie ces derniers jours, la réponse est catégorique : « C’est vrai, cela vient de ceux qui veulent empêcher la mise en œuvre des accords, ce sont des actions délirantes, désespérées, des actions de l’extrême droite, du para-militarisme, des ennemis de la paix, et même de certains cadres militaires qui mettent en danger la trêve et le cessez-le-feu bilatéral et définitif. Deux combattants des FARC ont été assassinés de manière infâme et présentés comme tombés au front, au cours d’un combat qui n’a jamais existé. Tous les témoins coïncident sur le fait que ce fut un assassinat, c’est une exécution qui a eu lieu. Il y a une enquête de la commission tripartite Gouvernement / ONU / FARC sur tout cela et il y aura une prise de parole sur tout cela. Ce sont des faits graves ».
La paix en danger… Un processus de génocide contre la Marche Patriotique (3)
Il y a également l’action persistante et démente de ceux qui agissent contre les militants de la défense des droits humains dans le sud du pays, majoritairement, membres de la Marche Patriotique, mouvement de gauche dont 123 membres ont été assassinés ces quatre dernières années. Si nous ne prenons pas garde à cela, si nous ne le rejetons pas, s’il n’y a pas une prise de parole claire de la communauté internationale, une décision catégorique du gouvernement, cela peut s’étendre à d’autres parties du pays et nous pouvons assister à un nouveau génocide de la gauche comme celui qui avait eu lieu avec l’Union Patriotique. Nous devons éviter cela, nous mobiliser en amont, avec fermeté, tranquillité et sérénité, mais en affrontant cette situation par l’action massive, la mobilisation populaire, en exigeant du gouvernement qu’il respecte toutes les mesures pour lesquelles il s’est engagé, et pour qu’il n’y ait aucune sorte de complicité entre les autorités et ceux qui commettent ce type de crimes et d’assassinats contre l’humanité.
Nous avons besoin d’accompagnement international pour empêcher un nouveau bain de sang en Colombie
L’appel à la communauté internationale est un appel à la solidarité, au soutien, à s’unir à cette clameur pour la paix en Colombie. Nous avons pu compter sur la solidarité, pas seulement des organisations sœurs et amies à l’étranger, mais aussi sur des gouvernements qui ont soutenu l’effort qui se fait ici en Colombie. Nous voulons donc que cette solidarité se maintienne avec force, nous avons besoin que des délégations viennent accompagner les processus ici dans le pays. Que de l’étranger, on exige aussi le respect des accords et que soient prises des mesures pour empêcher que le bain de sang en Colombie ne continue ».
Finalment, Carlos Lozano a envoyé un message aux colombiens qui vivent à l’extérieur du pays : « Pour les exilés et les politiques poursuivis par l’Etat colombien (qui se réuniront ce 26 novembre à Madrid, en Espagne) (4), pour les migrants colombiens : Recevez un message d’optimisme, d’espoir. Nous avançons par le chemin de la paix stable et durable, et ici en Colombie, nous vous attendons pour que, avançant dans tout cela, quand il y aura de meilleures conditions de vie, une nouvelle démocratie, plus de possibilités sociales dans le pays, tous ensemble, d’ici et de l’extérieur, unis et réunis, nous puissions construire un nouveau pays, une nouvelle société, une nouvelle Colombie, prospère, démocratique, avec une meilleure justice sociale ». C’est ainsi que se concluait l’entretien avec Carlos Lozano Guillén du Comité Central du Parti Communiste Colombien.
Eliécer Jiménez Julio
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