Ce dimanche 15 octobre, plus de 18 millions de vénézuéliens étaient invités à élire les 23 gouverneurs de 23 États parmi 226 candidats de droite ou bolivariens (= chavistes) – sauf à Caracas qui n’est pas un État. À cet effet le Centre National Électoral avait installé dans tout le pays 13.559 centres de vote et 30.274 tables électorales. Le taux de participation a été de 61,4 %, un taux très élevé pour un scrutin régional.
Les bolivariens remportent une large victoire avec 17 États contre 5 pour l’opposition. Celle-ci gagne notamment dans les États stratégiques de Mérida, Táchira, Zulia, proches de la Colombie, foyers de violence paramilitaire. Les bolivariens récupèrent trois États historiquement gouvernés par la droite : les États d’Amazonas, de Lara et – victoire hautement symbolique – celle du jeune candidat chaviste Hector Rodriguez dans l’État de Miranda, longtemps gouverné par le milliardaire et ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles Radonsky.
Pour mieux comprendre le ressort vivant du chavisme, il suffit de comparer deux images. En haut : une droite machiste, blanche, liée à l’entreprise privée, adoubée par Donald Trump, l’Union Européenne, Emmanuel Macron, Mariano Rajoy, Angela Merkel et les grands médias internationaux, pour « rétablir la démocratie ». En bas, les secteurs populaires – une population métissée, majoritaire, mais invisibilisée par les médias – font la fête à Petare, un des plus grands « barrios » d’Amérique Latine, après la victoire du candidat bolivarien Hector Rodriguez. (1)
Le candidat bolivarien Hector Rodriguez a gagné son pari de reprendre l’État de Miranda à la droite.
C’est le 22ème scrutin depuis que le chavisme est arrivé au gouvernement, et le deuxième de l’année (on peut y ajouter plusieurs consultations – organisées en interne et sans cadre légal – par les partis de droite en 2017). Cette élection des gouverneurs sera suivie par celle des maires puis, en 2018, par les élections présidentielles.
Ces résultats qui donnent au chavisme 54 % des votes nationaux contre 45 % à la droite sont d’autant plus intéressants que ces élections ont lieu dans un contexte difficile. Il y a deux mois et demi encore, une insurrection armée dirigée par l’extrême-droite cherchait à renverser le gouvernement élu, avec un bilan de près de 200 morts (2). Cette déstabilisation prit fin le 30 juillet, lorsque la population jusque-là restée en marge de ces violences s’est mobilisée pour élire une Assemblée Constituante. Désavouée, la droite s’est alors déchirée entre un secteur radical maintenant l’objectif de revenir au pouvoir sans passer par les urnes et un secteur acceptant de revenir à la voie électorale. Pour tenter d’infléchir le scrutin en sa faveur, la droite, le secteur privé (80 % de l’économie) et les Etats-Unis ont remis toute la pression dans la guerre économique, avec l’envol astronomique des prix de certains de produits de base afin d’augmenter le mécontentement populaire. Comme d’habitude, soucieuse d’alimenter le storytelling international, la droite a contesté les résultats, évoquant une « fraude ». Le président Maduro a répondu en demandant un recomptage de 100 % des votes.
Les experts du Collège d’Experts Electoraux d’Amérique Latine (CEELA) ont suivi l’ensemble du processus électoral.
Parmi les observateurs internationaux dont 50 experts électoraux, le colombien Guillermo Reyes, porte-parole du respecté Collège d’Experts Electoraux d’Amérique Latine (formé d’ex-présidents de centres nationaux électoraux de nombreux pays) a rappelé que le système électronique du Venezuela est le plus moderne du continent et que plusieurs jours avant l’élection, l’ensemble des partis de droite et de gauche ont participé aux essais techniques du vote, signant le rapport concluant à sa fiabilité. En 2012 déjà, le système électoral automatisé du Venezuela a été qualifié par le Centre Carter de « meilleur du monde ». (3)
Avec 22 scrutins en 18 ans de processus bolivarien, le Venezuela continue donc à battre tous les records en nombre d’élections et même si les secteurs radicaux de la droite crient à la fraude quand les résultats ne les favorisent pas, celle-ci en a remporté plusieurs, comme les législatives de 2015.
Scènes de la campagne et de l’élection régionale du 15 octobre 2017.
Contrairement à ce que les médias veulent faire croire au monde entier, la droite vénézuélienne dispose de tous les moyens pour s’exprimer. La majorité des médias, privés, et des réseaux sociaux (bots y compris…) lui est largement favorable sur les plans local, régional, national et international (4). On comprend le silence des médias internationaux sur ce scrutin qui contredit, une fois de plus, le plus grand fake news de l’histoire contemporaine : « la dictature au Venezuela ». Les urnes rappellent aux « journalistes » qu’il ne faut pas sous-estimer l’existence et la conscience du peuple vénézuélien.
Thierry Deronne, Caracas, le 15 octobre 2017
Notes
- Lire « On n’a encore rien dit du Venezuela »,https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/09/25/on-na-encore-rien-dit-du-venezuela-le-journal-de-linsoumission/
- Pour un graphique et un tableau précis et complet des victimes, des secteurs sociaux, des responsables et des personnes condamnées, voir https://venezuelanalysis.com/analysis/13081 ; Sur les assassinats racistes de la droite : Sous les Tropiques, les apprentis de l’Etat Islamique – 27 juillet 2017 ; Le Venezuela est attaqué parce que pour lui aussi « la vie des Noirs compte » (Truth Out) – 24 juillet 2017
- « Former US President Carter : Venezuelan Electoral System “Best in the World” », https://venezuelanalysis.com/news/7272
- Au Venezuela la majorité des médias, comme l’économie en général, sont privés et s’opposent aux politiques sociales du gouvernement bolivarien. Voir Mensonges médiatiques contre France insoumise, partie I : « Maduro a fermé 49 médias ». – 4 septembre 2017. On peut lire aussi, sur ce thème :Thomas Cluzel ou l’interdiction d’informer sur France Culture,http://wp.me/p2ahp2-1M7
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