Introduction de Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF
Chers amis et camarades étrangers et français,
A l’occasion de cette 1ère conférence du PRCF sur les questions internationales laissez-moi d’abord remercier les amis de France et de l’étranger qui nous font l’honneur d’être présents ici en ce moment de l’histoire mondiale où la crise du capitalisme, qui se double d’une crise de légitimité de l’Union européenne et d’une crise politique de plus en plus explosive en France même, appelle plus que jamais la solidarité des forces communistes et anti-impérialistes à l’échelle de la France, de l’Europe et de la planète entière.
Je voudrais d’abord préciser dans quel esprit le PRCF aborde cette conférence. Composante modeste mais active du Mouvement communiste français et international, le PRCF ne se prend pas pour le Parti communiste de France, même s’il considère qu’il est un ferment essentiel de la renaissance de ce parti aujourd’hui carent. Le PRCF ne conçoit donc pas la présente conférence comme un séminaire international de prestige mais comme un lieu d’échange fraternel permettant de confronter les analyses de manière constructive, en rejetant à la fois l’alignement sur des positions définies a priori et l’excommunication de ceux qui ne penseraient pas de manière conforme. Comme aimait le répéter Lénine en citant Hegel, « la contradiction est la racine de toute vie et de tout mouvement » et il serait triste que le Mouvement communiste international, oubliant la dialectique, refuse de confronter librement les points de vue divers qui peuvent apparaître en ses rangs, y compris parfois entre ceux qui refusent le carcan opportuniste du Parti de la Gauche Européenne et qui continuent de se référer au marxisme-léninisme et à l’internationalisme prolétarien.
Pour autant, le PRCF est porteur d’une ligne claire, héritière des principes qui guidèrent le 7ème congrès de l’Internationale communiste et qui firent de la classe ouvrière l’axe d’une large front antifasciste et anti-impérialiste grâce auquel le camp socialiste s’était décisivement élargi en 1945, à la suite de la victoire soviétique sur Hitler. Pour nous, le rôle des communistes n’est ni de suivre la bourgeoisie, comme l’a toujours fait la social-démocratie et comme le fait aujourd’hui la direction du PCF en soutenant la « construction européenne », ni de cultiver ce que Marx appelait, dans ses réflexions sur la Commune de Paris, le « solo funèbre de la classe ouvrière ». Le rôle du parti communiste, celui du Mouvement communiste mondial, est d’unir les forces progressistes contre l’oligarchie capitaliste, d’isoler l’ennemi principal, de construire de vastes dynamiques populaires permettant de préparer la révolution socialiste, non pas en paroles mais en pratique.
Ne craignons donc pas de débattre sans œillères. Nous vivons dans des conditions souvent très différentes, dans des pays impérialistes ou dans des pays dominés, au cœur de l’Europe impérialiste ou à sa périphérie. Il est illusoire d’espérer que notre accord politique pourrait être immédiat. Il doit au contraire se construire sur la base de notre théorie commune, le marxisme-léninisme, de notre référence commune à la classe ouvrière, de la prise en compte de nos situations nationales respectives, et surtout, surtout, nous devons tous nous inspirer du sentiment profond qui anime tous les communistes, celui de l’égalité entre les partis communistes, partant, de leur respect mutuel, du refus de s’ingérer dans les affaires internes d’un autre parti, de la solidarité de combat contre l’impérialisme.
Je diviserai mon exposé en trois étapes. Je brosserai d’abord le tableau de la situation mondiale qui résulte de la crise systémique du capitalisme. J’insisterai ensuite sur le potentiel révolutionnaire des affrontements de classes dans l’Union européenne et j’indiquerai comment, sur ces bases, le PRCF propose une stratégie de masse pour le peuple de France. Je terminerai par une réflexion sur le devenir du Mouvement communiste international.
I – QUELLES REPONSES A LA CRISE DU CAPITALISME MONDIAL
a) La contradiction capital-travail s’aiguise.
Malgré la contre-révolution des années 80/90, la tendance principale de notre temps reste au creusement de la contradiction principale entre le travail et le capital, entre les peuples opprimés et l’impérialisme. La mondialisation néolibérale, cette stratégie du capital financier pour répondre à la baisse tendancielle du taux de profit, reconquérir l’espace concédé au travail depuis 1945, pour liquider l’expérience socialiste mondiale ouverte par Octobre 17, puis par Stalingrad, pour abattre les régimes anti-impérialistes existant de par le monde, n’a nullement atténué la contradiction explosive entre la tendance objective de notre monde à la socialisation des forces productives et l’appropriation monopoliste privée des sources de la richesse. Jamais sans doute autant qu’aujourd’hui le pouvoir et la richesse n’auront été concentrés entre si peu de mains quand on voit que les 300 plus grandes fortunes mondiales privées pèsent autant que les deux milliards d’humains les plus pauvres. Jamais en conséquence, les conditions de passage de l’humanité du capitalisme au communisme, via la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, la socialisation des moyens de production et la dictature du prolétariat, n’auront été si pressantes. Pour faire face à la montée des inégalités, qui génère partout la paupérisation des travailleurs, le délitement du lien social, la montée de la violence et de l’inhumanité, pour résoudre avant qu’il ne soit trop tard les crises écologiques suscitées par la course au profit, pour en finir avec les guerres impérialistes qui peuvent à tout moment dégénérer en guerres mondiales, pour stopper la fascisation politique par laquelle les oligarchies répondent à la crise de la démocratie bourgeoise, il faut plus que jamais le socialisme pour chaque peuple dans la perspective du communisme pour toute l’humanité. Comme le disait Marx dans un passage fameux du 18 Brumaire de Louis Bonaparte,
« … pour que la révolution d’un peuple, et l’émancipation d’une classe particulière de la société bourgeoise coïncident, pour qu’une classe représente toute la société, il faut au contraire que tous les vices de la société soient concentrés dans une autre classe, qu’une classe déterminée soit la classe du scandale général, la personnification de la barrière générale. Pour qu’une classe soit par excellence la classe de l’émancipation, il faut inversement qu’une autre classe soit ouvertement la classe de l’asservissement ».
Cette « classe du scandale général », c’est aujourd’hui l’oligarchie financière, flanquée de ses alliés du latifundium semi-féodal, notamment au sein du monde dominé. Quant à la « classe de l’émancipation générale », elle reste plus que jamais le prolétariat mondial avec en son cœur la classe ouvrière industrielle, minière et rurale. Même si l’idéologie dominante veut nous faire oublier cette vérité dans nos pays occidentaux méthodiquement désindustrialisés, le poids du prolétariat mondial s’accroît relativement et absolument, celui des ouvriers aussi si l’on prend les choses à l’échelle globale. Et il me plaît aujourd’hui de dire toute notre solidarité admirative avec la jeune classe ouvrière du Bangladesh, qui affronte à mains nue la répression, comme le font chaque jour les jeunes ouvriers des industries chinoises de la Côte Est, et comme l’ont fait hier les prolétaires roumains de Renault-Dacia. Les capitalistes croyaient échapper aux conflits de classe en cassant l’industrie de nos pays, mais c’est désormais le prolétariat des pays d’Orient qui passe à l’offensive et rend ainsi plus ardue l’entreprise mondiale de mise en concurrence des salariés sur le moins-disant social. Jamais donc le mot d’ordre de Marx « prolétaires de tous les pays unissez-vous » n’aura eu une telle vertu propulsive à l’échelle planétaire.
b) Évitons toutefois de tomber dans un optimisme excessif au regard des dangers qui nous cernent.
Certes la crise mondiale du capitalisme ne cesse de s’aggraver : à peine sorti de la prétendue « crise des subprimes » de 2008, le capitalisme est entré dans un nouveau cycle malsain qui menace le monde d’une récession mondiale avec la récession de la zone euro et certains signes de ralentissement de la croissance chinoise et indienne. En Europe, la crise de la zone euro plombe l’économie mondiale. Malheureusement, malgré les luttes qui ont agité la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, et qui ont fortement secoué la France en octobre 2010, nous vivons à l’échelle internationale, et de manière inégale selon que nos pays respectifs sont ou pas dotés d’un parti communiste capable d’entraîner les masses, une véritable crise de l’avant-garde ainsi que, à l’échelle mondiale, une crise de l’hégémonie culturelle prolétarienne et progressiste. Nous le savons, pour faire la révolution, il ne suffit pas d’une situation objectivement révolutionnaire où, selon le mot de Lénine, « ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant et où ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant ». Il faut aussi, pour que la classe ouvrière devienne ce que Marx appelle le « représentant général de la société », et pas seulement une classe souffrante et repliée sur elle-même, un parti communiste armé d’un programme perçu comme réaliste et rassembleur par les travailleurs et par leurs alliés potentiels. Or ce fut le résultat le plus négatif de la contre-révolution des années 80 et 90, années où derrière Carrillo, Occhetto, Gorbatchev, Robert Hue, l’opportunisme et le révisionnisme triomphaient dans le Mouvement communiste à l’exception de quelques pôles admirables mais minoritaires, que d’avoir détruit ou dénaturé les partis communistes en propulsant l’ennemi de classe à la tête d’organisations censées défendre les travailleurs. L’objet de la présente conférence n’est pas de définir de manière approfondie les facteurs historiques qui permirent d’abattre le camp socialiste. Pour nous PRCF, ces causes sont à la fois internes et externes, le vieil opportunisme interne catalysant la pression impérialiste externe et celle-ci créant les conditions pour qu’émerge, à la direction même du PCUS, le groupe ouvertement liquidateur d Gorbatchev. Pour n’insister que sur un point, le PRCF souligne la dimension exterministe de l’impérialisme contemporain ; en effet, dès les années Reagan, la réaction occidentale s’exclamait « plutôt morts que rouges ! » et admettait en principe que, pour abattre le prétendu « totalitarisme soviétique », l’Occident devrait préparer la guerre nucléaire au risque de prendre en otage toute l’humanité. Or la réponse social-pacifiste de Gorbatchev revenait à valider l’exterminisme occidental puisqu’au slogan plutôt mort que rouges, les capitulards gorbatchéviens répondaient « plutôt pas rouges que morts ». Cela en dit long sur le contenu réactionnaire de la remondialisation du capitalisme consécutive au démontage du camp socialiste, vite suivi par la reconstitution d’une Grande Allemagne réactionnaire, par le dynamitage sanglant de la République fédérative socialiste de Yougoslavie et par la mise en place d’une Europe impériale dirigée par l’Axe Washington-Berlin, avec Paris en couverture.
c) Aujourd’hui, cette mondialisation néolibérale – qui constitue la forme continentalisée et mondialisée du capitalisme monopoliste d’Etat – vise clairement plusieurs cibles:
* d’abord, le mouvement ouvrier mondial, que la politique patronale de moins-disant social mondial voudrait entraîner dans une dynamique de capitulation et d’esclavage à la traîne de la social-démocratie ou de mouvements trotskistes qui idéalisent la mondialisation et acceptent le cadre vicié de l’Union européenne ;
* ensuite l’ensemble des nations souveraines et pour commencer, celles qui avaient si difficilement conquis leur indépendance face aux colonisateurs grâce à l’appui des pays socialistes. C’est le cycle entamé, dès la chute de la RDA, des guerres impérialistes à répétition qui, sous divers prétextes, ingérence humanitaire, lutte antiterroriste, défense de la démocratie, ont pour but réel de re-coloniser les pays fraichement émancipés dans une perspective de pillage des ressources minières. Face à ce type de guerre, les communistes, et particulièrement ceux des pays agresseurs, comme l’est la France impérialiste, doivent réapprendre les vertus du défaitisme révolutionnaire ! A bas les interventions françaises impérialistes, qu’elles émanent du fascisant Sarkozy ou du « socialiste » Hollande, que ce soit en Libye, au Mali, en Syrie. La défaite de l’agresseur est nécessaire, non seulement au peuple agressé par l’impérialisme français, mais au peuple français lui-même dont chaque pas en avant de sa bourgeoisie impérialiste strangule un peu plus la souveraineté nationale. Car jamais les patriotes que nous sommes ne confondront le peuple français, qui vit actuellement une crise nationale potentiellement mortelle, avec ses indignes dirigeants qui agressent d’autant plus les peuples du Sud qu’ils détruisent la nation française à domicile. Bref, il n’y a aucune contradiction entre la phrase de Liebknecht qui déclarait « der Hautpfeind ist in eignem Land » (l’ennemi principal est chez toi !) et celle d’Engels pour qui « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre ».
Dans ces conditions, il ne saurait y avoir de contradiction entre patriotisme et internationalisme, pourvu qu’on ne confonde pas le patriotisme populaire, c’est-à-dire l’amour que tout homme sain porte à son peuple, avec le nationalisme réactionnaire, cette arme servant aux classes dominantes pour opposer les peuples, et qu’on ne confonde jamais non plus l’internationalisme prolétarien avec le cosmopolitisme capitaliste, avec le supra-nationalisme européen, c’est-à-dire avec l’étranglement des nations souveraines par le capital financier.
Encore faut-il préciser qu’au PRCF nous rejetons les conceptions modernisés de l’ « hyper-impérialisme » issu de Kautsky et Hilferding. Même s’il y a, contre les peuples, des cartellisations transitoires de forces entre capitalistes, capitalistes allemands et capitalistes américains unis pour piloter l’Europe, capitalistes allemands et capitalistes français complices pour tondre Chypre et la Grèce, impérialistes de l’OTAN complices pour écraser les peuples de l’est et du sud, etc., ces ententes sont précaires. L’inégal développement subsiste et ravive périodiquement les tensions inter-impérialistes. Il ne faut donc pas tomber dans la conception abstraite du révisionniste de gauche Negri, d’un impérialisme mondial unique écrasant une « multitude » indifférenciée, ce qui revient à nier le rôle dirigeant de la classe ouvrière et à laisser les impérialistes bafouer à leur aise le droit des nations à disposer d’elles-mêmes.
d) Face à cette mondialisation impérialiste, qui est notre ennemi planétaire commun, sur quelles résistances pouvons-nous miser ?
* Nous avons déjà évoqué le rôle de la classe ouvrière ; nous sommes persuadés que la situation de défensive actuelle, qui a été favorisée par la casse de l’industrie socialiste à l’est et par la politique de désindustrialisation à l’ouest, est déjà en train de s’inverser : nous l’avons vu, de la Chine au Bangladesh en passant par les pays émergents d’Amérique latine, les luttes ouvrières s’étendent et appellent un internationalisme prolétarien de nouvelle génération fédérant les ouvriers du nord, de l’est et du sud contre les transnationales. Là est la base objective d’une renaissance du syndicalisme de classe mondial et au-delà, d’un grand Mouvement communiste se projetant sur l’avenir sans oublier ses racines ;
* Evoquons aussi les pays qui défendent l’option socialiste et à la tête desquels nous plaçons Cuba. On ne dira jamais assez le mérite historique de Cuba, avec à sa tête le PCC et Fidel, qui a uni les deux drapeaux du patriotisme et du socialisme au plus fort de la vague contre-révolutionnaire et qui a permis par la suite à l’espérance progressiste de reprendre pied avec la passionnante expérience de l’Alternative bolivarienne des Amériques… Tout d’abord, nous voulons vous dire, camarades cubains, que, nous qui peinons à reconstruire en France un PC digne de ce nom, nous ne vous donnerons aucune leçon concernant la voie que vous explorez actuellement dans le cadre du poder popular et de la propriété sociale des grandes entreprises. A vous de trouver la voie la plus efficace quitte parfois à reculer tactiquement si vous l’estimez utile, en appelant recul un recul et avancée une avancée. Concernant le Venezuela, nous nous inclinons devant la mémoire d’Hugo Chavez. Certes nous partageons les critiques constructives qu’a maintes fois formulées le PC vénézuélien sur le processus bolivarien. Certes, nous pensons qu’il n’y aura pas de « socialisme du 21ème siècle » sans rôle dirigeant de la classe ouvrière dans l’économie et la vie politique. Mais la réaction mondiale ne s’y trompe pas qui s’est aussi bruyamment réjouie de la mort de Chavez qu’elle a pleuré celle de la sorcière Thatcher ou qu’elle encense aujourd’hui la nouvelle Thatcher européenne Angela Merkel. Tu n’étais pas communiste, commandante Chavez mais un chrétien de progrès : mais tu étais de notre camp, le camp anti-impérialiste, et nous comprenons que le PCV se soit allié à toi sans dogmatisme en sachant qu’à chaque étape, il s’agit d’isoler l’ennemi principal pour créer les conditions de la révolution et de la dictature du prolétariat. Et aujourd’hui, nous considérons que l’ALBA, malgré ses limites, nous fournit une arme idéologique en Europe même, pour opposer à l’Europe supranationale un cadre international progressiste articulant souverainetés et coopération entre Etats à l’extérieur du libre-échange prédateur de l’OMC.
S’agissant encore des forces de résistance, comment ne pas évoquer aussi la RPDC ? Les traditions culturelles et politiques françaises et coréennes sont aux antipodes et avouons-le, nous sommes quelquefois surpris par le fonctionnement de l’Etat socialiste coréen. Mais faut-il pour autant oublier que l’Etat de Corée du Sud est fascisant sans que cela gêne personne à l’Ouest, que c’est la Corée du nord qui propose la réunification pacifique de la péninsule et que ce sont les USA, qui entretiennent une armada nucléarisée à deux pas de la Chine. Non, ce ne sont pas les éventuels défauts du régime de Pyongyang qui gênent Washington – lequel torture à ciel ouvert à Guantanamo – ! En réalité, ce qui est reproché à Pyongyang, c’est de vouloir maintenir l’unité du socialisme et de l’indépendance nationale sur la ligne qui fut celle du fondateur du Parti coréen du Travail. Alors, quand un pays se réclamant du socialisme ose introduire un épieu dans la gueule du caïman qui veut tous nous avaler, faisons tous feu ensemble sur le crocodile au lieu de nous demander si le bâton est décoré aux couleurs chatoyantes qui nous plairaient davantage !
Bien entendu, nous devons être de toutes les luttes anti-impérialistes. Au premier chef, auprès de l’admirable peuple palestinien et, concernant le PRCF, auprès des forces laïques et révolutionnaires, FPLP en tête. Aujourd’hui qu’Israël laisse mourir en prison les grévistes de la faim palestiniens, nous devons accentuer notre solidarité en ayant conscience que laisser abattre la Syrie, ce serait laisser porter un nouveau coup à la résistance palestinienne. Quant aux revendications politiques, il ne revient pas au PRCF d’être plus palestinien que les Palestiniens. Si un jour les marxistes de Palestine estimaient que l’heure est venue d’exiger un seul Etat laïque et binational, nous n’y ferions aucune objection tant nous jugeons sévèrement l’Etat d’Israël dont l’idéologie fondatrice est clairement raciste et cléricale. Mais il arrive que le mieux soit l’ennemi du bien et qu’il faille d’abord conquérir un Etat palestinien de plein exercice et c’est dans cette direction que nous devons agir aujourd’hui pour exiger que la France officielle retrouve pour commencer la politique plus équilibrée en faveur des Arabes qui était celle jadis du Général De Gaulle.
En Afrique, notre politique est celle du démontage total de la « Françafrique », c’est-à-dire du néocolonialisme français maintenu sur la base du pillage des ressources africaines par le grand capital. On nous dira qu’au Mali, par exemple, l’impérialisme français est un moindre mal par rapport à l’intégrisme et au séparatisme. Mais tout en appuyant à 100 % l’idée d’un Mali uni et démocratique, donnant toute leur place aux Touaregs, et sans avoir la moindre complaisance envers les djihadistes, nous ne pouvons oublier que c’est l’impérialisme français, nommément son intervention en Libye contre l’indocile Khadafi, qui a déstabilisé le Mali voisin. Bref, l’impérialisme français ressemble au pyromane qui allume le feu, puis se fait payer par la victime l’extinction de l’incendie qu’il a lui-même provoqué.
Ce qui m’amène directement à parler de la Syrie. Comment comprendre, si vraiment le but de l’intervention française au Mali est de briser l’intégrisme, que Hollande arme des rebelles syriens téléguidés par le Qatar et l’Arabie séoudite ? Nous n’idéalisons pas le Baath syrien mais nous considérons comme juste le positionnement du PC syrien qui, sans cesser ses justes critiques, défend la souveraineté de son pays après avoir vu ce que l’intervention des impérialistes a fait de l’Irak, de la Libye et de l’Afghanistan : des champs de ruine livrés aux prédations impérialistes et aux règlements de compte communautaristes.
C’est pourquoi nous observons les « printemps arabes » à la lumière de l’analyse marxiste. Après l’admirable sursaut des peuples tunisien et égyptien, après l’écrasement sanglant de la révolte du Bahreïn, nous refusons d’appeler « révolution arabe » n’importe quel soulèvement fomenté par l’impérialisme pour abattre un régime non-aligné. En réalité, nous devons appuyer toute force qui, tout en défendant les intérêts de la classe ouvrière et de la paysannerie, tout en revendiquant les droits démocratiques pour tous, et notamment pour les femmes, refuse de pactiser avec l’impérialisme, refuse l’argent des pétromonarchies et porte une ligne de développement indépendant pour son pays.
C’est pourquoi, soutenir l’action des progressistes iraniens pour les droits sociaux, l’égalité entre les sexes, la liberté de pensée indépendamment du cléricalisme brutal des mollahs, ne nous empêche pas de soutenir aussi le droit du peuple iranien à se doter de construire un développement énergétique indépendant. Ce n’est jamais en s’alliant à l’impérialisme, cet ennemi principal des peuples, que l’on construira où que ce soit l’indépendance et la liberté.
Il nous faut enfin parler des « BRICS », c’est-à-dire des grands pays émergents, Brésil, Russie, Inde et Chine, dont la population additionnée n’est pas loin de former la majorité de l’humanité. Là encore, pas d’idéalisation. Nous savons que, derrière le verbiage social du Parti des travailleurs, le Brésil privilégie une voie capitaliste porteuse de lourdes inégalités et nous soutenons l’attitude oppositionnelle de nos amis du PC Brésilien. Nous ne connaissons que trop le régime semi-mafieux, anticommuniste et fascisant de Poutine. Sur un autre plan, nous refusons d’idéaliser la direction chinoise dont l’orientation peut mener à la destruction de la République populaire en exacerbant les inégalités et en exaspérant les tensions entre les peuples de Chine, que les impérialistes exploitent dans un sens séparatiste. Mais d’une part, les contradictions entre la Trilatérale impérialiste, notre ennemi principal, et les BRICS qui font partie du second cercle capitaliste et dont certains veulent devenir des Etats impérialistes de premier plan, doivent être exploitées par les forces progressistes. Si demain une France indépendante en marche vers le socialisme sortait de l’Union européenne et tentait de briser l’étau germano-yankee, il lui faudrait trouver des alliances de revers hors d’Europe et développer ses relations avec les BRIC. C’est pourquoi dès aujourd’hui nous combattons les tentatives otaniennes pour encercler la Russie, voire pour menacer la Chine avec l’aide de la Corée du sud néo-militariste. D’autant que, s’agissant de la Russie, les forces fidèles à l’URSS sont loin d’avoir dit leur dernier mot et que, s’agissant de l’Inde, les partis qui s’y réclament du communisme disposent d’un ancrage ancien dans le pays. Qui plus est nous avons enregistré avec bonheur l’avancée des forces rouges qui se réclament du léninisme au Népal voisin.
Le cas de la Chine populaire est plus complexe encore. Même si globalement, le pays fait mouvement vers le capitalisme, la majorité de l’industrie reste aux mains de l’Etat, les idées communistes issues de la Révolution de 1949 et de Mao restent une référence pour la classe ouvrière en lutte, celle-ci jouant un rôle politique de plus en plus indépendant ; c’en est au point que le gouvernement chinois – pour des raisons qui tiennent moins à sa volonté de rester fidèle au socialisme qu’à son désir de créer un marché intérieur favorable à sa bourgeoisie nationale – est aujourd’hui traité comme un ennemi stratégique par les Etats-Unis. Bref, concernant la Chine, notre attitude est différenciée : nous y soutenons les forces socialistes au sein du parti et dans les usines, nous critiquons le mythe confusionniste du « socialisme de marché » que nous distinguons du « socialisme avec le marché » dont parlent nos amis cubains, et nous refusons tout soutien aux dissidents anticommunistes et séparatistes. En un mot nous défendons tout ce qui peut permettre à la République populaire de jouer à nouveau le rôle progressiste mondial qui fut le sien en 1949, avant qu’elle ne tangue entre tentations gauchistes et tentations thermidoriennes.
II – j’en viens à présent à l’analyse spécifique de l’Union européenne et à la stratégie qu’en conséquence, nous dessinons pour la France.
a) Nature de classe de l’UE – le condominium germano-US
Depuis la fondation du PRCF en 2004, nous analysons l’UE comme un cartel impérialiste tourné contre les travailleurs et contre les peuples souverains – y compris ceux des pays impérialistes – contre le socialisme, contre l’Europe de l’est et l’hémisphère sud, pour la domination mondiale en alliance plus ou moins conflictuelle selon les moments avec l’impérialisme US. Depuis notre fondation, au début quasi-seuls en France face à la direction eurocommuniste, aux euro-trotskistes et à certains faux léninistes qui ont mis dix ans à dénoncer l’euro, nous avons dénoncé le mythe social-maastrichtien d’une « réorientation progressiste de l’Europe et de l’euro ». Depuis 1991, nous dénonçons la nature fascisante d’une « construction » européenne qui criminalise le communisme pour mieux banaliser le fascisme. Tout cela a été confirmé hélas par l’adoption de textes officiels euro-maccarthystes, comme le rapport Lindblad, ou par la proscription des symboles et des partis communistes de la Pologne à la Tchéquie, des Pays baltes à l’ex-RDA où des milliers de communistes sont illégalement discriminés. Nous sommes fiers, depuis plus de vingt ans, d’entretenir les meilleurs rapports avec les camarades tchèques, polonais et est-allemands qui, de Zbigniew Wiktor à Vadim Gonda en passant par Heinz Kessler, ont porté haut le drapeau rouge malgré toutes les persécutions !
Depuis toujours, héritiers en cela de la grande tradition patriotique et anti-atlantique de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, nous disons que la seule solution pour notre peuple est de sortir de l’euro, de l’UE, de l’OTAN PAR LA VOIE PROGRESSISTE avec en perspective la sortie du capitalisme et la révolution socialiste. Ceux-là même qui en 2012 encore, prétendaient avec les trotskistes que « la monnaie n’est pas le problème » sans voir que l’euro est une arme politique aux mains du capital, sont venus sans le dire sur les positions anti-UE du PRCF qui d’ailleurs, ne font qu’actualiser les positions du PCF d’avant sa mutation réformiste. Qui ne voit aujourd’hui qu’au nom de l’euro, les eurocrates en viennent – sur pression directe de l’Allemagne fédérale, la puissance qui, alliée aux USA, domine le continent de la tête et des épaules – à porter le coup de grâce à la souveraineté des nations, en plaçant sous tutelle de la Troïka l’ensemble des budgets nationaux avec à la clé, une récession dévastatrice pour l’emploi et pour les salaires ?
b) Étape actuelle de la stratégie de l’UE
Or aujourd’hui, justement parce qu’elle est massivement contestée par les peuples, l’intégration européenne connaît un véritable saut qualitatif. Le but du « saut fédéraliste européen » exigé par les patrons allemands et français est de « blinder » économiquement la monnaie unique, cette arme protectionniste au service de l’industrie allemande qui, très habilement, ménage la domination planétaire du dollar tout en interdisant les politiques de dévaluation compétitive aux pays d’Europe du sud.
Mais il ne leur suffit plus désormais de détruire les souverainetés nationales par le haut, par l’Europe supranationale pilotée par Bruxelles et Francfort ; ils s’attaquent désormais « par en bas » aux Etats constitués, qu’ils soient nationaux ou multinationaux. C’est pourquoi le PRCF dénonce l’euro-balkanisation en cours des pays-membres de l’UE. Rien qu’en 2014 sont envisagés des référendums de séparation ou de semi-sécession en Ecosse, en Catalogne et peut-être au Pays basque. Alliée à Berlusconi, la Lega del norte de Bossi vomit sa bile sur la jeune république italienne. Etroitement liée à Berlin et à Washington, la NVA flamande poursuit son projet d’ « évaporation de la Belgique ». En France même, les nouveaux Kollabos du PS et de l’UMP étalent leur fascination pour Berlin et pour son modèle néo-thatchérien. C’est pourquoi le PRCF, qui ne fait pas que théoriser et parler, s’honore d’avoir aidé à la mobilisation populaire qui a permis de battre le récent projet d’annexion officieuse de l’Alsace à une euro-région transfrontalière autour du Bade-Wurtemberg. Hollande est en train de préparer l’étape finale de la décentralisation qui mettra fin à la République une et indivisible née de la Révolution française par laquelle tous les Français dépendaient de la même loi. De multiples projets ciblent aussi la langue française, qu’il s’agit de destituer pour faire place au tout-anglais européiste dans les entreprises et les universités. Et pendant que les Etats voisins de l’Allemagne se défont l’un après l’autre – on aurait pu parler de la manière « douce » dont a été divisée la Tchécoslovaquie et de la manière sanglante dont a été broyée la Yougoslavie – l’Allemagne capitaliste s’est renforcée sur des bases contre-révolutionnaires en annexant la RDA et en satellisant l’Europe de l’est, pays baltes compris où sévissent de francs nostalgiques du IIIème Reich. Ce ne sont pas là des fantasmes germanophobes mais des faits que dénoncent d’ailleurs nos camarades allemands qui savent que celui qui vous parle est un ami des travailleurs allemands puisque les fondateurs du PRCF ont créé en 1991 le Comité Honecker de solidarité internationale. Oui, nous combattons l’Allemagne des trusts qui domine arrogamment l’Europe, et oui, nous révérons l’Allemagne progressiste de Bach et de Beethoven, de Brecht et d’Anna Seghers ; et c’est avec cette Allemagne là que nous voulons reconstituer, face à l’Axe Berlin-Paris du grand capital, l’Axe rouge qu’incarnèrent jadis Maurice Thorez et Ernst Thälmann.
Car pointer la montée de l’impérialisme allemand, principal vainqueur avec Washington de la guerre froide, ne signifie en rien minimiser celui de l’impérialisme français. Les classes dominantes de notre pays ont une longue tradition de soumission à la réaction d’outre-Rhin. Déjà, pour se défendre contre les Sans-Culotte, les aristocrates français s’engageaient dans l’armée austro-prussienne pour combattre la Révolution. Au moment de la Commune de Paris, dont le point de départ fut le refus des ouvriers d’ouvrir Paris aux Prussiens, Thiers jura à Bismarck que les prisonniers français libérs « ne seraient utilisés que contre Paris ». Comme l’a montré Annie Lacroix-Riz, c’est dès le début des années 30 que le patronat français, qui s’exclamait « plutôt Hitler que le Front populaire ! », faisait le « choix de la défaite » dans le but d’assoir en France un régime fasciste sous protectorat allemand. Les ouvriers parisiens savent par ailleurs qu’après la grande grève française de Mai 68, Pompidou et Helmut Schmidt s’étaient entendus sur un « deal » par lequel la France renonçait à sa grande industrie – mines, sidérurgie, textile, machine-outil – pour se recentrer sur la finance et le tourisme. Bref, l’impérialisme français est prêt à porter un coup mortel, non certes au « site France » comme producteur de plus-value, mais à ce qui reste du « produire en France » ; pour mondialiser ses profits, l’oligarchie « française » est prête à démolir les bases culturelles et économiques de l’existence nationale du peuple français. C’est pur dogmatisme, pur refus d’étudier les textes de l’ennemi, que de ne pas lire le scandaleux « manifeste » patronal édité par le MEDEF et intitulé « Besoin d’aire ». Tout y est sur la mort programmée de la nation : la France n’est plus évoquée que comme ce qu’il faut dépasser au profit de « notre nouvelle patrie, les Etats-Unis d’Europe » ; la république une et indivisible issue de la Révolution doit céder la place aux « territoires reconfigurés » : Alsace tournée vers l’ « espace germano-suisse », Roussillon fusionnant avec la Catalogne ex-espagnole, etc. Une nouvelle « langue pour l’Europe », le business English succèderait à la langue de Victor Hugo. Tout cela dans le but d’araser les acquis du « Conseil National de la Résistance », c’est-à-dire l’œuvre des ministres communistes de 1945 : conventions collectives, droit du travail, Sécurité sociale, retraites par répartition, service public, secteur industriel public… Combien serions-nous coupables envers notre peuple et envers les autres peuples, si par dogmatisme, méprisant l’héritage du PCF qui devint le premier parti de France en 1945 à l’issue du combat patriotique, nous décidions de fermer les yeux sur la stratégie antinationale du patronat français qui vient encore de déclarer ces jours-ci, à l’adresse de Hollande, que si l’accord scélérat sur l’emploi entre le MEDEF et la CFDT n’était pas adopté tel quel au parlement, le MEDEF appellerait les investisseurs à déserter le site France ! Oui, sans complexe et conformément aux conseils de l’ultime congrès du Komintern, nous devons prendre en main les deux drapeaux historiques du peuple français, le drapeau rouge de la Commune et le drapeau de la Révolution française, la Marseillaise et l’Internationale, non pour rallier les positions nationalistes, mais tout au contraire, pour arracher s’il en est temps encore la nation aux griffes de Marine Le Pen, et pour refaire du patriotisme, clairement tourné contre l’UE et l’OTAN, le levier de masse de la révolution socialiste dans notre pays !
Et c’est là aussi un service à rendre à tout le mouvement progressiste mondial. Si en effet, après avoir démoli l’héritage de Stalingrad et d’Octobre 17, la réaction mondiale, reniant le passé révolutionnaire de la bourgeoisie, parvenait à dissoudre le pays de Robespierre dans l’acide de l’Europe supranationale et l’Union transatlantique, cela porterait un nouveau coup au mouvement progressiste international. Nous communistes ne devons-nous pas, sur NOS bases marxistes, défendre le meilleur des révolutions passées, ne devons-nous pas reprendre, sur nos bases, l’héritage démocratique de Garibaldi et des républicains espagnols, de John Brown et de Bolivar, de Marti et de Sun Yat Sen, de Kossuth et de Dombrowski, des Chartistes et de Connolly ? Comme le disait Lénine, « on ne peut devenir communiste qu’après avoir enrichi sa mémoire de la connaissance de toutes les richesses créées par l’humanité ». Nous sommes communistes parce qu’à travers les dates clés de la Commune, d’Octobre, de Stalingrad, du 49 chinois, du 59 cubain, du 74 vietnamien, nous portons l’histoire de toute l’humanité progressiste, avec esprit critique certes, mais sans étroitesse pseudo-révolutionnaire.
C’est pourquoi, si modeste que soit notre organisation, elle est fière de proposer une alternative qui respecte l’histoire de notre pays et qui part du rapport des forces dans lequel nous combattons aujourd’hui.
Confrontée à son projet de « sauf fédéral européen » que notre peuple le rejette (voir le référendum de 2005 où le peuple français a dit non à la constitution européenne), l’oligarchie voudrait prendre notre peuple en tenaille entre l’UMPS, c’est-à-dire le bloc des partis euro-constructifs de la droite et de la social-eurocratie, et ce que nous appelons l’ « UM’Pen », c’est-à-dire le bloc en gestation de la droite sarkozyste et de l’ultra-droite lepéniste. Aux premiers est dévolue la mission de casser la France au nom d’un faux internationalisme, aux seconds celui d’écraser le mouvement ouvrier au nom d’une version raciste de la nation. Face à cela, libre au Front de gauche de vitupérer le PS tout en adhérant comme lui à la mythique « Europe sociale ». Libre aux trotskistes de refuser de défendre la nation en abandonnant le produire en France, donc la classe ouvrière, à la démagogie du FN. Libre à certains faux léninistes d’agiter folkloriquement le drapeau rouge, tout en refusant de d’exiger la ré-industrialisation planifiée du pays. Pour nous PRCF, qui connaissons l’attachement des ouvriers à leur pays, la voie est claire : il s’agit d’allier étroitement, sous le primat de la classe ouvrière, de l’union des communistes, de la dénonciation de l’impérialisme français, du soutien résolu aux travailleurs immigrés, de la solidarité anticoloniale avec les communistes des DOM dans les formes qu’ils auront décidées, d’associer étroitement la lutte patriotique et antifasciste au combat de classe anticapitaliste. Nous appelons tous les communistes de France, où qu’ils soient organisés, à s’unir à la porte des usines pour former une Convergence d’action communiste, socle potentiel d’un futur parti communiste ; c’est dans cet esprit unitaire, sans classer les communistes en fonction du fait qu’ils ont ou pas conservé leur carte au PCF, que nous participerons aux Assises du communisme prévues en juin. Dans cet esprit unitaire, nous saluons la présence ici-même de nos amis de Réveil communiste, du Réseau communiste du Rhône et des sections PCF de Vénissieux et de Douai, de la Gauche co, des Rouges Vifs-Paris représentés par le camarade cheminot Jean Calvary. Pour sortir de l’euro, de l’UE, de l’Otan et du capitalisme, unissons-nous dans l’action indépendamment de la direction du PC-PGE !
De même soutenons-nous les efforts du Front syndical de classe, et plus largement, de tous ceux qui font vivre en bas le syndicalisme de classe de la grande CGT et des syndicats FSU, des syndicats qu’il faut affranchir du mortifère « syndicalisme rassemblé » que pratique l’état-major CGT au lieu de rompre avec les dirigeants jaunes de la CFDT et de la Confédération européenne des syndicats.
Enfin, nous proposons à notre peuple la mise en place d’un Front de résistance antifasciste, populaire, patriotique et progressiste. Centré sur le monde du travail, ce front s’étendrait à toutes les couches sociales précarisées par l’UE ; il comprendrait, non seulement des communistes, mais des républicains de progrès et des patriotes unis sur les idées du Conseil National de la Résistance : indépendance nationale, antiracisme, coopération internationale, nationalisation des monopoles, progrès social, en ajoutant à ce socle, porté en 1945 par Duclos et Frachon, la défense de l’environnement contre le tout-profit, une politique d’égalité entre les sexes et de nouveaux traités internationaux en rupture radicale avec la Troïka. Non seulement dans les conditions actuelles ce front populaire et patriotique ne nous éloignerait pas du socialisme, mais il nous en rapprocherait en suscitant de durs affrontements de classes porteurs de vastes répercussions internationales : dans les faits, la sortie de la France de l’UE par la porte à gauche, indépendamment de la social-démocratie et de l’UM’Pen, équivaudrait à l’explosion de l’UE et de l’OTAN, à un intense affrontement avec une oligarchie mondialisée qui, en rupture de gaullisme, ne se pense plus qu’à l’échelle transatlantique. Bref, le débouché de ce front populaire et patriotique ne serait pas on ne sait quelle étape intermédiaire entre capitalisme et socialisme, comme certains sectaires invétérés nous le reprochent sans bonne foi, mais la confrontation avec le capital à l’initiative du bloc populaire avec en perspective clairement posée, la révolution socialiste.
Cette perspective serait cependant privée d’avenir si elle ne disposait de solides appuis internationaux. C’est pourquoi je termine en esquissant ce que nous espérons du mouvement communiste international.
III – Pour une nouvelle étape du Mouvement communiste international
a) Le MCI menacé par la droite
Comme il a été dit tout à l’heure, le MCI a été principalement détruit par l’opportunisme de droite, ce fils du révisionnisme des années soixante et de l’eurocommunisme des années 70-80, à l’époque où Carrillo et Berlinguer se liguaient contre le PC portugais de Cunhal, puis, avec l’aide intermittente du PCF, faisaient bloc contre le PCUS. Je ne ferai pas l’injure aux communistes présents de dire que nous, PRCF, avons rompu tout lien depuis longtemps avec la direction du PCF qui coïncide désormais avec celle du Parti de la Gauche Européenne, cette courroie de transmission de Bruxelles. Si nous nous adressons « en bas », comme il se doit, aux militants sincères du PCF, ce n’est pas parce que nous cultiverions l’illusion de « remettre le PCF sur les rails de la lutte de classe ». La mutation social-démocrate du PCF-PGE est irréversible, dire le contraire serait préparer de nouvelles déceptions. Mais pour autant nous ne rejetons pas avec morgue les communistes authentiques qui, à l’intérieur du PCF et des J.C., refusent d’abandonner la faucille et le marteau. Ces camarades, qui tiennent comme nous, et souvent, mieux que nous nombre de front sociaux, méritent estime et propositions d’action et non pas condamnation ex cathedra. Nous considérons comme un grand pas en avant le texte que diffusent aux usines en lutte le réseau communiste du Rhône, le PRCF, la Gauche co, Réveil co, etc..
C’est pourquoi le PRCF a hautement apprécié la rencontre de Madrid qui, à l’invitation du PCPE, a débouché sur l’appel de plusieurs organisations communistes espagnole, grecque, italienne et françaises, pour sortir de l’UE, de l’euro, de l’OTAN et du capitalisme dans une seule dynamique. Si divergence il y a, entre ceux qui veulent agir en commun sur ces bases, il ne saurait s’agir de notre point de vue d’un différend antagonique autorisant le boycott ou l’exclusive. Au contraire, dans la droite ligne de La maladie infantile de Lénine, la politique révolutionnaire des « quatre sorties » commande l’audace et exclut l’étroitesse. Une politique léniniste, ce n’est pas une politique d’isolement, c’est une politique de large front visant à isoler l’ennemi principal pourvu que soit menée à tout instant la lutte pour la direction du front par la classe ouvrière et ses représentants politiques, les communistes. Comme le disait Lénine à l’adresse des prétendus communistes de gauche, qui confondaient communisme et sectarisme et qui plus tard, refuseront avec Bordiga d’activer de larges alliances antifascistes.
« … il n’est pas possible d’ignorer que toute l’histoire du bolchévisme, avant et après la Révolution d’Octobre, abonde en exemples de louvoiements, d’ententes et de compromis avec les autres partis, sans en excepter les partis bourgeois ».
Nous pensons même qu’à l’heure où l’Europe se fascise à vue d’œil, où les néo-nazis paradent, où des opportunistes et des sociaux-démocrates relookés en « nouvelle gauche » cultivent l’illusion de l’euro au service des peuples, le meilleur service à rendre au national-fascisme d’une part, à l’euro-opportunisme de l’autre, serait pour la classe ouvrière de ne pas prendre la tête des luttes pour la souveraineté de la nation, le tout dans la perspective clairement affichée du socialisme-communisme.
Tout cela appelle un débat ouvert, serein et argumenté au sein du MCI. Du moment qu’on est d’accord sur le léninisme et qu’on agit ensemble sur les « 4 sorties » (euro, UE, OTAN, capitalisme), il serait absurde de traiter des différends tactiques comme des antagonismes. Alors, à l’échelle internationale, nous reprenons les mots d’ordre de Thorez qui préludèrent au Front populaire et reçurent l’accord enthousiaste du Komintern : « Que les bouches s’ouvrent ! », « pas de mannequins dans le parti » et, ajouterons-nous, pas de langue de bois dans le mouvement communiste international.
Concernant la recomposition du Mouvement communiste international et de son noyau dur, le bloc des partis léninistes, nous ne ferons preuve d’aucune originalité en demandant qu’une lutte dure y soit menée contre le PGE, que la défense du marxisme-léninisme devienne l’affaire de tous ceux qui TRAVAILLENT au progrès de la théorie révolutionnaire. Nous proposons aussi de travailler sur ce que signifie hériter en communistes de l’histoire communiste. Il ne s’agit pas selon nous de demander à chacun de s’aligner sur une explication clé en mains de la contre-révolution. Nous avons pour notre part des éléments d’explication à proposer, mais nous ne les posons pas en préalables aux discussions. Il nous semble essentiel de constater que l’expérience née d’Octobre 17 et fortement relancée par Stalingrad et par ses suites, était bel et bien, acquis et défauts inclus, une expérience socialiste dont le bilan historique est aussi positif qu’est négatif le bilan de la destruction contre-révolutionnaire du socialisme. Nous pensons qu’il faut se poser en continuateurs de cette expérience, qu’il faut à son égard user de ce que Lénine appelait l’ « assimilation critique de l’héritage » en évitant l’idéalisation et la diabolisation qui sont deux manières de nier les contradictions et de refuser de tirer les leçons qui permettront de relancer l’idéal communiste dans la jeunesse.
Mais la théorie n’est pas tout : pour relancer la dynamique du MCI, il faut aussi activer davantage ce que nous appellerions les « travaux pratiques de l’internationalisme ». Nous entendons par là :
* Relancer en permanence la solidarité politique avec Cuba socialiste, avec les Cinq embastillés aux Usa, pour la levée du blocus et la restitution de Guantanamo à Cuba ;
* Défendre le droit de la RDPC à la souveraineté et à l’option socialiste en exigeant le départ des troupes US de la péninsule coréenne ;
* Activer une campagne mondiale de solidarité avec les communistes des ex-pays socialistes persécutés; soutenons aussi nos camarades de l’ex-URSS qui portent le projet de renaissance de l’URSS alors que les sondages montrent que le peuple russe juge, expérience faite, que « c’était mieux avant » ; soutenons les communistes de l’ex-Yougoslavie qui continuent le combat de la Résistance pour une fédération yougoslave unie et socialiste. Plus largement, défendons partout les victimes de la réaction, à l’exemple de Mumia Abu-Jamal qui, du fond de sa prison, ne cesse de soutenir les résistances anti-impérialistes de par le monde
* Refuser les guerres impérialistes quelque pays qu’elles ciblent en se souvenant que l’impérialisme est l’ennemi principal des peuples ; pour le reste, défendons comme Lénine le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et dans ce cadre, soutenons partout les forces les plus conséquentes ; c’est ce que nous faisons en Palestine où nous soutenons tous les patriotes, tout en privilégiant les marxistes du FPLP
* Soutenir les luttes prolétariennes dans le monde, de Changaï au Bangladesh, des métallos de la FIAT aux ouvriers roumains de Renault en passant par Aulnay, Prestalis, Good Year, tout en ciblant l’euro et l’UE ;
refuser les campagnes mensongères sur les « droits de l’homme » qui n’ont pour but que de promouvoir les « agents oranges » de l’ingérence occidentale
* En France, la poursuite jusqu’au bout de la décolonisation, y compris dans les DOM, est une condition de survie pour la nation et inversement, c’est seulement avec une nouvelle République sociale, souveraine et fraternelle que pourra s’effectuer l’intégration citoyenne des immigrés et la construction de nouveaux traités progressistes permettant à notre pays de commercer équitablement avec tous les continents, à commencer par l’Afrique.
* Enfin n’oublions pas la résistance culturelle et linguistique car une hégémonie culturelle progressiste, pour parler comme Gramsci, ne se construit pas dans la passivité par rapport à l’importation forcée sur les cinq continents d’une novlangue appauvrie et d’une pensée politique d’une pauvreté insigne, le néolibéralisme.
Un dernier point cependant : pour relancer le MCI en l’absence, pour l’instant, d’une nouvelle grande révolution prolétarienne, il faudra selon nous beaucoup de tact politique, y compris entre léninistes. Comme je l’ai dit à Madrid, nous avons par ex. affaire à un même processus continental d’euro-balkanisation des Etats. Cela nous rend solidaires de nos camarades des pays voisins de la France. Ce serait une catastrophe pour nos travailleurs que la Belgique, l’Italie ou l’Espagne éclatent et que nos luttes nationales respectives cèdent la place aux querelles internes à chaque Etat balkanisé. Inversement, si la France se décomposait en euro-régions rivales dépeçant les acquis obtenus dans le cadre national, ce serait grave pour nos voisins. Cependant les choses ne sont pas simples justement parce que nous avons des histoires nationales différentes. Par exemple traditionnellement, l’Italie et l’Espagne sont plus décentralisées que la France qui s’est construite dans un effort millénaire de centralisation. Chez nous traditionnellement, la gauche républicaine est jacobine, la droite est régionaliste. En Espagne au contraire, les franquistes étaient centralisateurs et niaient les nationalités non castillanes. Même si nous poursuivons le même but, l’union mondiale des république socialistes, nous ne pouvons pas avoir strictement les mêmes « itinéraires » politiques au nord et au sud des Pyrénées. Nous avons des mots d’ordre différents à formuler pour atteindre le même but. Ce n’est pas en niant les particularités nationales, que l’on fabriquera de l’international, c’est en articulant ces différences au sein d’un projet communiste commun, bref en étant fidèle à l’esprit du matérialisme dialectique qui rappelle qu’« … il n’existe pas de vérité abstraite, la vérité est toujours concrète ».
Conclusion:
Chers camarades, l’examen décontracté des points d’accord et de divergence, il ne devrait y avoir rien là que de naturel entre révolutionnaires. Le PRCF défend pour sa part, non dans ses attendus datés, mais dans ses orientations cardinales, la ligne de principe qui fut celle de l’IC au 7ème congrès de 1937. En France, le petit PRCF devient incontournable, c’est un fait qu’a encore attesté récemment le rassemblement du 2 février place de Stalingrad. Nous ne nous prenons pas pour meilleurs que d’autres et nous avons conscience de nos insuffisances. Nous voyons, et nous en sommes heureux, que nos camarades de Vénissieux ou de Douai ont un meilleur ancrage ouvrier que nous, que les rouges vifs de Paris sont ancrés dans le syndicalisme de classe, qu’il faut et faudra de tout pour faire revivre un vrai PCF, qui bien qu’aujourd’hui dénaturé par le PC-PGE, reste la chair et le sang de notre peuple. Mais sans le PRCF, sans son ancrage dans la Résistance d’hier et d’aujourd’hui, sans sa force de proposition stratégique et théorique, je le dis sans fausse modestie, ce parti communiste de France dont le MCI a besoin, ne renaîtra pas. Mais l’unité est un combat contre ce qui divise les communistes, que ce soit l’opportunisme ou le sectarisme. La crise politique s’aggrave, une issue réactionnaire est programmée dans notre pays si nous refusons de prendre à temps des risques unitaires mesurés. Nous avons donc tous d’énormes responsabilités devant le MCI, devant les ouvriers et les démocrates de France. Puisse cette conférence, que nous n’opposons nullement aux Rencontres internationalistes de Vénissieux ni aux efforts du collectif Polex, nous aider à forger une Convergence d’Action Communiste en France en dehors de l’influence social-démocrate et mutante. Communistes du monde, nous avons besoin de vous en ces temps incertains. Le peuple français a beaucoup apporté au communisme, de Babeuf à la Commune en passant par l’engagement anticolonial du PCF. Aujourd’hui une partie des ouvriers gravement désorientée est tentée par le FN, qui feint de défendre la nation pour mieux la déshonorer. C’est pourquoi les communistes français doivent aider si peu que ce soit à reconstituer un MCI AGISSANT et inversement, sans mégoter et en nous prenant tels que nous sommes, le MCI doit nous aider à faire renaître un grand PCF digne de son passé. Camarades, pour terminer cette intervention,
Que viva la lucha de la clase obrera ! Peoples of Europe, rise up ! Vorwärts, und nie vergessen die Solidarität ! Slava KPSS y novoie Sovietski Soyouz ! Patria o muerte, socialismo o morir, no pasaran ! E ora, e ora, potere a chi lavora! Et surtout,
Prolétaires de tous les pays, peuples opprimés du monde, unissons-nous!
Et, comme l’avaient écrit sur leur drapeau les Sans Culotte qui venaient d’arracher à la Convention bourgeoise, le 4 mai 1793, il y a tout juste 220 ans aujourd’hui, le blocage des prix et la suspension du libre marché du pain,
« Liberté, égalité, fraternité, souveraineté du peuple, ou la mort ! »
VENCEREMOS ! we shall overcome ! NOUS VAINCRONS !