Déclaration de la commission Internationale du PRCF – 08 novembre 2020
Le verdict est enfin tombé : après près de 100 heures d’incertitude, Joe Biden est devenu le 46e président des États-Unis d’Amérique, au terme d’une élection démontrant l’ampleur des fractures minant les États-Unis.
Le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) se félicite fortement tout d’abord de la défaite de Donald Trump, mettant fin à un cauchemar de quatre années qui a favorisé l’extension des « idées » suprémacistes, racialistes et créationnistes, accentué les inégalités sociales et la domination des forces du grand capital de Wall Street, accéléré la dynamique exterministe du capitalisme destructeur de la nature, et débouché sur des agressions répétées contre les républiques bolivariennes et socialistes d’Amérique latine – jusqu’au coup d’État en Bolivie en octobre 2019 – et sur le soutien accru au sionisme colonisateur. Cette défaite est d’autant plus salutaire qu’elle marque (au moins temporairement) l’échec d’une stratégie basée sur l’hystérisation politique, ressort majeur de la fascisation. C’est en outre une défaite par ricochet pour le prétendu « Rassemblement national », l’une des rares forces politiques françaises qui avait salué la victoire du misogyne, raciste et fascisant Trump en 2016 et qui, en fidèle caniche de l’impérialisme suprémaciste, reprend à son compte les accusations de fraude électorale dénoncées par le futur ex-président des États-Unis.
Mais la victoire de Joe Biden ne saurait faire illusion ni spécialement réjouir tou(te)s les militants franchement communistes. En effet, en obtenant près de 71 millions de voix (soit huit de plus qu’en 2016), en remportant des États comme la Floride ou l’Ohio, en s’inclinant de peu dans des États comme le Nevada, la Pennsylvanie ou la Géorgie, Donald Trump démontre qu’il dispose d’un puissant socle électoral acquis à ses idées nauséabondes et trompé par ses fausses promesses de réindustrialiser un pays détruit par la « mondialisation heureuse » dont Biden est le chantre – sans en être un nouveau visage. Il est en effet difficile de se réjouir du succès d’un homme qui a soutenu mordicus la désastreuse intervention impérialiste en Irak en 2003, qui a tenu des propos « douteux » à l’encontre des classes populaires afro-américaines – il n’est d’ailleurs pas surprenant qu’une partie des Afro-Américains et Latinos aient encore plus voté pour Trump qu’en 2016 –, qui considère que la Russie est « la plus grande menace pour l’Amérique », qui s’apprête à accroître la « concurrence » pour la Chine et appuie le sionisme et le transfert de l’ambassade états-unienne de Tel-Aviv à Jérusalem ; quant à l’Amérique latine, si Biden s’est montré moins véhément que Donald Trump à l’encontre des régimes progressistes, celle-ci n’est pas à l’abri de nouvelles foucades de l’impérialisme états-unien, d’autant plus que l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) connaît un certain rebond avec le succès des partisans de Morales en Bolivie et, parallèlement, le rejet de l’héritage de Pinochet au Chili.
Les États-Unis viennent d’offrir un pitoyable (et non achevé) « spectacle » démontrant la réalité de ce qu’est la « démocratie libérale », un simulacre d’élection « libre » dont le verdict est désormais refusé par les vaincus : ainsi Trump s’embarque-t-il dans une procédure juridique pour contester le résultat tout en excitant ses partisans les plus fanatiques, prenant au piège des « démocrates » qui ne cessaient d’accuser la Russie et la Chine d’ingérence pour expliquer le succès de Trump en 2016. Rappelons qu’en France même, les soi-disant « démocrates » avaient fait adopter le traité de Lisbonne en février 2008, qui reprenait le contenu du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TECE) rejeté le 29 mai 2005 par 55% des Français (et près de 80% des ouvriers). Cela démontre combien la juste parole de Bertolt Brecht se vérifie : « Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie (bourgeoise) mais son évolution en temps de crise », ce que le PRCF ne cesse de dénoncer depuis des années en combattant une fascisation qui progresse dans le monde entier et qui est désormais galopante en Europe et aux États-Unis.
Et c’est pourquoi, plus que jamais, le PRCF appelle à en finir avec l’UE (et son euro de malheur), « partenaire stratégique » de l’OTAN qui multiplie les manœuvres aux frontières de la Russie par le biais des « exercices militaires » et du soutien aux soi-disant « révolutions colorées », avec l’OTAN qui pousse à la guerre contre la Russie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord ou encore les régimes progressistes d’Amérique latine (Cuba socialiste et Venezuela en tête), et avec le capitalisme-impérialisme qui sème le désordre et le chaos dans le monde entier, et à l’intérieur même des États-Unis.
En France, cela passe par l’indispensable combat en faveur d’un projet associant les drapeaux rouge et tricolore, la Marseillaise et l’Internationale, en somme le Frexit progressiste que seul un Parti franchement communiste assumant l’héritage marxiste-léniniste – Parti que s’évertue à reconstruire le PRCF – peut porter de manière offensive, donc en élaborant une Convergence nationale des résistances à même de rassembler les communistes, insoumis, progressistes et patriotes sincèrement antifascistes et anti-européistes, les syndicalistes de combat, les Gilets jaunes, les intellectuels défendant les Lumières progressistes et communes. C’est à ce prix que nous pourrons éviter le catastrophique scénario d’un nouveau faux « duel » et vrai duo Macron/Biden-Le Pen/Trump, dont nous voyons déjà le résultat dramatique pour les citoyens progressistes et les travailleurs états-uniens. C’est à ce prix que nous pourrons, tous ensemble en même temps, reconstruire une République une et indivisible, sociale et laïque, souveraine et démocratique, fraternelle et pacifique, et ainsi rassembler tous les citoyens et les travailleurs désireux de contribuer aux nouveaux « Jours heureux ».
Pour construire les nouveaux « Jours heureux », rejoignez le PRCF !
Entretien avec J. Kaye, professeur américain. Fin connaisseur du mouvement social et progressiste aux États-Unis.
Initiative Communiste : Quels enseignements tirez-vous de la présidentielle qui vient d’avoir lieu ?
Il faudrait un livre pour répondre de manière adéquate aux leçons à tirer de cette élection. Je voudrais simplement faire quelques remarques.
Pendant des générations, la partie dominante de la gauche a été victime de la théorie du « moindre des deux maux ». Cette théorie les lie au Parti Démocrate, travaillant au service des politiciens les plus « progressistes » au sein de ce parti, imaginant qu’ils pourraient faire évoluer ce parti. Alors que beaucoup se déclareront régulièrement en faveur d’un véritable parti de classe des travailleurs, d’un parti des communautés opprimées de couleur, ils ne prennent aucune action significative pour établir ou même pour préparer un tel parti. Au lieu de cela, ils travaillent pour les Démocrates pendant les périodes électorales et tombent dans l’inaction durant l’intervalle. Ils ne s’engagent pas dans les organisations locales ou sur les lieux de travail, pour aider à faire émerger une conscience de classe. En raison de cela, en plus d’un certain nombre de circonstances objectives, dans lesquelles je n’entrerai pas, le niveau politique de la classe ouvrière est extrêmement bas.
En outre, le racisme, qui constitue aux E.U. , je crois, l’instrument politique et idéologique le plus important, pour maintenir la loi des élites, est encadré par la Gauche de façon libérale, en dehors d’une structure de classe, le racisme étant le problème de classe n°1.
La classe ouvrière a besoin d’un parti Marxiste Léniniste adulte (qui fait encore défaut) pour diriger la classe ouvrière et guider son éveil politique. Et il faut un parti de masse de la classe ouvrière pour combattre dans l’arène électorale. La Gauche, y compris les Marxistes Léninistes autoproclamés , considère les Républicains comme un mouvement qui s’accommode du fascisme et les Démocrates comme constituant un rempart contre le fascisme. L’histoire mondiale, particulièrement l’histoire du fascisme en Europe, démontre amplement que seule une classe ouvrière militante, unie et bien organisée, peut réussir à faire barrage au fascisme, et donc, il est urgent que nous cessions d’être la queue du cerf-volant du Parti Démocrate, et que nous commencions à construire un mouvement ouvrier indépendant, dans lequel les communautés de gens de couleur – spécialement les Afros Américains – puissent jouer un rôle de premier plan.
IC : il y a un Américain pour 23 personnes peuplant la Terre et près de 1 Américain sur 4 ou sur 5 décédés du COVID dans le monde (selon les estimations). Le décalage est énorme ! Comment est-il alors possible qu’un tel désastre sanitaire ne soit pas véritablement sanctionné massivement par l’électorat populaire ?
Pour comprendre comment Trump a été capable d’obtenir un tel soutien massif en dépit de cette pandémie catastrophique, il faut considérer la profondeur de la vénération pour Trump parmi une importante couche de la population – essentiellement parmi les Blancs des milieux ruraux ou des petites villes. Ils ne le tiennent ni pour responsable de la pandémie ni pour sa gestion criminelle de celle-ci, parce qu’ils adhérent à sa vision de la réalité, plutôt qu’à la réalité elle-même. Ainsi, Trump a continuellement minimisé la gravité du virus, promettant d’une part une solution rapide et de l’autre un vaccin se trouvant « juste au coin de la rue », qui mettrait magiquement fin à l’épidémie, par lequel le pays trouverait ça comme étant le miraculeux chemin de Trump vers la « plus grande prospérité économique de l’histoire du pays ».
Un pur fantasme, oui, mais un fantasme dans lequel ses dévots sectaires sont près à le suivre. Ainsi que Trump l’a dit lui-même : « Je pourrais très bien être au milieu de la 5ème Avenue [une rue du centre de NYC] et tirer sur quelqu’un, je ne perdrais pas un seul vote ».
La question qui se pose est la suivante : quel est le fondement de cette dévotion ? L’un des plus gros problèmes dans les analyses d’IC réside en cette omission des raisons principales conduisant à ce que votre article identifie justement comme du fascisme. Et cette raison c’est le racisme et la xénophobie (elle-même motivée par le racisme, du fait qu’il n’y a aucune opposition contre les immigrants d’origine Européenne, sauf pour ceux de couleur). Alors que le racisme joue un rôle important dans les politiques européennes, cela n’a rien à voir avec le racisme virulent des EU, conditionné par 250 ans d’esclavage des Noirs, suivi par seulement un changement de cet esclavage dans le Sud au cours des 100 dernières années , après une très brève période de Reconstruction démocratique faisant suite à la guerre civile.
Le racisme fait des merveilles [trumps, jeu de mots avec Trump] (pardon pour le calembour) au-delà de toute autre considération, même avec la pandémie, dans les esprits des supporters de Trump. Un racisme auquel Trump a lâché la bride – un effet véritablement libérateur pour ceux qui avaient dû maitriser leurs plus directes expressions et pratiques du racisme, celles que même les Républicains bon teints avaient trouvé judicieux de ne pas développer. Et on peut y ajouter un machisme fanfaron, que ses supporters sexistes trouvent du plus bel effet.
Bien sûr, depuis la 1ère guerre mondiale, il y a eu une avancée fortement conservatrice parmi les fermiers et généralement les zones rurales. Et dans ces endroits, comme dans les petites villes américaines, qui ont été délaissées par les politiques néolibérales menées tant par les Républicains que par les Démocrates. Ceci a créé une énorme insécurité et une tendance à la baisse de leurs niveaux de vie, ce qui les a prédisposés à s’accrocher à la bouée de sauvetage des promesses de Trump , leur garantissant le retour à l’économie des « bons vieux jours ».
Il faut ajouter qu’alors que le bouquet médiatique grand public est hostile à Trump, il a une importante source de supports inconditionnels tant dans des médias importants que dans des médias sociaux, de telle sorte que dans l’environnement médiatique, de nombreux supporters de Trump sont totalement à l’abri de la moindre critique des mensonges éhontés de Trump.
IC : Y a-t-il un risque que se déclare aux Etats Unis une sorte de nouvelle guerre de Sécession entre les «Démocrates » et les « Républicains » ? Comment les forces ouvrières, progressistes et antiracistes peuvent-elles intervenir pour que la problématique politique se recentre sur l’essentiel : la contradiction capital/travail, peuples/impérialisme ?
Comme à la question de savoir quel serait la position de la classe ouvrière et des forces progressistes amenées à intervenir dans un début de guerre civile (ou de coup d’état, qu’il soit porté par une décision juridique ou par des moyens militaires, ou paramilitaires), la question la plus pertinente dans ce contexte politique est de savoir si la classe dirigeante interviendrait – et je pense qu’elle le ferait (comme ce fut le cas déjà le cas en finançant les Démocrates deux ou trois fois plus que le montant fourni aux Républicains) en faveur de Biden. La situation économique, en situation de pandémie, même grave pour beaucoup, spécialement les communautés de couleur ainsi que la partie la plus basse de la classe ouvrière, s’est révélée globalement assez satisfaisante pour alimenter le capital et pour d’autres segments importants des Grandes Entreprises, particulièrement les grandes compagnies de la technologie, pour lesquelles la pandémie permet un rebond. En outre, la Banque de la Réserve Fédérale a garanti le marché boursier florissant d’une manière presque sans précédent, et les bénéfices sont élevés dans de nombreux secteurs. Le résultat des élections a été reçu avec enthousiasme par la Bourse.
Donc, ce dont la classe dirigeante a le plus besoin actuellement, c’est de la stabilité, pas du chaos et encore moins une guerre civile. Et ils chercheront à l’obtenir, que la paix prévale, en dépit des efforts pour conserver le pouvoir, du sociopathe narcissique de la Maison Blanche.
Je vois sérieusement la possibilité que Trump prenne la tête d’un parti d’extrême droite, ce qui va momentanément désemparer les Républicains, dont certains rejoindront Trump, tandis que d’autres vont se repositionner loin de Trump pour affronter les élections à venir. Mais bien sûr, ce ne sont que pures spéculations. Pure spéculation.
Traduit par FV pour www.initiative-communiste.fr
Un meilleur titre pour cet article: le cauchemat Trump s’achève, l’impérialisme-capitalisme continue!…