Face à l’aggravation de la situation sociale des masses et au diktat insolent des importateurs de biens alimentaires et des grossistes,
Edifions les instruments d’organisation des luttes pour l’instauration d’un véritable Etat démocratique populaire de progrès!
La hausse sans précédent du prix des biens alimentaires de base importés, hausse fortement amplifiée par le diktat des importateurs et des grossistes, a déclenché depuis plusieurs jours des manifestations de jeunes dans toutes les villes et régions du pays. La révolte des jeunes des milieux populaires et ouvriers traduit le fait que la situation a fini par devenir insupportable face à la misère, au chômage, à l’impossibilité d’avoir son logement et de se marier, à la corruption, à l’enrichissement insolent d’une toute petite minorité de la société, à l’arbitraire, à l’arrogance de ceux qui dirigent le pays grâce au bourrage des urnes et verrouillent la vie politique, à l’absence d’avenir pour les couches sociales les plus démunies.
Cette situation n’est pas le résultat de la politique d’un homme ou d’un groupe de dirigeants, de simples erreurs politiques ou d’une mauvaise « gouvernance ».
Elle n’a pas commencé avec Bouteflika et elle ne finira pas avec son départ. C’est la conséquence du grand tournant effectué ouvertement vers le capitalisme à la fin des années 1980 et camouflé sous l’enseigne des « réformes ». Ce tournant a été imposé par les partisans du capitalisme au sein du régime, avec à leur tête Chadli. Ils avaient joué la carte de l’intégrisme islamiste pour détourner le peuple des véritables solutions à la grave crise économique créée par les choix de classe de ce même régime, diviser les travailleurs et les jeunes, éliminer politiquement et physiquement leurs vrais défenseurs, les communistes et les progressistes. L’accord passé avec le FMI en 1994, revendiqué et soutenu par tous les partis bourgeois sans exception, islamistes ou « modernistes », avait servi d’alibi pour imposer avec hypocrisie ce tournant comme un « moindre mal » ou comme une fatalité dictée par la « mondialisation ». Le désespoir de larges catégories de jeunes et de leurs parents face à une voie sans issue dans le cadre de ce système exprime l’approfondissement des inégalités entre une infime partie de la population possédant tout et l’immense majorité de la société réduite à vivre dans la précarité sans garantie du lendemain.
Quelques milliers de famille se partagent l’essentiel du revenu national et des rentrées pétrolières grâce aux privatisations, à la libéralisation du commerce extérieur qui a placé sous le contrôle d’une bande de gros magnats plus de 3000 milliards de dinars de flux financiers, à la restitution des terres agricoles nationalisées en 1973, au lotissement d’immenses parcelles de terre fertile de l’Etat, à la subordination du secteur bancaire public aux intérêts égoïstes d’une poignée d’heureux élus du régime, aux exonérations fiscales et sociales qui ont fait baisser les prélèvements fiscaux sur le privé de 60% en 20 ans, à l’exploitation par les sociétés privées de jeunes payés par l’Etat dans le cadre de la prétendue politique de soutien à « l’emploi-jeunes ». Les taxes douanières ont été fortement baissées ces dernières années, notamment après l’accord d’association avec l’Union européenne qui a fini par achever les secteurs productifs du pays. Mais ces baisses n’ont pas profité aux consommateurs. Les prix des biens importés n’ont jamais connu de diminution. Le fruit de ces baisses s’est transformé en profits supplémentaires pour les importateurs, échappant au fisc grâce à leurs nombreux acolytes dans les appareils d’Etat.
20 ans d’application d’une politique capitaliste, 30 ans de sabotage du secteur public économique, n’ont apporté au peuple et au pays que misère plus grande, inégalités et injustices croissantes, arriération économique sans fin, destruction du tissu industriel que l’Algérie avait commencé à créer dans les années 1970 en investissant l’argent du pétrole pour garantir l’avenir des nouvelles générations.
La cause de la grave impasse actuelle est à rechercher dans cette politique qui se poursuit depuis 30 ans et pas dans de prétendus retards et freins aux réformes ou à « l’autisme » des dirigeants comme le claironnent la presse bourgeoise gavée par les recettes publicitaires et les politiciens rusés et fourbes des riches. Les profiteurs du capitalisme réel algérien ont une faim insatiable. Ils exigent toujours plus de mesures en leur faveur sans que leur système ait réussi à mettre sur pieds quoi que ce soit de comparable aux réalisations enregistrées dans les années 1970, en moins de dix ans, malgré les erreurs commises et des visions hégémoniques anti-ouvrières qui avaient entravé à l’époque la mobilisation populaire sur des bases démocratiques. Aucun industriel privé digne de ce nom n’a montré qu’il était capable de faire mieux que les entreprises publiques pendant les années 1970. Le pouvoir n’a rien fait d’autre depuis 20 ans que fermer la plupart d’entre elles pour remplacer leur production par l’importation, y compris la levure!
Dans ce capitalisme glouton, avide et à courte vue – peut-il être autre chose que cela dans un monde dominé par quelques puissances impérialistes décidées à briser les derniers arrivés ? – les nouveaux riches, chouchoutés par leur pouvoir depuis 30 ans, en arrivent jusqu’à considérer comme inacceptable le simple fait de facturer leurs ventes, de payer par chèque et de déposer leur argent dans les banques! Un travailleur salarié paye comparativement trois fois plus d’impôts sur le revenu qu’un gros importateur, un industriel ou un affairiste! Comment peut-on supporter une injustice aussi criante?
A chaque avantage fiscal ou social accordé aux riches, le pouvoir cherche à équilibrer le budget en dévaluant de façon scélérate le dinar. Cette manipulation engendre la hausse du prix des biens importés et ne touche de plein fouet que le pouvoir d’achat des travailleurs, des retraités, des petits paysans et de ceux qui ne vivent que des maigres pensions de l’Etat. Les immenses réserves en devises du pays – 155 milliards de dollars! – sont stérilisées dans les banques étrangères ou ne servent qu’à financer des dépenses d’infrastructure non prioritaires comme l’autoroute Est-Ouest. Des centaines d’usines auraient pu être construites depuis que les revenus pétroliers se sont améliorés en 2000. Mais le régime a opté pour le gel ou la destruction du potentiel industriel public au nom du désengagement de l’Etat de la sphère économique.
Une fraction du pouvoir actuel est maintenant effrayée par des perspectives qui peuvent devenir plus sombres avec l’aggravation prévisible de la crise mondiale du capitalisme et une chute du prix du pétrole qui pourrait en résulter malgré les « prophéties », sujettes à caution, sur une hausse des prix à attendre de la croissance en Chine et en Inde. Elle tente de freiner l’hémorragie des devises en resserrant le contrôle sur les relations financières extérieures de l’Algérie. Il est faux de croire que cette frange du pouvoir a fini par comprendre qu’il faut revenir à une politique en faveur des masses populaires. Ce qui la fait agir au point qu’elle entre en conflit avec les intérêts à court terme des capitalistes compradores ou industriels, avec ceux des couches les plus parasitaires du capitalisme, c’est la défense même du capitalisme face au danger d’une révolution populaire qui exproprierait les possédants. Tant mieux pour le développement du pays si elle réussit à ré impulser le développement des forces productives en réhabilitant le secteur public. Mais les intérêts capitalistes que ce groupe veut consolider durablement, y compris en relançant le secteur public industriel, continueront à constituer un frein sérieux à un authentique développement économique global. Les mesures prises à cette fin, comme l’instauration du crédit documentaire, sont inopérantes parce qu’elles évitent soigneusement d’éponger, par la hausse du taux d’imposition des plus riches et des taxes douanières sur les biens de luxe, l’énorme masse de revenus détenues par cette petite minorité de super privilégiés. S’attaquer à ces revenus, c’est s’attaquer la base sociale du pouvoir!
Il n’y a pas de salut à attendre de l’intérieur du régime ni des partis bourgeois d’opposition à la recherche du soutien des puissances impérialistes pour les aider soi-disant à « instaurer la démocratie », ou la « démocratie certifiée » par la « communauté internationale » des USA, de la France et de l’Allemagne. Ces partis, le RCD, le CCDR, Benbitour et compagnie, défendent le capitalisme, les bourgeois anciens ou nouveaux, les multinationales. Ils cherchent seulement à obtenir un meilleur partage des clés du régime.
Les jeunes, les travailleurs, les couches populaires, ne doivent compter que sur leur propre lutte, leur propre travail unitaire et organisé pour créer les conditions de vrais changements politiques et sociaux avec l’avènement grâce à leur combat organisé d’un Etat de démocratie populaire véritable qui prépare le renversement radical du capitalisme. En dehors d’un tel régime il est illusoire de penser que le pouvoir actuel et les bourgeois qui le soutiennent peuvent mettre les revenus pétroliers au service d’un développement réel qui profiterait aux producteurs de richesses, aux travailleurs, aux petits fellah et aux artisans, à tous ceux qui ne vivent que du produit de leur travail personnel, améliorerait leur condition de vie, supprimerait la répartition injuste du revenu national, réduirait la dépendance par rapport aux Etats impérialistes.
Les jeunes en colère doivent isoler les casseurs manipulés, éviter de tomber dans le piège des manipulateurs qui cherchent à les utiliser pour préparer des changements d’équipe à l’intérieur du régime afin que rien ne change radicalement. Il faut mettre fin à la destruction et à la casse qui ne font qu’aggraver la situation du peuple.
La solution à la crise actuelle est de construire les instruments de mobilisation pour réaliser les aspirations des exploités et des couches marginalisées: un parti communiste fort et enraciné au sein des travailleurs, des syndicats de classe indépendants, des organisations de jeunes chômeurs, travailleurs, étudiants, paysans, hommes et femmes, un front démocratique populaire de progrès.