Ce dimanche 19 décembre 2021 l’élection présidentielle au Chili est d’un enjeu tout particulier alors que toutes les forces capitalistes, soutenues par les régimes impérialismes capitalistes de Washington à Berlin en passant par Bruxelles et Paris, espèrent reprendre la main avec la mise en place du fasciste Kast. Face à lui, les forces progressistes peuvent l’emporter dans les urnes avec Boric, candidat soutenu notamment par le parti communiste du Chili qui est actuellement la première force d’opposition. Après avoir donné hier la parole au parti communiste du Chili par la voix d’un de ses représentants en France, Initiative Communiste partage un dossier spécial avec une sélection d’articles que nous avons publié depuis 2017, retraçant la mobilisation populaire formidable qui a imposé malgré la sanglante répression en 2019 un référendum pour une constituante et l’abrogation de la constitution Pinochet. Ainsi que la traduction d’une tribune de réflexions de nos camarades du parti communiste du Venezuela, réalisée par la commission internationale du PRCF.
Con la misma esperanza y alegría de nuestro cierre de campaña, con la confianza de que vamos a vivir mejor, vamos todos y todas a votar para cambiar Chile. #VotaParaVivirMejor pic.twitter.com/Zbhp5hs6sO
— Gabriel Boric Font (@gabrielboric) December 19, 2021
Le dossier spécial Chili d’Initiative Communiste
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Chili, la dichotomie entre fascisme et transformations sociales
par la Tribuna Popular, organe informatif du comité central du parti communiste du Venezuela
7-12-2021. (Karen Medina Eguiluz*) Les résultats des récentes élections qui ont eu lieu le 21 novembre au Chili nous posent sans doute un scénario politique complexe, dans lequel la dichotomie est soit avancer avec les transformations sociales et en finir avec autant de privilèges et d’inégalités, soit permettre l’installation du fascisme au gouvernement. Le contexte est préoccupant pour le camp progressiste, mais surtout c’est une menace pour les espoirs du peuple du Chili dans la nouvelle constitution, si l’on considère un résultat dans lequel au premier tour l’ultradroite l’emporte dépasse le candidat de j’Approuve la Dignité, avec 28.7% pour José Kast, et 26.2% pour l’heure à Gabriel Boric.
Il est évident que la droite réussit à rebondir du gros coup qu’a signifié pour elle le triomphe du plébiscite en faveur de la nouvelle Constitution, avec un dévastateur 78% pour l’option J’Approuve, et 77% pour l’option Convention Constituante. Les progressistes et démocrates-Femmes et hommes confondus-nous ont prévenu que-dans un pays où le vote n’est pas encore obligatoire-cette fois ne comprendrait pas le vote écrasant du mouvement social qui était derrière l’épidémie et le plébiscite constituant. Pourquoi le scénario politique de ces derniers mois au Chili a-t-il tant changé ?
On peut expliquer la forte abstention de 54% dans une campagne qui n’est pas parvenue à s’approcher du « vote de j’Approuve », cette fois alors qu’il n’est pas parvenu à véhiculer le discours de l’importance de soutenir collectivement un processus qui ne s’arrêtait pas à la Convention Constituante, car il a besoin d’un gouvernement qui accompagne et collabore avec le processus, ce qui est la clé nécessaire à son succès. Et si on testait un bouton : la tâche des 155 membres de la convention a été « boycotté » par le gouvernement actuel de Piñera-depuis juillet dernier les salaires des collaborateurs du Président n’étaient pas versés-la gestion restait entre les mains du secrétariat de la Présidence
qui montrait à l’évidence leur désintérêt manifeste pour l’initiative. Ils n’avaient même pas au début un lieu où siéger.
De son côté, la presse même hégémonique a aussi joué son rôle en pariant sur l’usure du processus constituant, tout en rendant invisible son avance et ses points forts et en s’asseyant sur une vision critique de la citoyenneté par rapport à des polémiques et des évènements conjoncturels. A cela on peut ajouter le rôle des 34 membres de droite de la convention qui jettent résolument un discrédit permanent, et qui, bien qu’étant une minorité obtiennent une évidente « tribune » des moyens de la classe dominantes et de ses institutions alors que le Collège des journalistes du Chili revendique le droit à la libre expression et le pluralisme d’information. Et dans ce scénario, la distance discursive de la campagne présidentielle et parlementaire avec les exigences du mouvement social « estallido » s’est reflétée dans bien des aspects, à commencer par les spots et mercatique de campagne, jusqu’au manque d’intégration du monde social en son sein.
Alors même que leur programme pose la question des transformations fondamentales pour les grandes majorités remises à plus tard, comme la fin des AFP pour garantir le droit à des pensions de retraites dignes pour les anciennes et les anciens, et pour en finir avec ce qui a été négocié par les compagnies privées, leur récit n’a pas enthousiasmé des milliers de jeunes à l’origine du mouvement social « estallido » à voter, et qui posaient avec force ces revendications.
Par conséquent, l’abstention donne Kast en tête avec un peu plus de deux points d’avance, et un Congrès d’équilibres, avec une droite encore plus conservatrice fortement représentée, disposée à tout pour freiner le processus de changements qu’impliquera la nouvelle Constitution. L’Ultradroite vient d’obtenir 14 sièges qui s’ajoutent à ceux de l’UDI et du RN ; « Apruebo Dignidad » en gagne 20, 4 députés dissidentes du LGBTIC, tandis que le Parti Communiste avec Daniel Jadue augmente sa participation au Congrès de 9 à 12 et gagne 2 sénateurs. Après 48 ans d’absence il intègre la Chambre Haute et devient la deuxième force d’opposition au Chili.
Parce que le candidat de l’ultradroite représente justement l’annulation des avancées en faveur des transformations, parce que lorsqu’il parle sur le « futur » et qu’il propose un projet de société qui rétrograde et nie tout nouveau pas vers l’humanité, parce qu’il nie les droits de reproduction de genre, et qu’il propose d’éliminer le Ministère des Femmes, parce qu’il rejette l’intégration et que sa haine des migrants et des pauvres est évidente et qu’il propose de les jeter dans un fossé et qu’en outre il ignore le droit à la justice et à rendre justice aux victimes des violations aux Droits de l’Homme, et qu’il n’est pas de son intérêt de mener une politique qui affronte les changements climatiques, parce qu’il ne croit pas en lui !
Ses représentants ont fait remarquer que le droit au logement n’a pas lieu d’être ; en outre il pousse des millions d’anciens à vivre dans la misère et plaide en faveur du statu quo sur le système privé des pensions des AFP pour mettre un terme aux négociations.
Les conquêtes sociales majeures du XXème siècle constituent une menace pour le programme de Kast, qui compte bien mettre à partie le pouvoir économique.
La sale guerre de l’Ultradroite contre Gabriel Boric au moyen des fausses nouvelles est un autre facteur.
Sans la moindre pudeur il a centré sa stratégie sur la campagne de discrédit et des affirmations infondées au sujet d’un supposé cadre d’addictions de Gabriel Boric qui « l’invaliderait à gouverner », et il a soutenu l’idée selon laquelle la légalisation de l’avortement se traduirait en plus grande mortalité maternelle.
De la même façon que Trump et Bolsonaro, discréditer de façon permanente et journalière avec des fausses nouvelles a été en grande partie la stratégie du fascisme. Ce procédé
malhonnête compte lamentablement sur la complicité des grands moyens exclusifs de communication, qui n’hésitent pas à diffuser ces nouvelles sans confirmer leur véracité, ni même de permettre aux intéressés le droit à répliquer.
Cette campagne de mensonges s’accompagne du discours de la terreur et de la haine qui a caractérisé Kast et qui laisse la preuve de sa posture fasciste face au monde, avec un discours anticommuniste exacerbé qu’il répète à chaque fois qu’il prend le micro.
Sa logique vise à rendre plus fortes les contradictions, contre la mobilisation sociale, en faveur de ‘l’ordre », et de la domination et la violence de l’Etat, en discréditant la mobilisation sociale, en mettant ainsi la tension sur les contradictions des processus sociaux, en identifiant arbitrairement les opposants mobilisés comme étant des responsables du « terrorisme et du chaos » avec lequel il dit mettre un terme, en menaçant toute nouvelle tentative de transformation qui cette fois serait synonyme de chaos et de violence.
Dans son programme, le candidat fasciste propose de fermer le musée de la Mémoire et l’Institut des Droits de l’Homme, et de retirer le Chili de la Commission Internationale des Droits de l’Homme-DDHH. Et comme le fit Pinochet, il prétend faciliter au Président l’arrestation de personnes dans des lieux qui ne soient pas des prisons, comme aux temps de la dictature, où la CNI et la DINA ont enfermé, torturé et fait disparaitre des milliers de personnes.
L’Unité d’un large secteur de l’opposition-qui a apporté et même fortifié le programme du gouvernement-c ’est la stratégie pour ces jours. A l’adhésion des ex-candidats à la présidence yasna provoste et marco Enriquez Ominami, par centaines les organisations sociales et des travailleurs qui ont appelé à voter pour Boric ce 19 décembre. De la même façon, d’importants collèges professionnels, étudiants du secondaire et universitaires, environnementalistes, écrivains, musiciens, sportifs, victimes oculaires du mouvement social-comme les emblématiques Gustavo Gativa et Fabiola Campillai, qui a finalement été élue.
Toutes et tous dans le monde populaire et démocratique ont manifesté ouvertement leur soutien au candidat de Apruebo Dignidad. Même la propre ex-présidente Michelle Bachelet, qui lors d’une vidéo a rendu publique sa sympathie pour l’avancée du processus constituant et son vote en faveur de Gabriel Boric.
Ce dimanche 19 la participation doit l’emporter sur la peur et l’abstention. La mobilisation des toutes celles et tous ceux qui aspirent à un pays avec des transformations sociales en faveur des grandes majorités, et de celles et ceux qui ont manifesté aux côtés du triomphe de Apruebo lors du plébiscite de 2020, seront la clé pour renverser le fascisme, comme pour continuer l’agenda des transformations dont le Chili a tant besoin.
*Karen Medina Eguiluz. Journaliste, Licenciée en Communication Sociale. Collaboratrice aux journaux El Siglo-Le Siècle- et El Ciudadano-Le Citoyen-, Experte électorale et en stratégies de l’information et de la communication. Conseillère Métropolitaine, Collège de Journalistes du Chili.
Traduction et arrangements : Antoine LUCI Pôle Hispanique Commission Internationale PRCF pour www.initiative.communiste.fr