Le militant paysan Baek Nam-gi, qui était dans le coma depuis qu’il avait été grièvement blessé par les forces de l’ordre lors de la manifestation du 14 novembre 2015, est décédé le samedi 24 septembre 2016 à deux heures de l’après-midi à l’hôpital national universitaire de Séoul. Agé de 69 ans, il n’avait pas repris connaissance depuis son hospitalisation. Son sort était devenu un symbole de la violence de la répression policière et des manifestations de soutien avaient été organisées en Corée et en Europe, y compris à Paris. Dès l’annonce de sa disparition, des centaines de personnes se sont réunies devant l’hôpital national universitaire de Séoul, avec un déploiement encore plus important de forces de l’ordre – des milliers de policiers ayant été dépêchés par un gouvernement aux abois, craignant une nouvelle vague de protestations. L’usage disproportionné du canon à eau par les forces de l’ordre, à l’origine de la mort de Baek Nam-gi, avait été mis en cause par Maina Kiai, rapporteur spécial de l’ONU pour les libertés d’association et de réunion, et par la fille du militant disparu, Baek Minjuhwa, qui avait témoigné devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Officiellement, Baek Nam-gi est mort d’une insuffisance rénale. Une hémorragie sous-durale, généralement associée à un traumatisme crânien, avait été diagnostiquée. Lors d’une conférence de presse dimanche, l’Association des physiciens humanistes a déclaré que la mort de Baek Nam-gi pouvait être directement attribuée à son hémorragie cérébrale et à sa fracture crânienne. Un comité d’urgence de groupes civiques soutenant le militant paysan a déclaré qu’il s’opposerait à toute autopsie vue comme une possible tentative pour les autorités sud-coréennes de tenter de se décharger de leurs responsabilités. Cette exigence a ainsi constitué le mot d’ordre des manifestants qui se sont réunis devant l’hôpital national universitaire de Séoul après l’annonce de la disparition de Baek Nam-gi.
Poursuivi pénalement par les groupes civiques défendant Baek, avec six autres responsables policiers, l’ancien chef de la police Kang Sin-myeong avait refusé de présenter des excuses à l’ancien militant paysan lors d’une audition parlementaire le 12 septembre 2016, en prétendant qu’il fallait d’abord identifier clairement les causes de l’état de Baek Nam-gi. Aucun responsable gouvernemental sud-coréen n’a a fortiori jugé nécessaire de s’excuser.
Le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud (CILD) salue la mémoire et les combats de Baek Nam-gi, qui témoignent du rôle d’avant-garde joué par le mouvement étudiant pour lutter contre la dictature militaire. Né en 1947 à Boseong, il avait été expulsé de l’Université Chung-Ang de Séoul en 1971, dans un contexte où le Général Président Park Chung-hee (père de l’actuelle Présidente Park Geun-hye) avait envoyé la police dans les campus universitaires pour disperser les manifestations de protestation qui avaient grandi après sa réélection contestée. Autorisé à se réinscrire à l’université, Baek Nam-gi avait ensuite été à la tête des manifestations étudiantes contre l’instauration de la dictature Yusin par le Général Park Chung-hee en 1972, et avait dû se cacher – notamment dans la cathédrale de Séoul, où il s’était converti au catholicisme. A nouveau expulsé de l’université en 1975, il avait pu la réintégrer après l’assassinat de Park Chung-hee en 1979. Après l’instauration de la loi martiale dans tout le pays en 1980 par Chun Doo-hwan, Baek Nam-gi a fait partie des étudiants arrêtés dans les dortoirs, une troisième fois interdit d’entrée à l’université et condamné à deux ans de prison, avant d’être libéré en 1981. L’ancien leader étudiant s’était ensuite attaché à défendre les droits des paysans pauvres.
Sources : The New York Times, The Korea Herald.
Les forces de l’ordre?